Textes de Nabe, Carlos, Pound, Arundhati Roy, A-S Benoit ...

16
LA VÉRITÉ Mensuel Janvier 2004 Terrorisme - Péguy - Argent - Pub - Saddam Hussein - Michel Drucker - Milosevic - Daniel Schneidermann Textes de Nabe, Carlos, Pound, Arundhati Roy, A-S Benoit, Yann Moix, Jésus-Christ - Dessins de Vuillemin « Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? » Êpitre de Paul aux Galates (4.16) N°3 ON A TROUVÉ L’AXE DU MAL !

Transcript of Textes de Nabe, Carlos, Pound, Arundhati Roy, A-S Benoit ...

LA VÉRITÉMensuel Janvier 2004

Terrorisme - Péguy - Argent - Pub - Saddam Hussein - Michel Drucker - Milosevic - Daniel Schneidermann

Textes de Nabe, Carlos, Pound, Arundhati Roy, A-S Benoit, Yann Moix,Jésus-Christ - Dessins de Vuillemin

« Suis-je devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? » Êpitre de Paul aux Galates (4.16)N°3

ON A TROUVÉ L’AXE DU MAL !

2

EZRA POUND VOUS PARLE !Toujours par amour de la vérité, Ezra Pound effectue un retour sur l'Amérique qu'il a aimée, celle de la Révolution et de ses fondateurs (Adams, Jefferson,etc..). Il revient sur l'esprit de la Constitution qui s’est perdu à la fin du XIXe siècle à travers, notamment, des lois sur l'Or et l'Argent qui ont fait du dol-lar une monnaie pervertie. Juste un mot encore (avant de laisser la parole à notre cher éditorialiste) pour signaler que le fameux « Archie » dont il parlen'est autre que Archibald MacLeish, poète américain et ancien ami d'Ezra, qui lutta contre le fascisme et qui devint dès 1939, sous l'impulsion deRoosevelt, bibliothécaire de la bibliothèque du Congrès.

Inédit

Perduration

J’ai dit la dernière fois que mongrand-père en avait fait partieavant moi. Dit que c’était MA

guerre, et que mon grand-père avait étédedans avant moi. Et nous étions etnous sommes encore du même côté. Ladernière fois que j’ai vu le vieux, jedevais avoir environ 12 ans. Je le voisencore assis dans ce qu’on appelait labibliothèque à Wyncote, dans un grandrocking-chair, devant une drôle degrille de foyer en fer avec au-dessus leportrait de mon arrière grand-mère.C’était l’autre partie de la famille quipensait qu’ils étaient supérieurs à nous.

L’arrière-arrière-petit-fils d’unbaleinier passait son temps à étudier legrec, pendant que ceux de l’autre côtéallaient à l’université. Bien. Il arriva queje partis pour l’étranger, et je savais trèspeu de chose sur lui, et puis par chancemon père est venu me rendre visite et aapporté des albums de souvenirs. Et il yavait des coupures de journaux avec desvieilles bagarres politiques, 1878,Grover Cleveland, etc. L’arnaque de ladémonétisation du métal-argent..

C’était ça l’Amérique.C’était une promesse.

Je pourrais écrire toute une histoiredes Etats-Unis à travers des personnesinconnues, quatre ou cinq familles. Maisla Guerre a été toujours la même. JohnAdams, Jefferson, Van Buren, et Jacksonet finalement Abe Lincoln. Tous luttantcontre les usuriers enjuivés, tousessayant de gagner leur croûte honnête-ment. Tous essayant de faire que l’ar-gent de l’Etat soit honnêtement dépen-sé. Je n’ai pas lu la vie de Gallatin parHenry Adams, que ce Juif ait été hon-nête ou plus simplement habile. Je laisseça aux personnes qui peuvent avoiraccès à la vie d’Albert Gallatin parHenry Adams et la documentationultérieure. Si Jefferson avait soutenuJohn Adams, au lieu de se réconcilieravec lui quand ils étaient tous les deuxretirés des affaires, les choses auraientété différentes. Mais l’Histoire ne s’in-téresse guère à ce qui aurait pu sepasser si. Jefferson au moins a tenu têteà Alex Hamilton. Deux grandes amitiés,à la base de l’histoire des Etats-Unis.John Adams et Jefferson, Van Buren etAndy Jackson. On peut passer sontemps à lire cette histoire-là. Lesgarçons qui la lisent seront de meilleurscitoyens. Ca rend tout jeune hommeplus américain à condition qu’il s’entienne d’abord à la vraie histoire améri-caine avant d’avaler les perversionsexotiques.

Comment en est-on arrivé là ?POURQUOI Signor Zobi offrait-il en1850 les U.S. à l’admiration de l’Europe ?Racontant George Washington à seslecteurs. Pourquoi Landor, connu de laplupart d’entre vous pour la civilisationgrecque, s’est-il détourné de Pericles et

d’Aspasie pour écrire un poème à lagloire du général Jackson ? C’était çal’Amérique. C’était une promesse. Jedirai qu’il y avait une promesse et beau-coup plus encore. Tu vois ça Archie,l’Amérique ce n’était pas qu’unepromesse. L’Amérique, c’était l’archi-tecture coloniale, la bonne nourriture,même dans ma jeunesse, le cuisiniernoir savait faire un vrai ragoût. Je n’aijamais eu droit à de la mauvaise cuisineavant de me mettre à manger dans lesrestaurants quand j’étais à l’université.Et à cette époque là, nom de Dieu, unemarmite d’huîtres c’était une marmited’huîtres. Je veux dire en ce qui con-

cerne la cuisine, personne n’étaitmeilleur que nous.

Les chefs français c’était du flan.Mais la crème glacée faite avec de laCRÈME, de la crème et des pêches, devraies pêches, n’était pas dépassée parSindar. Il n’y avait rien comme ça enEurope.

Une loi s’est faufilée, quimettait fin au métal-argent. Et jamais plus il n’ya eu au Congrès suffisam-ment de forces honnêtespour faire passer une loihonnête sur la monnaie.

Les orfèvres américains, le mobili-er colonial américain, même le simpletravail de sculpture sur les pierres

tombales. La maison de Jefferson,comme maison d’homme fortuné, ou entous cas d’un homme qui vécut commes’il était riche et avait fait faillite. Lamaison de Monroe, celle d’un hommequi vivait plus simplement que sesmoyens le permettaient. La maisond’Adams, les deux maisons, celle d’unhomme pauvre et fils de pauvre. Toutesces maisons vous enseignaient quelquechose, quelque chose concernant lapolitique, dans le sens élevé que cevieux Harry Stotle défendait, défendaitpour l’admiration de tous. Quelquechose de plus élevé que l’éthique, uneextension de tout ce qu’il y a de plus

sain dans l’éthique. Et puis quelquechose a cassé. En 1867 ça a cassé ou çaa été cassé. Et les documents sontdisponibles. La correspondance deSherman, Ikleheimer, Rothschild. Maisquand est-ce que vous autres vous allezvous mettre à réfléchir ? Puis, dix ansplus tard, une loi s’est faufilée, qui met-tait fin au métal-argent. Et jamais plus iln’y a eu au Congrès suffisamment deforces honnêtes pour faire passer uneloi honnête sur la monnaie. Des tracts,des tentatives d’amendements poursauver ce qui pouvait l’être. Tentant deconserver en circulation, comme mon-naie d’échange, une partie de la dettequi ne supportait pas d’intérêts.Calhoun aurait compris ça, aurait com-pris cette idée concernant la partie de ladette qui ne payait pas d’intérêt. Biensûr, inutile de l’émettre comme de ladette. Calhoun aurait compris le sens decette idée. Au moins une partie de la

dette ne supportait pas d’intérêt. Netaxait pas l’homme ordinaire, tous leshommes des Etats-Unis, nuit et jour.John Adams aurait compris ça, Lincolnaurait compris ça. ET COMMENT.

Adressez-vous à M. Sandburg, dis-moi, Carl, demande à Archie, ce qu’il enest de cette question de la partie de ladette exonérée d’intérêts. Qu’a à direl’éminent directeur de la bibliothèquedu Congrès quant à cette notion ? et sinon, pourquoi non ? Après tout Archien’était pas impliqué à l’époque danscette société véreuse du Président,lancée au moment de l’inflation enAllemagne. Archie s’est assis relative-ment tardivement à la table des« kikes ». J’espère qu’on ne vous a pasdonné à manger de la semelle.

Mais qui doit émettre ledollar ?

Et puis bien sûr il y a l’affaire dumétal-argent. On voulait briser lemonopole de l’or, mais pas de façonvraiment honnête. On voulait empêcherque le racket de l’or soit exclusif, maisau moyen d’un autre racket. Des typesbien qui sentaient qu’ils avaient besoinde soutien, comme Sir Montagu Webb,ayant les hommes du métal-argent aveceux, mais ne disant pas tout. Cas de con-science très difficile. Un type entre auCongrès grâce au soutien des milieuxde l’argent. A le droit de demander lesmêmes droits pour le métal-argent quela vermine de l’or pour son or. MAIS :veut que ses droits soient transformésen racket. Se fout complètement desdroits des hommes, du mouton ou descéréaliers. Bien, c’a a été la faiblesse del’Argent. Aucune matière premièren’est supérieure de droit aux autres eten plus on ne mange pas de MÉTAUX.

Le dollar comme matière première ;ce vieux Warren avait raison sur ceplan-là. Mais qui doit émettre le dollar ?Il faut retourner à notre vieilleConstitution, vieille et trahie. Mais queraconte le Baltimore Sun, ou le New YorkSun, au sujet de la Constitution desEtats-Unis ? Qu’a à dire le colonelMcCormick au sujet de la Constitution ?Il m’a foutu dehors, ou en tous cas sestrouillards de rédacteurs m’ont foutu àla porte trop tôt de son journal de Paris.Aucune importance. Mais qu’a-t-il àdire MAINTENANT à propos de laConstitution des Etats-Unis ? Peut-êtrequ’il a attendu 20 ans, peut-être plus,mais c’est vingt ans de trop.

On se reverra. Que disent les par-venus du métal-argent à propos de lamonnaie nationale ? Non je ne suis pasun bienfaiteur. J’ai dépassé cette voie -là. Je suis un homme de la monnaie demon pays.

Et il devrait y avoir PLUSd’AMÉRICAINS AVEC MOI.

9 mai 1942. Discours improvisé àRadio-Rome.«The Duration». Traduction : Anne-SophieBenoit

Ezra Pound

Ezra Pound à Venise à la fin des années 20

3

Réfléchissez au lieu de hurler. Depuisl’Attentat des attentats (comme on dit leCantique des cantiques) du 11 septembre

2001, aucun acte terroriste dans le monde n’estidiot, insensé ou incompréhensible. C’est ça qu’ainventé Ben Laden : l’attentat intelligent. La moin-dre bombe explosera pour une bonne raison !C’est toujours pour punir les collabos qui aidentles Yankees à réduire les Arabes en esclavage queles attentats ont lieu. Faites la liste.

Le 11 avril 2002, attentat de Djerba. Pourquoi ?Parce que les Tunisiens sont des Maghrébins ram-pants qui n’en ont rien à foutre des problèmes duvrai Orient, et que les terroristes sont les dernierssur terre à dire, violemment, que le tourisme estun mal. Terrorisme contre tourisme, la voilà lavraie guerre de fond : c’est elle qui a égalementsuscité l’attentat de Bali. Celui de Karachi, le 14juin 2002, les terroristes le justifieraient (si on leleur demandait poliment) par la volonté de détru-ire le consulat américain, ce qui est de bonneguerre. En mai 2003, c’est le cercle de l’Allianceisraëlite qui saute à Casablanca. Pourquoi ? Parceque le Maroc est un autre pays du Maghreb quisert d’oasis royal à tous les Pieds-Noirs en mald’exotisme, à tous les friqués du show-biz et desLettres qui étaient contre la guerre en Irakuniquement par peur qu’on leur fasse sauter leursvillas à Marrakech! L’attentat de Ryad en novem-bre 2003 n’est pas plus « gratuit ». Pas detouristes ni d’Américains dans les lieux saintsd’Arabie Saoudite, ce pays de pourris ! Quediraient les Chrétiens si on installait un « Stringfellows » ou un « Hulster club » à Lourdes ?Rien, bien sûr, car les Catholiques sont devenusdes larves. Tant mieux si les Musulmans qui veu-lent préserver leur Mecque n’en sont pas !

En Irak, depuis la « fin » de la guerre, les atten-tats sont encore plus faciles à expliquer.L’ambassade de Jordanie a été visée pour hautetrahison, car la Jordanie a été le seul paysfrontalier à avoir laissé passer les colonnes de GIet favorisé l’espionnage contre leur voisin arabeagressé... Le siège des Nations-Unies à Bagdad futla cible d’une attaque-suicide corsée parce quel’ONU (Sergio Vieira de Mello ou pas) est uneorganisation ponce-pilatienne, une salope aban-donneuse, responsable des sanctions de l’embargoet du lâchage total du pays le plus vulnérable aumoment où il aurait eu le plus besoin de sa pro-tection... Rien d’étonnant non plus à ce que descasernes d’Italiens ou des postes de Polonais etd’Espagnols (tous alliés de Bush), ou encore descommissariats de police bourrés d’indics et detraîtres irakiens, ex-du Baas reconvertis dans ladénonciation de leurs compatriotes, reçoiventrégulièrement sur la tronche des « bombes de lamort »... Et même, dans le sanctuaire chiite deNadjaf, la voiture d’un ayatollah a été piégée.Pourquoi faire semblant de se demanderpourquoi ? Comme l’autre qui avait été poignardéà son retour d’« exil » londonien, celui-ci était unvendu total qui, en plein mausolée d’Ali ! appelaitles Irakiens à ne pas chasser les Américains...Enfin, si l’hôtel Rashid a été criblé de balles, c’estparce que s’y trouvait cette ordure de PaulWolfowitz au début du Ramadan !

Tout s’explique. Si toutes ces actions étaientremises dans le contexte historique du combat desrésistants contre les nazis pendant la deuxièmeguerre mondiale, beaucoup de gens les trouveraittrès justes. Les guerriers de la Résistance, qu’ilsappartiennent à al Qaida, à la Jemaah Islamiyah,ou bien à l’ancienne garde de feddayine deSaddam, n’ont qu’un seul but : la Libération d’unpays arabe occupé. Et on appelle ça du fanatismereligieux ! C’est une lutte armée pour défendre sa

terre, exactement comme la pratiquaient les Sioux.Rien ne m’a semblé plus tristement symboliqueque d’apprendre que, dans un attentat à Mossoul,un soldat «américain » tué était un descendant deCrazy Horse !...

Quand Le Monde titre à la une : « Les attentatsen Turquie visent l’islam modéré » (22 novembre2003), c’est faux. Ce n’est pas parce que la Turquiea institué un « islam modéré » (sic !) qu’elle a étévisée par l’« islam radical »; c’est parce qu’ellesoutient aujourd’hui l’Amérique comme elle avaitsoutenu l’Allemagne pendant la guerre de 14-18...Sous prétexte qu’ils sont des Musulmans laïques,les Turcs ont ouvert leur port Alexandrette auxtroupes américaines, et laissé survoler leur terri-toire par les chasseurs US. Sous prétexte qu’ilsveulent à tout prix entrer dans l’Europe (sansabjurer le massacre des Arméniens), ils font lalèche à l’Angleterre. Sous prétexte que leursKurdes (déjà des traîtres) avaient été mis au paspar Saddam Hussein, ils étaient prêts à envoyerdix mille soldats contre l’Irak. La Turquie a trahi :elle paye !

Même Pierre Loti aurait du mal à défendre laTurquie, dirigée comme elle est par des hypocritesqui veulent bouffer au râtelier occidental. Lui quise méfiait déjà de l’européaniste Mustapha Kémal,abolisseur du califat et premier responsable ducomplexe occidentaliste des Turcs, ce peuple sichouette entre Europe et Asie, comme disent lesprospectus... Un pays entre deux chaises : ellesviennent de s’écrouler. Attentats sanglants pourfêter la fin du Ramadan à Istanbul. Deux syna-gogues en flammes, le consulat anglais en lam-beaux. C’est triste et douloureux pour unamoureux du Bosphore comme moi, mais c’étaitpresque inévitable vu la grande crapulerie du gou-vernement turc depuis plus d’un an. Les Turcsn’ont-ils pas compris que l’Irak était aussi leurcombat ? Comme celui de tous les résistants dumonde, dans tous les domaines ? Et pendant cetemps à Londres, les deux brutes endimanchéesBush et Blair, hypnotisés par leur idéalisme demidinettes démocratiques, continuent, malgré lesmanifs, à baver par tous les pores de leur indé-cence leur discours sur la « liberté » et le « Bienqui triomphera». Qu’y a t-il de plus intelligent àleur opposer que du terrorisme ?

Ça ne suffit plus de manifester son désir d’un« autre monde » et de brandir des pancartesdans les rues de Rome, de Madrid... Ou même deCancun : ça aussi, ça fait partie de l’obscénité occi-dentale. Les derniers attentats en plein Orient con-tre l’Occident au moment du sommet américano-britannique, c’est aussi une façon de demanderaux manifestants de cesser de faire l’enfant. Il y ena encore qui sont « contre la guerre en Irak », sixmois après la chute achetée de Bagdad !

