CERCLE LYRIQUE FORTUNATO [MATEO FALCONE] DE...

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N° 201 Par Georges MASSON CERCLE LYRIQUE DE METZ 2010-2011 FORTUNATO [ MATEO FALCONE ] de Théodore GOUVY

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N° 201 Par Georges MASSON

C E R C L E L Y R I Q U E D E M E T Z

2010-2011

FORTUNATO[ M AT E O FA L C O N E ]

de Théodore GOUVY

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FORTUNATO [ MATEO FALCONE ]Opéra en un acte de Théodore Gouvy (en création mondiale) ; livret ducompositeur traduit de l'allemand par René et Samuel Auclair, d'après lanouvelle « Mateo Falcone » de Prosper Mérimée, opéra adapté par RenéAuclair. Précédé des « Douze chants de l'Ile de Corse » pour chœur a cappel-la d'Henri Tomasi. Production de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Conférence tripartite assurée par Sylvain Teutsch, président de l'InstitutThéodore Gouvy de Hombourg-Haut, Marie-Noëlle Auguste, professeurau Conservatoire de Saint-Denis, sur « Prosper Mérimée et l'opéra », etRené Auclair, musicologue, chargé de cours à l'Université Paul Verlaine deMetz, sur « Fortunato » (Mateo Falcone) de Théodore Gouvy, et animée parGeorges Masson, journaliste et critique musical, président du CercleLyrique de Metz, le samedi 21 mai à 16h au Foyer de l'Opéra-Théâtrede Metz Métropole.

Représentations de l’ouvrage les vendredi 27 mai 2011 à 20h,dimanche 29 mai à 15h et mardi 31 mai à 20h.

Direction mmusicale :: Jacques Mercier Mise een sscène :: Eric Chevalier Scénographie :: Ange Leccia Costumes :: Danielle BarraudLumières :: Patrice Willaume Distribution vvocale :: Valérie Condolucci, soprano (Fortunato, fils de Mateo) ;Catherine Hunold (Giuseppa, épouse de Mateo) ; Jean-Philippe Lafont, bary-ton (Mateo Falcone) ; Florian Laconi (Tiodoro Gamba, adjudant) ; EricMartin-Bonnet (Gianetto Sanpiero, bandit).

Chœurs dde ll'Opéra-TThéâtre dde MMetz MMétropole.Orchestre NNational dde LLorraine.

En ppartenariat aavec lle CCentre PPompidou MMetz eet ll'Institut TThéodore GGouvy.

Couverture : Reproduction d'après une peinture ancienne du personnage de MateoFalcone figurant sur les recueils des « nouvelles » de Prosper Mérimée. Conception de la plaquette : Georges Masson.Directeurs de publication : Georges Masson, président et Jean-Pierre Vidit premiervice-président.Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90261 - 57006 Metz Cedex 1 Adresse e-mail du président : [email protected] du site et du blog Internet : www.associationlyriquemetz.com

Direction musicale : Mise en scène :Scénographie : Costumes :Lumières :Distribution vocale :

Chœurs de l'Opéra Théâtre de Metz Métropole.Orchestre National de Lorraine.

En partenariat avec le Centre Pompidou Metz et l'Institut Théodore Gouvy.

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Photo de Théodore Gouvy prise, en 1890, par le photographe personnel de l'empereur Napoléon III. La tombe-pyramide de Théodore Gouvy au cimetière de Hombourg-Haut. Elle est en forme de métronome et

son médaillon blanc au milieu est à l'effigie du compositeur (Photo Claire Leber).

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Depuis l'an dernier, nous avons évoqué, ainsi, le souvenir d'artistes quinous ont quittés au cours de ces derniers mois : le chef britannique SirCharles Mackerras, les chanteurs et cantatrices Cesare Siepi, JoanSutherland, Shirley Verrett, Solange Michel, Ernest Blanc, Margaret Price.Le centième anniversaire de Jussi Björling, le « Caruso suédois » a faitl'objet d'un dossier particulièrement étoffé, de même que le cinquantièmeanniversaire de la disparition de Mado Robin, "la voix la plus haute dumonde". Un hommage a été rendu à Mady Mesplé, qui avait succédé àMado Robin dans Lakmé, à l'occasion récente de ses 80 ans, avec des ren-vois vers ses enregistrements et son livre de souvenirs publié au début decette année. Dans le même esprit, nous nous préparons à mettre en ligne undossier sur Sir Thomas Beecham, chef britannique disparu en mars 1961 ;et sur le baryton américain Leonard Warren, partenaire de Jusssi Björling,qui aurait eu 100 ans en ce mois d'avril 2011. En septembre prochain, nousévoquerons un autre centenaire, celui de Rolf Liebermann, directeur del'Opéra de Paris de 1973 à 1980.Les concerts de Nathalie Stutzmann, en résidence à l'Arsenal, sont mis envaleur dans "actualité lyrique" ainsi que son récent enregistrement chezDeutsche Grammophon. Enfin, les livres de deux autres femmes, chefsd'orchestre, Claire Gibault et Zahia Ziouani, publiés en décembre 2010, ontété honorés comme ils le méritent.La partie "membres", réservée aux membres du CLM leur permet d'accé-der à nos plaquettes ainsi qu'aux livrets des œuvres représentées à Metz. Illeur faut, pour cela, un code d'accès à demander au webmaster. Enfin, ens'inscrivant à la Newsletter, on est informé régulièrement des mises à jourdu site. Cette inscription est activée après réception d'un courriel de confir-mation.A très bientôt sur www.associationlyriquemetz.com en cliquant simple-ment sur Google : "Cercle lyrique de Metz".

Jean-Pierre PisterVice-président du CLM, webmaster.

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FORTUNATO [ MATEO FALCONE ]

de Théodore GOUVY

parGeorges MASSON

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d'Hoffmann en Avignon, Tannhäuser à Bordeaux. Il a participé à des enre-gistrements CD de Leonore II de Beethoven de Zoroastre avec Les Artsflorissants et à un DVD du Roi d'Ys de Lalo à l'Opéra royal de Wallonie.

Textes de présentation et interviews : Georges Masson

XII

JOURNAL LYRIQUE DU C.L.M. :LES DERNIÈRES NOUVELLES

Le site Internet du Cercle Lyrique de Metz,www.associationlyriquemetz.com a l'ambition de constituer un véritablejournal numérique de l'actualité musicale et lyrique, aussi bien au niveaude Metz et de la Lorraine que sur un plan plus général.Les turbulences qui ont marqué la vie culturelle messine au cours de cesderniers mois y sont traitées en bonne place dans "Metz sans musique",sans esprit polémique inutile, avec l'insertion récente des mises aupoint, qui se veulent rassurantes, du Maire-Adjoint chargé des affairesculturelles. Le nouveau directeur de l'Opéra-Théâtre, Paul-Emile Fourny est présentécomme il convient avec un lien vers son site personnel. Une pré-annoncede la saison lyrique et théâtrale 2011-2012 est disponible, elle sera, natu-rellement, complétée dès que nous aurons tous les éléments en notre pos-session.Nos rubriques habituelles sont régulièrement étoffées et mises à jour. Ainsisont régulièrement mises en ligne les critiques des spectacles retransmisrégulièrement depuis le MET de New-York (avec pré-annonce de la pro-chaine saison). Citons parmi les productions toutes récentes ou à veniravant l'été : Lucia di Lammermoor, Le Conte Ory, Capriccio, Le Trouvère,La Walkyrie.En fonction du calendrier, nous avons à cœur d'évoquer les grands artistesdu passé ou récemment disparus. Les rubriques "In Memoriam" et"Anniversaires" sont illustrées de documents iconographiques et d'extraitsd'enregistrements transcodés au format MP3, facilement accessible surInternet.

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Couverture du coffret de l'enregistrement en deux compact-disc des scènes dramatiques de Théodore Gouvy,« Iphigénie en Tauride » gravées en 2010 (Photo akg-images - disc C.P.O.).

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S O M M A I R E

p.5 I Théodore Gouvy, un Européen avant l'heure ?

p.9 II Sylvain Teutsch : « C'est l'histoire de notre Grande région »

p.13 III On n'a pas toujours été tendre avec Théodore !

p.15 IV Prosper Mérimée : « Mateo » avant « Carmen »

p.18 V Mérimée où l'opéra par excellence

p.21 VI L'histoire de « Fortunato » et ses personnages

p.22 VII René Auclair : « Un opéra d'une intensité psychologique et

d'une grande force d'expression »

p.36 VIII Eric Chevalier : « L'honneur paternel ne peut être réhabilité que

par le sang du fils »

p.39 IX César Cui : un « Falcone » à la russe

p.40 X Henri Tomasi : « Il faut avoir la Corse dans le sang pour avoir le

pouvoir de la chanter »

p.42 XI Les artistes de la distribution

p.47 XII Journal lyrique du C.L.M. : dernières nouvelles

pièces de théâtre en tant que comédien mais aussi comme metteur en scène.Puis il fait ses débuts dans le chant en 1995, avec Michèle Command,Gabriel Bacquier et Christian Jean. Lauréat du Concours des Voix nouvel-les 2002, il fut nominé aux 13es Victoires de la musique classique en 2006,dans la catégorie "Révélation Artiste Lyrique de l'année". Il s'est produit souvent sur la scène de l'Opéra-Théâtre de Metz et, derniè-rement, dans Les Pêcheurs de perles. Il a fait à peu près le tour des mai-sons d'opéra de l'Hexagone. Pour ses débuts en Belgique à l'Opéra royal deLiège, il était Don Ramiro dans La Cenerentola, et fut Tybalt dans Roméoet Juliette pour ses débuts à l'Opéra de Los Angelès, avec, dans la distribu-tion, Rolando Villazon et Anna Netrebko, deux pointures incontournables.On retiendra également le rôle de Vincent qu'il incarna dans Mireille deGounod donné aux Chorégies d'Orange. Il tenait aussi le rôle-titre deRoméo et Juliette à Limoges, chanta dans Manon en Avignon et à Hong-Kong, de même que le rôle de Fenton dans Falstaff de Verdi aux côtés deBryn Terfel à l'Opéra de Monte-Carlo. Florian Laconi a aussi à son actif quelques rôles dans l'opérette classique,de Ciboulette à La Veuve joyeuse et Au Pays du sourire ; cependant, il a unpenchant pour les opérettes d'Offenbach où il a chanté dans La Grandeduchesse de Gérolstein, Barbe-Bleue, La Vie parisienne, La Périchole, LaBelle Hélène et Orphée aux enfers dans la dernière production donnée àl'Opéra-Théâtre de Metz. Côté oratorio, il a chanté dans La Petite messe solennelle et le Stabat Materde Rossini, les Requiem de Mozart et de Gounod, La Missa criola deRamirez…

ÉRIC MARTIN-BONNET, baryton, rôle de Gianetto Sanpiero, banditIl a remporté le Concours des voix d'or en 1990 et quatre prix dont le Prixdu public à Marmande, tout en continuant ses études musicales à Paris. Ildébute dans Parsifal à l'Opéra du Rhin à Strasbourg, en Avignon dans LaForce du destin et à Nancy dans Un Bal masqué, ainsi que dans LesMartyrs aux Chorégies d'Orange, Tosca et Les Contes d'Hoffmann àAngers. Il incarnait le Grand inquisiteur dans le Don Carlos donné à Metzet chanta dans Aïda en version concert à L'Arsenal. Il a pratiquement faitle tour des maisons d'opéras de France. Puis il participe à une tournée euro-péenne de Zoroastre avec William Christie et Les Arts florissants. Il sera,en 2007/08, Leporello de Don Giovanni, Sparafucile dans Rigoletto et dansl'oratorio La Création de Haydn à Saintes. Puis Le Roi d'Ys à Toulouse età Liège, La Bohème en Avignon, Semiramide aux Musicales du Lubéron,Butterfly à Dublin, Der Fliegende Holländer à Saint-Etienne, Les Contes

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de Metz. Deux autres prises de rôle l'attendent au Theatre Colon deBuenos-Aires, le rôle-titre d'Ariane à Naxos de Richard Strauss et celui deManon dans Manon Lescaut de Puccini. Elle se produit également en ora-torio, dont le Requiem de Verdi et la 9e de Beethoven. Et a abordé l'opéret-te avec La Périchole d'Offenbach.

JEAN-PHILIPPE LAFONT, baryton, rôle de Mateo FalconeNé en 1951 à Toulouse, Jean-Philippe Lafont a choisi comme professeurDenise Dupleix. En 1973, il est remarqué par Louis Erlo et entre à l'OpéraStudio de l'Opéra-Comique à Paris où il se perfectionne dans la diction, lechant, l'interprétation, le théâtre. Il a 23 ans en 1974 lorsqu'il tient son pre-mier rôle, celui de Papageno de La Flûte enchantée, Salle Favart. C'est ledébut d'une carrière éblouissante. Il a cent rôles majeurs à son actif. Il seproduit à la Scala de Milan, au Carnegie Hall et au Metropolitan Opéra deNew-York, à la Monnaie de Bruxelles, au Liceo de Barcelone, bref, danstoutes les capitales européennes, et, bien sûr, à Paris, à la Bastille, auxChamps-Elysées et au Châtelet. C'est aussi un habitué des festivals aux-quels il est invité : Salzbourg, Aix, Orange, Vérone, Montpellier, Bayreuthdans Lohengrin. Il est l'un des quatre chanteurs français à se produire dansce temple wagnérien avec Ernest Blanc, Germaine Lubin, et RégineCrespin. Il sera invité quatre années consécutives à partir de 1999, à s'yproduire, chose exceptionnelle pour un chanteur français. . Il a créé unVitalis émouvant dans le Sans famille de Jean-Claude Petit donné en créa-tion mondiale d'après le roman d'Hector Malo. Il a aussi incarné César dansMarius et Fanny de Vladimir Cosma aux côtés de Roberto Alagna et deGheorgiu. Il a également été le personnage principal dans Le dernier jourd'un condamné des frères Alagna, un opéra en version concert donné auThéâtre des Champs-Elysées. Ses rôles préférés sont Wozzeck, Golaud etFalstaff, ce dernier rôle devant lui être attribué à la prochaine productionde cet opéra de Verdi qui sera donné en ouverture de la saison 2011-2012,de l'Opéra-Théâtre de Metz. Il y avait d'ailleurs tenu, l'an dernier, le rôle deMerlier dans L'Attaque du moulin d'Alfred Bruneau. Il fut enfin, acteur etchanteur dans la production de Le Festin de Babette qui avait obtenu unoscar du meilleur film étranger. Selon Eve Ruggieri, « Jean-PhilippeLafont est le baryton que l'on s'arrache ».