Ceux qui ont participé à cette injustice suprême,divine, extraterrestre du début du troisième millé-naire qu’a été la guerre en Irak n’ont rien à crain-dre du « terrorisme ». Et pourtant, lesFranchouillards tremblent de peur que deskamikazes s’écrasent cet hiver sur la Tour Eiffel !Ah, les abrutis shootés au Camembert ! Moins devingt-quatre heures après le carnage de Stamboul,les Français se plaignent déjà du manque àgagner... « Le monde du tourisme est inquiet ».« Beaucoup d’annulations de voyages pour lesvacances». Il n’y a que ça qui les préoccupe, alorsqu’on n’a pas encore enlevé les cadavres du trot-toir de Beyoglu... Comment s’appitoyer sur desgens pareils ? Comment respecter des demeurésd’une telle bassesse ? « Jihad is the language theyunderstand», comme il est écrit sur les tee-shirtspalestiniens...

Le seul moyen d’arrêter le terrorisme, c’est delaisser les terroristes s’expliquer sur les raisons deleurs actions et non de condamner d’abord, parprincipe moral, leur manière d’agir. Rien que d’ad-mettre publiquement que sur le fond, ils n’ont pastout à fait tort de cibler tel ou tel traître à la justecause d’un monde affranchi de l’impérialismeaméricain, ça ferait, j’en suis sûr, baisser lafréquence et la violence des attentats. Au lieu deça, les gendarmes du « Bien » ne veulent riensavoir : ils condamnent ! Il faut beaucoup dejugeotte pour ne pas juger. L’Occident n’a pas cettematurité-là, je ne parle même pas d’intelligence.

L’intelligence, pour l’instant c’est le terrorismequi la possède. Qu’on me trouve un seul attentatgratuit depuis deux ans dans le monde ! Un seulqui soit animé par l’absurdité aveugle et la hainepure pour « l’autre », par l’intérêt ou la rancoeur,le non-courage, le non-désespoir, ou la non-volon-té de faire bouger les choses, autant de sentimentsqui définissent parfaitement la mentalité occiden-tale. On ne se rend plus compte, en Occident igno-ble, ce que ça veut dire que de vendre son âme, etmême pas la sienne, celle de Dieu, pour quelquesdollars de plus !... Un «islamiste » d’Al Qaida quifait la « guérilla » dans le « triangle sunnite »(plus mystérieux désormais que celui desBermudes !) n’a rien à foutre de l’Irak, ni même deSaddam Hussein. Il ne cherche pas à imposer l’is-lam comme religion au reste du monde commeveulent le faire croire les mauviettes athées, il veutjuste rendre une certaine dignité aux peuples quirésistent à l’occupation occidentaliste, c’est tout.

Avant, le terrorisme n’était pas si pertinent.Même celui d’Action Directe . Pendant que SergeJuly se pavanait sur son boulevard de la Libérationpercé grâce à leurs idées, les « terros » Ménigonet Rouillan dessoudaient le patron de chezRenault, par idéalisme et fidélité à leurs convic-tions... Abattre Georges Besse sur son trottoirparce que c’était un enfoiré du système capitalistedes années soixante-dix, ce n’était pas une bonneaction directe. Les attentats aujourd’hui volentquand même plus haut ! Très bien organisés,excellents stratèges et insaisissables, lesterroristes sont de plus en plus intelligents et doncde plus en plus méchants : ils frappent où ça faitmal, pas là où il faudrait que ça soit bien de frap-per. Seuls les professeurs de démocratie s’ac-crochent encore au fantasme d’une « croisadepour Allah», et affirment que c’est au «Christ desJuifs et des chrétiens » que les méchants martyrss’attaquent. Non ! Aucun idéalisme religieux chezl’Irakien qui cache un lance-roquettes dans unecariole de légumes tirée par un âne, et qui vise lafaçade de l’hôtel Ishtar... Quel est l’être humain quipeut encore trouver ça indigne sans se vomirdessus de honte ? André Glucksmann peut-être,qui voit du terrorisme partout et jamais de résis-tance nulle part. Au fait, comment considère-t-ilses chers Tchétchènes qui luttent contre l’impéri-alisme russe, si ce n’est comme des résistants ? Là,comme par miracle, ce ne sont plus des « terror-istes » ! On est toujours le terroriste de quelqu’unqui ne vous considère pas comme résistant.

Quand l’indifférence sera vaincue, le terrorismesera jugulé. C’est tout simple. Regardez le nombrede gens qui crèvent qu’on ne les écoute pas ! Dansle métro, au boulot, et même au dodo, il n’y a queça : des hommes et des femmes qui n’ont jamaiseu le droit de dire qu’ils sont mal. Donner la paroleà celui qui ne l’a pas, ça le vide de toutes ses rages.C’est magique ! On n’a plus envie de poser unebombe grosse comme un coeur, si on a l’occasionde dire enfin tout ce qu’on avait dessus.

Marc-Édouard Nabe

INTELLIGENCE DU TERRORISME

4

Amérique Latine

Père Ubu : Je veux faire les lois maintenant.Plusieurs magistrats : Nous nous opposons à tout change-ment.Père Ubu : Merdre. D’abord les magistrats ne seront pluspayés.Magistrats : Et de quoi vivrons-nous ? Nous sommes pau-vres.Père Ubu : Vous aurez les amendes que vous prononcerez etles biens des condamnés à mort.Magistrats : Horreur – Infamie – Scandale – Indignité, nousnous refusons à juger dans des conditions pareilles.Père Ubu : A la trappe les magistrats.Mère Ubu : Eh ! Que fais-tu Père Ubu ? Qui rendra main-tenant la justice ?Père Ubu : Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien.Mère Ubu : Oui, ce sera du propre.(Ubu Roi, Alfred Jarry - 1888.)

Aujourd’hui, Petit Ubu met à la trappe leministre de la justice, les magistrats,quelques policiers dont la tête d’ailleurs

ne lui revient pas, les autres étant chargés desous-traiter la justice, et placarde les africains,les arabes et les musulmans dont la sérénitédérange ce petit homme tous nerfs dehors.Trèsbientôt, le Petit Ubu va remplacer les magistratset les avocats par des policiers, ce sera plus sim-ple et plus économique. D’ici peu, ils auront toutsur place, les empreintes génétiques que l’on tir-era au sort pour désigner les coupables, les

enregistrements audiovisuels numérisés,retraités pour les rendre plus jolis.Quand il va à Dakar, Petit Ubu, c’est le marchéaux poissons qui le passionne. Il aime cesinstants éternels pleins de poésie, tout comme cemoment magique du matin, quand il se rasedevant le miroir.Petit Ubu est toujours joyeux et ardent pourgrimper sur l’Olympe, sur les épaules du vieuxCapitaine Bordure.Il s’occupe de tout mais n’a qu’une toute petitephobie qui le gratte derrière l’oreille, LE SANI-TAIRE. Quiconque prononce ce mot haï devantlui, part aussitôt à la trappe : Merdre !Il hait Le Sanitaire, Petit Ubu, les quinze millemorts de chaud, ce n’est pas lui, il ne s’occupepas du Sanitaire, il a horreur de ça. Il n’a rien su,on ne lui a rien dit, c’est le Grand Carabin qui lesa mis à la trappe. Pourtant, il est aussi le boss dela Sécurité civile des citoyens et par seulement lechef bien aimé de la police.Il a tort le Petit Ubu, d’évacuer ce détail qui pour-rait devenir plus grand que lui.

Isabelle Coutant-Peyre

LE PETIT UBU BONNE ANNÉE2004

Tous les bons chrétiens devraient porter le deuil dela capture de Saddam Hussein, vendu. Le présidentde l’Irak a protégé les chrétiens, garantissant leurs

droits et construisant des lieux de culte dignes de ces anci-ennes communautés monophysites plus ou moins “vatican-isées” depuis 250 ans.

La “croisade” de Bush Jr. l’est aussi contre les chrétiensd’Orient. Parallèle à faire avec la guerre contre les Taliban,laquelle livre l’Afghanistan nettoyé de drogues à des ban-des armées de narco-trafiquants travestis en “moudjahi-dine” alliés de “l’Amérique”.

Mes vœux les meilleurs pour les lecteurs de LA VÉRITÉ.JOYEUX NOËL DE RÉSISTANCE en Terre Sainte, en

Mésopotamie, et chez la Fille aînée de l’Église.2004 sera une année de durs combats pour la LIBERTÉ

des peuples et la SOUVERAINETÉ des nations.J’y participerai. Avec mon stylo.Amitiés révolutionnaires,

CARLOS

Si le Père Ubu avait un fils, qui ça pourrait bien être... Pourquoi pas un de nos ministres ?

I l y a encore quelques jours, dans l’un de mes coursde langues, j’ai eu le droit à une vieille rengaine.C’est notre pain quotidien (trop cuit) à nous, les

expatriés latino-américains. Il faut dire que je l’ai bienmérité : j’ai osé poser un petit bémol à la belle phraseque l’un de mes élèves venait de pondre, tant bien quemal, en espagnol. Il s’emportait contre les Arabes quiviennent se faire plastiquer « chez nous » tout en levantl’index, en concluant que c’était dans l’ordre des choses,lié au choc des civilisations… Le tract de Huntington…Que visiblement Monsieur n’avait même pas lu. Et aprèslui avoir expliqué en quelques minutes – de la façon laplus gentille possible et dans mon espagnol de cours deniveau 1 – que Huntigton était una buena mierda,Monsieur l’élève se croisa les bras et se contenta derépondre la phrase fatidique : « Et bien voyez-vous,mon cher ami, vous pensez comme un latino-améri-cain ».

Aujourd’hui, je me demande encore ce que veut biendire penser « comme un latino-américain ». J’aidemandé une analyse plus précise… Monsieur l’élèveétait aux anges… Et a bien profité de l’occasion pourm’illustrer la façon d’être de tout le «sous-continent » :il paraît que nous sommes tous des révolutionnaires(sauf Vargas Llosa, quand même, l’exception culturellede la règle), que nous adorons les coups d’état (et lescoups tout court), la fiesta, la tequila et le football, et voy-

ager en Europe. Nous sommes tous d’extrême-gauche,avons les cheveux longs et portons des chemises du Che.Monsieur ignore sûrement que le Che lui-même n’auraitjamais porté une chemise à son effigie, comme les adosparisiens le font dès l’âge des premiers boutons sur lagueule. Un jour, j’ai demandé à un jeune qui traînait àBeaubourg s’il savait qui était le bonhomme imprimésur son t-shirt. Il m’a répondu que ce type avait été unestar du rock des années 70, tout comme Jimmy Hendrixet Carlos Santana.

Le plus triste est que Monsieur mon élève ne fait querépéter les bêtises que des « spécialistes des questionslatino-américaines » profèrent dans la presse nationale,qui n’est d’ailleurs pas même foutue de reproduire unecarte du sous-continent sans confondre joyeusementl’Uruguay avec le Paraguay, ou de mettre des Castro,Marcos et des héritages incas ou aztèques partout ou dementionner Perón pour justifier en cinq minutes lesmalheurs de nos pays. Nous latino-américains, onapprend en lisant les analyses des Adler, des Couffignalet autres spécialistes que pour son mouvementzapatiste, Marcos s’est inspiré à fond d’Althusser et del’inusable Debray, que la gauche mexicaine est unhéritage aztèque, que nos crises économiques récur-rentes ne sont pas le produit des plans économiquessuivis depuis 20 ans, mais les suites des traumatismes dela conquête du XVIème siècle de nos états-nations en

quête d’identité, et que la guerre entre l’Honduras et ElSalvador en 69 est dû au 3-0 d’un match retour, commesi la décomposition de l’Ex-Yougoslavie était le résultatdes bagarres de supporteurs de l’Etoile Rouge et leDynamo de Zagreb. On simplifie, on fait vite et en plus,il faut vous donner raison, à vous autres Français, car sion vous contredit, c’est sûrement à cause de notre côtécontestataire et révolutionnaire, et donc voilà finalementcomment vous avez toujours eu raison dès le départ.

Donc en écrivant ceci j’ai commis un crime de lèse-pensée française : je m’avoue profondément latino-américain et pourtant j’ai écrit quelques lignes sans lamoindre trace de réalisme magique, folklore indien,danseurs de Tango ni appel à la Révolution. J’avoue quede surcroît je n’aime pas danser, je ne sniffe pas et quede Perón, on se fout pas mal en Argentine. Quant à monballon de foot, il ne me reste qu’un ballon imaginaire,faute d’espace dans mon petit studio. D’ailleurs j’aimebeaucoup le balancer dans la gueule de mes élèvesfrançais qui me demandent si dans ces pays-là on faittoujours des sacrifices humains, si l’on parle catalan, quipensent que nos dictatures étaient toutes communistes(alors que Castro était l’exception) et qui me demandentsi mon père porte son sombrero. Inutile de raisonner unhabitant du pays de la Culture…

Jorge Rodriguez-Lasso

LE CHE N’AURAIT JAMAIS PORTÉ UNE CHEMISE À SON EFFIGIE

Molle et morte, la critiqueaime ce qui est mou et mort.Craignant que l’homme arméd’une idée ne pousse un cri

qu’on n’ait pas l’habituded’entendre, elle préfère, et debeaucoup, ceux qui écrivent

pour ne rien dire.

ERNEST HELLO1872

SALUT NELLY KAPRIÈLIAN !

Je m’appelle Abdel.Tu vas voir ce qui va t’arriver un de ces soirs, quand tu rentreras

chez toi, toute seule, dans le noir...

Message personnel

5

Service Public

STOP PUB RAJOUTE UNE COUCHE DE PUB !

Depuis quelques mois, les panneaux publicitaires du métro parisien se couvrentde tags. C’est le fruit des opérations Stop Pub où des centaines de personnesregroupées en petites bandes sillonnant les stations de métro pour se faire les

panneaux avec leurs marqueurs ou leurs pots de peinture. Difficile de trouver une affichequi n’ait pas été «visitée » par les nouveaux casseurs de pub.

En finir avec la pub omniprésente est une initiative heureuse mais le résultat desactions commando de Stop Pub est, lui, très malheureux. Stop Pub en rajoute une couchesur la pub en parsemant les affiches du métro de petits commentaires à la Debord, imbé-ciles, aigris et moralisateurs. Les tags sont pitoyables : « Pub sexiste » ; « la femme n’estpas une marchandise » ; «La Pub ou la vie» ou sur les affiches promouvant les concerts deFlorent Pagny des « T’as de la chance tu paies de gros impôts ». Sur les encarts de tourisme,les commentaires crayonnés rappellent que le prix du voyage proposé est égal au SMIC etque les pauvres ne peuvent se payer de tels voyages. Comme d’habitude, les contestatairesse trompent de cible : ce qui est écœurant ce n’est pas le prix du voyage, c’est le voyage lui-même.

Les messages rajoutés en surimpression sur les publicités décuplent l’intérêt que l’onporte aux publicités. Alors que l’on ne les voyait plus, on commence soudainement à lesregarder plus attentivement. La Pub a gagné. Recouvrir toutes les publicités de peinture

blanche ou d’images de champs de coquelicots, c’est sûrement ce que devrait faire Stop Pub pour enfin détruire la publicité. Cela fait bien longtemps que la Pub a inté-gré les tags pour vendre. Stop Pub risque bien de continuer à être le dindon de la grosse farce qui fatigue tout le monde. C’est l’acte, le message. Il ne faut jamais ajouterde message et encore moins ses commentaires personnels (le plus grand attentat du monde ne fut pas revendiqué), l’acte doit se suffire à lui-même. Pas d’explication,pas d’argumentation. Ne jamais perdre son temps à contester un système : le détruire !

Une absence totale de publicité sur les panneaux, des murs redevenus blancs, des champs de blés ou de fleurs, c’est ce qui nous soulagerait ou nous stupéfieraitprofondément, nous, les voyageurs du métro plutôt que d’être obligés de se fader la Pub et les tags moralisateurs de Stop Pub quand, par malheur, on n’a pas réussi àtrouver son exemplaire gratuit de 20 minutes. A-S. B

MICHEL DRUCKER, 40 ANS DE TÉLÉVISION :QUELLE SANTÉ !

6

Reportage

J'ai loué une Twingo chez Avis, direc-tion Villeroy, pour voir enfin à quoiressemblait la tombe de Péguy, « mort

au combat ». Parlons-en, de la mort deCharles Péguy ! Charles Péguy n'est pas mortau combat, non. Charles Péguy s'est suicidé aucombat. Dans son champ de betteraves, sabreau clair, pour se plomber la cervelle, il autilisé une arme peu commune, une arme àgrande échelle, une arme grandeur nature,une arme pas petit joueur : la France. Il s'esttué lui-même avec l'honneur de la France. Ils'est mis un coup d'honneur de la France enpleine tête, septembre 1914. Péguy en avaitparlé dans ses livres, mais personne ne l'avaitlu. Il l'avait évoqué très souvent, le champ debetteraves. Il était avec sa section, il faisaitplutôt beau. Lieutenant, il donnait des ordres.Ses hommes se sont couchés : les Allemandsétaient de l'autre côté de la luzerne. Ils étaientlà-bas, tranquilles. Ils ne tiraient pas spé-cialement. Ils tiraient un peu. Ils jouaientvaguement du fusil parce que c'était laguerre. Mais c'était une guerre qui ne savaitpas encore qu'elle était la Grande Guerre, uneguerre qui ne se savait pas elle-même entrain d'être la guerre de 14-18. Donc, lesAllemands ne tiraient pas exactementcomme ils auraient tiré s'ils avaient su qu'ilsfaisaient la guerre de 14-18. Non : ils tiraientquelques coups de début de guerre, desdouilles de septembre 14, ils rechargeaientleurs canons de morceau de guerre, de cam-pagne cool française, d'automne pas entamé,de guerre qui sentait encore la paix d'hier.C'était une guerre débutante ; c'était uneguerre où les Allemands étaient encore desgens : de Francfort, de Hambourg, desgarçons sympathiques de Munich. Ce n'é-taient pas des soldats de la guerre 14 ; ils nese battaient pas encore réellement contre lesFrançais ; ils étaient surtout dans un champavec des bottes, une gourde, un chef dont il neconnaissait pas le prénom, et un peu de soleildans les yeux.

La véritable horreur, c'estqu'un pinson se soit poséun lundi ensoleillé à 14 h 06sur un barbelé tâché desang.

Ce soleil-là était un soleil normal. Ons'imagine toujours que les saisons, les soleils,les oiseaux, les couleurs de l'été sont dif-férents quand ils forment le décor des grandsévénements tragiques de l'humanité. Non, ilssont très normaux. Les saisons ont passépareil sur Verdun. Il y avait, dans la cam-pagne verdissante et neuve des étés, àVerdun, des roitelets qui, patiemment, fai-saient leur nid. Des pies qui se posaientdoucement sur la branche, dans la fraîcheurjaune d'un matin d'été tout neuf, tout propre,tandis que remuait dans son terrier unrenard, ici une gentille taupe, et, par-dessusles arbres élancés qui respiraient bien, desnuées de canards oranges, des envolées belleset élancées, extrêmement élégantes, d'oiessauvages comme dans la chanson de MichelDelpech. La nature vivait, le vert existait, jeveux dire : la couleur verte. Pour restituer lavraie réalité, il faut laver mentalementVerdun des couleurs verdunoises quel'Histoire nous a léguées : ce noir-et-blancbrumeux, pluvieux, détrempé, historique, cessaisons documentaires faites de fuméesnoires et d'hivers cramés de blanc, car la véri-table horreur, c'est bien qu'un pinson se soitposé un lundi ensoleillé à 14 h 06 sur un bar-belé tâché de sang. Que ce sang ait séché ausoleil, un beau soleil pour la saison. La véri-table horreur, ce n'est pas le noir-et-blanc deVerdun, c'est le Technicolor, c'est la fin du

monde parmi les saisons, l'exterminationbucolique, les décors de peintre et la respira-tion des chlorophylles alentour. Je prétendsdonc que la guerre 14-18 n'était pas en noir-et-blanc. Je prétends, en même temps, que lessoldats étaient des gens, qu'ils ne marchaientpas en accéléré, que les tranchées étaientdans les tons boue, avec des morceaux fuch-sia, des endroits violets, que quelques bellesétendues vertes s'allongeaient sous les pas –et je me dis que souvent sur les charniers,que souvent sur les corps des Poilus de 14passaient quelques rares nuages dans un cielbien bleu.

Ce jour-là, qui n'était pas un jour commeles autres parce qu'il allait être, il s'apprêtaità être le jour de la mort de Charles Péguy, cejour-là ne savait pas vraiment qu'il était unjour de guerre. Je me mets à la place de cejour-là : je suis un samedi, et j'œuvre commeun samedi. Je ne m'inquiète pas car je saisque Péguy a une tête, je sais que Péguy a unCV qui le porte à périr un dimanche. Et c'estlà l'erreur ! Les gens qui ne comprennentrien à Péguy en font un être dominical. Lescons ! C'est un fiévreux du samedi, Charles.Lorsqu'il allait à Suresnes, à pied, vers l'im-primerie où il passait des heures à traquer lescoquilles des Cahiers (qu'il s'agît de sa«copie » ou de la «copie » des autres) ehbien c'était le samedi. Nombre de cahiers por-tent la date du samedi. C'est le côté Travoltade Péguy – et c'est en Travolta, nous le ver-rons, en Travolta dansant la Carmagnole aumilieu des betteraves qu'il va mourir. La mortde Péguy est dansante. Le suicide de Péguyfut disco.

Nous sommes, je suis, un samedi. Appelez-moi, arbitrairement, «samedi 5 septembre1914» et je verrai ce que je peux faire. Je vaisvoir comment les vies humaines sedérouleront sur mon décor. J'ai été un same-di très calme, très beau, il y avait, vu d'avion,des fermes posées sur des étendues jaunes,vertes, jaunes, et d'autres plus rousses (àcause de la moisson, je suppose, mais je nesuis pas très bon en agriculture). C'estaujourd'hui que Charles Péguy a décidé defaire le malin. Ça couvait depuis longtemps.Dans son œuvre, dans sa vie, dans son destin,dans son sommeil la nuit dernière. Il étaitprêt. Il a dû espérer que le suicide ne se ver-rait pas trop. Qu'il allait pouvoir le camou-fler sous l'habit d'une vraie mort, d'une mortau combat. Au milieu de l'action, sous lamitraille drue, on n'y verrait que du feu. Ilpourrait disparaître tranquillement, trichersur les motifs de sa mort, rouler tout lemonde, y comprit l'ennemi qui, croyant buter

un salaud de français, allait euthanasier legérant des Cahiers qui n'en pouvait plus degérer, qui n'en pouvait plus d'écrire dans levide, n'écrivant plus que pour se lire,n'écrivant plus que Dieu, c'est-à-dire pourlui-même. Il savait, pendant la dernièremarche de nuit avec sa section, quel'Allemand qui allait lui donner la mort exis -tait, qu'il était quelque part, à quelques arbresde là, à quelques fermes, à quelques lieues.L'Allemand, qui n'avait pas lu une seule lignede Péguy, était né un jour, en Allemagne, dis -ons à Düsseldorf, ou plutôt à Gelsenkirchen,et il avait passé toutes ses jeunes années sanssavoir qu'il était celui qui allait mettre fin à« l'aventure des Cahiers de la Quinzaine ».Personne n'a jamais essayé de pour savoirQUI a tué le lieutenant Charles Péguy. QUI, cejour-là, un samedi très péguyen, a rendu ceservice à Péguy. Tout le monde a cru, tout lemonde croit que Péguy est mort pour laFrance. C'est faux : il est mort pour lui. Ce quiest vrai, en revanche, c'est qu'il est mort PARla France. Il n'a pas servi sa patrie, oh non : ils'est servi de sa patrie pour mourir. Ceux quine me croient pas peuvent enquêter cinqminutes : Péguy est le premier mort de laBataille de la Marne, et, en gros, le premiermort de 14-18 tout court. C'est donc bien qu'ilavait hâte. Qu'il ne comptait pas attendre1918 pour profiter de l'aubaine. Il a quandmême fallu une guerre mondiale pour avoirraison de Péguy !

Je suis le samedi 5 septembre 1914 et jesais de quoi je parle. La mort de CharlesPéguy, c'est mon truc. Ma spécialité, mondomaine. J'enseigne cette matière. Je connaistout sur la betterave, les petits sentiers, lesbuissons de Villeroy, les chemins jaune pous-sière qui mènent au combat. J'emploie« mener » au présent, parce que je suis arrêtédans le temps. Je n'ai pas continué mon des-tin de samedi, je n'ai pas débordé sur lemoindre dimanche. Je suis figé, condamné àêtre éternellement ce samedi-là, en terre deFrance, entre Beuvronne, Thieux, pas trèsloin de Moussy-le-Neuf. Je suis cette journéepour toute la vie.

Péguy a toujours su qu'unseul homme serait capablede l'abattre et que cethomme, c'était lui.

Je suis le samedi 5 septembre 1914 : le seuljour de la vie de Péguy où il fut à la fois vivantet mort, vivant le matin et mort le soir. Je suisle seul jour de toute l'histoire de l'humanitépour lequel on puisse dire, indifféremment :« Péguy est vivant» et « Péguy est mort ». Il ya eu, dans ce même samedi, les deux vérités.Je les contiens. Je vis avec. Péguy mort etPéguy vivant m'appartiennent à égalité. Je lesaime tous les deux. Je ne fais, comme vousautres, aucune distinction entre les deux. Cesont mes enfants. Je n'ai pas de préférence. Ilssont jumeaux.

La vérité, c'est que Péguy, lui, faisait uneautre guerre, une guerre parallèle. Uneguerre intérieure. Avec lui-même. Péguy fai -sait la guerre à Péguy. Lui qui n'avait eu quedes ennemis en tant de paix, vous croyez queça allait le gêner d'en avoir en temps deguerre, c'est-à-dire dans une configurationoù tout un pays a des ennemis, où des mil -lions d'hommes ont tout à coup desennemis ? La guerre, il l'avait fait toute sa vie.Jamais on ne lui ficha plus la paix qu'enguerre. Toute sa vie, les gens l'avaient com-battu, tué, humilié, frappé : il était ressortivivant de tout cette guerre pire que la guerre,puisque c'est la guerre, non des peuples etdes nations, mais des pigistes et des critiqueset des petits journalistes. Une guerre livrée

par les hommes de lettres. Péguy a toujourssu qu'un seul homme serait capable de l'abat-tre et que cet homme, c'était lui.

Regardez-le (je vous le prête quelquesinstants) sur le sentier, sur la route de Thieux,avec sa section, fourbu mais content, soleil etpoussière, églises, fermes, foin : on a l'im-pression, n'est-ce pas, qu'il n'a pas peur demourir. Eh bien non. Il a peur, en vérité. Peurde ne pas mourir ! Toute sa vie, il a vécu dansune boutique campée en face de la Sorbonne,son ennemie. Il s'apprête maintenant àcamper la (plus petite encore) boutiquequ'est son corps en face d'un autre ennemi :les Allemands. Mais ni la Sorbonne nil'Allemagne ne sont ses véritables ennemis :ils sont, au contraire, le moteur de son génie.La Sorbonne voulait tuer son œuvre ;l'Allemagne va tuer sa vie. On l'a décoré parcequ'il est mort en héros. On l'a décoré pour lesraisons symétriquement opposées aux vraismotifs de sa mort. Lui qui a détourné le vraisens de la Guerre 14 pour servir son œuvre,lui qui est coupable de détournement de con-flit mondial à des fins personnelles (se sup-primer physiquement pour alléger sonœuvre du fardeau que représentait sa figurehumaine), le voici martyr de la GrandeGuerre, le voici copain des scouts de France,des limite-fachos, de quelques nationalisteset des types vieux jeux qui croient en laFrance éternelle et en un seul Dieu.

Il est parti pour nous laiss-er son œuvre, pour que sonœuvre enfin, soit visible,soit lisible.

Ce qui est fascinant, c'est que Péguy estresté dans nos, pardon : dans vos mémoires,à cause de sa mort. Pas à cause de sa vie, maisde sa mort. Sa biographie se confond avec sanécrologie. Quant à son œuvre : elle aussi, estenterrée. Ensevelie sous mille, dix mille hon-neurs rendus. Il a des rues, Charles, desécoles, des avenues, des ruelles, des faubourgsparce qu'il est mort « au combat ». Qui a-t-ilcombattu ? L'Allemagne ? Vous plaisantez,j'espère. Il s'est combattu lui-même : il nesupportait plus que son corps fasse de l'om-bre à son esprit ; il est parti pour nouslaisser son œuvre, pour que son œuvre enfin,soit visible, soit lisible. Une œuvre délivrée deson auteur pour l'éternité - des milliers defeuillets que la présence humaine, lourde,pataude, furax et maudite de Charles-Péguy-l'être-humain ne contaminera plus jamais,n'abîmera pas, ne gâchera pas. Une œuvretoute seule dans sa postérité. Une œuvreabandonnée dans son infinie lisibilité. 229Cahiers de la Quinzaine à lire dans leur totalegratuité pure, sans l'inertie d'une vie qui lescontinue, les promeut, les défend, lesimprime et les anime. Quatre tomes dePléiade virtuels, quatre tomes de Pléiade pos-sibles qui attendent leur heure pour toujours,qui, à jamais déconnectés du corps deCharles Péguy, sont posés dans une lumièrecalme, disponibles à tout moment, figés dansune prose qui se sait inédite à cent pour cent,à mille pour cent. Une prose qui n'a jamaisété lue mais qui sait, car elle a hérité de toutl'orgueil du mort, que des jeunes lecteurss'approcheront, sans crainte de l'obstacle quereprésentait la présence physique du petitbarbu fâché-sanguin qui les eût insulté detoute façon, et que, passée la zone de méfi-ance, ils la liront. Cette œuvre vacante, cetteœuvre achevée, terminée, cette œuvre est là.Elle est ici. Servez-vous. Vous pouvez à toutmoment vous la procurer. Elle est vivante.Péguy est mort pour que vive son œuvre. Viveson œuvre !

Yann Moix

MORT PAR LA FRANCEAujourd'hui, Péguy écrirait dans notre journal. Et plus encore : c'est lui-même qui ferait La Vérité, tout seul avec quelques amis, dans sa boutique de larue de la Sorbonne ! Voilà pourquoi il faut reprendre Charles Péguy aux faiseurs de notre époque qui osent se réclamer de lui. Les Edwy Plenel et lesFinkielkraut n'y comprennent rien. Notre collaborateur Yann Moix s’est rendu sur les lieux de la mort de Péguy, au champ « d’honneur».

Charles Péguy en 1914

7

Témoignage

POURQUOI JE SUIS ANTISÉMITENotre collaborateur Wang-Chu-Lei souffre, lui aussi, en Chine, de la perpétuelle accusation d’antisémitisme dont chaque esprit libre est la victime.Journaliste idépendant à Pékin, Wang-Chu-Lei a écrit, pour La Vérité, ce texte passionnant.

Wang-Chu-Lei

8

Dès que j’ai vu la tête deSaddam, je suis reparti. Pasquestion de rester pour les

fêtes dans cet Occident triomphateur.C’est la jubilation des minables. EnOrient, vite ! Ah, si j’avais pu emporter latête du dictateur avec moi sous le bras.Les Américains l’ont servie sur un plateauaux médias du monde entier avec trop dedégueulasserie. On parle partout de pèreNoël qui se serait lui-même offert encadeau à Georges Bush. Mais sur cesimages, Saddam a plutôt un petit côtésaint Jean-Baptiste, avec ses longscheveux et sa barbe de prophète. LaSalomé yankee a assez dansé, elle a eu cequ’elle voulait. Ô Fuir le cynisme, faire unpetit bilan au Liban.

À peine arrivé à l’aéroport deBeyrouth, un air de fraîcheur souffle. Çane vient pas seulement de la mer, maisdes regards des familles libanaisesmassées derrière la barrière, et qui atten-dent les voyageurs avec une espèce depassion... Ici aussi c’est la guerre, mais aumoins est-elle perdue. Au Liban, jerespire comme un poisson dans l’eau. Uneeau chaude et pure, dans laquelle on jettequelques fleurs d’oranger. Les Libanaisappellent ça un café blanc. C’est excellentpour digérer. Il va m’en falloir du caféblanc, ici, sur la colline d’Acharfieh, toutprès de l’église de Notre Dame del’Assomption, pour digérer cette année.

Très lourde, la 2003... Je pensaisqu’elle allait se terminer mieux qu’ellen’avait commencé. Au contraire, à l’auberouge, Saddam s’est fait piquer, trahi pardes Kurdes peshmergas. On l’a retrouvéthéâtralement dans une sorte de trou dusouffleur, mais la pièce était finie... Ilavait à ses côtés une mallette de 750 000dollars et un seul livre de chevet. Je me ledonne en mille, Crime et Châtiment, enarabe. Où en était Raskolnikov aumoment de la capture de son prestigieuxlecteur ? Seul son marque-page en formede poignard babylonien pourrait le dire...Lire Dostoïevski quand on a la tête deTolstoï, c’est du vice !

C’est bien la fin du pre-mier chapitre de ce grandroman qui s’appelle leTroisième millénaire !

À en croire les Occidentards, Saddamétait un monstre de bêtise et de cruautéqui ne cherchait qu’à s’enrichir, à fairesouffrir par plaisir son peuple, à torturerdes opposants, à mettre des chapeauxbizarres, fumer des cigares énormes etpersécuter les Chiites... Non, tout ça cesont les conséquences de sa politique car-actérielle mais pas les raisons de soncombat. Et ce combat pendant trente ans,il a été très précis. Objectifs : rassemblertous les Arabes, faire tirer la langue desOccidentaux sur le pétrole et écraser lavolonté de puissance d’Israël. Quel Arabeest contre ça, s’il ose encore se regarderdans la glace ? En France, je n’en connaispresque plus qui en soient capables, et ici,je demande à voir. Pour l’instant, àSolidere, il y a surtout des serveursdéguisés en costumes typiques rouge etjaune. Ils portent des sarouels, ces

pantalons à l’entre-jambe flasque. Ils nesemblent plus bons qu’à entretenir uneseule flamme, celle des narghilés desclients. Comment ne pas penser alors queles Arabes prennent désormais tout ce quibrûle avec des pincettes, et qu’enmarchant, ils ont tous l’air d’avoir chiédans leur froc ?