FLORIAN LACONI, ténor, rôle de Tiodoro Gamba, adjudantC'est le ténor né à Metz (1977) actuellement parmi les plus en vue sur lascène opératique. Il fera ses débuts à l'Opéra de Paris en 2012, dansPaillasse. Il étudie d'abord l'art dramatique et participe à de nombreuses

Des portraits divers de Théodore Gouvy alignés sur son piano à la Villa Gouvy, devenue l'Institut Gouvy.

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I

THÉODORE GOUVY :UN EUROPÉEN AVANT L'HEURE ?

Deux opéras complètement occultés deThéodore Gouvy (1819-1898) vont êtrecréés en première mondiale à un moisd'intervalle. D'abord Fortunato (MateoFalcone) du 27 au 31 mai 2011 à L'Opé-ra-Théâtre de Metz Métropole, puis LeCid à l'opéra de Sarrebruck à partir du1er juin. Le premier en français, lesecond en allemand. Comme un symbo-le de la double culture du compositeurinhumé à Hombourg-Haut, et dont lesouvrages sont réhabilités depuis unevingtaine d'années. Parcours atypique d'un musicien…

C'est un curieux parcours auquel fut desti-né Théodore Gouvy qui connut son heurede gloire, entre Paris et Berlin, avant desombrer dans les limbes durant les trois

quarts du XXe siècle, puis de renaître peu à peu à partir des années 1980.Descendant d'une famille de maîtres de forges, il naît à Goffontaine (puisSchafbrücke, devenu aujourd'hui un quartier de Sarrebrück), quatre ansaprès que cette partie de la Lorraine soit annexée à la Prusse, suite à labataille de Waterloo et en vertu du Traité de Paris de 1815. Il naquit doncallemand. Il aura trois frères dont Henri, né en 1813 est français et devien-dra industriel, Charles né en 1815, qui émigrera aux Etats-Unis, etAlexandre, né en 1817, lequel reprendra la gouvernance de l'entreprise etgèrera les placements financiers de la famille Gouvy.

province à Nice, Angers, Rouen, Limoges, Toulon, Aix-les-Bains… Sa car-rière s'oriente ensuite vers l'international, où elle chante Gilda dansRigoletto à Oslo, Zerlina de Don Juan, ainsi que Didon et Enée àl'Aberdeen de Youth International Festival ; elle sera Andromède dansPersée et Andromède à Palerme, Carmen au Festival de Baalbeck, Paminade La Flûte enchantée en tournée en Angleterre avec le GlyndebourneTouring Opera. Elle a chanté pour la première fois à L'Arsenal de Metz dans Le Martyrede Saint-Sébastien dirigé par Emmanuel Krivine et le Gloria (588) deVivaldi avec l'Orchestre de chambre de Metz sous la conduite de FernandQuattrocchi. Ainsi que Bérénice sous la direction de Jean-PhilippeNavarre, de même que Les Illuminations de Benjamin Britten. A Rennes,elle a chanté dans Les Enfants à Bethléem de Gabriel Pierné. Elle a tenudes parties solistes dans divers oratorios et autres œuvres sacrées, ainsi quedans deux symphonies avec partie solo (9e de Beethoven et 2e de Mahler). Elle donne également des récitals lyriques (dont l'un avec Laurent Naourien hommage à Daniel Lesur), en France et à l'étranger.

CATHERINE HUNOLD, soprano lyrico-dramatique, rôle deGiuseppa Elle a fait ses premiers pas dans la voie lyrique à onze ans, à l'Opéra-Comique à Paris dans L'Ecume des jours de Denisov. Elle étudia le chantchez Mady Mesplé et obtint un Premier Prix à l'unanimité du jury auConservatoire de Saint-Maur, et, parallèlement, une licence en musicolo-gie à l'Université de Paris VIII. Elle entre ensuite au StudiOpera de Paris,interprétant des rôles dans son registre de soprano lyrico-dramatique.Lauréate de plusieurs concours internationaux, dont le Premier Prix à l'u-nanimité au Concours européen de chant lyrique d'Arles, la médaille d'orau Concours international des jeunes solistes au Luxembourg ainsi que lePrix de la SACEM, elle a suivi les master-classes de Christa Ludwig. Ellea débuté en 2009, au Théâtre des Champs-Elysées dans Mahagonny ; elletient les rôles wagnériens de Sieglinde et de Brunehilde, dans les émissionsLes leçons de musique de Jean-François Zygel. La même année, elle créaitle rôle de la Reine dans l'opéra Affaires étrangères de Villenave àMontpellier, au Festival duquel elle a participé avec La Nonne sanglantede Berlioz.Elle a des projets jusqu'en 2013. On citera sa prise de rôle d'Elsa dansLohengrin, à Saint-Etienne. Elle a chanté dans Parsifal à l'Opéra de Nice,et tiendra, en novembre 2011, le rôle-titre de l'opéra Françoise de Riminidonné dans le cadre du bicentenaire d'Ambroise Thomas, à l'Opéra-Théâtre

Reproduction d'un portrait au dessin deThéodore Gouvy à vingt ans, exécuté par unpeintre nancéien, Candide Blaise, en 1839

(Collection Institut Gouvy).

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Un bachelier de Metz La mère du jeune Théodore est originaire de Metz. A six ans, le petit musi-cien improvise sur une harpe à huit cordes. A huit, en 1827, il est collégienà Sarreguemines (en France), et suit des cours privés de piano. Après ledécès de son père, en 1829, il entre au Lycée de Metz, ville où son oncle,Joseph Aubert, est négociant, et où sa mère s'installera, de 1830 à 1835. Adix-sept ans, il décroche son bac de philo au Lycée… de Metz. Sa mère avait formulé une demande de naturalisation pour son fils en 1834.Elle est refusée par les autorités ! Oui, car il doit d'abord résider unedizaine d'années en France pour que la démarche soit honorée. Sa mère,toujours, veut qu'il devienne juriste. Théodore s'inscrit d'abord en facultéde droit à Paris, mais sa nationalité allemande restreint ses ambitions. Or,le code civil comme le code pénal ne sont pas sa tasse de thé. Il renonceraà la magistrature après avoir échoué à son examen en 1839. Et il se lancedans la vie musicale.

Etranger en son pays ?Cependant, on lui refuse l'accès à l'enseignement officiel au Conservatoirede Paris, parce qu'il est né teuton. Etranger en son pays ? Il part alors à larecherche d'un professeur de piano. Il s'adresse à Henri Herz, pianiste assezconnu mais qui, devant partir pour une tournée de concerts et de récitals,lui recommande Edouard Billard, son propre élève. Tenté par la composi-tion musicale, il suit les cours de contrepoint et d'harmonie que lui prodi-guera Antoine Elwart qui fut Prix de Rome en 1834, et qui est réputé, dit-on, pour être un "grand causeur". Puis il s'inscrira aux cours de piano duplus célèbre Pierre-Joseph Zimmermann, qui brillait alors dans les salonsartistiques parisiens. Ses leçons de violon, il les suivra auprès de CarlEckert. Ils deviendront amis. Il prend aussi des cours auprès deKalkbrenner, qui fut également le professeur de Chopin. Il va se lier avecles compositeurs de son époque, Camille Saint-Saëns, Adolphe Adam,Gabriel Fauré, Théodore Dubois, le violoniste Henri Vieuxtemps,Emmanuel Chabrier, et, bien plus tard, Gabriel Pierné. Fort des lettres derecommandation de son ami Eckert, il part, en 1842, pour l'Allemagne, parMayence, Francfort. Il écoutera les Schumann, Robert et Clara, en concertà Leipzig, et séjournera à Berlin jusqu'en juillet 1843.

Les éditeurs français font la fine bouche !Ses premières compositions, livrées dès 1841, (il a 22 ans), connaissent unbon accueil. Mais, malgré les recommandations du chef d'orchestre

ÉRIC CHEVALIER, METTEUR EN SCÈNE Originaire de Nantes, Eric Chevalier entre en 1978 à l'English NationalOpera de Londres et conçoit, dès 1979, ses premiers décors dont celui desSaltimbanques pour l'Opéra royal de Liège. Il entre au bureau d'études del'Opéra de Paris en 1981 et, en 1983, y est nommé chargé de production. Ilpoursuit conjointement une activité de décorateur et de metteur en scènesignant successivement plusieurs productions en France, en Autriche, enAllemagne, en Corée du Sud… Il a notamment mis en scène Les Contesd'Hoffmann et Roméo et Juliette à Séoul, puis Le Pescatrici à Metz, DonQuichotte à Tours, Rennes et Angers, Carmen et Faust à Carcassonne, etembrasse à peu près tous les grands ouvrages du répertoire lyrique, et,parmi eux, des pièces contemporaines dont Erzebeth de Charles Chaynesdont il mit également en scène son Mi Amo r donné, il y a plusieurs sai-sons, en création à l'Opéra-Théâtre de Metz. C'est depuis 1994 qu'il abor-da conjointement la mise en scène et les décors. Nommé en 2003/2004 à latête de l'Opéra-Théâtre de Metz, il a signé chaque saison, une ou plusieursmises en scène, dont la re-création du Caïd d'Ambroise Thomas dans lecadre de la Première Biennale consacrée au compositeur né à Metz, cellede L'Amant anonyme du Chevalier de Saint-Georges, celle de L'Attaque duMoulin d'Alfred Bruneau… Parmi les pièces de théâtre lyrique contempo-rain, on signalera Der Prozess de von Einem, Les Bonnes de PeterBengston, Le Renard d'Isabelle Aboulker, et, parmi ses mises en scène dethéâtre parlé, La Fiancée du matin d'Hugo Claus, Orage de Strindberg etPoil de carotte de Jules Renard.

DISTRIBUTION VOCALE :

VALÉRIE CONDOLUCCI, soprano, rôle-titre de FortunatoDe nationalité franco-italienne, cette soprano lyrique léger, après avoirobtenu deux médailles d'or (chant et musique de chambre) auConservatoire d'Arras, intègre l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris où elleaura comme professeurs, Janine Reiss, Christa Ludwig, Renata Scotto,Tereza Berganza et Alain Vanzo. Elle remporte le Prix lyrique du CercleCarpeaux de l'Opéra de Paris, le Prix de la mélodie au Festival deMarmande et le Prix de la Ville de Paris. Elle débute au Centre deFormation lyrique de l'Opéra de Paris dans le rôle-titre de Roméo etJuliette, dans Gianni Schicchi, La Flûte enchantée, Carmen et Manon.Puis, elle assume des rôles, toujours à l'Opéra de Paris, dans Carmen,Manon, Parsifal, Peter Grimes. Elle signe des contrats dans les opéras de

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Théodore Tilmant, il peine à les faire jouer en concert. Ce sera, certes, ledébut d'une production ininterrompue. Or, les éditeurs français rechignentà les publier, beaucoup d'entre elles étant jouées à partir des manuscrits. De son premier voyage en Italie, en 1844, il ne garde pas les meilleurs sou-venirs, car la vie musicale lui semble trop pompeuse et superficielle, et ildéteste notamment le faste des offices religieux. Il séjourne à Frascati, àNaples, puis à Bologne où il rencontre Rossini, et croise ses amis, Eckertet le compositeur Niels Gade. Le pérégrin, retour à Paris, devra même louer une salle et payer un orches-tre pour faire jouer sa première symphonie ! C'était en 1847.Heureusement, ce fut un succès. Mais il devra attendre l'année 1851 pour,qu'à trente-deux ans, on lui accorde la nationalité française, et encore, parnaturalisation. L'année précédente, la famille Gouvy rachetait aux De Wendel, les forgesde Hombourg-Haut. Et Gouvy partagera alors ses séjours entre la maisonfamiliale, la Villa Gouvy, et ses voyages à Paris, à Leipzig et autres villesallemandes.

Des encouragements d’Hector BerliozSon nom s'impose aux oreilles de Berlioz qui écrivait alors ses critiquesmusicales dans le Journal des débats. Que disait-il de Gouvy, en 1851 ?« Qu'un musicien de l'importance de Gouvy soit encore si peu connu àParis, alors que tant de moucherons importunent le public de leur obstinébourdonnement, il y a de quoi indigner les esprits naïfs qui croient encoreà la raison et à la justice des nos mœurs musicales… » On ne pouvaitmieux dire. Or, c'est bien dans les grandes villes musicales allemandes que les mélo-manes raffoleront le plus de ses œuvres. A Berlin, Cologne, Dresde,Wiesbaden, Francfort, Leipzig… Si on l'a moins joué dans l'Hexagonequ'Outre-Rhin, c'est qu'en France, l'époque était dominée par le grandopéra et l'opéra-comique, alors que la terre de Goethe cultivait davantagela musique symphonique. Et c'est vrai que la musique de Gouvy, qui a subil'influence de Mozart, de Beethoven et de Mendelssohn, puis de Brahms,reflète cette double culture, car on y décèle à la fois la grâce et la légèretébien françaises, et plus particulièrement, la limpidité et le classicisme deSaint-Saëns, tout comme les formes et la consistance germaniques.