C’est bien la fin du premier chapitrede ce grand roman qui s’appelle leTroisième millénaire! Petite expériencevisuelle : d’un côté, vous mettez le WorldTrade Center en fumée et de l’autre le vis-age de Saddam sorti de son « trou à rats »,comme disent les anti-racistes. Aucunrapport, puisqu’on sait qu’il n’y avait pasde lien réel entre l’attentat de New York etla guerre en Irak, et pourtant il s’agit detoute une histoire racontée là, celle del’Occident enculé le 11 septembre 2001 etde l’Orient puni pour cela le 13 décembre2003. Le crime et le châtiment, les revoilà,à la grande joie des Occidentaux.Imaginer le réveillon de Bush me donneenvie de dégueuler. Ce n’est plus lavolaille immangeable qu’il avait apportéeen surprise à ses boys à Bagdad que cesalaud va s’avaler, mais un bon groscadavre de dinde criblée de marrons. Riende tel après avoir recouvert de crachats lePère Noël ! Ici aussi, on crache sur lesPères Noël, mon chauffeur de taxi ne segène pas. Il dit que tous ceux qui pullulentdans les rues de Sodeco sont desmoukhabarats syriens sous leur barbeblanche, et il leur lance de grands glaviotspar la portière de sa voiture. « PTUIFF !»

Les Arabes savent bien aufond que ce n’est pasSaddam Hussein qu’on ahumilié, c’est eux.

Quelle année 2003 ! De « The game isover » à « We got him». Tout est dit etpourtant il faut le redire et le redireencore, ça ne rentre pas assez, la guerreen Irak fut une ignominie et tous ceux quil’on approuvée, acceptée, tolérée oumême combattue sans rien faire sontcoupables. Coupables, les Arabes et lesnon Arabes qui croient peut-être encoreque sans Saddam le monde ira mieux ;avec Bush réélu, il va à sa perte à coupsûr ! Il est clair que Bush, comme sonnom l’indique, se prend pour le buissonardent. Dieu parle à travers lui à Moïse,tout son complexe biblique vient de là, ilfallait l’éteindre dès le début, maintenantc’est trop tard, le brasier a pris, c’est luiqui a mis le feu à la planète, ce n’est pasBen Laden. L’incendie millénariste ne faitque s’étendre. cette guerre a été brève carelle n’a été qu’une allumette qu’onscratche. Il y a un an à peine, on croyaitencore que les inspections sepoursuivraient jusqu’au printemps, queHans Blix et les siens continueraient àchercher des armes de destruction mas-sive comme des œufs de Pâques dans lejardin d’Eden !

À Beyrouth, comme à Tripoli et àSaïda, tout le monde est déprimé.Chrétiens, Musulmans, Grecs orthodoxes,Druzes, Chiites, Sunnites, tous ne se con-tentent pas de râler sur la violation de laconvention de Genève qui a permis de

voir ça : un chef d’Etat exhibé comme ungrand singe du Zaïre, dans les poilsduquel un infirmier glacial cherche despoux, ausculte la dentition et tripatouillela glotte, en toute impunité.Gorille groggy. En France, les Arabes deplus en plus passifs font semblant ne pasvoir qu’il s’agit d’un des leurs. En Orient,les plus occidentalisés, qui se prennentpour des «Phéniciens», savent bien aufond que ce n’est pas Saddam Husseinqu’on a humilié, c’est eux. Qu’est ce qu’ilva leur falloir, de plus, aux Arabes de touspays, pour se révolter enfin ? Depuis deuxans, la plupart se terrent, terrorisés d’êtrepris pour des terroristes. La défaite duplus grand chef panarabe du 20ème siècleaprès Nasser est à l’image de leur décon-fiture mentale.

On a oublié comment s’est préparéela guerre en Irak. Comment elle s’est faiteet comment elle s’est terminée ! Le tyrande Bagdad était déchu bien avant qu’il neprenne la fuite. Dans la grande cohérencede son destin, il s’est montré non pas telqu’il est mais tel que tous les Occidentauxveulent que les Arabes soient. Sales, hir-sutes, peureux, dociles, méprisés, mépris-ables, inoffensifs, puants. Un jour, j’espèrequ’il y aura un adjectif qui les fera réagir.Saddam n’avait pas à se présenterautrement, étant donné qu’il a été trahi etvendu par les siens. C’est au contraire unefin magnifique qui en dit long sur tout cequi s’est passé pendant cette année trag-ique. Certains romantiques auraientvoulu qu’il se défende jusqu’à la mort,qu’il crève la kalachnikov vide à la main,ou alors qu’il se suicide à la Hitler dansson bunker. Mais il n’avait pas de bunker,je me suis tué à le dire ! Pas plus que desosies, c’était lui et lui seul dans sa grotteà moitié nu et fou, vautré sur son tas dedollars. Déjà spectre comme l’Allemandperdu dans sa mine, tirant des balles d’orsur Blueberry !...

Saddam Hussein n’avait pas à finir en« héros ». Il n’a pas été lâche, il a été lâché.Quand on lui a demandé pourquoi il nes’était pas suicidé, il a répondu enfrançais : « Merde ! ». Le loosergrandiose, voilà le héros d’aujourd’hui etdonc de demain. Quel honneur y a t’il àavoir soudoyé un plouc d’Irak pour qu’il

donne la cachette de son ex-raïs haï ?LesG.I. ne l’ont pas trouvé tout seuls, le spi-der hole, il a bien fallu qu’on leur désignela trappe recouverte d’un petit tapispourri et quelques balayures dans la courd’une fermette déglinguée d’Al Dahourpour qu’ils en extraient le troglodyte.C’est comme Poséidon sortant de l’eauque Saddam à jailli de sa cave. Quellemajesté inversée ! Oui, c’est comme çaque serait Saladin aujourd’hui, etNabuchodonosor. L’image d’Épinal n’estplus permise. « Clodo de Tikrit », « men-diant de l’Histoire », « SDFd’Apocalypse ». Les chansonniers et lesdessinateurs humoristiques s’en sontdonnés à cœur joie, mais moi je sais qu’ilsn’ont pas de cœur, ni de joie. Honte à ceuxqui ont dessiné des mouches autour duvaincu pour bien montrer qu’il puait ausens propre ! Tous n’ont su le comparerqu’ à Karl Marx, au chanteur Antoine, oubien à Michel Simon dans Boudu sauvédes eaux ! Pourquoi pas à Marek Alter ?Misère de la gaudriole. Pas un observa-teur occidental, bien au chaud dans sonsentiment démocrateux, tout à son bon-heur de voir enfin le tyran satanique prisau piège, pour simplement fermer sagueule devant l’image la plus indécentede ce début de siècle.

C’est maintenant qu’on peut dire quel’année s’achève , ça se lit dans le regardde Saddam, et pas besoin d’ADN gratté àla spatule, à l’intérieur de ses joues pourêtre sûr que c’est lui. Ça ne peut être quelui pour avoir ce regard lucide et fataliste,non pas «hagard » et «perdu » commel’affirment les présentateurs de journaltélévisé qui légendent n’importe quelleimage du contraire de ce qu’elle exprimeà l’évidence. Il y a un ou deux plans decette fameuse vidéo de la visite médicaledu premier prisonnier du monde qui ontéchappé aux voyeurs. Ceux de sa trogned’ogre digne et dégoûté, de RobinsonCrusoé roublard encore vif et un tantinethautain, et toisant son destin comme unvrai Mésopotamien. Les médias améri-canisés ont préféré montrer le cowardqui n’a pas voulu crever la gueuleouverte, et qui se tapote la barbe avantqu’on le rase et qu’on lui coupe lescheveux comme à Samson pour luienlever la dernière force qu’il lui reste :celle d’un homme qui n’en a plus. SiSaddam Hussein a souvent été ignobledans sa vie, il n’a jamais été plus nobleque le jour de sa capture.

On imaginait Saddam enFloride, à Miami, au bord desa piscine pleine de sessosies...

Tellement de conneries se sont ditesdepuis la chute de Bagdad ! Saddamdéguisé en bédouin, passant de tente entente dans le désert, ou alors s’échappantjusqu’en Syrie par un tunnel creusé sousl’Irak. On a même affirmé que l’ambas-sadeur russe était revenu après la guerrepour l’emmener avec lui dans son taxisous une couverture et que Poutine leplanquait depuis en Biélorussie ! FidelCastro aussi a été soupçonné de l’avoirrecueilli à Cuba via Damas, ou bien en

BILAN

Le Prophète Jérémie par Michel-Ange

9

combine avec la CIA, les Américainsauraient tout monté eux-mêmes aprèsavoir bradé Bagdad. On imaginaitSaddam en Floride, à Miami, au bord desa piscine pleine de ses sosies multipliantles acrobaties aquatiques pour le dis-traire. Saddam en chapeau de paille ausoleil de Malibu en train de s’activerautour d’un barbecue ou de se taper unpoker en compagnie de ses derniersfidèles avec les fameuses cartes à leureffigie ! On racontait aussi que SaddamHussein était un as de la prestidigitation.Il se faisait lui-même disparaître ! Où estdonc le Saddam de pique, il était ici, il nel’est plus, vous êtes sûr ? Gagné, perdu.Atroce bonneteau !

Que dirait-on si, du jourau lendemain, le présidentdu Bénin, pays devenu leplus puissant de la Terre,décidait d’aller faire laguerre au Groenland ?

Hélas, comme disent les journalistes,tout s’est écroulé comme un château decartes et avec ces cartes, les Américainsont fait le jeu des têtes mises à prix.Sinistre réussite ! Pour Bush, la guerreest un jeu qui se joue seul. Il faut voircomment il a abattu l’as de cœur et l’asde trèfle. La liquidation des deux fils deSaddam, le 22 juillet pour la sainte Marie-Madeleine fut l’un des crimes les pires del’occidentalisme moderne. Et pourtantquelle antiquité ! Y a-t-il eu plus bibliqueque l’exécution de Oudaï et Qousaï dansune villa criblée de missiles à Mossoul ?Six heures de siège et deux cents soldats,des hélicos, des bombes, il a fallu tout celaaux Yankees pour déloger les deux petitsmonstres reclus comme Guérin dans sonfort Chabrol ou la bande à Bonnot dansleur garage. Bravo ! « Beau coup » commeon dit les journaux. Bush voulait unexemple, il a sorti les deux cadavresplombés et les a exhibés au nez et à labarbe de la convention de Genève. On seserait cru porte de Clignancourt en 79quand les flics de Broussard ont transfor-mé Mesrine en gibier troué. Champagnesur les macchabées embaumés à la va-vite et puis rigolade de G.I autour, etapologie de la délation puisque Oudaï etQousaï ont été vendus of course.

Les spectateurs qui n’ont pas applau-di se sont contentés de baisser la têtedevant les deux fils rafistolés, il a falluleur refaire le visage tellement ils étaientméconnaissables. Et Moustapha le petit-fils, où est-il passé ? Lui aussi s’est battu,à 14 ans ! Tellement déchiqueté par leflingage des lâches, il ne devait pas êtrebeau à voir et encore moins à montrer.C’est l’image qui manque : le petit jokerescamoté. Les démocrates vont nous direque lui aussi était un monstre potentiel,qu’il fallait l’éliminer comme son oncleOudaï la plus grande ordure jamais vuesur la terre, d’après ce que les médisantsmédias disent, alors que c’était un simplefils à papa qui abusait de son pouvoir. Onl’a montré dans une discothèque pelotantune blonde et tirant sur des ballons enbuvant un whisky-coca comme si c’était

l’horreur absolue mais des Oudaï,grandes gueules destroy, voyous bourrésqui cherchent la bagarre, il y en a desmilliers par week-end en boite de nuit...Un fêtard surpris à l’aube dans le pluscheap night club de Dieppe serait toutaussi monstrueux. Dans le même genre, jeme demande si Joey Starr n’est pas plusterrifiant qu’Oudaï Hussein!

Dommage pour lui, les Américainsavaient décidé de se le faire. Ils sontcomme ça les Américains, un pays lesdébecquete, ils vont l’envahir et commec’est au nom de la Justice, tout le mondetrouve ça juste. Que dirait-on si, du jourau lendemain, le président du Bénin, paysdevenu le plus puissant de la Terre,décidait d’aller faire la guerre auGroenland parce que la région polaire est

dirigée par un Esquimau particulière-ment cruel ? Oui, le chef du Béninlancerait soudain ses troupes d’Africainssur-armés sur le pôle Nord, direction labanquise. Les Béninois ne peuvent paspiffer les habitants de l’Arctique dont lemode de vie les insupportent. Ils veulentprendre possession des glaces et on voitbientôt des milliers de Noirs atterrir surdes icebergs ! Ils effraient les pingouins,poussent quelques ours, giflent deux outrois phoques et cassent de l’Esquimau.Le maître de Cotonou a bien le droit de nepas aimer le froid ! La neige est bientôtrouge de sang. Tous les Esquimaux sonttrès vite mis en esclavage par le grandNoir frileux. À ce scénario, qui trouveraitquelque chose à redire : L’ONU, l’Europe,la France ?

Saddam Hussein ne plaît pas àGeorge W. Bush parce qu’il a fait bobo àson papa, alors il décide de lui massacrerson pays, bombarder ses villes, assassinerses fils, son petit-fils et maintenant luiregarder le fond de la gorge. On peutpenser qu’il ne pourra pas aller plus loin,mais c’est mal connaître le Protestant !La recherche bredouille des armes dedestruction massive ne s’arrête pas à l’in-spection du pharynx du Raïs. Bush veutentrer dedans, se faire avaler commeJonas par la baleine, comme Pinocchiodans le cachalot à la recherche de sonpère. Qui sait si ce n’est d’ailleurs pas sonGepetto que Bush junior va retrouver

dans le corps caverneux du Léviathan del’Euphrate ? Cette marionnette est capa-ble de tout. Son nez n’a pas arrêté dementir. Et tous les oisillons des démocra-ties occidentales se sont perchés dessusen frissonnant de peur.

Je ne crois pas un mot à la compas-sion que les commentateurs disent avoirressenti à la vision du visage de SaddamHussein. C’est un peu facile et bien troptard. Voici l’homme. Il faut que lecriminel soit transformé en Christ pourqu’on le considère comme un êtrehumain. Pour moi, pas de différence entreles journalistes qui versent une petitelarme de crocodile en voyant à la télé lelion dompté par Monsieur Déloyal et ceuxqui, dans la salle où Paul Bremer, retenantses sanglots de virilité pathétique, leur aannonçé la bonne nouvelle, hurlaient derage, postillonnaient d’insultes ettendaient le poing contre un vieuxcradingue déglingué avec la même furieque les sacrificateurs demandèrent àPilate de relâcher Barrabas. « À mortSaddam ! Saddam à mort ! Qu’il soit cru-cifié ! » Ce serait bien la première foisqu’on clouerait sur une croix made inOccident le corps d’un homme du doublede l’âge de Jésus !

C’est Saddam qui a gagné.

Avec sa grande intelligence bibliquede se résigner à l’échec, Saddam Husseinest devenu en un instant plus chrétienque tous les Bush du monde. Si jamaisSaddam n’a été plus beau, c’est quejamais il n’a été plus religieux ! Desimages de la Vierge et un calendrierd’une arche de Noé retrouvés dans sabicoque ne sont encore rien commesignes, près de la tête qu’il s’est fait enneuf mois. La tête de Dieu mélangée àcelle du fils de Dieu. Quelle orthodoxie !On l’avait quitté père, on le retrouve fils.Le grand choc, il est là. En ce sens, il n’estpeut être pas chrétien, mais christique,si ! Qu’est ce qu’un père devient quand ilest pris ? Un fils. Il fallait que les deuxsiens meurent pour lui laisser cette placesymbolique. La place qui gêne tout lemonde, la place du martyr qu’on ne peutplus considérer seulement comme undictateur sanguinaire.

Les télés ont ressorti comme parhasard, et avec la veulerie qui les carac-térise, les documents les plus sordides deses heures de gloire. Oreilles coupées,types qui explosent avec un bâton dedynamite dans la poche de la chemise,bébés Kurdes bleuis par les gaz et dissi-dents qui racontent comment le Baas leurélectrocutait les testicules... Rien de toutcela ne changera cette figure d’un hommequi a gagné ! Car c’est Saddam qui agagné là où Hitler, Mao et Staline ontperdu. Même Mussolini, pendu à un crocde boucher, et Ceausescu fusillé dans unecour d’école avec maman n’ont pas réussileur sortie. Saddam, lui, ne l’a pas loupée.Il nous rappelle qu’en 2003 nous sommestoujours à l’âge du Christ. En allant s’en-terrer dans le trou de sa naissance, il acompris que la victoire mystique luiappartenait sur la terre-même où sesancêtres avaient exilé les prophètesd’Israël. Il est devenu celui des Arabes,

quoi qu’en disent les traîtres et les colla-bos. Il n’a plus besoin de lancer desmenaces contre Jérusalem ni même de selamenter. Pourtant qu’est ce qu’il ressem-ble à Jérémie peint par Michel Ange ! Tusais tout, ô Éternel ! Souviens-toi de moi,ne m’oublie pas, venge-moi de mes persé-cuteurs ! ( Jé. 15 )

L’Irak, c’est fini mais unenouvelle guerre com-mencera bientôt.

Mi-Che mi-Zeus, Saddam est là pourl’éternité avec son infirmier de dos qui luiabaisse la langue : « Vous avez une rhinopharyngite, monsieur Hussein ! ». Le mes-sage des Américains est clair : c’est ainsiqu’on traite les «bougnouls » , commedes gibbons qu’on épouille. Qu’on se ledise, de Barbès à Alexandrie ! La paranoïaarabe s’emballe aussitôt : les Yankeesauraient chopé Saddam le 28 juin et l’au-raient drogué pendant six mois enl’obligeant à se laisser pousser la barbe.Puis foutu dans le trou du cul du monde,parce que c’est un « trou du cul », et ilsl’en auraient sorti comme bouche-trou,juste avant la bûche de Noël. Bouche,gorge, George, Bush... Non, les Yankees nesont pas si lacaniens ! C’est mal connaîtreleur simple bêtise et l’incroyable pathosvulgaire de leur esprit. C’est vrai, ils ontfait d’un lion une descente de lit mais ilsvont se prendre les pieds dedans ! L’Irakc’est fini mais une nouvelle guerre com-mencera bientôt. Je l’entends déjà.

Boom ! Boom ! Qu’est ce que c’estque ces deux explosions ? Je ne suispourtant pas à Bagdad, mais à Beyrouth,le dernier jour de l’an 2003. On m’ex-plique qu’il s’agit de chasseurs israéliensqui passent de temps en temps au-dessusdu Liban et franchissent le mur du son,histoire de montrer qu’ils sont toujourslà. Depuis le raid contre la Syrie, la ten-sion est remontée jusqu’ici. Deux fois parsemaine, les avions de Sharon survolentle territoire libanais. Aucun autre État nese permettrait ça ! Je vois mal l’armée del’air espagnole faire boom ! Boom ! dansle ciel portugais. Personne ne bouge. Onreconnaît le droit international a ce qu’ilse viole facilement ! À quand une nou-velle opération « Raisins de la colère » ? Iln’y a pas si longtemps finalement que lestroupes israéliennes se sont retirées duSud-Liban. Et si c’était d’ici que tout allaitrecommencer ? Je descends à Raouché,tout est calme au Café d’Orient. Deuxfemmes voilées fument leurs narghilés enlâchant des regards rêveurs sur la grotteaux pigeons. La Méditerranée ondulecomme de la tôle. Le soleil n’a pas enviede se coucher.

Adieu 2003 ! Demain, c’est la nouvelleannée : elle sera pire, c’est-à-diremeilleure pour ceux qui ont compris qu’ilne s’agit plus d’écrire autre chose que cequi se passe. Puisque ce qui se passe estdéjà de l’écriture ! Être à la hauteur de lafiction de la réalité, tel sera le travail detous ceux qui ne veulent toujours pas setaire.

Marc-Édouard Nabe

31 décembre 2003, Beyrouth.

AU LIBAN

Le Clodo Saddam par George Bush

«Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parceque vous fermez aux hommes le royaume des cieux,vous n'y entrez pas vous-mêmes, et vous n'y laissez

pas entrer ceux qui veulent entrer.« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que

vous dévorez les maisons des veuves, et que vous faites pourl'apparence de longues prières ; à cause de cela, vous serez jugésplus sévèrement.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous courez la mer et la terre pour faire un prosélyte et, quand ill'est devenu, vous en faites un fils de la géhenne deux fois plus quevous.

« Malheur à vous, conducteurs aveugles ! qui dites : "Si quelqu'unjure par le temple, ce n'est rien, mais, si quelqu'un jure par l'or dutemple, il est engagé ". Insensés et aveugles ! Lequel est le plusgrand, l'or, ou le temple qui sanctifie l'or ? Si quelqu'un, dites-vousencore, jure par l'autel, ce n'est rien ; mais, si quelqu'un jure parl'offrande qui est sur l'autel, il est engagé. Aveugles! Lequel est leplus grand, l'offrande, ou l'autel qui sanctifie l'offrande ? Celui quijure par l'autel jure par l'autel et par tout ce qui est dessus ; celui quijure par le temple jure par le temple et par celui qui l'habite ; et celuiqui jure par le ciel jure par le trône de Dieu et par celui qui y estassis.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et que vouslaissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricor-de et la fidélité : c'est là ce qu'il fallait pratiquer, sans négliger lesautres choses. Conducteurs aveugles ! qui éliminez le moucheron, etqui avalez le chameau.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu'au-dedans ilssont pleins de rapine et d'intempérance. Pharisien aveugle ! nettoiepremièrement l'intérieur de la coupe et du plat, afin que l'extérieuraussi devienne net.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au-dehors, et qui, au-dedans, sont pleins d'ossements de morts et detoute espèce d'impuretés. Vous de même, au-dehors, vous paraissezjustes aux hommes, mais, au-dedans, vous êtes pleins d'hypocrisieet d'iniquité.

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce quevous bâtissez les tombeaux des prophètes et ornez les sépulcres desjustes, et que vous dites : Si nous avions vécu du temps de nospères, nous ne nous serions pas joints à eux pour répandre le sangdes prophètes. VOUS témoignez ainsi contre vous-mêmes que vousêtes les fils de ceux qui ont tué les prophètes. Comblez donc lamesure de vos pères. Serpents, race de vipères ! comment échappe-rez-vous au châtiment de la géhenne ? C'est pourquoi, voici, je vousenvoie des prophètes, des sages et des scribes. Vous tuerez et cruci-fierez les uns, vous battrez de verges les autres dans vos synago-gues, et vous les persécuterez de ville en ville, afin que retombe survous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sangd’Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vousavez tué entre le temple et l'autel... Je vous le dis en vérité, tout celaretombera sur cette génération. »

Jésus-Christ

Dans l'Évangile selon Matthieu (23, 1-36), Jésus a la haine desscribes et des pharisiens, c'est-à-dire des intellos et des colla-bos. Quelle inspiration quand il s'agit d'insulter ceux qui font« peser sur les hommes de lourds fardeaux, portent de largesphylactères et de longues franges à leurs habits, et se placentaux premiers rangs dans les synagogues». Bref, les « assisdans la chaire de Moïse qui disent mais ne font pas ». LeChrist, lui, aime les actes ! Ah, qu'on ne nous dise plus jamaisque Jésus-Christ est un doux rêveur maso venu apporter« l'amour» et la « paix » sur Terre... Plus jamais !

« RACE DE VIPÈRES ! » Pamphlet Médias

Parents de Daniel Schneidermann tombés sur le culen apprenant que leur fils était passé du Monde à Libération

SOUS LA TOMBE D’EZRA POUND

Je suis allée à Venise raconter à ci-gît Ezra Pound qu’il collabore à La Vérité depuis novembre. J’ai pris levaporetto 42 depuis les Fondamente nuove pour le cimetière sur l’île de San Michele. Après être allée saluerDiaghilev, le baron Corvo et la petite fille de la famille Bembo morte il y a plus d’un siècle (c’est ma tombe

préférée), j’ai cherché de longues minutes dans le carré protestant évangélique la tombe du seul rédacteur mortdu journal pour l’instant, d’autres suivront. Il pleuvait sur l’île, terre fourrée aux morts, nella vulva umidadell’Europa. Àdeux doigts de désespérer, j’ai trouvé Ezra à côté d’Olga. Pas de pierre, juste de la terre, une plaquesans date, des fleurs et un nom recouvert de feuilles.

J’ai remarqué, enfoncé dans la terre, quelque chose qui brillait, j’adore les trésors, alors j’ai creusé un petitpeu et j’ai déterré un stylo en bois gorgé d’eau avec un capuchon en or. Après l’avoir essuyé et essayé, je l’aireplanté parce qu’il ne faut pas profaner les tombes.

J’ai voulu reprendre le vaporetto, mais sur le quai il venait de partir. Je me suis dit que c’était trop dommagede ne pas écrire mon prochain article dans le journal avec un stylo-bille offert par Ezra Pound. Comme j’avais20 minutes avant le prochain bateau et, remplie de trouille d’attirer sur moi la malédiction d’un mort ou de deuxmorts si la personne qui a enterré ce stylo n’est plus de ce monde, je suis retournée au carré protestant sous lapluie pour négocier le stylo. À nouveau je l’ai déterré, Ezra n’a pas dit un mot et j’ai enterré mon bic bleu à laplace. J’ai mis mon nouveau stylo dans la poche de mon manteau rouge en jurant à Ezra que je le lui rapporteraiet que je ne laisserai jamais personne d’autre que moi écrire avec.

La tombe dans le dos, je suis partie en essayant de ne pas courir. En serrant le stylo dans ma poche je mesuis dit que j’allais peut-être me mettre à parler avec une voix d’homme ou avoir des vers et des serpents quiallaient sortir de mon corps. Sur le quai, à la sortie du cimetière, il ne faut surtout pas se retourner parce que siça se trouve, Ezra est juste derrière toi, tout mort avec sa barbe et ses orbites vides qui te serre le bras avec sesphalanges vertes en te redemandant son stylo. Je suis montée dans le bateau et sur la lagune, j’ai fait un pari avecla mer. Je lui ai promis que je ne… plus jamais de… et que je…toujours. Et pour que ce ne soit pas des parolesen l’air, j’ai jeté une… dans la…

Petit à petit, mon stylo d’Ezra Pound est redevenu lisse et sec. Aujourd’hui, il brille, nous sommes en bonnesanté, et il écrit très bien.

Audrey Vernon

10

Tourisme

Sciences

IL Y A DE LA VIE SUR MARS !

11

Marchés

Tous les arguments de nos« anti-américains » contre lapolitique « impérialiste »

américaine ne valent rien. Des argu-ments, ce ne sont que des paroles, chaquecamp en trouvera toujours de meilleurscontre l’autre. Une phrase, pour convain-cre, doit être un acte. C’est ce que les« terroristes » ont, depuis longtemps,compris. Bush aussi. Malgré ses discoursque nos petits français estiment« débiles», Bush n’argumente pas, il agit :il fout directement sur la gueule de sonennemi, en l’occurrence Saddam Husseinet son pays l’Irak.

Etre vraiment «anti-américain »pour un européen aujourd’hui ce n’estpas argumenter contre les Etats-Unis envertu de je ne sais quels Droits-de-l’Homme mais agir ! En commençantpar prendre conscience que noussommes tous responsables de ce pouvoirque possèdent aujourd’hui les Etats-Uniscar nous y participons et le consolidonschaque jour. Il ne s’agit pas de désigneridéologiquement un ennemi mais desavoir précisément contre quoi on lutteconcrètement ! Le véritable ennemi n’estpas Georges Bush mais le maître qu’ilsert, en l’occurrence l’argent, cettemachinerie qui tourne à vide et qui estdevenue la seule «valeur » de notremonde Occidental. Cette fausse valeurque l’Amérique et nous-mêmesimposons au monde entier tout en piéti-nant ce qu’il a de plus sacré, ce qu’il a deplus profondément humain. Un con-tenant qu’on fait passer pour un contenu.

George Bush tient à la gorge tous lespetits « anti-américains » européens quilui donnent des leçons de morale oud’idéologie mais qui continuent pourtantà vivre tranquillement dans une sociétéqui est une société de type américain, quifonctionne sur le mode américain,exactement comme il tient à la gorge unbon nombre de chefs d’états qui votenttoujours « comme il faut » à l’ONU afinde sauvegarder, soit leurs intérêts per-sonnels, soit les petites affaireséconomiques de leur nation.

Il faudrait commencer parse demander ce que notrecivilisation a à défendre ouproposer.

La véritable force des Etats-Unis n’estpas leur armée mais leur pouvoiréconomique, l’aura qu’il exerce, autantdire la force de persuasion qu’a aujour-d’hui l’argent dans notre monde. Inutilede se voiler la face et de nier le pouvoird’attraction du modèle américain et lesmilliers — si ce n’est les millions —d’étrangers qui rêvent chaque jour derentrer aux Etats-Unis. « USA go homeand take us with you » comme on dit auMoyen-Orient. L’hospitalité sacrée orien-tale n’a d’ailleurs pas fait long feu devantles primes octroyées pour la capture de lafamille Hussein.

L’Irak n’est pas un pays que lesAméricains ont envahi un beau jourcomme Saddam a envahi le Koweït, c’estun pays qui a été ACHETÉ. Morceau parmorceau. Semaine après semaine. Et lepire est que ce pays a été vendu par tous,« anti-américains » compris. L’ONU futla première à le troquer en échange de satranquillité. Tous les pays décideurs del’ONU, même la France malgré ses

pinaillages de circonstance, ont baisséleur froc par peur de représailles. Lesgénéraux Irakiens ont été achetés etBagdad fut livrée presque clés en mains.Les enfants de Saddam Hussein ont ététrahis et criblés de balles pour 30 mil-lions de dollars et Saddam Hussein luimême a été vendu. Ce pays a été laminénon pas grâce aux armes sophistiquéesdes forces américaines mais grâce aupouvoir de l’argent et ses avatars : intim-idation, chantage, falsification, et par-dessus tout une incitation à la délationtoujours fortement récompensée.

Choc de civilisations ? Guerre dereligions ? Mais tout cela ne veut riendire… Des débats d’intellectuels de pro-américains contre anti-américains.. Ilfaudrait peut-être commencer par sedemander ce que notre civilisation a àdéfendre ou proposer ? Liberté,démocratie ? Des mots qui ne signifientplus rien... La perte de signification detous les mots de notre langage est lapreuve même de notre déchéancespirituelle. Qu’est-ce que la liberté si ellen’a pas de sens ? La tyrannie, mal -heureusement, inspire quelquefois plusles hommes. Et c’est d’inspiration qu’ontbesoin les hommes ! A quoi sert ladémocratie quand on ne sait pas pourquoi voter !

C’est une dictature del’argent que les Américainset nous-mêmes imposons aumonde.

Qu’est-ce que notre civilisationaujourd’hui a à offrir aux autres peuples ?Rien ! Il n’y a pas de choc de civilisa-tions, c’est le Néant qui engloutit la Vietout simplement. Nous n’avons rien àoffrir aux pays arabes si ce n’est laspoliation pure et simple. Qu’on arrête dedire qu’un kamikaze palestinien ou BenLaden est « nihiliste » quand nousautres, Occidentaux, ne pouvons mêmepas dire pour quoi nous serions capablesde donner notre vie. Posez-vous la ques-tion ! Pour quoi pourriez-vous donnervotre vie ? Je pense qu’un arabe, unafricain, un indien peut répondre trèsvite à cette question mais nous autres ilnous faut pas mal de temps pour y répon-dre, il nous faut chercher une réponse quine coule pas de source pour la simple rai-son que, pour la plupart d’entre nous,notre vie n’a pas de vrai sens et c’estpourquoi nous ne pouvons même pas ladonner. Rien à donner. Rien. Personne,ici, ne donnerait quoi que ce soit pour cequ’il croit être la Vérité parce que pournous il y a, évidemment, des vérités…Donc rien ne vaut le coup… Tout est vrai,tout est faux. Et bien, c’est ça lenihilisme…

On s’étonne de l’intégrisme religieuxdes Musulmans mais cet intégrisme est laréponse même à notre propre inté-grisme : celui de l’argent. C’est une dic-tature de l’argent que les Américains etnous-mêmes imposons au monde en tantque modèle de vie et que nous nommons« développement », « liberté » et« démocratie ». Il est tout à fait normalque Saddam Hussein, le « dictateur » aitété un des derniers remparts face à ladéferlante américaine. Ce que nousappelons la « folie » de Saddam (gal-vanisant son peuple dans une guerre per-due d’avance contre les USA) est sûre-ment la dernière forme d’hygiène

spirituelle. Saddam Hussein a été lavé dusang qu’il avait sur les mains le jourmême où les Américains ont posé unpied en Irak. C’est ce que tout « anti-américain » qui ose encore dénigrerSaddam Hussein devrait comprendre.