« Sans cesse ballotté entre deux expressions... » C'est bien ce que confirme d'ailleurs Sylvain Teutsch, président de l'Institut

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XI

LES ARTISTES DE LA DISTRIBUTION

JACQUES MERCIER, CHEF D'ORCHESTRE Premier prix de direction d'orchestre à l'unanimité au Conservatoire supé-rieur de Paris, premier prix au Concours de Besançon, Jacques Mercier futl'assistant de Pierre Boulez et bénéficia des conseils de Karajan. Il entamerapidement une carrière internationale et dirige de prestigieuses forma-tions. Qualifié de "Souveräner Dirigent" à Berlin, il se produit dans lesfestivals dont celui de Salzbourg. Et Madrid où il est cité comme « l'un desmeilleurs chefs français et européens de sa génération » par la critique. De1982 à 2002, il sera directeur artistique et chef permanent de l'O.D.I.F.devenu national, et Pierre Petit, dans Le Figaro, dira de lui « qu'il a donnéla preuve irréfutable de son grand talent fait de précision et de maîtrise,mais aussi de flamme et de panache… » Préalablement, il fut durant septans chef permanent du Turku Philharmonic en Finlande, et ce sera pour luiune expérience déterminante de son approche des compositeurs d'Europedu Nord dont Sibélius. Mais son talent s'exerce aussi dans le répertoirefrançais, son territoire de prédilection. Il s'illustre également dans le réper-toire contemporain, créant en particulier, des œuvres de Xénakis, Luis dePablo, Philippe Manoury et Wolfgang Rihm… Il a réalisé de nombreux enregistrements discographiques. Il s'est vu décer-ner le Grand Prix de l'Académie Charles Cros pour Bacchus et Arianed'Albert Roussel et le Prix de l'Académie du disque lyrique pour Djamlilehde Bizet. Son Martyre de Saint-Sébastien de Debussy lui a valu un Chocdu Monde de la Musique. Son domaine de l'opéra porte essentiellement surle répertoire français. Elu Personnalité musicale de l'année 2002 par leSyndicat professionnel de la critique dramatique et musicale, son premierenregistrement avec l'O.N.L. porte sur L'An Mil de Gabriel Pierné qui lui avalu le Diapason d'or de l'année 2007. Son second disque paru en 2008,consacré à Antoine et Cléopâtre de Florent Schmitt, a également obtenu unDiapason d'or. En janvier 2011, Jacques Mercier et l'O.N.L. ont remportéun vif succès pour leur tournée en Allemagne.

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Gouvy de Hombourg-Haut, et auquel on doit la renaissance de Gouvy, caril a constitué voici plus de vingt ans, un comité particulièrement actif avecles membres du Chœur d'hommes de Hombourg-Haut en particulier, et quien fut un des choristes : « On s'est entouré de musicologues et de spécia-listes qui ont démontré que Gouvy symbolisait parfaitement la richesseculturelle de notre région. Sans cesse ballotté entre deux expressions, lati-ne et germanique, ne vivant que sous leur influence, il ne peut s'en démar-quer. Elles ont été son inspiration et, finalement, sa particularité et sa force,en en faisant un Européen avant l'heure… ». C'est ce qu'il avait affirmélorsqu'il apprit qu'on allait créer ses deux opéras.

Un film, des disques, un colloque…Depuis deux ans, les événements se sont succédé. L'intégrale discogra-phique de ses symphonies est en passe d'être gravée avec la SaarländischerRundfunk de Sarrebrück-Kaiserslautern sous la direction de JacquesMercier ; le film documentaire intitulé Le Mystère Gouvy est sorti en 2009,et les Actes du colloque consacrés au compositeur ont été publiés. Ce col-loque "international" s'est tenu à Sarrebrück et à Hombourg-Haut avec desmusicologues connus, dont René Auclair (qui en a dirigé les éditions),Danielle Pistone, Martin Kaltenecker… Les communications bilinguesportaient aussi bien sur « Gouvy et le discours de la musique sérieuse » quesur « Gouvy et l'écriture violonistique », « Mélodies et Lieder dansl'œuvre de Gouvy », « Entre élégance française et vigueur allemande »…Pour Sylvain Teutsch, « le film constitue une belle carte de visite pourl'Institut et pour toute la région. Il a fait l'objet de transactions avec leschaînes de télévision et il est commercialisé en DVD. Les Actes du col-loque lèvent le voile sur une part secrète de l'homme et de son œuvre.Quant au projet discographique proposé à la Radio sarroise avec le soutiende la Région lorraine, il s'est étendu à d'autres réalisations, dont l'enregis-trement de la grande cantate Iphigénie en Tauride. D'autres objectifs sesont concrétisés avec le Philharmonique du Wurtemberg qui a réalisé undisque Gouvy avec un éditeur suédois. Un autre avec une firme belge. Et,avec Internet, on découvre que les sites et les radios sont de plus en plusnombreux de par le monde à diffuser la musique de Gouvy… »

Deux opéras : « une reconnaissance extraordinaire » Après la résurrection de son corpus symphonique, de ses oeuvres religieu-ses et de sa musique de chambre, c'est la renaissance de ces deux opéras :Fortunato (Mateo Falcone), et Der Cid (Le Cid) qui occupent maintenant

chanter », disait-il dans les années 1930. « Ainsi, sans vain orgueil, je croisbien être le seul musicien à avoir ce droit là. » Dans son œuvre Kyrnos, il dépeint les paysages corses rappelant les pre-miers phocéens et oppose un thème tragique de vocero et un autre plus vifde danse. «De l'exaltation la plus insouciante au pessimisme le plus noir»,disait ce profond méditerranéen. Ses Douze chants pour l'Ile de Corseécrits pour chœur a cappella, en sont le reflet. Et ils ne sont pas sans rap-peler les chants populaires qu'interprètent, dans les églises comme dans lesmontagnes, les groupes et chorales de l'Ile. Ces Douze chants pour l'Ile deCorse très rarement interprétés, forment un pendant logique avec l'opéraFortunato (Mateo Falcone) de Théodore Gouvy.

La mer violente, les nuages, la foudre, les pierres...

Pour Les Douze chants de l'Ile de Corse, les premières images projetées dela scénographe Ange Leccia donneront les clés de ce que sont les protago-nistes de Mateo Falcone. Et en premier lieu d'où ils viennent. � L'eau, la mer, les vagues d'une mer violente, effrayante, glacée. Puis,naissent les premières mesures des trois premiers chants. Les femmes sesont mises en place pendant la première projection ; on les distingue au tra-vers d'un voile. Lorsqu'elles chantent, l'image se met en boucle. Un silen-ce s'installe après les trois premiers chants. � L'air, le ciel. Aux vagues, succèdent les nuages, dans le même esprit quela séquence précédente ; puis trois autres chants interviennent sur les ima-ges en boucle. Nouveau silence. � Le feu, l'orage et la foudre. Ensemencement. Trois chants suivants.Silence. � La terre, les montagnes, les pierres. Elles seront évoquées dans les troisderniers chants. (les Voceri). Les montagnes, le maquis, représentent lemonde de la tradition, des valeurs auxquelles tient Mateo. Ils sont un lieude refuge pour les proscrits, ainsi qu'un lieu de sacrifice humain. Les mon-tagnes sont considérées comme conservatrices des coutumes anciennes en matière de funérailles. Fortunato lui, rêve de la ville. Le lieuoù vit Falcone est <à la lisière>, entre le maquis et Porto Vecchio.

Le silence revient sur la fin du dernier chant. L'image filmée se fige ous'estompe pendant que les femmes ayant interprété les chants, sortent. C'està partir de là que l'orchestre se met en place sur le même temps. Fortunatocommence…

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l'Institut. « Ce qui nous arrive aujourd'hui est une reconnaissance extraordinai-re, ajoute Sylvain Teutsch. C'est, de plus, un beau challenge car cesont des projets exceptionnels et nous sommes conscients de l'enjeude ces réalisations. Leur mise en chantier a représenté pour l'Institut,une masse de travail dans l'édition de ces ouvrages qui n'avaient pasété montés du vivant du compositeur. Masse de travail aussi pour lalivraison du matériel et gros investissement financier pour notre peti-te structure. Mais ceux qui s'y dévouent ont voulu relever le défi… »

Une sérénade pour MetzRetour d'un voyage à Leipzig, Théodore Gouvy fit escale en 1850 àMetz ou habitait sa mère. Le 23 novembre, il fit à l'hôtel de ville unedéclaration stipulant que, résident en France depuis 1830, il voulaitélire son domicile à Metz et sollicitait la jouissance de la nationalitéfrançaise. Il séjourna quelques mois dans cette ville, retourna à Pariset dédia à l'association messine "l'Union des Arts", une Sérénade pourle piano. Ce morceau, gravé par Toussaint, parut dans la Revuepubliée en 1852 par cette société. Plusieurs œuvres du compositeuront été exécutées à Metz, et que les journaux et revues saluèrent defaçon élogieuse. En 1859, il fut à nouveau de passage à Metz où ilexécuta, avec des musiciens amateurs, le Trio pour violon, piano etvioloncelle de sa composition. La relation de ces séjours sont men-tionnés dans le « Dictionnaire des Musiciens de la Moselle » de Jean-Julien Barbé, archiviste de la ville (Edition Le Messin, 1929) avec unepréface de René Delaunay, alors directeur du Conservatoire.

II

SYLVAIN TEUTSCH : « C'EST L'HISTOIRE DE NOTRE

GRANDE RÉGION… »

Président de l'Institut Théodore Gouvy, Sylvain Teutsch, né àHombourg-Haut, est à l'origine de la redécouverte du compositeur,inhumé au cimetière de cette ville, et auquel il s'est intéressé depuisson enfance. Il nous conte les étapes qui ont conduit cette institution

X

HENRI TOMASI : « IL FAUTAVOIR LA CORSE DANS LE

SANG POUR AVOIR LEPOUVOIR DE LA CHANTER »

Bien que d'ascendance corse, Henri Tomasi est né à Marseille en 1901, oùil étudia le piano et où il fut ami avec le violoniste Zino Francescatti, ledédicataire de plusieurs de ses œuvres. Diplômé du Conservatoire supé-rieur de Paris, il remporte le Premier Second Prix de Rome avec sa can-tate Coriolan. Chef d'orchestre à Radio-Colonial, il sera un acteur impor-tant de la vie musicale française et adhérera au groupe "Triton" qui réunis-sait Darius Milhaud, Arthur Honegger, Francis Poulenc, sans pour autantêtre dans la modernité d'écriture de l'époque où il était considéré comme unnéo-classique. Pendant la guerre, il dirigea l'Orchestre national, mais, paci-fiste convaincu, il se retirera à l'Abbaye Saint-Michel de Frigolet où ilcomposera notamment un Requiem pour la paix et un opéra Don Juan deManara. Après guerre, il reprendra son activité de chef d'orchestre et ilcomposera des œuvres de concours pour le Conservatoire de Paris, dontson Concerto pour trompette qui connaîtra la célébrité de par ses interprè-tes, Maurice André et Wynton Marsalis. Dans les années 50, il fut vivement attaqué par les compositeurs d'avant-garde, pratiquant la musique dodécaphonique, Tomasi se considérantcomme un compositeur indépendant.

« La Corse reste encore à découvrir... »

Tomasi avait la fibre du Corse et disait que « la vraie Corse reste encore àdécouvrir par les librettistes qui ne croient pas seulement aux bandits enescopette, et par les musiciens qui ne se contentent pas d'une chansonpopulaire pour exprimer les tréfonds de l'âme d'une race antique, indépen-dante et fière comme la nôtre ». Il affirmait aussi que ses œuvres d'inspiration corse étaient folkloriquessans l'être. « Il faut avoir la Corse dans le sang pour avoir le pouvoir de la

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Henri Tomasi (1901-1971)

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à la reviviscence de ses œuvres, et à les faire connaître de par le monde.Etapes d'un passionné…

A partir d'un tombeau en forme de métronome !

C.L.M. : Comment avez-vous été amené à vous intéresser à ThéodoreGouvy ?Sylvain Teutsch : J'étais enfant, je chantais à la chorale et j'habitais unquartier pas loin du cimetière. Un jour, j'aperçus, au fond, une tombe élan-cée comme une pyramide. La stèle avait la forme d'un métronome sombresur lequel se détachait un médaillon blanc qui portait l'effigie et le nom deThéodore Gouvy, compositeur (1819-1898). J'en fus intrigué et, depuis, j'aitoujours voulu savoir qui était-il et éclaircir ce mystère. Le déclic se pro-duisit lorsqu'un jour où, alors que j'étais président du Chœur d'hommes deHombourg-Haut, la ville reçut la visite d'un étudiant en Sorbonne accom-pagné de descendants de la famille. Si un étudiant, en l'occurrence MartinKaltenecker (qui choisira plus tard, pour sujet de thèse de doctorat,Théodore Gouvy), s'intéressait à lui, je me suis dit qu'il était vraiment ungrand compositeur. Or, si le Chœur d'hommes existait (on avait célébré en1990, le 125e anniversaire de sa fondation), c'est parce que les chanteursqui en faisaient partie à l'origine, étaient tous des ouvriers et des employéstravaillant aux Etablissements Gouvy, et que, donc, Théodore Gouvy yétait pour quelque chose…

Après ce déclic, comment la ville de Hombourg-Haut s'est-elle investiedans ce que l'on peut appeler une aventure ?C'est justement en 1990, afin d'illustrer avec plus d'éclat la célébration des125 ans du Choeur, que ce dernier, avec la municipalité, avons décidé decréer « Les Rencontres musicales de Hombourg-Haut ». Notre souci prin-cipal était de toucher le public le plus large possible et de renouer avec leriche passé historique et culturel de la cité, de par la présence de la familleGouvy. Cette rencontre magique de la musique et de l'histoire ne pouvaittrouver meilleur cadre que celui de la Collégiale Saint-Etienne, admirable-ment restaurée et témoin d'une histoire presque millénaire, l'édifice ayantété classé en 1930 Monument historique. Et n'est-ce pas sous les voûtesséculaires de cette église que furent célébrées, le 27 avril 1898, lesobsèques du compositeur mort six jours auparavant à Leipzig avant d'êtreinhumé dans le caveau familial ?

Khama-Bassili Tolo L'intertextualité chez Mérimée, l'étude des sauvages ; René Girard La violence et le sacré.

IX

CÉSAR CUI : UN FALCONE À LA RUSSE

On ignore si le compositeur russe César Cui connaissait le Mateo Falconede Théodore Gouvy. Toujours est-il qu'il composa, entre 1906 et 1907, unopéra, pareillement en un acte et portant le même titre, ce qui, en cyrillique,est assez complexe mais qui devient, dans sa transcription : MateoFal'kone. Il le désigna plus précisément comme étant une scène drama-tique. Le livret est inspiré du même Prosper Mérimée et adapté de VassiliJoukovski. L'ouvrage a été créé en décembre 1907 au Théâtre du Bolchoïde Moscou, mais ce fut un échec. Il semble que son sujet, bien loin desarguments des opéras du répertoire russe, ait laissé le public indifférent. Etl'ouvrage, semble-t-il, n'a jamais été repris. La musique est de style décla-matoire avec récitatifs mélodiques, s'inspirant d'Alexandre Dargomyjskyqui exerça une profonde influence sur lui. Les passages orchestraux suggè-rent un décor rustique par le biais d'une barcarolle, le final s'achevant surla prière d'inspiration latine, Ave Maria. Les personnages sont identiques àceux de l'opéra de Gouvy et une réduction pour piano et voix en avait étéréalisée. Mateo Falcone est le dernier des trois opéras en un acte de CésarCui, les deux autres étant La Fête en temps de peste et Mademoiselle Fifi.On rappellera que César Cui fit partie du "groupe des cinq" inspiré parBalakirev et comprenant Rimski-Korsakov, Borodine et Moussorgski, dontCui acheva son opéra La Foire de Sorotchinsky.

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« Un festival, merveilleux champ d'exploration des œuvres… »

Et c'est en leur adjoignant le nom de « Festival international ThéodoreGouvy » et en dédiant ses « Rencontres musicales » à son compositeur, quesa ville s'est engagée délibérément dans sa réhabilitation, lui qui étaittombé dans l'oubli après sa mort. Dès 1992, on a donc réussi à faire réinterpréter ses œuvres. Le phénomènedéclencheur fut la résurrection de son Requiem en 1993, le Festival étantdevenu un merveilleux champ d'exploration de ses ouvrages. Aujourd'hui,plus d'une trentaine de ses compositions ont déjà pu être créées ou recréées,et présentées au cœur même où elles avaient été écrites, puisque Gouvyvécut à Hombourg-Haut les trente dernières années de sa vie et où il y com-posa ses ouvrages les plus importants.

Quand les institutions régionales se sont-elles intéressées à la renais-sance de Gouvy et quels sont les artistes qui se sont investis dans sesœuvres ?C'est justement à ce moment là, que la Région Lorraine s'est passionnéepour le phénomène lorsqu'elle entreprit d'orienter sa politique vers le patri-moine lorrain en créant « Mémoires musicales de la Lorraine ». Les musi-cologues, les historiens, les musiciens ont participé aux découvertes et, trèsvite, dans la foulée du Requiem, on joua la Cantate du printemps. En 1995,le Quatuor Denis Clavier entreprit l'enregistrement d'un des quatuors etd'un des quintettes de Gouvy, sur la douzaine qu'il a écrits, et la cantatricemessine Cyrille Gerstenhaber en chanta les mélodies et les Lieder. Et, tous

ces disques furent édités dansla série des Mémoires musi-cales. 1995, c'est aussi l'annéeoù fut fondé l'Institut Gouvy,sur les lieux mêmes où samusique avait été composée,c'est-à-dire la Villa Gouvy, rési-dence de la famille et acquisepar la ville de Hombourg-Haut. Les enregistrements se sontsuccédé : en 96, ce fut le StabatMater puis la cantate Egill surune légende scandinave, en 98,le Quatuor Clavier s'investit à

N'y a-t-il pas une ambiguïté autour du nom du gendre, Tiodoro ?Après le meurtre, dans la "nouvelle", Mateo, en effet, remplace tout bon-nement le fils coupable assassiné, par un fils adoptif, son gendre Tiodoro(Théodore), ce qui veut dire "don de Dieu", et par contraste avec l'infortu-né Fortunato, le mal nommé qui a démenti son propre nom. Or, l'étymolo-gie de Tiodoro (Theodoros en grec), et celle de Mateo (Mathieu en françaiset Mattayahu en hébreux), sont semblables. Ces deux prénoms signifient :don de Dieu. En quelque sorte, Mateo fait venir son double. Mais ce quisurprend plus encore, c'est que l'adjudant Gamba se prénomme aussiTiodoro… tout comme Gouvy se prénomme Théodore ! Tiodoro serait-ilalors une autre réplique du père ? C'est en tout cas la figure du "tentateur".L'homme de la ville, de la civilisation "moderne". Pour lui, les moyens uti-lisés importent peu. C'est le résultat qui compte.

Que tirez vous de ces réflexions dans votre mise en scène ?L'opéra, tout comme la "nouvelle", adoptent une forme brève, concise,d'une précision voisine de l'algèbre. Il n'y a aucune phraséologie, aucuneenflure, aucun accent d'élégie. C'est d'une simplicité chirurgicale. Pourmoi, Mateo Falcone narre la mort d'une société primitive au contact de lacivilisation, non par une destruction venue de l'extérieur, mais par autodes-truction, car elle porte le mal en elle-même, à l'intérieur d'un de ses mem-bres le plus fragile et le plus émouvant.Dans ma mise en scène, les costumes (signés Danièle Barraud), illustrerontla confrontation de ces deux sociétés. Ainsi, Falcone, sa femme, son fils,Sanpiero et Beppo seront en costume traditionnel corse. Gamba et les flicsseront en costumes contemporains. La part prise par la scénographe Ange Leccia est, pour moi, primordialedans ce spectacle. Son travail et le mien ont été intimement liés. Je considère aussi que Les Douze chants de l'Ile de Corse d'Henri Tomasiqui introduisent le spectacle, (voir le chapitre sur Henri Tomasi), sont horsle temps, hors-jeu pourrait-on dire. Mateo Falcone lui, est en temps réel.L'action se déroule vraiment sur 40 à 45 minutes. L'idéal du théâtre clas-sique voulait que le temps de l'action corresponde au temps de la représen-tation. La "nouvelle" s'apparente à la tragédie classique par l'unité de lieu,de temps, et d'action.

* Notes bibliographiques d'Eric Chevalier :Antonia Fonyi Préface pour l'édition GF Flammarion de Mateo Falcone ; Jacques Chabot L'autre moi, fantasmes et fantastique dans les "nouvelles"de Mérimée ;

La Villa Gouvy de Hombourg-Haut qui abrite l'Institut Gouvy(Photo Claire Leber)

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nouveau dans les autres quatuors et quintettes, et tous ces disques ont obte-nu des distinctions : Choc de la musique, 9 de Répertoire, 5 diapasons, sanscompter les critiques et les articles de journaux et de revues spécialisées…

Un véritable musée que l'Institut Gouvy !

Le phénomène Gouvy est contagieux, puisqu'il s'est répandu auprès deséditeurs, des maisons de disques, des festivals étrangers. Où en estactuellement sa progression ?Les enregistrements se sont multipliés avec l'Electre chantée par FrançoisePollet à l'occasion du centenaire de la mort du musicien ; puis l'Institut aentrepris l'édition ou la réédition de partitions, a rassemblé des documents,des photographies, des correspondances, -on a recensé 723 lettres !- , dessouvenirs du musicien, des objets liés à sa vie et à son œuvre, on a réper-torié toute sa musique… Un véritable musée. En créant une dynamiqueautour de Gouvy, l'Institut s'est attaché également à retrouver d'autresoubliés de l'histoire, dont son neveu Léopold qui signait sous le pseudo-nyme d’« Opol Ygouv » et qui a écrit des œuvres intéressantes. Je citerai le Catalogue complet des œuvres de Gouvy réalisé par RenéAuclair, son mémoire de DEA, l'ouvrage de doctorat de MartinKaltenecker, et son analyse d'œuvres inédites, le DEA réalisé sur la cor-respondance de Gouvy, l'apport important de Mme Pistone, musicologue,qui lui a valu d'être nommée présidente d'honneur de notre Institut… De plus, l'Institut a noué, depuis plusieurs années, de nombreux partena-riats, notamment avec les institutions allemandes, la Musikhochschule deSarrebrück, les Universités de Leipzig et de Hambourg. Figurez-vous que l'Institut a retrouvé la toute première biographie du com-positeur, écrite et publiée à Berlin en 1902, par Otto Klauwell, musicolo-gue et directeur du Conservatoire de Cologne et qui avait connu Gouvy !

L'American Gouvy Society de Littleton

Racontez-nous comment l'Institut a-t-il noué des partenariats enAmérique et quels sont ses projets futurs ?En Amérique, oui. On est entrain de préparer l'année Gouvy qui aura lieul'an prochain. Elle se concrétisera notamment par la création d'un FestivalGouvy à Denver dans le Colorado. Et ce festival a été fondé par un cor-respondant américain, musicologue, pianiste, nommé Robin Mac Lean, quiavait créé, déjà en l'an 2000, l'American Gouvy Society à Littleton, égale-

de l'hospitalité dont l'honneur paternel était le garant. L'hospitalité est donc"homérique". Fortunato transgresse ainsi l'honneur paternel, et cet honneurne peut être réhabilité que par le sang du fils. C'est le droit de prendre dela chair lorsqu'il y a faute. (dette/Schuld). Ainsi il y a donc dans Mateo Falcone, le conflit de deux légalités, l'unearchaïque, l'autre "civilisée". C'est le désir, la convoitise, qui pousseFortunato à transgresser cette loi de l'hospitalité et un désir infantile d'être"comme papa", de faire la loi comme lui et de posséder comme lui "le bonobjet", tout en sachant que c'est interdit.

Vous parlez de métaphore animale, s'agissant de Mateo Falcone. Quelleanalyse psychologique en faites-vous ?Un faucon. Un chef de clan. Un prédateur. Comme s'il s'agissait de saisiren l'homme ce qui relève de sa nature la plus instinctive. Nul ne peut sou-tenir le regard de Mateo qui hypnotise, pour ainsi dire, Fortunato, obéissantjusqu'à la dernière minute. C'est Mateo qui a choisi le nom de son fils (onignore tout du prénom des trois filles qui l'ont précédé). Mateo est à la foisjuge, prêtre et bourreau. Ou il renie ses valeurs, et il accepte un traître danssa famille, et la transmission d'un nom souillé par le déshonneur. Ou l'ap-plication stricte du code de l'honneur et la mise à mort de celui qui, "le pre-mier de sa race", s'est rendu coupable de trahison. Ce faisant, il acceptel'extinction de son nom en toute conscience.

Fortunato est-il victime ou coupable selon vous ?Fortunato est soumis à l'autorité du "pater familias", maître après Dieu sursa famille. Et dans cette famille, les sentiments ne s'extériorisent pas. Onnotera le caractère possessif et violent des liens qui unissent cette famille.Par conséquent, Fortunato a conscience du prestige de son père, ce quiexplique son arrogante insolence face à Gamba. Dans ce type de sociétéprimitive, l'enfant n'est pas l'objet d'attendrissement. C'est bon pour lesnourrices et les femmes, jusqu'à ce que le garçon ait l'âge d'apprendre àdevenir un homme auprès de son père. Ce fils doit garantir la continuité dunom. Il vit loin de la ville corruptrice. L'enfant n'est pas attiré par la valeurmarchande de l'objet qu'on lui donne (la montre). Il est, par contre, commeun primitif, attiré par ce qui brille. Alors est-il coupable ? Le destin ne l'a-t-il pas mis, tragiquement, dans une situation au dessus de ses forces ?

Opéra d’une simplicité chirurgicale

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ment dans le Colorado. Il a fait unconsidérable travail de rechercheaux Etats-Unis en comptabilisanttoutes les œuvres de Gouvy jouéesdans les universités américaines. Je n'oublierai pas la fondation, en2009, de la Theodor GouvyGesellschaft par un jeune chefd'orchestre français, VincentBorritz, qui est actuellement pro-fesseur à la Musikhochschule deDresde. A Dresde, nous avonsaussi le projet d'une Académied'été, avec un concert de Lieder deGouvy, et qui se déroulera dans la

Villa de Carl Maria von Weber et sur son piano à queue ! Enfin, sur le plan des enregistrements, on va vers l'intégrale des sympho-nies de Gouvy dont quatre d'entre elles ont déjà été gravées l'an dernier,sous la direction de Jacques Mercier avec la Deutsche Radio Philharmoniede Sarrebrück-Kaiserslautern. Tout est en boîte pour les suivantes. Gouvy en a écrit six, une a été perdue,mais il y a une seconde version de la 6e avec, en plus, une Sinfonietta etune Symphonie brève. Gouvy a un bel avenir devant lui…

Un chef français, un orchestre allemand, tout un symbole. Gouvyn'avait-il pas la double culture ? Le voici maintenant qu'il joue àl'international. Une réhabilitation réussie.

III

ON N'A PAS TOUJOURS ÉTÉ TENDRE AVEC THÉODORE !

Bien que Théodore Gouvy se soit fait des relations dans le monde musicalparisien et ait fréquenté les artistes et les compositeurs de son époque, leshistoriens de la musique, les critiques musicaux et autres commentateursont eu parfois la dent dure à son endroit. C'est l'époque qui voulait cela.Certes, il eut des contacts professionnels chaleureux et il s'est aussi lié

VIII

ÉRIC CHEVALIER : « L'HONNEUR PATERNEL NE PEUT ÊTRE RÉHABILITÉ

QUE PAR LE SANG DU FILS »

Eric Chevalier met en scène l'opéraFortunato. Il nous donne sesimpressions et les jugements qu'ilporte sur l'œuvre, sur ses personna-ges, sur la façon dont ils se compor-tent et qui se traduiront dans laconception scénique qu'il en a.