Qui peut croire que l’Irak gardera cequi lui reste d’âme avec une économie demarché ou une démocratisation qu’iln’est pas prêt à recevoir ? Peu de paysl’ont gardée. Il suffit de regarder Israël.Oubliez les histoires de sionisme ou d’an-tisionisme, il n’est pas évident que ce soitAriel Sharon et ses co-équipiers quipourrissent ce pays (ou leurs ennemis), ilest encore plus pourri par l’argent quepar sa politique névrotique. La vérité estque la « Terre Promise » n’excite plusbeaucoup de monde mis à part les Juifscontraints de fuir leur pays d’originepour problèmes fiscaux. Nous sommesdéjà bien loin d’Israël et de ses kibboutzsoixante-huitards. Israël n’a plus d’âme,pas même une âme factice et ce ne sontpas les Palestiniens qui la lui ont enlevée.Ce pays a beau jeu de construire un muranti-kamikazes... On se demande bienpourquoi Israël, afin d’éviter les attentats- suicide, n’interdit-il pas tout simple-ment l’entrée de tout Palestinien sur sonterritoire. Parce qu’Israël a besoin desPalestiniens comme main-d’œuvre pourremplir ses usines et faire tourner ses McDo et, pour son malheur, il se trouve quedans le lot il y en a quelques uns que Dieu« fanatise » plus que l’argent.

Chaque personne devrait se deman-der pour quoi elle travaille. Les « anti-américains », au lieu de gueuler avec lesloups, devraient, avant tout, se poser cettequestion. Tous les Occidentaux vont tra-vailler chaque jour pour faire tourner lagrosse machine à l’âme américaine. Ilsvendent leurs mains et, pire encore, leurintelligence pour des entreprises detoutes nationalités dont ils savent à peinece qu’elles vendent réellement et surtoutpour quoi elles les vendent. La plupartdes entreprises sont d’ailleurs tellementdéconnectées de la réalité qu’elles nevendent que des services qui permettrontà un autre de vendre autre chose. Oui,c’est ça brasser de l’air. Cette civilisationnage en plein surréalisme.

Les raisons pour lesquelles GeorgesBush a envahi l’Irak sont aussi insignifi-antes (au sens littéral du mot) que cellesde l’individu européen qui se lève chaquematin pour travailler sans comprendreprofondément pourquoi il travaille.Travailler est une chose souhaitable. Seprostituer en est une autre. Bush mèneune politique du profit mais il ne faut pasoublier que c’est aussi celle que mène leplus petit salarié ou la minuscule PME.Ce n’est pas parce qu’on gagne moinsqu’on est moins salaud. Ce n’est pas parcequ’on est exploité qu’on est moins pourrique l’exploiteur. Il va falloir finir par lecomprendre. Les plus virulents de nos« anti-américains », sont toujours ceuxqui s’estiment laissés-pour-compte dansnotre société : chômeurs,« intermittents » , paysans dégoûtés parle cassage des prix, ouvriers, etc..Donnez-leur de l’argent, un travailgrassement payé, leur four à micro-ondeset comme par enchantement leur « anti-américanisme » disparaît.

Une casquette Nike, une canette deCoca , un épi de maïs transgénique nesont pas détestables en eux-mêmes, c’estle système qui les colporte qui doit êtredétesté. Les « anti-américains » sont très

fiers de boycotter Coca-Cola et d’acheterdu Mecca-Cola (« Buvez engagé ! ») maisil n’y a aucune différence fondamentaleentre ces deux produits ! L’acheteur deMecca-Cola (quel nom inepte) s’offre ensupplément une bonne petite consciencepolitique. C’est d’ailleurs cela qu’on luivend précisément ! Les deux entreprisessont aussi capitalistes l’une que l’autre,c’est-à-dire aussi profondément améri-caines dans leurs rouages l’une quel’autre. Mecca-Cola octroie 10 % de sesdividendes (bénéfices nets) aux enfantsPalestiniens mais Coca-Cola aussi donneaux orphelins du Maroc ou à je ne saisquelle cause qui fait vendre. Que Mecca-Cola donne 100 % de ses dividendes à laPalestine et cette entreprise aura unsens ; cette entreprise assènera un vérita-ble coup au capitalisme et à l’américa-nisme.

Certains Irakiens ont trahipour de l’argent, tous icinous trahissons chaquejour pour de l’argent.

Toutes les religions et les mouve-ments politiques « contestataires » sonttoujours acceptés quand ils collaborentéconomiquement, c’est-à-dire quand ilsreconnaissent une valeur en soi à l’ar-gent. Arlette Laguillier et ses confrèrestrotskistes adorent l’argent quand il estdonné aux ouvriers et aux camarades, etla seule révolution de la LCR consiste àmanifester pour augmenter ses points-retraite (du fric ! ). Aucune différenceentre nos révolutionnaires et AlainMadelin sauf un système de distributionde l’argent en opposition. Liberté de s’en-richir pour Madelin contre égalité de ladistribution des dollars pour Laguillier.Au lieu de saccager des usines par dépitou de brûler leurs récoltes invendues, lescontestataires feraient mieux de brûlerleurs billets, de foutre en l’air absurde-ment leur salaire. La voilà la Révolution !La vraie Libération ! Ce n’est pas haïr, dubout de sa laisse, le patron capitaliste,l’ennemi « américain » mais se libérer dulien qui vous attache à lui.

Certains Irakiens ont trahi pour del’argent, tous ici nous trahissons chaquejour pour de l’argent. Toute concession, laplus infime, faite au nom de l’argent estdu pro-américanisme. Nous ne devonspas travailler pour gagner de l’argentmais plutôt en gagner pour pouvoir tra-vailler , c’est-à-dire faire quelque chosequi donne un sens à la vie humaine. Jeterson fric par la fenêtre voilà ce que toutepersonne saine d’esprit doit faire. Le pau-vre comme le riche. Que l’argent soit nié,par celui qui le donne, et par celui qui lereçoit, et nous échangerons vraimentquelque chose à cet instant précis.

C’est cela, véritablement, être «anti-américain », pas besoin de théories, demanifestations dans la rue ou de je nesais quel alter-mondialisme. Des actes !Tout de suite, dans sa propre vie, car tousnous sommes responsables de ce qu’il sepasse en Irak en collaborant chaque jourà un système inhumain. Ce n’est pas enDieu que croit le pouvoir américain, c’esten nous, c’est en vous tous, le plus petitcomme le plus grand. Apprenez à lire : iln’est pas écrit « In God we trust » sur lesdollars américains mais « In You weTrust ».

Anne-Sophie Benoit

GUERRE ET ARGENT

12

Georges W. Bush est pour lapeine de mort : pas moi.Mais Georges W. Bush est

roi du monde. Et pas moi. Je n’airien à dire, moi. On ne m’invite pas àdouter, à débattre, à m’insurger, onme contraint au contraire à baisserpavillon, à me soumettre à l’idéolo-gie parasitaire ambiante. Point. Pourpenser W, je dois donc m’adapter.Digérer l’idéologie parasitaireambiante et la recracher dans ungros vomi conventionnel. Pensercomme W. M’engouffrer dans le tun-nel de sa doctrine. Savoir ce que Wpenserait de lui s’il était, commemoi, par la force des choses, devenul’ennemi intime de W. Ce qu’il feraità ma place et moi à la sienne.Respecter W à la lettre .

De ce point de vue, le verdict nesouffre pas de discussion : W mesomme d’abattre W. W m’ordonned’éliminer W une bonne fois pourtoutes. Non seulement parce que West sur le plan philosophique, mili-taire, civique et racial pour la peinede mort. Parce que zigouiller sonprochain est en somme son hobby.Le train-train de son quotidienhomicide, par temps de paix commepar temps de guerre. Mais parce queW milite pour la suppressionphysique de tous ceux qui se mettentsur la voie glorieuse de W. Parce qu’ilest ontologiquement pour l’extermi-nation définitive de tout opposant.Pire ennemi de Saddam qu’il colleavant jugement au poteau d’exécu-tion, W est aussi minéralement, West aussi intimement que moi le pireennemi de W. C’est indiscutable.

Récusant la peine capitale, goû-tant peu la vue du sang, je n’ai pasune tête d’assassin. Je n’ai jamaisréussi à dégommer une ampoule delampadaire avec un lance-pierre.

J’en profite donc, moi simple alterego, pour passer une petite annonce.

Tel Diogène, W bis arpente lescolonnes de ce journal à la recherched’un homme. Pas n’importe lequel. Ilcherche le nouveau Lee Harwey.L’Oswald du troisième millénaire. Çadoit se trouver, ça. Non ?L’Amérique a dégringolé bien bas,mais tout de même. Mais enfin. Unmarginal dans la mouscaille, un fouarmé jusqu’aux dents, un extrémistede droite-ou-gauche sans rien dansla cafetière, les States doivent enavoir quelques légions en réserve.Les banlieues pourries de la Cité-Monde doivent regorger de typesprêts à en découdre. Un bon cave. Leportrait-robot du bouc-émissaireidéal. Celui qui va endosser le crimestratégique ultime que nul n’osecommettre, parce que nous sommestous devenus si frileux, si« humains », si idéologiquementparasitairement nuls.

W aurait bien déjeuné ce matin-là. Un bretzel chaud avalé de bonnehumeur avec un Coca light. Ilgagnerait sa limousine décapotable.Il serait assis sur le siège arrièredroit. Il ferait beau. Les drapeauxclaqueraient au vent. Mme Wprendrait place à ses côtés, entailleur rose. On serait peut-être ducôté de Dallas. Le long cortège prési-dentiel démarrerait au quart de tour.W serait rayonnant, avec une petitebandaison en route sur la route deson destin. Il écraserait un petdominateur sur la banquette cirée.Et puis tout à coup, alors que laparade tourne à gauche pour s’en-gager devant un dépôt de livres sco-laires, bang bang bang ! Trois bastosdans la gueule. Son regard de pri-mate se vrille. Il tire la langue d’oùs’écoule un filet de bave en dentelles.

C’est fini.Recommandations pour ce

coup-ci : 1° dans le cas où une tiercepersonne est atteinte, ne pas brandirune balle intacte pour expliquer legrand nombre des blessures, ça nefait pas crédible ; 2° ne pas fairedescendre le suspect par le patrond’une boîte de strip-tease lié à lamafia, mais plutôt le laisser mettrefin à ses jours dans son cachot,comme le grand garçon déséquili-bré qu’il est ; 3° laisser enfin les jour-nalistes faire leur travail : vu leurtalent d’enquêteurs, on peut êtresûrs qu’ils ne découvriront jamais lefin mot de l’histoire.

Le temps jouera pour nous. LesWilliam Reymond et les ThierryMeyssan du futur, les révisionnistesmédiatiques de tout poil diront for-cément que l’histoire est plus com-pliquée que ça. Que notre assassinest 100% innocent. Un jour oul’autre, le pauvre mec sera réhabilité.Il n’aurait pas fait de mal à unemouche. Blanchi total. La moraleserait sauve : personne n’aurait tiréce jour-là. Bush aurait été abattu parun fantôme, en quelque sorte. Parlui-même, au fond. On ne sauraitjamais que cet article subliminal(écrit par un hypnotisé) a été ledétonateur des trois détonations.Personne n’y serait pour rien et onrespirerait un peu mieux dans lesprovinces du monde. L’avenir auraitcomme des lueurs d’aurore.

C’est concevable, vous ne croyezpas, que l’histoire se déroule ainsi ?Qu’un complot libérateur soit ourdiet triomphe en secret ? Sinon c’est àdésespérer de Hegel et de la théoriemarxienne du possible. Abattez-le !

Paul-Éric Blanrue

ABATTEZ-LE !CATSAP

Himmler est mon idole.

Nul n'est prophète dans son lit.

C'est quand on est dans la merde qu'on reconnaît la crotte deses amis.

Tous les goûts sont dans la culture.

Il n'y a d'échec que là où la culpabilité palpite.

Ce que je sais de moi, je l'ai appris en m'ennuyant.

J'aimerais qu'on dise de moi : « Dire qu'il a existé... ».

Quelle gloire à être connu quand on s'aime déjà ?

C'est ce que je n'ai pas écrit qui me perdra.

Entre baiser une conne et violer une intellectuelle, je préfèreme branler.

Vivre me paraît un peu juste pour exister.

Avant de tirer la chasse, je dis à mon caca : « au revoir, chéri».

J'offre des fleurs pour sentir bon.

Savoir qu'on va mourir n'est pas une raison pour réussir sa vie.

J'adorerais que le mot « enculé» fasse penser à moi.

Ce que j'ai de plus que les autres ? Je prends trois prozac parjour.

J'aime bien faire la vaisselle, j'ai l'impression de me purifier.

Le bisou nous protège du reptile.

Tant d'anus et si peu de sodomie !

J'ai envie de baiser avec une tortue.

Ce n'est pas d'amour qu'on a le plus besoin, c'est d'indulgence.

Un peu de malheur, et la vie est belle.

Philosophie

VICTOIRE D’UN CRIMINELMilosevic, inculpé pour génocide et crimes de guerre, vient pourtant d’être élu au parlement serbe. Il ne pourra pas évidem-

ment siéger à Belgrade puisqu’il siège déjà sur le banc des accusés au Tribunal Pénal International de La Haye. On se demandesi le prochain scrutin « démocratique » en Irak ne verra pas élire, même s’il ne s’est pas présenté, Saddam Hussein. Les

ressemblances avec Milosevic finissent par être frappantes… Comme il est étrange qu’un chef d’état chrétien orthodoxe élu démocra-tiquement et qu’un dictateur arabe laïc présentent tant de similitudes…

Saddam Hussein s’est pris une flanquée de bombes pour des raisons aussi surréalistes que celles pour lesquelles l’OTAN a bombardéla Yougoslavie. Il a été vendu par son pays (25 millions de dollars ?) comme Milosevic que le gouvernement serbe livra à la Haye en échangede quelques dizaines de millions de dollars d’aide économique. On cherche toujours les armes de destruction massive en Irak comme oncherche toujours les charniers du Kosovo, preuve du génocide des Albanais Kosovards. Les Américains ne se sont pas gênés pour produiredes faux à l’ONU afin de légitimer l’invasion de l’Irak. Carla Del Ponte, Présidente du TPI qui se croit à Nuremberg, s’est aussi fendue defaux, à l’époque, pour être sûre d’enfoncer Milosevic.

Le jour approche où les institutions dites internationales vont se retrouver aux prises avec la démocratie, où elles vont devoir finir paravouer qu’au fond elles luttent contre la démocratie. C’est ce qui est en train de se passer en Serbie. A-S.B

Fantasme

Mon

tage

Arn

aud

Bau

man

n

13

Sixième sens

Mésopotamie. Babylone. Le Tigre etl’Euphrate. Combien d’enfants,dans combien de classes à travers

combien de siècles, ont navigué dans le passé,transportés par ces mots… Et maintenant lesbombes sont tombées, humiliant et détruisantcette civilisation ancienne. Sur les torses d’aci-er de leurs missiles, les soldats américainsadolescents ont griffonné des messages col-orés de leur écriture d’enfant : « For Saddam,from the Fat Boy Posse » [Pour Saddam, avecle meilleur souvenir de la bande des grosbras]. Un bâtiment s’est écroulé. Un marché.Une maison. Une fille qui aimait un garçon.Un enfant qui n’avait jamais voulu que joueravec les billes de son grand frère.

Le 21 mars, le jour suivant l’invasion illé-gale et l’occupation de l’Irak par les troupesUS et britanniques, un correspondant de CNNà Bagdad interviewait un soldat US : « Jeveux y aller et mordre du terrain », disait lePremière-Classe A.J. « Je veux me venger du11 Septembre. » Le correspondant de CNNsuggéra faiblement que, jusqu’à ce jour, il n’yavait aucune preuve d’un quelconque lienentre le gouvernement irakien et les événe-ments du 11 septembre. Le Première-ClasseA.J. tira la langue jusque sur le menton :« Ouais… Tout ça me dépasse. »

Quand les USA ont envahi l’Irak, unsondage du “New York Times” et de “CBSNews” estimait à 42 % ceux qui croyaientSaddam Hussein directement respons-able des attaques du 11 septembre sur leWorld Trade Center et le Pentagone. Unsondage ABC évaluait à 55% le nombred’Américains qui pensent que SaddamHussein soutien Al-Qaeda. Aucune de cesopinions n’est basée sur des preuves (puisqu’iln’y en a pas). Tout cela est basé sur desinsinuations, de l’autosuggestion et de sim-ples mensonges que font circuler les médiasUS.

Une civilisation ancienne a étédécimée par une très récente ettrès brutale nation.

Le soutien public américain pour la guerreen Irak était basé sur un édifice à plusieursniveaux de mensonges et de tromperies coor-donnés par le gouvernement US et fidèlementamplifiés par la presse. Il y a eu les liensinventés entre l’Irak et Al-Qaeda. Nous avonseu la panique organisée à propos des “armesde destruction massive” de l’Irak. Aucunearme de destruction massive n’a été retrou-vée. Maintenant que la guerre a été faite etgagnée, que les contrats de reconstruction ontété signés, le “New York Times” publie que :« LA CIA a entrepris une étude afin de déter-miner si oui ou non l’ensemble des servicessecrets s’est fourvoyé dans ses affirmationsd’avant-guerre au sujet du gouvernementirakien et de son programme d’armement. »

Pendant ce temps-là, une civilisation anci-enne a été décimée par une très récente et trèsbrutale nation. Pendant plus d’une dizained’années, les Américains et les Anglais ontlargué des milliers de missiles et de bombessur l’Irak. Les terres irakiennes ont reçu 300tonnes d’uranium appauvri.