« L'action pourrait se dérouler dansn'importe quelle société primitive »,

précise-t-il. « Le meurtre du fils par son père (qui confère à cette histoirecorse sa dignité de tragédie antique), est une invention de Mérimée quidisposait, plus banalement, d'un reportage relatant l'exécution d'un traîtrepar sa famille. La différence majeure que j'observe, est que le rôle de lamère est inexistant dans la "nouvelle" par rapport à l'opéra. Son action estintolérable. Dans les adaptations cinématographiques, où radiophoniquesde la "nouvelle", cette situation est normalisée. Mérimée, lui, ne s'attendritpas. »

C.L.M. : Comment analysez-vous le comportement de chaque person-nage ?Eric Chevalier : Fortunato est le héros malheureux -infortuné-, de cetopéra, et, pourtant, il semble bien ne faire aucun doute que Mateo en est lafigure emblématique et omniprésente. Pourtant, de la page onze jusqu'à lapage soixante-sept de la partition, son fils, Fortunato, est seul face à sesresponsabilités. Mateo, lui, est animé de la "virtu" qui caractérise les hommes non civili-sés. Pur, intransigeant, il détient la quasi-totalité des valeurs traditionnellesqui importent à Mérimée. Il tue son fils, le seul garçon de la famille, pouravoir dérogé aux lois de l'hospitalité. Un fils qui a transgressé la religion

Sylvain Teutsch, président de l'Institut Gouvy : « L'an prochain, un Festival Gouvy… dans le Colorado ! »

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Eric Chevalier : l'honneur paternel

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d'amitié avec Camille Saint-Saëns, Edouard Lalo, Charles Gounod, levioloniste Rodolphe Kreutzer, la cantatrice Pauline Viardot et les chefsd'orchestre Jules Pasdeloup, Charles Lamoureux, Gabriel Pierné auxConcerts Colonne… Mais il est à peine cité dans La Musique des origines à nos jours (Larousse1946) aux côtés d'autres compositeurs français et qui furent « les bonsouvriers de la restauration du goût musical français… », tandis que, dansle plus récent Dictionnaire usuel de la musique piloté par Marc Honegger(Bordas 1995), on dit qu' « il ne reçut aucune formation musicale sérieuseavant son arrivée à Paris (…) Compositeur sans envergure, Gouvy a, aumoins, retenu l'attention d'une époque qui voyait en lui un continuateurfrançais de Carl-Maria von Weber et de Beethoven (…) Il a défendu lamusique pure alors que la musique à programme était la principale occu-pation des compositeurs… ». Plus dur sera, sous la houlette de MarcVignal, le Dictionnaire de la musique (Larousse-Bordas 1999) où l'on peutlire : « Tenant de la musique pure, Gouvy s'installe à Paris pour étudier ledroit, mais son aisance matérielle lui permit de se tourner vers la musique(…) Il a composé dans un style assez impersonnel, six symphonies, … »

Une importance encore sous-estiméeLe musicologue René Auclair, spécialiste de Gouvy, a relevé aussi desappréciations parfois peu amènes. Dans quelques Histoires de la musiquequi en parlent, on le considère comme « un inconnu des Français parcequ'il méprisait autant l'italianisme, le théâtre, la musique à programme, etqu'il dut s'exiler en Allemagne pour faire jouer ses symphonies, ses sona-tes et ses quatuors » (Norbert Dufourcq), tandis que Jules Combarieu rele-vait « son goût austère pour la musique pure (…) en avance sur la plupartde ses contemporains ». Le plus enflammé des commentaires fut écrit parle critique, célèbre alors, Léon Kreutzer, dans L'Union musicale d'avril1854 : « Avec la centième partie du talent que possède M. Gouvy, on a ledroit d'être joué sur tous les théâtres lyriques, de porter la décoration de laLégion d'honneur, d'être membre de l'Institut et de gagner 30.000 francspar an. Mais pourquoi, diable, Monsieur Gouvy compose-t-il des sympho-nies ? » René Auclair cite, malgré tout, une remarque réconfortante de la musico-logue Danièle Pistone qui affirme que Gouvy n'était pas le seul composi-teur français de son espèce, à partir d'une constatation faite au XIXe siècleprétendant que la tradition symphonique qui existait en France au XVIIIe

siècle, s'était brutalement interrompue pour renaître miraculeusement avecCésar Franck et la génération qui suivra. Et le commentateur de citer

giques de l'enfant un peuveule et roué, parce quetiraillé entre un père troprigide et peu affectif et unemère qui tente d'atténuercette sévérité en prenantsa part de tendre compli-cité devant les ordrespaternels trop abrupts.

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Page de couverture manuscrite de « Fortunato »

et page de la partition de

la main de Gouvy.

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d'avoir une montre et bonheur de Gamba d'avoir mis la main sur Sanpiero ;prière résignée de Fortunato ; cris de douleur de Pepa et cris de rage deMateo. Tout cela est parfaitement souligné et mis en valeur par la musiquequi est toujours au service de l'expression et de la cohésion de l'ensemble.Cette œuvre peut être considérée comme un "chant du cygne", non seule-ment par la place qu'elle occupe chronologiquement dans l'œuvre deGouvy, mais également parce qu'on y retrouve toutes les qualités qui fontde lui un musicien intelligent, sensible et attachant, un grand compositeur.

Un comparatif entre « Fortunato » et « Le Cid »

Vous avez travaillé également sur cet autre opéra de Gouvy, « Der Cid ».Est-il possible d'en faire la comparaison avec « Fortunato » ?Les deux seules compositions de Gouvy qui portent le nom d'opéra et quisont réellement des opéras, Der Cid et Fortunato, ont plusieurs pointscommuns. L'un et l'autre sont en allemand et ont été directement composésdans cette langue alors que la plupart des ouvrages lyriques de Gouvy-souvent en version bilingue-, ont d'abord été composés sur le texte fran-çais et ensuite, adaptés en version allemande. Il semble que Gouvy aitvoulu tirer parti de sa biculture franco-germanique et faire connaître au-delà du Rhin, deux représentants de la culture française, l'un classique,l'autre quasi-contemporain. Les deux ouvrages sont restés inédits et nonreprésentés, le premier en raison de la mort de son interprète principal, lesecond par la mort de son auteur. Et maintenant, l'un et l'autre suscitent unregain d'intérêt mérité. Les différences ne manquent pas non plus : Der Cid, première initiativedans le genre, est un grand opéra en trois actes volumineux, avec ballet,grands airs. C'est l'opera-seria dans toute la force du terme sur un livretréalisé par un tiers. Fortunato, dernière composition dans le genre, qui asans doute profité de l'expérience d'une bonne vingtaine d'ouvrages, estramassé en un acte comprenant huit scènes enchaînées, avec mise en scèneréduite, absence pratiquement totale de grand air, d'une grande intensitépsychologique et d'une grande force d'expression, cela étant peut-être dû enpartie au fait que Gouvy organise lui-même le livret qu'il met en musique. Le statut des deux œuvres n'est pas le même non plus : Le Cid est uneœuvre intemporelle du théâtre classique, emblématique du dilemme"cornélien" entre le devoir et l'amour. Mateo Falcone, une modeste nou-velle, presque une curiosité anthropologique, satisfaisant le désir roman-tique de l'ailleurs, même si Gouvy lui donne une portée beaucoup plus"moderne", en campant, avec beaucoup de finesse, les profils psycholo-

Gouvy comme le seul qui composait des symphonies et, d'une façon géné-rale, de la musique dite "sérieuse", comme aussi des quatuors à cordes. Ceà quoi Danièle Pistone rétorque, dans son ouvrage La Symphonie dansl'Europe du XIXe siècle, qu'il existait beaucoup d'autres compositeurs à enavoir écrites, citant Onslow, Deldevez, Saint-Saëns, Bizet, Gounod, Reber,Alexis de Castillon, Messager, Benjamin Godard. Et de conclure que« Gouvy est une figure emblématique et l'initiateur du mouvement sym-phonique français au XIXe siècle, et dont l'importance est encore largementsous-estimée. »

IV

PROSPER MÉRIMÉE : « MATEO » AVANT « CARMEN »

En matière de théâtre parlé, de romans ou de nouvelles ayant servi de sup-port au théâtre lyrique, on ne connaît guère, de Prosper Mérimée, que saCarmen, qui est devenue le plus célèbre et le plus joué des opéras à traversle monde. Par contre, ses "nouvelles" sont moins connues, mais celle deMateo Falcone émerge cependant des trois autres qui l'entourent, en cettemême année 1829, et que sont La Chronique du temps de Charles IX,Vision de Charles IX et L'Enlèvement de la Redoute. C'était encore unjeune homme. Il avait alors 26 ans et il était un peu le Casanova des salonslittéraires.Né à Paris en 1803, Prosper Mérimée eut comme père, un professeur dedessin, et comme mère, un professeur de peinture. Elle était née AnneMoreau et était une descendante de Marie Leprince de Beaumont, l'auteurdu célèbre roman La Belle et la Bête. Prosper Mérimée fait ses études auLycée Henri IV, puis entreprend des études de droit, obtenant son diplô-me en 1823. Le libertin qu'il était alors, lutta un jour avec le mari de sa maî-tresse, qui le blessera de plusieurs balles ! Puis, après une courte aventureavec George Sand, il se passionnera pour Valentine Delessert, son égérie,qui était la petite-fille du comte et politicien Alexandre de Laborde.Mérimée sera membre du « Cénacle » de Victor Hugo, voyagera beaucoup,se liera avec Stendhal, publiera « Le Théâtre de Clara Gazul », rendanthommage à la comédienne Clara Gazu, puis, en 1827, à cette autre comé-dienne qu'était « Maglanovitch Hyacinthe ». En 1828, il publie LaJacquerie, un drame historico-féodal. Arrive l'année 1829.

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Il n’était pas encore allé en Corse…Il termine sa nouvelle Mateo Falcone, le 14 février de cette année et luidonne comme sous-titre Mœurs de la Corse. Elle sera publiée dans LaRevue de Paris le 5 mai, et l'ouvrage deviendra un classique de la produc-tion de son auteur. La nouvelle sera reprise dans « Mosaïque » en 1834. Lacouleur locale qui l'alimente est présente dans la narration de la vie ruralede l'Ile de Beauté, de même que le caractère de ses habitants, leur fierté,leur honneur, leur rudesse parfois. Et pourtant, Mérimée ne s'était encorejamais rendu dans ces lieux où naquit Napoléon. Il avait simplement puiséses personnages dans diverses sources bibliographiques. On pense qu'ilemprunta quelques idées au récit de l'abbé Gaudin, Voyage en Corse, quidatait de 1787, et que le prêtre avait intitulé Noblesse d'âme d'un Corse. Etcependant, la lecture des quelque douze pages de Mérimée, donne cetteimpression qu'il avait vécu lui-même, le drame qu'il y contait. Il adopte un

l'émotion de son spectateur sur le conflit psychologique de l'amour, avecses faiblesses, et de l'honneur, avec sa dureté et, il faut le dire, son obstina-tion peu intelligente. La puissance de l'émotion soulevée par les deux ouvrages est forte, mais,tandis que Mérimée dit les choses tout uniment, reste impartial, extérieur,presque glacé, et, par contraste, rend les faits qu'il rapporte plus horriblesencore, Gouvy, au contraire, en musicien, joue des contrastes à l'intérieurmême de l'œuvre, dans tout ce que la tradition "lyrique" véhicule avec ellede pathos. Il n'est, pour s'en convaincre, que d'évoquer avec quelle maes-tria sont mises en œuvre les invectives de Mateo, les objurgations de Pepaet le Pater Noster, recto tono, de Fortunato, dans le dénouement. C'est ungrand mérite de ces deux œuvres, courtes, l'une et l'autre, apparemment fortproches, de former maintenant une sorte de dyptique dont les deux voletsse répondent et dont les effets différents mais complémentaires se renfor-cent.

Couleur orchestrale, variété de rythmes, de caractères,de nuances, de mouvements

Sur le plan musical et sur le plan scénique, quelles conclusions mettez-vous en exergue ?Cette œuvre est économe de moyens. L'ouverture (prélude) n'est pas autrechose que les quelques minutes de musique nécessaire précédant le leverde rideau, avertissant le spectateur que le spectacle commence, et ne négli-geant pas de le mettre auditivement en contact avec les tensions prémoni-toires. Même économie dans la chansonnette de la scène N°1, dans les pré-paratifs de sortie des parents dans la scène 2 et les objections de Fortunato.Le souci de Théodore Gouvy est de peindre vrai : pas de virtuosité gratui-te, pas de bavardage. Il s'agit de serrer l'action au plus près et de conduiregraduellement le spectateur à la scène insoutenable de la fin. Ce souci del'efficacité n'est pas un appauvrissement de la palette musicale, au contrai-re. On peut noter combien l'expression est servie par une extrême variétéde mouvements, de caractères, de rythmes, de nuances, de couleur orches-trale, de modulations. Sur le plan scénique Gouvy réalise avec bonheur la conduite du récitinitial. Comme il en est coutumier dans ses autres ouvrages lyriques (DerCid ou dans les grandes cantates dramatiques), il use toujours du jeu desoppositions. Grand calme de la première scène où Fortunato s'ennuie ; arri-vée mouvementée du fugitif ; discussion serrée avec Gamba ; bonheur

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découpage rappelant la règle des trois : lieu, temps, action, et divise en cinqtableaux, les étapes de l'histoire, entre l'exposition du maquis corse et deses moeurs, la description de Falcone et de sa "tribu" familiale, avant desituer l'action, entre l'arrivée du bandit et le comportement du petitFortunato. Puis, le constat de trahison entraînant l'angoisse d'un dangerimminent et le tragique dénouement. Un schéma de drame classique ensomme…

Dix ans plus tard... Les notes d’un voyage en l’îleArrive le changement de régime de 1830. Prosper Mérimée se sentira biendans les milieux louis-philippards, et la Monarchie de Juillet s'emploiera àfaire connaître ses œuvres. Il occupera d'ailleurs plusieurs postes adminis-tratifs au Ministère de la Marine et à celui du Commerce. En tant que chefde cabinet du comte d'Agout, il aura la charge des "Beaux-Arts", avant qu'ilsoit nommé inspecteur général des Monuments historiques, puis vice-président de la commission en 1839. C'est dix ans après son Mateo Falcone, que Prosper Mérimée entreprendun voyage… Attirance ou occurrence ? Le 16 août 1839, il débarque àBastia du bateau-poste en provenance de Toulon. Un rapport du préfetde Corse sur les monuments du département l'avait séduit et incité à s'yrendre. Il avait réussi à obtenir une autorisation du ministre Gasparin, poury effectuer une tournée officielle d'inspection. Il visitera à peu près tous lesmonuments, églises, vestiges, tours et fortifications de l'île. Il prend desnotes, s'extasie devant "les admirables jambons du village" (Murato),effectue un périple à cheval, décrit, par le menu, l'ancienne cathédrale deNebbio et ses "trois curieuses églises". A la fin du périple, il s'embarqueraà Bastia pour Livourne en Toscane pour y rencontrer Stendhal avant deremonter à Paris. Résultat, un bouquin de 236 pages édité en 1840, sorte demonographie intitulée Notes d'un voyage en Corse. Plus réjouissant, entout cas, que la dramatique histoire de Fortunato ! 1840, c'est aussi l'année de Colomba, un must ; puis, en 1843, il sera élumembre libre de l'Académie des Inscriptions et belles Lettres, publiera unarticle sur « Le Palais de Justice », « La Sainte-Chapelle » et, en 1844, ent-rera à l'Académie française. Historien, traducteur de la littérature russe,commandeur de la Légion d'honneur…En 1844, c'est un autre monument qui entre dans la littérature : Carmen. Ironie du sort : le décès de Prosper est annoncé par erreur le 10 mars 1869dans Le Figaro ! En réalité, il mourra à Cannes le 23 septembre 1870. Deuxsemaines après la chute de Napoléon III et la défaite de la guerre franco-prussienne…

- Mon père, je sais encore l'Ave Maria et la litanie que ma tante m'a appri-se.- Elle est bien longue ; n'importeL'enfant acheva la litanie d'une voix éteinte.- As-tu fini ?- Oh ! mon père, grâce ! pardonnez-moi ! Je ne le ferai plus ! Je prierai tantmon cousin, le caporal, qu'on fera grâce au Gianetto !

[Alors que Mateo Falcone se termine comme un simple fait divers et sansbeaucoup d'émotion apparente, Fortunato ajoute la scène 8 où l'épisodeinventé du petit pâtre courant après les soldats pour assurer in extremis lesalut de l'enfant, ménage jusqu'au bout l'attente d'un dénouement d'autantplus dramatique.]

Il parlait encore ; Mateo avait armé son fusil et le couchait en joue en luidisant :- Que Dieu te pardonne !L'enfant fit un effort désespéré pour se relever et embrasser les genoux deson père ; mais il n'en eut pas le temps. Mateo fit feu et Fortunato tombaraide mort. Sans jeter un coup d'œil sur le cadavre, Mateo reprit le chemin de sa mai-son pour aller chercher une bêche afin d'enterrer son fils. Il avait à peinefait quelques pas qu'il rencontra Giuseppa qui accourait, alarmée par lecoup de feu. - Qu'as-tu fait ? s'écria-t-elle. - Justice.- Où est-il ? - Dans le ravin. Je vais l'enterrer. Il est mort en chrétien. Je lui ferai chan-ter une messe. Qu'on dise à mon gendre Tiodoro Bianchi de venir demeu-rer avec nous. »

Un conflit psychologique de l’amour et de l’honneur

Quelles comparaisons entre « Fortunato » et « Mateo Falcone » et quel-les réflexions apportez-vous à leur propos ?Fortunato apparaît, assez évidemment, comme un décalque fidèle, sur leplan narratif, de Mateo Falcone. Toutefois, la perspective n'est pas la mêmeet les moyens employés pour susciter l'émotion, différents. Alors queMérimée déploie aux yeux de son lecteur, un récit "exotique", oùl'étonnant, le "curieux", le dispute au tragique, Gouvy recentre toute

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V

MÉRIMÉE OU L'OPÉRAPAR EXCELLENCE

par Marie-Noëlle Auguste

L'œuvre littéraire de Prosper Mérimée a suscité un véritable engouementopératique depuis le XIXe siècle jusqu'à nos jours et, malgré « tout ce quele répertoire des scènes lyriques doit à l'œuvre de Victor Hugo1 », il resteincontestablement l'auteur du XIXe siècle le plus porté à l'opéra.Optant pour des adaptations très libres ou très fidèles, plus d'une quaran-taine d'oeuvres se sont inspirées soit de son théâtre marqué par sa dissi-dence idéologique et esthétique : pratiquement toutes les pièces du Théâtrede Clara Gazul ont été portées sur la scène lyrique ainsi que La Jaquerie,soit de ses romans et nouvelles : Carmen, La Chambre bleue, Chroniquesous le règne de Charles IX, Colomba, Mateo Falcone, Lokis, La Vénusd'Ille, ou encore de ses traductions de nouvelles russes : Six et quatre, LaDame de pique.

Une défiance vis-à-vis de l’art lyrique ?Parmi ce foisonnement d'œuvres, une bonne quinzaine naquit du vivant del'auteur. Tout en partageant l'euphorie romantique où « le règne duchanteur-acteur divinise l'artiste et en fait un objet d'adulation2 », Mériméesemble étonnamment distant vis-à-vis de cette profusion musicale, soit pardésintérêt (Mérimée ne laisse aucun témoignage dans sa correspondance),soit par désaccord eu regard du pillage des adaptations théâtrales qui repré-sentaient un véritable commerce littéraire au XIXe siècle, soit encore pardéfiance profonde vis-à-vis de l'art lyrique. Malgré l'engouement opératique que suscite son œuvre, Mérimée semblenourrir une méfiance irrespectueuse pour les musiciens. Dans une lettredatée du 29 juillet 1855, il écrit à Mistress Senior :« J'ai entendu dire que vous étiez grande musicienne, mais j'ai peine àle croire, parce que vous me semblez avoir trop d'esprit et être trop

puyant sur son fusil, le considérait avec une expression de colère concen-trée. - Tu commences bien ! dit enfin Mateo d'une voix calme, mais effrayantepour qui connaissait l'homme. - Mon père ! s'écria l'enfant en s'avançant les larmes aux yeux comme pourse jeter à ses genoux. Mais Mateo lui cria : - Arrière de moi ! Et l'enfant s'arrêta et sanglota, immobile, à quelques pas de son père.Giuseppa s'approcha. Elle venait d'apercevoir la chaîne de la montre, dontun bout sortait de la chemise de Fortunato. - Qui t'a donné cette montre ?, demanda-t-il d'un ton sévère. - Mon cousin, l'adjudant.Falcone saisit la montre et, la jetant avec force contre une pierre, il la miten mille pièces. - Femme, dit-il, cet enfant est-il de moi ?Les joues brunes de Giuseppa devinrent d'un rouge de brique. - Que dis-tu Mateo ? Et sais-tu bien à qui tu parles ?- Eh bien ! cet enfant est le premier de sa race qui ait fait une trahison. Les sanglots et les hoquets de Fortunato redoublèrent, et Falcone tenait sesyeux de lynx toujours attachés sur lui. Enfin, il frappa la terre de la crossede son fusil, puis le rejeta sur son épaule et reprit le chemin du maquis encriant à Fortunato de le suivre. L'enfant obéit. Guiseppa courut après Mateo et lui saisit le bras : - C'est ton fils, lui dit-elle d'une voix tremblante en attachant ses yeux noirssur ceux de son mari, comme pour lire ce qui se passait dans son âme. - Laisse-moi, répondit Mateo, je suis son père.Giuseppa embrassa son fils et rentra en pleurant dans sa cabane. Elle se jetaà genoux devant une image de la Vierge et pria avec ferveur. Cependant,Falcone marcha quelque deux-cent pas dans le sentier et ne s'arrêta quedans un petit ravin où il descendit. Il sonda la terre avec la crosse de sonfusil et la trouva molle et facile à creuser. L'endroit lui parut convenablepour son dessein. - Fortunato, va auprès de cette grosse pierre !L'enfant fit ce qu'il lui commandait, puis il s'agenouilla.

- Dis tes prières. - Mon père, mon père, ne me tuez pas !- Dis tes prières !, répéta Mateo d'une voix terrible. L'enfant, tout en balbutiant et en sanglotant, récita le Pater et le Credo. Lepère, d'une voix forte, répondait Amen ! à la fin de chaque prière.- Sont-ce là toutes les prières que tu sais ?

1 Arnaud Laster, Hugo à l'Opéra, L'Avant-Scène Opéra N° 208, mai-juin 2002, p.3.2 Marie-Hélène Coudroy-Saghaï, « Les Huguenots » dans Joël-Marie Fauquet (dir.) Dictionnaire de la musique en Franceau XIXe siècle, Paris, Fayard, 2003, p.602.

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paresseuse. Il faut être un peu bête pour ne faire qu'une chose, et dans lesarts on n'excelle qu'en s'y consacrant d'une manière absolue. Ensuite il fauttravailler du matin au soir, ne jamais s'exposer au vent et ne pas manger deglaces en été3.Dans son ouvrage Paris dilettante au commencement du siècle, honorantl'esprit voltairien de Mérimée, Adolphe Jullien fait le rapprochement decette lettre avec un texte de Voltaire adressé à Gretry :« Vous êtes musicien et vous avez de l'esprit ! Cela est trop rare, Monsieur,pour que je ne prenne pas à vous voir le plus vif intérêt4. »"Peu mélomane5" , trouvant le musicien assez borné, Mérimée reste néan-moins l'auteur de prédilection pour une multitude de compositeurs d'écoleset de nationalités diverses, séduits par son esthétique de la réticence, saposture ironique et son principe archaïque. Ayant une bonne connaissancede toute l'œuvre littéraire de Mérimée, ils ont eu l'intuition commune deson architecture puissante, laconique et déjà elle-même opératique, propreà subir un traitement lyrico dramatique.

Sept ouvrages lyriques composés sur Mateo Falcone.L'analyse des opéras inspirés de Mérimée permet d'en dégager plusieursconstantes qui restituent dans leur sémiotique musicale la rhéthoriquemériméenne fondée sur l'arkhê6, principe étroitement lié à la notion d'enar-geia, et sur l'obliquité ironique dans une dualité chronique où cohabitent lerire et l'horreur.Certaines de ces œuvres ont été plusieurs fois portées à l'opéra, notammentMateo Falcone. Publiée le 3 mai 1829 dans la Revue de Paris, la nouvellede Mérimée n'a cessé d'inspirer des compositeurs de diverses nationalités àdifférentes périodes dans des adaptations qui recouvrent plus d'un siècle etdemi de l'histoire de la musique, de 1839 à 1987.

1839 : François Albert-Henri-Ferdinand Ruolz-Montchal (baron ou comtede), La Vendetta, opéra en 3 actes, livret de Léon Pillet et d'AdolpheVaunois, créé à l'Académie Royale de Musique-Le Peletier le 11

se mettre à la recherche de voleurs de deux chèvres. Son fils veut lesuivre mais il refuse. Le jeu "père sévère / mère indulgente" est tout desuite posé, et la figure de l'enfant qui s'ensuit, sans doute pas plus mauvaisqu'un autre mais habitué à ne pas tenir tête à un père intraitable et à négo-cier avec une mère compréhensive et qui le soutient, acquiert une grandecrédibilité…L'ordre événementiel de Fortunato suit celui de Mateo Falcone, là encore,avec une coloration psychologique beaucoup plus marquée. La 3e scène estbien consacrée aux réflexions du jeune Fortunato et se clôt sur l'arrivéed'un homme blessé, annoncée par des coups de feu, mais ces réflexionssont loin d'avoir la sérénité dépeinte dans Mateo. Et les pensées qui agitentFortunato dans ce monologue, ne sont pas d'agréables perspectives de pro-menade dominicale, mais toutes de récriminations contre les recommanda-tions maternelles, les idées paternelles et l'injustice du traitement qui lui estréservé…Mateo Falcone continue sur le mode narratif, et, à la scène 4, Fortunatorésume tout cela par les didascalies (…) ; le mode narratif reprend totale-ment ses droits dans Mateo Falcone… tandis que, dans Fortunato, ledialogue se poursuit, toujours serré et émouvant, la « pièce de cinq francsqu'il avait réservée, sans doute pour acheter de la poudre » devenant « sadernière pièce de cinq francs qu'il avait économisée pour acheter de lapoudre » (…) La rencontre des poursuivants de Sanpiero et de Fortunato,entretient, (dans les textes), à peu près les mêmes rapports que précédem-ment : alternance de narration et de dialogue dans le premier, jeu de scèneet dialogue dans le second…

… Jusqu’à l’intensité du dénouement

La scène du meurtre est la plus émouvante. Pouvez-vous nous en livrerles propos les plus intenses ?C'est dans la scène 7, l'avant-dernière scène, que se concentre toute l'inten-sité dramatique du dénouement. Là encore, la matérialité des événementsest très proche; pourtant, leur succession et leur organisation dramatiqueainsi que la tonalité générale sont assez différentes…

[N.D.L.R. : nous reproduisons ci-dessous la fin du texte en français, adap-té de la version allemande sur laquelle Gouvy avait construit sa partition]

« Il se passa près de dix minutes avant que Mateo ouvrît la bouche.L'enfant regardait d'un œil inquiet tantôt sa mère, tantôt son père, qui, s'ap-

3 Prosper Mérimée, Correspondance générale, établie et annotée par Maurice Parturier avec la collaboration pour lestomes I à VI de Pierre Josserand et de Jean Mallion, t. I-VI, Paris, le Divan, 1941-1947, t. VII-XVII Toulouse, Privat, 1953-1964, lettre de juillet 1855, tome VII, pp. 511-512.4 Texte de Voltaire rapporté dans les mémoires de Grétry, I, 33, inséré dans Adolphe Jullien, « Mérimée dilettante et ora-teur » dans Paris dilettante au commencement du siècle, ouvrage orné de 36 gravures sur bois et facs. de dessins origi-naux conservés aux Archives de l'Opéra, Paris, Firmin-Didot, 1884, p. 337.5 Raymond Leslie Evans, Les Romantiques français et la musique, Paris : Champion, 1934, réédition Genève : SlatkineReprints, 1976, p. 38.6 Cf. Antonia Fonyi « La passion pour l'archè » Prosper Mérimée écrivain, archéologue, historien, Antonia Fonyi (dir.),Genève, Droz, 1999, p. 197-207.