Au cours des bombardements, la coalitiona visé et détruit les usines de traitement del’eau, sachant très bien qu’elles ne pouvaientêtre réparées sans une assistance étrangère.Dans le sud de l’Irak, il y a eu une multiplica -tion par quatre de cancers chez les enfants.

Pendant les dix ans de sanctionséconomiques qui ont suivi la première Guerredu Golfe, les civils irakiens se sont vus refuserl’accès aux soins, aux ambulances, à l’eaupotable – les bases de la vie. On estime à undemi million le nombre d’enfants irakiensmorts de ces sanctions. Les médias ont jouéun véritable rôle en taisant les nouvelles de la

dévastation de l’Irak et des Irakiens. Ils ontpréparé le terrain avec la même routine demensonges et d’hystérie pour une guerre con -tre la Syrie, l’Iran et, qui sait, contre l’ArabieSaoudite.

C’est drôle comme les intérêtsdes sociétés US sont si souvent, sidélibérément confondus avec lesintérêts de l’économie mondiale.

La prochaine guerre sera peut-être le joyaude la couronne de George W. Bush pour sacampagne électorale de 2004. Il n’aura peut-être pas à aller jusque-là puisque lesDémocrates ont annoncé leur stratégie pour2004 : prouver que les Républicains sontfaibles en matière de sécurité nationale. Oncroirait entendre l’ado du village qui trouveque la mafia a trop de scrupules.

Les élections présidentielles US semblentdevoir être une perte de temps pour tout lemonde. Rien de nouveau là-dedans.

L’invasion de l’Irak par les USA était peut-être la guerre la plus lâche de toute l’histoire.Après avoir utilisé les “bons services” de la

diplomatie de l’ONU (sanctions économiqueset inspection des armements) pour s’assurerque l’Irak était sur les genoux, après s’êtreassurée que la plupart des armes étaientdétruites, la “Coalition des Volontaires, plusconnue sous le nom de “Coalition des Bruteset des Vendus”, a envahi l’Irak.

Alors les médias se sont glorifiés d’une vic -toire juste et brillante !

Les téléspectateurs sont témoins du bon-heur apporté à l’Irakien par l’armée améri -caine. Tous ces gens nouvellement libérés, agi -tant des drapeaux américains, qu’ils avaientprobablement accumulés pendant les annéesde sanctions.

Qu’est-ce que ça peut faire si le déboulon-nage de la statue de Saddam Hussein placeFerdaous (montré et remontré à la télé) étaitun ballet soigneusement exécuté par unepoignée de figurants dirigés par les Marines ?Robert Fisk a parlé de « la plus grande miseen scène depuis Iwo Jima ».

Qu’est-ce que ça peut faire si, dans les joursqui suivirent, les soldats américains ont tirésur des manifestants irakiens pacifistes, nonarmés, qui réclamaient le départ des troupesd’occupation ? Quinze personnes sontmortes.

Qu’est-ce que ça peut faire si, quelquesjours plus tard, les soldats américains ont tuédeux autres personnes et blessé bien d’autresqui protestaient contre le fait qu’on puissetuer de simples manifestants ? Ne vousinquiétez pas : ils ont tué dix-sept personnesà Mossoul. Ne vous inquiétez pas : la tuerie vase poursuivre (mais elle ne sera pas retrans-mise à la télé).

Il ne faut pas que ça vous tracasse qu’un

pays laïc soit poussé au sectarisme religieux.Ça ne vous tracasse pas d’ailleurs que le gou-vernement américain ait soutenu SaddamHussein lors de son accès au pouvoir et pen-dant ses pires excès, y compris la guerre dehuit ans contre l’Iran et le gazage en 1988 desKurdes de Halabja (des crimes qui, quatorzeans plus tard, ont été réchauffés et resserviscomme de bonnes raisons pour attaquerl’Irak).

Ça ne vous dérange pas qu’après la pre-mière Guerre du Golfe, les Alliés aient fomen-té un soulèvement des Shias de Bassora avantde se détourner et laisser Saddam Husseinécraser la révolte et tuer des milliers de gens.

Après l’invasion de l’Irak, les chaînes detélévision occidentales, qui développaient unecuriosité sordide pour les charniers, ont vitechangé de sujet quand elles ont compris queles corps étaient irakiens, morts à la guerrecontre l’Iran et pendant la révolte Chiite. Larecherche de charniers appropriés, décents, sepoursuit.

Que cela ne vous dérange pas : les troupesaméricaines et britanniques avaient reçu l’or-dre de tuer, pas de protéger. Leurs prioritésétaient claires. La sécurité du peuple irakienn’était pas leur souci. La protection de ce quirestait des infrastructures irakiennes n’étaitpas leur souci. Mais la protection des puits depétrole, oui. Les puits ont été “sécurisés”presque avant que l’invasion ne débute.

Il est intéressant de souligner que la recon-struction de l’Afghanistan – qui se trouvedans un état bien plus lamentable que l’Irak –n’a pas rencontré le même enthousiasmeévangélique que celui qui préside à la recon-struction de l’Irak. Même l’argent promispubliquement à l’Afghanistan n’a pas encoreété entièrement versé. Peut-être parce quel’Afghanistan n’a pas de pétrole ? Et qu’il n’y aguère d’argent à extraire de ce pays vaincu.

D’un autre côté, on nous a dit que les con-trats de reconstruction de l’Irak pourraientbooster l’économie mondiale. C’est drôlecomme les intérêts des sociétés US sont sisouvent – et avec autant de succès ! – sidélibérément confondus avec les intérêts del’économie mondiale. Le discours sur lepétrole irakien aux Irakiens, sur la guerre delibération, sur la démocratie et les électionslibres a eu son temps. Et son utilité.Aujourd’hui, les choses ont changé…

Après avoir escorté une civilisation vieillede 7000 ans vers l’anarchie, George Bush aannoncé que les Etats-Unis sont en Irak poury rester « indéfiniment ».

Les USA, en fait, ont promis que l’Irak pou-vait avoir un gouvernement représentatif,mais seulement s’il représente les intérêts descompagnies pétrolières américaines. End’autres termes : vous avez la liberté d’ex-pression tant que vous dites ce que nousvoulons vous entendre dire.

Le 17 mai, le “New York Times” écrivait :« Retournement brutal de situation : les USAet l’Angleterre retardent à l’infini le plan quiaurait permis aux forces d’opposition iraki-enne de former une assemblée nationale et ungouvernement intérimaire d’ici à la fin dumois. Au lieu de cela, les diplomates améri-cains et britanniques qui conduisent l’effortde reconstruction ici ont dit ce soir aux chefsen exil que les officiels alliés conservaient ladirection de l’Irak pour une périodeindéfinie. »

Bien avant que l’invasion ne commence, leshommes d’affaires du monde entier se félici-taient des sommes d’argent que la reconstruc-tion de l’Irak mettrait en jeu. On l’a intitulée“le plus gros effort depuis la reconstructionde l’Europe après la Deuxième GuerreMondiale par le plan Marshall”. La firmeBechtel, siégeant à San Francisco, mène lahorde de chacals qui s’installe en Irak.Coïncidence : l’ancien secrétaire d’État G.Schultz, est un des directeurs de Bechtel et il

se trouve qu’il a également siégé en tant queprésident de la “Section Conseil” du Comité deLibération de l’Irak. Quand le “New YorkTimes” lui a demandé s’il était concerné ounon par l’existence d’un conflit d’intérêts,monsieur Schultz a répondu : « Je ne pensepas que Bechtel en soit particulièrementbénéficiaire. Mais s’il y a du travail à faire,Bechtel est le genre de compagnie compé -tente. Mais personne ne regarde ce travailcomme fructueux. »

Bechtel a déjà un contrat de 680 millions dedollars mais, selon le “New York Times”, « desestimations indépendantes chiffrent à 20 mil -liards de dollars le coût final de l’effort dereconstruction dans le contrat Bechtel-USAID ».

L’Irak n’est plus un pays. C’estune ressource. L’Irak n’est plusgouverné. L’Irak est possédé.

Dans un article judicieusement titré« Frénésie souterraine : toutes lescompagnies du monde veulent leur part dugâteau », le “Times” écrit (sans la moindreironie) : « Les gouvernements mondiaux etles sociétés qui les soutiennent ont fait le siègede Washington afin d’obtenir un morceaud’Irak à reconstruire » ; «Les Anglais,bien que leur demande soit discrète, présen-tent l’argument le plus convaincant pour l’ad-ministration Bush : ils ont versé du sang enIrak. » Le sang de qui ? Ce n’est pas très clair.Le “Times” n’évoquait sûrement pas le sanganglais ou américain. Il évoquait sans doute lefait que les Anglais ont aidé les Américains àverser du sang irakien. Donc, « le cas le plusconvaincant », en matière de reconstruction,c’est quand un pays peut se vanter d’être com-plice des meurtres d’Irakiens.

Lady Simmons, le député chef de laChambre des Lords, s’est récemment renduaux USA avec quatre industriels anglais. Outrele fait d’appuyer ses exigences sur son statutde co-assassin, la délégation britannique aaussi évoqué son passé colonial – à nouveausans la moindre ironie – insistant sur la « rela-tion de longue date avec l’Irak et ses marchésdepuis l’époque impériale du début du XXèmesiècle jusqu’aux sanctions internationales desannées quatre-vingt-dix. » Négligeant de sesouvenir que la Grande-Bretagne avaitsoutenu Saddam Hussein dans les annéessoixante-dix et quatre-vingt.

Ceux d’entre nous qui appartiennent àd’anciennes colonies voient l’impérialismecomme un viol. Donc, vous violez. Puis voustuez. Puis vous exigez le droit de violer lecadavre. C’est ce que l’on appelle de lanécrophilie.

Poursuivant cette analogie écœurante,Richard Perle disait récemment : « LesIrakiens sont plus libres aujourd’hui, et noussommes davantage en sécurité. Détendez-vous, et profitez-en. » Au bout de quelquesjours de guerre, le présentateur du journaltélévisé Tom Broxant, ajoutait : « Une deschoses que nous nous refusons à faire c’estdétruire les infrastructures de l’Irak parce quedans quelques jours ce pays nous appartien-dra. » Maintenant, les contrats de possessionsont en train d’être signés. L’Irak n’est plus unpays. C’est une ressource, une propriété, unbien. L’Irak n’est plus gouverné. L’Irak est pos-sédé. Et l’Irak appartient pour la plus grandepartie à Bechtel. Peut-être que Halliburton etune ou deux sociétés anglaises obtiendrontquelques os.

Notre combat doit être mené contre lesoccupants et contre les nouveaux proprié-taires de l’Irak.

Arundhati Roy« Day of the Jackals». 31 mai 2003.Traduction Anne Dion.

LE TEMPS DES CHACALSArundhati Roy est née en 1961 d'une mère chrétienne et d'un père Hindou. Elle a grandi dans le milieu syrien chrétien à Kerala, une ville où coexistaient quatre " reli-gions " : Christianisme, Islam, Hindouisme et Marxisme. Personne n'a oublié Le Dieu des petits riens (" The God of small things "), qui a reçu le célèbre Booker Prizeen 1997. Depuis, Arundhati Roy n'écrit plus de fictions et préfère en découdre avec la réalité. C'est ce qu'elle fait en continuant à publier des textes " politiques " ou enprenant la parole dès qu'elle le peut, comme dans ce discours prononcé à Washington, au National Anti War teach- in . Un texte resté jusqu'à présent inédit en français.

14

BEN LADEN SURPRIS DANS SA CACHETTE.

L’AXE DU MAL, C’ÉTAIT LUI !

Scoop

En ces temps d'incertitude générale, de bordelnihiliste, voici qu'au détour d'un kiosque à jour-naux, je découvre le journal "LA VERITE". Déjà, jeme dis, putain, y zont pas peur d'être modestes ! etpuis, attiré par le dessin de Vuillemin sur les signesreligieux à l'école, je me dis "boaaf ! peut-être unconcurrent de charlie-hebdo ? Je débourse donc lestrois euros demandés et commence ma lecture. Et là! suite de bondieuseries haineuses et politisées,d'ambiguïtés toutes plus pourries les unes que lesautres (Ezra pound, Leni Riefenstahl... vous avezraison, pas de censure ! éduquons notre bellejeunesse à coup de "Mein Kampf" !), prise de particatholico-islamique intégriste, défense de cetteracaille de Tarik ramadan et de Ben Laden ?! et c'estalors que je vois, en dernière page, le nom du con-cepteur-dictateur de cet immonde torchon : Marc-Édouard Nabe ! Tout s'explique ! Le pape des grosbourgeois mondains qui ont besoin d'émotionsfortes !

PS : Pour le voile, tu devrais commencer par lemettre sur ta tronche, ça nous épargnerait !

PIERRE, chômeur, 31 ans 14/12/03

Déçu. La Vérité m'a déçu au plus haut point. J'airelu hier mes deux numéros de L'Eternité: ça, c'étaitun journal ! mais La Vérité - et le second numéroplus encore que le premier - ne peut soutenir la com-paraison avec L'Eternité… décevant donc… Je passesur le règlement de comptes avec Cancer ! , c'est effec-tivement idiot d'avoir accueilli Dupin et Monvillepour d'aussi minuscules attaques. Non seulement cesdeux pages n'avaient rien, mais rien, de " littéraire "mais en plus on y sentait une jalousie et un ressenti-ment sordides… Pourquoi Nabe a-t-il commis l'er-reur de publier ces règlements de compte qui ne leconcernent pas ? Est-ce à cause de l'excellent textede Bruno Deniel-Laurent sur Simone Weil ? Nabeaurait-il été jaloux qu'on lui vole sa chère Simone ?Je trouve aussi que les collaborateurs de Nabe sontbien médiocres : Audrey Vernon est une jolie fillemais elle ferait mieux de ranger sa plume. Est-ce àcause de sa petite notoriété médiatique ( Canal Plus)que Nabe l'a embarquée dans sa galère ? Les apho-rismes de Catsap sont d'une nullité désespérante.Les " billets " de Carlos n'ont aucun intérêt sinon delire un énième radotage marxiste. Le texte de DekraLiman sur Ben Laden, digne du premier siteislamiste venu, n'est pas plus intéressant. Quant àAnne-Sophie Benoit, elle ferait bien d'arrêter de" singer " le style de Nabe et de soigner plutôt lamaquette du journal… Je ne suis pas d'accord avecle rédacteur du Grain de sable qui a écrit à Anne-Sophie Benoit que son texte était l'un des meilleurssur le sujet de l'euthanasie. Je pense au contraire quece texte était très mauvais, sans charité, sanshumanité, scandaleux au mauvais sens du terme.Un texte bête et méchant. Anne-Sophie a sans doutevoulu imiter Nabe dans son cynisme mais elle n'a

pas les épaules de son maître… Et puis quel intérêtde publier les discours de Saddam Hussein ? il n'y apas plus de " vérité " dans la propagande irakienneque dans celle des Américains. C'est le même dis -cours plat et formaté. Bien sûr, on trouve quelquestextes intéressants, par exemple l'interview avecl'immense Braxton, le texte du docteur Carton et lesdessins de Vuillemin sont toujours aussi drôles…Mais cela ne rattrape pas le niveau général de LaVérité. S'ennuyer ferme en lisant un journal publiépar Nabe, quelle ironie ! et quelle déception…

Christophe GUINOISEAU 16/12/03

Je suis un fidèle non abonné ! je continuerai àl'acheter au numéro !

Cela me permet à chaque fois de placer Votrejournal en meilleure place et en évidence dans lesrayons des maisons de la presse ...

Bonne continuation !

Marc-Pierre JULIEN 18/12/03

Je tiens à vousdire que l'articlede Anne-SophieBenoit sur VincentHumbert (dans lepremier numérode La Vérité ) estune abomination,une glose absolu-ment répugnante.Les rédacteurs deLa Vérité sontobsédés par"l'indécence" denotre société maisils la pratiquentallègrement. Lemépris d'Anne-Sophie Benoitpour un garçonminé par la mal-adie la plus pro -fonde et la plus douloureuse est absolumenteffrayant. Comment cette fille, qui a la chance dejouir d'un corps, d'une bonne santé et d'une totaleliberté de mouvement, peut-elle se permettre dejuger les actes d'un garçon réduit à l'état de"légume" ? Qu'a-t-elle vécu pour pouvoir juger l'indi -cible, pour pouvoir juger un supplication ? Depuisquand le confort a-t-il le droit de juger le malheur ?Cela me fait penser à cette phrase de la Bible : « Al'infortune, le mépris » opinent les gens heureux, "uncoup de plus à qui chancelle !" (Job 12 -5)

Le texte d'AS Benoit est instructif : Plus Nabe etde ses suiveurs se réclament de certaines valeurs (lavérité, la charité, la décence), plus ils les foulent aupied. Plus ces gens parlent de vérité, plus ils mentent.Plus ils parlent sur la charité, moins ils sont capablesdu moindre beau geste. Leur discours de catholiqueagressif n'est que le cache-sexe de leur incapacité àl'amour véritable, lumineux. L'aigreur explose àchaque page. Et je suis triste de voir CatherineEmmerich, Paul Carton, et Léon Bloy défendus parde tels gens.