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septembre 1839. Opéra repris en deux actes en 1840. Livret, Paris,Duverger, 1839.

1894 Heinrich Zöllner, Mateo Falcone, livret du compositeur, créé auMetropolitan Opera de New York en 1884, repris à l'Irving PlaceTheater de New-York le 18 décembre 1893 [1894].

1896 Théodore Gouvy, Fortunato, livret du compositeur, œuvre inédite.Réduction chant-piano, livrets en français et en allemand, extraits duconducteur d'orchestre offerts gracieusement par Sylvain Teutsch,président de l'Institut Théodore Gouvy.

1898 Theodor Gerlach, Matteo Falcone, opéra en 3 actes, livret du com-positeur, créé à Hanovre le 23 octobre 1898.

1907 César Cui, Mateo Falcone, scène dramatique en un acte, livret deVasily Zhukovsky, créé au Théâtre du Bolchoï de Moscou le 14décembre 1907.Conducteur d'orchestre, réduction piano-chant,Moscou, Éditions Jurgenson, 1907.

1930 Florence Ewart, Mateo Falcone, opéra en 3 actes, livret du compo-siteur, composé à Melbourne entre 1930 et 1932. Œuvre inédite.Réduction piano-chant manuscrite, livret et notes, Melbourne,Grainger Museum, 1930.

1987 Paul Fejko, Matteo Falcone, opéra en un acte, livret de DinoYannopoulos créé à l' Académie of Vocal Arts de Philadelphie le 23octobre 1987. Réduction piano-chant, conducteur d'orchestre,manuscrits offerts gracieusement par Paul Fejko.

Placés aux endroits cruciaux dans l'histoire de la musique, les opéras inspi-rés de Mérimée en reflètent l'esthétique, produit atypique du XIXe siècle, àla fois héritier et unique, soumis et dissident, conforme et novateur. Qu'ilssoient très librement inspirés de l'auteur ou le plus fidèles au texte, ces opé-ras condensent la rhétorique mériméenne en une immanence musicale dontla force métaphorique illustre l'aphorisme de Roland Barthes :« Peut-être qu'une chose ne vaut que pour sa force métaphorique : peut-êtreque c'est cela, la valeur de la musique : d'être une bonne métaphore7.»La légendaire sécheresse de ton de Mérimée, qui dissimule passionnémentle contraire, a permis aux compositeurs, comme l'affirme Louis Durey dansson Catalogue commenté, de s'exprimer eux-mêmes à travers son œuvrelittéraire qui, pour reprendre l'expression de Roland Manuel « appelle la

Un début qui baigne dans lacouleur locale

Qu'avez-vous découvert en décorti-quant le texte de « Fortunato » ? Pour ce qui est de l'état du texte deMérimée qui fut entre les mains deGouvy, il n'est rien resté de sa biblio-thèque littéraire qui puisse en fournirun quelconque indice, contrairement àsa bibliothèque musicale qui a été

conservée intégralement. Toutefois, si l'on en juge par l'édition critique(Jean Mallion et Pierre Salomon), les variantes textuelles sont minimes etrevêtent, ici, beaucoup moins d'importance que le compositeur tire du textefrançais un livret en allemand. Selon toute vraisemblance, il a rédigé dansla langue de Goethe, un livet inspiré du texte de Mérimée en pratiquantl'exercice dit de "contraction croisée de texte" dans les concours desGrandes écoles. Mateo débute par une introduction qui présente au lecteurle cadre corse qui avait un caractère beaucoup plus "exotique"qu'aujourd'hui… Dans Fortunato, tous ces détails sont concentrés enquelques lignes de didascalies à destination du metteur en scène. Et l'on estplongé, dans la première scène, fort courte, dans la "couleur locale" où lejeune Fortunato chante une chanson corse. Mais cette introduction s'étendaussi, et longuement, sur le "héros" lui-même, « aussi bon tireur que dan-gereux ennemi », et dont la réputation de chasseur est mise en exergue. Envoici un exemple : « La nuit, il se servait de ses armes aussi facilement quele jour (…) A quatre-vingts pas, on plaçait une chandelle allumée derrièreun transparent de papier, large comme une assiette. Il mettait en joue, puison éteignait la chandelle et, au bout d'une minute, dans l'obscurité la pluscomplète, il tirait et perçait le transparent trois fois sur quatre ! »…

Une dramatisation progressive…

Certains de ces traits seront repris dans les dialogues ultérieurs deFortunato. Le texte est d'abord au passé puisqu'il s'agit de faits antérieurs,au moment de la rencontre du narrateur avec le "héros" de l'histoire. La 2e

scène de Fortunato suit l'action décrite mais en opérant certaines trans-positions qui, dès l'abord, la dramatise. La première apparition de Mateo lemontre avec un fusil, non pas pour aller "visiter ses troupeaux", mais pour

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3 Roland Barthes, L'obvie et l'obtus. Essais critiques III, Paris, Le Seuil, 1982, p. 252.8 Roland Manuel (Roland Alexis Manuel Lévy dit), Lettre à Louis Durey, à propos de sa tentative de monter L'Occasionde Mérimée, mentionnée dans le Catalogue commenté de Louis Durey, Bulletin de la Société Nationale de Musique del'IRCAM : " Intemporel ". L'extrait du Catalogue commenté de Louis Durey consacré à L'Occasion m'a gracieusement étéoffert par Madame Arlette Durey, fille du compositeur.

René Auclair : « dès la 2e scène, Gouvy dramatise lepropos… »

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la voie nouvelle qu'il avait empruntée. Pourtant, dès l'année suivante, grâceà la découverte de la poésie de Ronsard dont il met en musique quarantepièces, la musique lyrique prend une importance nouvelle pour lui. En1874, son Requiem op.70 inaugurera une longue production de grandesœuvres dramatiques religieuses ou profanes, tels le Stabat Mater ouElectre, et dont Fortunato représente le terme ultime, une Didon n'ayantété qu'envisagée…

Fidélité au texte allemand, éclairage du texte français original

Comment avez-vous procédé pour réaliser l'adaptation du texte allemanden français au niveau de la prosodie, et du respect de l'écrituremusicale ?Il pouvait sembler un peu curieux de présenter, en France, un ouvrage com-posé par un Français, dont l'argument était une "nouvelle" de langue fran-çaise, dans sa version allemande, originale et seul autographe. On peutd'ailleurs raisonnablement supposer que Théodore Gouvy aurait probable-ment réalisé, comme il en avait l'habitude, une version française de cetteœuvre, si sa mort n'était intervenue peu de temps après l'achèvement de laversion allemande. C'est sans doute dans cet esprit, qu'Henriette Gouvyavait rédigé une adaptation française qu'elle proposa, sans succès au com-positeur André Messager. Cette adaptation n'est pas sans mérite, et il eût été doublement intéressantde pouvoir la proposer au public en raison de la proximité familiale et artis-tique de son auteur, belle-sœur et amie particulièrement impliquée dans lacarrière artistique du compositeur. Toutefois, malgré de réelles qualités etun effort constant pour respecter la prosodie française, de trop nombreusescoquilles et libertés prises avec le texte original (Henriette Gouvy-Böckingétait Sarroise de langue allemande), interdisaient cette démarche. A lademande de M. Eric Chevalier, directeur de l'Opéra-Théâtre de Metz, nousavons réalisé (N.D.L.R. René et Samuel Auclair) l'adaptation française quifait l'objet de cette édition. Notre démarche a été guidée par les principes suivants : la fidélité la plusgrande possible au texte allemand de Théodore Gouvy avec l'éclairage -mais l'éclairage seulement- du texte français original de Prosper Mérimée ;le respect de la prosodie française avec les licences classiques qu'elle s'au-torise (ex : la règle du "e muet" prononcé, la finale "féminine" …) ; lerespect intégral de la musique, en particulier de l'harmonie et des accents…

musique avec une force irrésistible8 ». Si la modernité de Mérimée reste incontestable, on peut en revanche, aprèsla redécouverte d'un tel patrimoine opératique, interroger la légitimité de ladémarche de postérité qui usa de Carmen pour occulter les autres chefs-d'œuvre, notamment Fortunato de Theodore Gouvy.

Marie-Noëlle AUGUSTEProfesseur de flûte à bec et de musique de chambre au

Conservatoire de Saint-Denis (93)Directeur artistique de l'ensemble vocal et instrumental A

ContrarioDoctorante à l'Université de la Sorbonne Paris IV sous la co-

direction de Danièle Pistone (Musicologie) et Jean-YvesMasson (Littérature comparée). Sujet de thèse : Mérimée à

l'Opéra.

VI

L'HISTOIRE DE FORTUNATO ETSES PERSONNAGES

Qui est Mateo Falcone ? Un vieux bandit qui a amassé de l'argent entretrafic et contrebande, et qui a fixé sa demeure, une maison-ferme, à l'oréed'une forêt. Il considère son fils de dix ans, Fortunato, comme son dignehéritier, avec ses trois filles et sa femme, et qui sont l'honneur de la famille.Chasseur invétéré, il décide, avec son épouse Giuseppa, d' aller au gibierdans les futaies proches, tout en recommandant à son fils de rester et debien garder la maison. Au cours de sa battue, Mateo entend des coups de feu en rafales, puis,croise un homme qui s'enfuit et le supplie ardemment de lui trouver unecachette. Mateo y consent, mais en échange d'une somme… de cinq francs.Le bandit traqué -il s'appelle Gianetto Sanpiero-, sera planqué dans lademeure familiale. Entre bandits, c'est naturel. Or, peu après, une demi-douzaine d'hommes armés, commandés par l'adju-dant Tiodoro Gamba, déboulent sur les lieux à la recherche du malfaiteurqu'ils poursuivent. Ils sont face à face avec le petit Fortunato auquel ilsdemandent s'il n'y a pas un homme qui se serait terré dans la maison de sesparents. L'enfant rechigne tout d'abord, mais, pour l'amadouer, l'un deshommes armés lui donne une montre. Tout content et, par convoitise et par fierté, il va dénoncer le fuyard,

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Sanpiero, en le livrant aux hommes de loi, contrevenant ainsi aux règlesd'honneur de la famille. Lorsque les époux Falcone rentrent à la ferme,Mateo, discutant avec les pourchasseurs, apprend que son fils n'a pasrespecté les règles de l'hospitalité à l'endroit d'un homme aux abois, et que,de plus, il s'est laissé soudoyer en acceptant une montre. Le père n'approu-ve pas du tout sa conduite qui est contraire aux conventions des Falcone. Ilappartient à cette catégorie humaine dont les bandits sont des personnagesde légende et qui, par conséquent, sont intouchables. Mateo remâche sa punition. Que va-t-il faire avec son fusil ? Sa femmeGiuseppa subodore ses intentions morbides. Elle veut retenir son mariqu'elle supplie de rester. Mais Mateo ne l'entend pas de cette oreille car ilne tolère pas la trahison. On lit l'intransigeance et la détermination du« falcone », du « faucon », qui a pour seul évangile, le respect de la paroledonnée, et auquel s'ajoutent l'orgueil et le principe d'honneur de la lignée.La tension monte. Mateo part avec son arme et emmène Fortunato dans laforêt. Il l'abattra sans autre forme de procès, creusera une fosse et l'enterralui-même sur place.

VII

RENÉ AUCLAIR : « UN OPÉRA D'UNEINTENSITÉ PSYCHOLOGIQUE ET D'UNE

GRANDE FORCE D'EXPRESSION »

Musicologue, chargé de cours à l'Université Paul Verlaine de Metz, RenéAuclair, titulaire d'un prix d'Histoire de la musique au Conservatoire deMetz, a réalisé son mémoire de DEA en Sorbonne sur le compositeurThéodore Gouvy. Vice-président de l'Institut Gouvy de Hombourg-Haut,on lui doit la restitution et la maquette complète de l'opéra Fortunato(Mateo Falcone), créé à Metz en cette fin mai 2011, ainsi que l'adaptationfrançaise de sa version allemande, en collaboration avec son fils Samuel,également germaniste, de même que celle de l'opéra Der Cid qui, commeFortunato à l'Opéra-Théâtre de Metz, sera donné en première mondiale àl'Opéra de Sarrebrück, début juin 2011.René Auclair a détaillé, pour le Cercle Lyrique de Metz, les étapes de sesrecherches et analysé le contenu de Fortunato.

C.L.M. : Quel est le cheminement de vos recherches pour retrouver lapartition de cet opéra « Fortunato » ?René Auclair : A l'époque de mon prix d'histoire, mon professeur, MarcBrunerye, m'avait proposé de rédiger une étude, au choix, sur l'un desmusiciens lorrains. J'étais alors enseignant à Dieulouard et le nom deGouvy était dans les mémoires de par la présence des EtablissementsGouvy qui s'y étaient installés vers les années 1870. On en vint à parler deThéodore Gouvy. Les descendants de sa famille y habitaient encore. Je nesavais pas trop qui était ce compositeur. La famille Gouvy-Durteste mefacilita l'accès à ses archives au milieu desquelles figuraient quantité departitions bien conservées du compositeur, dont un grand nombre enmanuscrits autographes ainsi que du matériel d'orchestre. C'est à partir dece moment là que j'ai commencé à recenser et à rédiger le Catalogue com-plet de ses œuvres.Il était question un moment de remettre ces archives à la Bibliothèquenationale de France, mais à l'époque, personne n'était enthousiaste pourréaliser ce transfert. Il en irait autrement aujourd'hui ! Toujours est-il quel'Institut Gouvy de Hombourg-Haut était tout désigné pour l'accueillir, etque ce fond de partitions allait permettre leur parfaite exploitation.