Anne-Claire CHARPENTIER 20/12/03

Cher Monsieur,

Cette lettre, peut-être un peu longue, pour vousposer un certain nombre de questions.

Voilà deux ans que je vous suis, depuis votre"Une Lueur d'espoir". Je trouvais enfin un écrivaincontemporain qui avait quelque chose à dire, mêmesi j'étais loin de partager toutes vos idées. Je me suisdonc empressé de lire vos Journaux, Je suis mort,Alain Zannini, L'Âge du christ, Visages de turcs,Printemps de feu etc. Puis je me suis mis à vousécouter, chez Ardisson, Taddéï et même Chancel etses Figures de proue. Je comprenais ainsi quellesétaient vos motivations, l'origine (souvent justifiée)de vos "esclandres" supposées. Votre engagement lit-téraire m'apparaissait de façon nette. Puis quand LaVérité est sortie, je me suis précipité, content de lireenfin la presse! Mais pour le second numéro, monengouement fut amoindri. En effet, quels sont en faitvotre message, votre thèse, votre philisophie (celledu journal bien sûr). Le Nabe qui m'intéresse c'estcelui de Parker ou de Suares, et non celui qui laissepublier les articles de Pound ou de Hussein !

Sous prétexted'être anti améri-cain et pro arabe,faut-il à chaque foisy intégrer deuxtrois ingrédients àla limite de la haineraciale, car si je lisbien le texte dePound, il y a de celalà dedans, oue x p l i q u e z - m o i ?Idem pour Hussein,qui pour moi étaittout sauf un résis-tant !!! Un lâchesurtout vu la façondont il s'est faitcueillir !! Mais peuimporte, j'ai peur devoir les intellectuelsaujourd'hui, quisous prétexte dedéfendre une cause

(ici les humiliés), perpétuent le shéma ignoble de lahaine de l'autre, de la xénophobie. Choisir Husseinplutôt que Bush.

Alors je sais bien qu'on vous accuse de celadepuis 20 ans, et que comme vous l'écrivez dans lalettre à Ramadan, vous y réagissez par l'attaque etnon par la défense. Moi-même, je ne me faisaisaucune idée là-dessus, j'avais bien lu Coups d'épéedans l'eau ; mais là expliquez-moi le pourquoi de cesdeux textes ? Sans oublier Carlos. Quel est l'intérêtde demander à ce type d'écrire sa vision de la poli-tique ?? Refuser ce monde pourri (dixit vous dansParis Dernière), très bien, mais n'utilisez-vous pasd'autres moyens eux-aussi, ignobles pour y par-venir ? Bref, voici des questions qu'un lecteur assidude vos écrits en tous genres (car il y a des articlesauxquels j'adhère ; merci à Anne Sophie Benoit pourson hommage à "Flocon de Neige") aimerait voirfleurir de quelques bribes de réponses.

Cette lettre n'est pas du tout une lettre d'injures,comme je vous l'ai écrit, loin de moi d'attaquer cejournal pour ce qu'il est ; mais ces questions sem-blent importantes pour que je continue à vous suiv-re, notamment le 9 janvier. Bien à vous.

J-L GLÉMIN 23/12/03

Alfred, clochard du mois,

Ta présence muette capturée par l’œil pho-tographique d’Arnaud Baumann m’a beaucouptouché. Comme une caresse d’outre-tombe.

UN INCONNU qui te croise souvent, uninconnu qui pense souvent à toi. 19/12/03

Bonjour à toute l'équipe.. de Marc-Edouard àIlitch Ramirez, en passant par Isabelle, Anne-Sophieet les autres...

Je viens de rentrer du Moyen-Orient, si cher ànous tous, et je découvre la Vérité ! Enfin ! Une bouf-fée d'air frais dans le PIF

(Paysage de l'Information Française...)A très bientôt et bonne continuation.

Ammar ABD RABBO 20/12/03

Ô ! Toi ! “La Vérité” , mon amour

Je vous écris du fin fond de la France. Je préfèrene pas dire où. C’est préférable. J’aime laisser le mys-tère de l’anonymat planer sur ma fragilité. Ma déli-catesse n’a pas de prix, alors je m’offre .

J’ai adoré votre beau journal qui me fait jouir,chaque mois, lorsque je vais chez mon marchand dejournaux et lui demande, avec un sourireévangélique, s’il a “La Vérité” ?… et il l’a ! Grâce àvous “La Vérité” est partout. Merci, bravo, et contin-uez !PS : j’ai songé à quelques slogans de propagandepour “La Vérité”. Les voici :“La Vérité”, le journal qui prend à la gorge !“La Vérité”, le journal qui dit tout haut ce que Dieupense tout bas !“La Vérité”, le journal qui a la grâce !“La Vérité”, le journal qui réveille la France !“La Vérité”, le journal qui rassure en faisant peur !“La Vérité”, le journal qui n’écarte pas les cuisses !“La Vérité”, le journal qui lave plus noir !“La Vérité”, le journal qui broie du blanc“La Vérité”, le journal qui aime son prochaincomme vous-même ! “La Vérité”, le journal qui a des couilles au cul !“La Vérité”, le journal qui donne envie de vivre !“La Vérité”, le journal qui ne craint que Dieu !“La Vérité”, le journal qui fait l’amour à seslecteurs !“La Vérité”, le journal qui délivre du Mal !La Vérité”, le journal qui s’imprime avec le sang duChrist !“La Vérité”, le journal qui ridiculise toute la pressefrançaise !“La Vérité”, le journal qui se relit avant d’être lu !

PATRICK 22/12/04

Fais gaffe...

Marcel ZANINI 27/12/03

15

Courrierdes lecteurs

J’aurais aimé souhaiter aux détracteurs de l’Islam unebonne et heureuse année 2004, mais ils comprendront quecela m’est impossible puisque je ne suis encore qu’en

1424 ! Le Moyen Age, comme vous dites ! Un âge qu’eux-mêmes n’ont pas trop de mal à me rappeler ! 15è siècle : Mevoilà donc retenue dans un harem où, pour le plus grand bon-heur du « fils d’Allah » qui m’a acquise pour quelques dinars,je passe le plus clair de mon temps, « cinq fois par jour », aumoins, « le derrière en l’air» comme dit Oriana Fallaci ! (Voussavez comme les Arabes sont pratiquants !)

Mais, enfermée dans cette étroitesse que certains espritsme prêtent, comment pourrai-je enfin traverser les siècles quinous séparent pour parvenir à leur entendement, au progrès, àl’intelligence et à la tolérance qui sont les leurs ? Soucieuxd’établir le contact, mes contemporains et moi avons souventeu recours aux pigeons voyageurs. Avant le 11 septembre 2001,ceux-ci semblaient plutôt fiables.

Les derniers « pigeons » ont pourtant achevé de nousbannir, de nous tenir aussi éloignés que possible de ce sièclequi s’ouvre à peine pour les autres, mais qui pour nous, et pournous seuls, est déjà à jamais fermé. Né des cendres new-yorkaises, s’élève depuis, le plus solide, le plus haut, le plusinfranchissable des Murs. C’est décidé, les Arabes resterontderrière !

Certains d’entre nous, qui refusent de l’admettre, qui ne serésignent pas à devenir invisibles pour le monde d’aujour-d’hui, se confectionnent d’étranges machines à remonter letemps. Celles-ci, apparemment mal réglées, finissent toujours

par leur exploser à la figure. Pauvres de nous, il est vrai quedepuis l’invention des chiffres... ! Cependant, si nous,Orientaux, vous avons généreusement légué notre gloire, vouspermettant ainsi de sortir du Moyen Age que vous nousattribuez à présent, s’il est vrai que l’on n’a rien gardé pournous et que notre histoire depuis se résume à une longue ago-nie, est-ce une raison pour cautionner, pour inciter, pour vousréjouir autant de notre actuelle tragédie ? Oui, « tragédie » !Penserez-vous encore que l’Arabe que je suis exagère ? Car jepeux aussi dire « descente aux enfers », celle-là même quevotre héros, Bush, et le nôtre, Ben Laden, ont à eux deux sisavamment précipitée. L’enfer sur leur terre ou le paradisd’Allah : reprocherez-vous à ceux que vous refusez d’appeler« résistants », à ces simples « candidats au suicide », d’avoirtrop vite fait leur Shoah ? Pardon, leur « choix » ?

En ce qui me concerne, c’est l’indécision, plus que lecourage, qui m’oblige ainsi à vivre notre sort les yeux grandouverts. Internet, presse écrite, télévision, « littérature » si jepuis dire : je ne peux plus y échapper. Aucun d’entre nous nele pourra, les images sont claires : nous serions aussitôt faitscomme des « rats », à moins qu’on ne dise déjà « faits commedes Arabes » ? Le monde nous est-il devenu hostile ? Tousnos malheurs ne résulteraient-ils que de cette dite, de cettemaudite « islamophobie » ?

Eh bien moi, je ne crois pas ! D’abord, parce que nousavons aussi notre part de responsabilités dans cette« Histoire ». Cette part n’est ni celle que s’empresse volontiersde nous accorder TF1, ni celle que négligerait presque Al

Jazeera. Cherchons plutôt quelque « part » entre les deux.Ensuite, parce qu’en « victimisant » les miens à outrance, jene voudrais pas, monsieur Cukierman, prendre le risque devous voler la vedette. Je ne vous suivrai donc pas sur ce ter-rain-là, ni sur aucun autre terrain d’ailleurs, alors inutile deretrousser vos manches, vous n’aurez pas de mur à exhausserentre nous !

S’il est un affront, cependant, que je me permettrais devous faire, c’est celui de n’avoir personnellement jamais pu« haïr » vos coreligionnaires ! N’insistez pas, tout ce que vouspouvez dire ou faire n’y change rien. Certains artistes —humoristes, musiciens ou poètes — dignes de leur Electiondivine... et humaine, parviendront toujours à me faire oubliervos oeuvres et « leur chef » que je reprends ici : le score deJean-Marie Le Pen au premier tour est « un message auxmusulmans leur indiquant de se tenir tranquilles » ! Vousrendez-vous compte, monsieur Cukierman, de ce que celaimpliquerait si « les musulmans », même les plus désespérés,décidaient soudain de vous obéir et de « se tenir tranquilles » ?Monsieur Bush et monsieur Sharon ne vous auraient-ils doncrien appris ?

Pendant que les Occidentaux formulent leurs voeux pour2004, je crois qu’il vaut finalement mieux que moi j’en reste àmon année 1424. Mes coreligionnaires et moi devons enprofiter autant que possible : il ne nous reste plus quequelques décennies avant que ne soit découverte l’Amérique !

Dekra Liman

LE SIÈCLE SE LÈVERA-T-IL ENCORE SUR L’ORIENT ?

LE BILLET DE CARLOS

La Véritéest une publication de

La Rose de Téhéran , SARL de presse.au prix de 3 euros

Siège social : 127 rue Amelot. 75011 Paris.Directeurs de publication :

Anne-Sophie Benoit et Alain Zanninihttp://www. laverite.com - Email : [email protected]

Rédactrice en chef : Anne-Sophie Benoit Conseiller artistique : Marc-Édouard Nabe

Imprimeur : ICT Villejuif Dépôt légal : Janvier 2004. ISSN : en cours - Commission paritaire : en cours.

© 2003 – La Rose de Téhéran.Ont participé à ce numéro :

Arnaud BaumannAnne-Sophie Benoit

Aurélie BenoitPaul-Éric BlanrueAlain Bourmaud

Carlos,Catsap

Isabelle Coutant-PeyreAnne Dion

Marco DolcettaDekra LimanYann Moix

Marc-Édouard Nabe Jorge Rodriguez-Lasso

Audrey Vernon Vuillemin

16

J’ai visitél’Irak pour lapremière fois

en 1975. J’ai gardédepuis une demeureà Bagdad, ville oùhabitent nombre demes camarades etdes amis proches.

Les relations denotre O.R.I(Organisation deRévolutionnairesInternationalistes)avec le Gouvernentirakien, étaient ami-cales et arquées parle respect mutuel.

Le Parti Baas et ses structures de pouvoir n’interféraientpoint avec nos camarades ou notre travail organisation-nel, et nous ne nous immiscions pas dans leurs affairesintérieures.

Pendant sa présidence, feu le Maréchal AhmedHasssan avait exprimé à l’occasion ses sentimentschaleureux pour un jeune vénézuélien, et pour sescamarades internationalistes venus se battre pour laCause arabe.

Contrairement au Président Jacques Chirac, je n’aipas maintenu de relations personnelles avec SaddamHussein, à qui je conserve néanmoins intact tout monrespect et ma solidarité.

Jacques Chirac envoyait même à Saddam Hussein descostumes sur mesure et des cravates à la mode, quand ilétait encore Vice-Président du Conseil deCommandement de la Révolution.

Les relations entre l’Irak et la France étaient trèsétroites (même trop à notre goût), dans TOUS lesdomaines, renseignements inclus.

Suite au meurtre du Général René Audran, et à lalibération de Bruno Bréguet après Magdelena Kopp, jefus invité à Bagdad par le Directeur des

« Moukhabarate » (Direction des RenseignementsGénéraux), feu le Lieutenant-Général Fadel Al-Barrak,qui « mettant le paquet » ( il me fera même cadeau deson pistolet personnel ), me demande « d’homme àhomme » d’intervenir personnellement pour ramenerle calme en France, après m’avoir expliqué en détailcomment les terminaux pétroliers iraniens sur le Golfeavaient été détruits avec des missiles Exocet lancés pardes avions Super-étendards “ empruntés ” àl’Aéronavale française.

La France participa intensément à la guerre d’agres-sion contre la République Islamique d’Iran, seule puis-sance démocratique de la région.

La France a établi une relation stable d’amitié avecl’Irak après l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à laprésidence de la République.

En 1974, Jacques Chirac étant le Premier Ministre, j’aipassé par Paris à l’âge de 24 ans. Un cadre clandestin dela Résistance Palestinienne me transmet une invitationà visiter l’ambassade d’Irak, qui demandait NOTRE avissur la nouvelle donne politique en France.

Pour des raisons évidentes de sécurité j’ai déclinél’invitation, mais j’ai fait transmettre mon analyse pourle représentant de la Résistance, avec la recommanda-tion d’aider Jacques Chirac, politiquement et financière-ment.

Àmon souvenir, l’aile Chaban-Delmas de l’UDR avaitreçu cette année-là 4 millions de dollars.

L’acte fondateur du RPR en décembre 1976 fut trans-mis en DIRECT par la télévision irakienne, puisretransmis en boucle sur la chaîne TV en languesétrangères, accompagné de commentaires dithyram-biques sur Jacques Chirac.

Je me trouvais à Bagdad, où des responsables baa-sistes me disaient sans ambages et avec beaucoup defierté, que le RPR était une « ORGANISATION SŒUR »,fondée avec les Dinars irakiens. Ce qui n’empêchera pasla distribution d’“enveloppes” aux autres partis poli-tiques français, à la gabonaise, mais en plus volu-mineux.

Un officier des Renseignements irakiens me con-

firmera en souriant que mon “rapport” de 1974 à Parisavait été très bien reçu et qu’il coïncidait avec la vue de« Monsieur le Vice-Président » point par point.

Je n’ai pas fait en Irak des contacts officiels avec lesresponsables français… mais j’ai été tenu au courantpar les autorités de leurs démarches ; nos opinions“éclairées” sur la France étaient enregistrées avec beau-coup d’intérêt par nos hôtes irakiens.

La France a été le principal allié et complice de l’Irak,c’est un indéniable fait historique.

Je raconte ces faits anecdotiques sans aucun espritopportuniste.

J’ai été un partisan de Chirac dans toutes les élec-tions dès le premier tour, jusqu’en 2002, je “ vote ” alorsArlette Laguillier, et au deuxième tour Jean-Marie LePen, sans regrets.

La suite m’a donné, hélas, raison.Saddam Hussein a été capturé dans une ferme sur la

rive orientale du Tigre face à sa région natale, vraisem-blablement, par des commandos de l’Union Patriotiquedu Kurdistan, après avoir été neutralisé avec un gazincapacitant.

Les villageois ont observé que tous les moutons quipaissaient dans les environs de la ferme avaient été“drogués”.

Vendu pour 25 millions de dollars, exhibé titubantpar l’acheteur yankee à l’intention des médias com-plaisants, au mépris des Conventions de Genève.

Les déclarations malheureuses du Président de laRépublique Française, qui a joint sa voix éhontée auconcert haineux des soi-disant GRANDS de ce monde,est le summum de l’ingratitude.

Jacques Chirac « a perdu une bonne occasion de setaire ».

PETITE PRÉCISIONIl paraît qu’il y a plusieurs vérités dans la presse française. La nôtre est celle de Dieu,elle n’est donc ni « pornographique » (VÉRITÉS), ni « trotskyste» ( La vérité ), il n’y aaucune confusion possible entre nous qui travaillons pour la Vérité et les militants detous bords qui travaillent pour les mensonges du sexe et de la politique. Quand unmagazine publiera sur sa couverture une photo de Léon Trotsky tout nu, nous envi-sagerons de changer de titre !