Pouvez-vous nous parler des origines de la composition de l'œuvre musi-cale et du texte sur lequel elle est bâtie ?Il est impossible de préciser les circonstances qui ont donné à Gouvy l'idéede se lancer dans la composition de Fortunato. En revanche, au regard desa production antérieure, on peut comprendre certaines de ses motivationsgénérales. Gouvy fut un grand symphoniste, un défenseur de la musique"pure", entendons de la symphonie, du quatuor à cordes et de la musiqueinstrumentale en général, avec quelques rares incursions dans la musiquelyrique. C'est ce que les anciennes "Histoires de la musique" ont retenu delui lorsqu'elles mentionnaient son nom. En réalité, les choses sont beau-coup plus complexes. S'il est vrai que toute la première partie de sa carriè-re répond parfaitement à cette image, Gouvy, sous la pression de la critiquemusicale qui, à l'époque, ne peut et ne veut consacrer un compositeur sansavoir entendu un de ses grands ouvrages lyriques, il écrit un grand opéraen 1862-63, Der Cid sur un livret allemand d'après Corneille. Cet opéra estreçu au théâtre de Dresde en 1864, mais de nombreuses corrections sontdemandées par le ténor, Schnorr von Carolsfeld , qui doit chanter le rôle-titre. Alors que l'opéra devait être donné en octobre 1865, le ténor décèdeet la direction renonce à monter le spectacle. Cet épisode à la fois tragiqueet contrariant, n'est pas pour conforter les aspirations du compositeur dans

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2326

Costume en grande cape de Giuseppa,épouse de Mateo (maquette de Danièle Barraud)

Mateo Falcone en costume et large chapeau, tenant son fusil (maquette de Danièle Barraud).

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Le jeune Fortunato, pieds nus (maquette de Danièle Barraud)

Les quatre costumes suivants sont portés par la même femme,Giuseppa, mais ces habits sont transformés : c'est le principe duchœur de femmes qui interprètent « Les Chants de l'Ile de Corse » deTomasi, mais qui participent aussi à l'opéra « Fortunato (MateoFalcone) » sont d'abord vêtues d'une robe assez ample, au corsageassez fin, croisé mauve clair, avec fichu orné et noué sur la tête. Puis,pour les derniers chants, elles inversent leur foulard de poitrine qui estréversible et devient sombre ; puis, elles rabattent sur leur tête, leurjupe de dessus qui est doublée de noir à l'intérieur, le jupon dedessous étant également noir à l'intérieur. Elles deviennent ainsi despleureuses, des femmes en deuil (maquette de Danièle Barraud).

Costume du bandit Gianetto Sanpiero(maquette de Danièle Barraud)

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Le jeune Fortunato, pieds nus (maquette de Danièle Barraud)

Les quatre costumes suivants sont portés par la même femme,Giuseppa, mais ces habits sont transformés : c'est le principe duchœur de femmes qui interprètent « Les Chants de l'Ile de Corse » deTomasi, mais qui participent aussi à l'opéra « Fortunato (MateoFalcone) » sont d'abord vêtues d'une robe assez ample, au corsageassez fin, croisé mauve clair, avec fichu orné et noué sur la tête. Puis,pour les derniers chants, elles inversent leur foulard de poitrine qui estréversible et devient sombre ; puis, elles rabattent sur leur tête, leurjupe de dessus qui est doublée de noir à l'intérieur, le jupon dedessous étant également noir à l'intérieur. Elles deviennent ainsi despleureuses, des femmes en deuil (maquette de Danièle Barraud).

Costume du bandit Gianetto Sanpiero(maquette de Danièle Barraud)

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Costume en grande cape de Giuseppa,épouse de Mateo (maquette de Danièle Barraud)

Mateo Falcone en costume et large chapeau, tenant son fusil (maquette de Danièle Barraud).

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Sanpiero, en le livrant aux hommes de loi, contrevenant ainsi aux règlesd'honneur de la famille. Lorsque les époux Falcone rentrent à la ferme,Mateo, discutant avec les pourchasseurs, apprend que son fils n'a pasrespecté les règles de l'hospitalité à l'endroit d'un homme aux abois, et que,de plus, il s'est laissé soudoyer en acceptant une montre. Le père n'approu-ve pas du tout sa conduite qui est contraire aux conventions des Falcone. Ilappartient à cette catégorie humaine dont les bandits sont des personnagesde légende et qui, par conséquent, sont intouchables. Mateo remâche sa punition. Que va-t-il faire avec son fusil ? Sa femmeGiuseppa subodore ses intentions morbides. Elle veut retenir son mariqu'elle supplie de rester. Mais Mateo ne l'entend pas de cette oreille car ilne tolère pas la trahison. On lit l'intransigeance et la détermination du« falcone », du « faucon », qui a pour seul évangile, le respect de la paroledonnée, et auquel s'ajoutent l'orgueil et le principe d'honneur de la lignée.La tension monte. Mateo part avec son arme et emmène Fortunato dans laforêt. Il l'abattra sans autre forme de procès, creusera une fosse et l'enterralui-même sur place.

VII

RENÉ AUCLAIR : « UN OPÉRA D'UNEINTENSITÉ PSYCHOLOGIQUE ET D'UNE

GRANDE FORCE D'EXPRESSION »

Musicologue, chargé de cours à l'Université Paul Verlaine de Metz, RenéAuclair, titulaire d'un prix d'Histoire de la musique au Conservatoire deMetz, a réalisé son mémoire de DEA en Sorbonne sur le compositeurThéodore Gouvy. Vice-président de l'Institut Gouvy de Hombourg-Haut,on lui doit la restitution et la maquette complète de l'opéra Fortunato(Mateo Falcone), créé à Metz en cette fin mai 2011, ainsi que l'adaptationfrançaise de sa version allemande, en collaboration avec son fils Samuel,également germaniste, de même que celle de l'opéra Der Cid qui, commeFortunato à l'Opéra-Théâtre de Metz, sera donné en première mondiale àl'Opéra de Sarrebrück, début juin 2011.René Auclair a détaillé, pour le Cercle Lyrique de Metz, les étapes de sesrecherches et analysé le contenu de Fortunato.

C.L.M. : Quel est le cheminement de vos recherches pour retrouver lapartition de cet opéra « Fortunato » ?René Auclair : A l'époque de mon prix d'histoire, mon professeur, MarcBrunerye, m'avait proposé de rédiger une étude, au choix, sur l'un desmusiciens lorrains. J'étais alors enseignant à Dieulouard et le nom deGouvy était dans les mémoires de par la présence des EtablissementsGouvy qui s'y étaient installés vers les années 1870. On en vint à parler deThéodore Gouvy. Les descendants de sa famille y habitaient encore. Je nesavais pas trop qui était ce compositeur. La famille Gouvy-Durteste mefacilita l'accès à ses archives au milieu desquelles figuraient quantité departitions bien conservées du compositeur, dont un grand nombre enmanuscrits autographes ainsi que du matériel d'orchestre. C'est à partir dece moment là que j'ai commencé à recenser et à rédiger le Catalogue com-plet de ses œuvres.Il était question un moment de remettre ces archives à la Bibliothèquenationale de France, mais à l'époque, personne n'était enthousiaste pourréaliser ce transfert. Il en irait autrement aujourd'hui ! Toujours est-il quel'Institut Gouvy de Hombourg-Haut était tout désigné pour l'accueillir, etque ce fond de partitions allait permettre leur parfaite exploitation.

Pouvez-vous nous parler des origines de la composition de l'œuvre musi-cale et du texte sur lequel elle est bâtie ?Il est impossible de préciser les circonstances qui ont donné à Gouvy l'idéede se lancer dans la composition de Fortunato. En revanche, au regard desa production antérieure, on peut comprendre certaines de ses motivationsgénérales. Gouvy fut un grand symphoniste, un défenseur de la musique"pure", entendons de la symphonie, du quatuor à cordes et de la musiqueinstrumentale en général, avec quelques rares incursions dans la musiquelyrique. C'est ce que les anciennes "Histoires de la musique" ont retenu delui lorsqu'elles mentionnaient son nom. En réalité, les choses sont beau-coup plus complexes. S'il est vrai que toute la première partie de sa carriè-re répond parfaitement à cette image, Gouvy, sous la pression de la critiquemusicale qui, à l'époque, ne peut et ne veut consacrer un compositeur sansavoir entendu un de ses grands ouvrages lyriques, il écrit un grand opéraen 1862-63, Der Cid sur un livret allemand d'après Corneille. Cet opéra estreçu au théâtre de Dresde en 1864, mais de nombreuses corrections sontdemandées par le ténor, Schnorr von Carolsfeld , qui doit chanter le rôle-titre. Alors que l'opéra devait être donné en octobre 1865, le ténor décèdeet la direction renonce à monter le spectacle. Cet épisode à la fois tragiqueet contrariant, n'est pas pour conforter les aspirations du compositeur dans

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la voie nouvelle qu'il avait empruntée. Pourtant, dès l'année suivante, grâceà la découverte de la poésie de Ronsard dont il met en musique quarantepièces, la musique lyrique prend une importance nouvelle pour lui. En1874, son Requiem op.70 inaugurera une longue production de grandesœuvres dramatiques religieuses ou profanes, tels le Stabat Mater ouElectre, et dont Fortunato représente le terme ultime, une Didon n'ayantété qu'envisagée…

Fidélité au texte allemand, éclairage du texte français original

Comment avez-vous procédé pour réaliser l'adaptation du texte allemanden français au niveau de la prosodie, et du respect de l'écrituremusicale ?Il pouvait sembler un peu curieux de présenter, en France, un ouvrage com-posé par un Français, dont l'argument était une "nouvelle" de langue fran-çaise, dans sa version allemande, originale et seul autographe. On peutd'ailleurs raisonnablement supposer que Théodore Gouvy aurait probable-ment réalisé, comme il en avait l'habitude, une version française de cetteœuvre, si sa mort n'était intervenue peu de temps après l'achèvement de laversion allemande. C'est sans doute dans cet esprit, qu'Henriette Gouvyavait rédigé une adaptation française qu'elle proposa, sans succès au com-positeur André Messager. Cette adaptation n'est pas sans mérite, et il eût été doublement intéressantde pouvoir la proposer au public en raison de la proximité familiale et artis-tique de son auteur, belle-sœur et amie particulièrement impliquée dans lacarrière artistique du compositeur. Toutefois, malgré de réelles qualités etun effort constant pour respecter la prosodie française, de trop nombreusescoquilles et libertés prises avec le texte original (Henriette Gouvy-Böckingétait Sarroise de langue allemande), interdisaient cette démarche. A lademande de M. Eric Chevalier, directeur de l'Opéra-Théâtre de Metz, nousavons réalisé (N.D.L.R. René et Samuel Auclair) l'adaptation française quifait l'objet de cette édition. Notre démarche a été guidée par les principes suivants : la fidélité la plusgrande possible au texte allemand de Théodore Gouvy avec l'éclairage -mais l'éclairage seulement- du texte français original de Prosper Mérimée ;le respect de la prosodie française avec les licences classiques qu'elle s'au-torise (ex : la règle du "e muet" prononcé, la finale "féminine" …) ; lerespect intégral de la musique, en particulier de l'harmonie et des accents…

musique avec une force irrésistible8 ». Si la modernité de Mérimée reste incontestable, on peut en revanche, aprèsla redécouverte d'un tel patrimoine opératique, interroger la légitimité de ladémarche de postérité qui usa de Carmen pour occulter les autres chefs-d'œuvre, notamment Fortunato de Theodore Gouvy.

Marie-Noëlle AUGUSTEProfesseur de flûte à bec et de musique de chambre au

Conservatoire de Saint-Denis (93)Directeur artistique de l'ensemble vocal et instrumental A

ContrarioDoctorante à l'Université de la Sorbonne Paris IV sous la co-

direction de Danièle Pistone (Musicologie) et Jean-YvesMasson (Littérature comparée). Sujet de thèse : Mérimée à

l'Opéra.

VI

L'HISTOIRE DE FORTUNATO ETSES PERSONNAGES

Qui est Mateo Falcone ? Un vieux bandit qui a amassé de l'argent entretrafic et contrebande, et qui a fixé sa demeure, une maison-ferme, à l'oréed'une forêt. Il considère son fils de dix ans, Fortunato, comme son dignehéritier, avec ses trois filles et sa femme, et qui sont l'honneur de la famille.Chasseur invétéré, il décide, avec son épouse Giuseppa, d' aller au gibierdans les futaies proches, tout en recommandant à son fils de rester et debien garder la maison. Au cours de sa battue, Mateo entend des coups de feu en rafales, puis,croise un homme qui s'enfuit et le supplie ardemment de lui trouver unecachette. Mateo y consent, mais en échange d'une somme… de cinq francs.Le bandit traqué -il s'appelle Gianetto Sanpiero-, sera planqué dans lademeure familiale. Entre bandits, c'est naturel. Or, peu après, une demi-douzaine d'hommes armés, commandés par l'adju-dant Tiodoro Gamba, déboulent sur les lieux à la recherche du malfaiteurqu'ils poursuivent. Ils sont face à face avec le petit Fortunato auquel ilsdemandent s'il n'y a pas un homme qui se serait terré dans la maison de sesparents. L'enfant rechigne tout d'abord, mais, pour l'amadouer, l'un deshommes armés lui donne une montre. Tout content et, par convoitise et par fierté, il va dénoncer le fuyard,

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septembre 1839. Opéra repris en deux actes en 1840. Livret, Paris,Duverger, 1839.

1894 Heinrich Zöllner, Mateo Falcone, livret du compositeur, créé auMetropolitan Opera de New York en 1884, repris à l'Irving PlaceTheater de New-York le 18 décembre 1893 [1894].

1896 Théodore Gouvy, Fortunato, livret du compositeur, œuvre inédite.Réduction chant-piano, livrets en français et en allemand, extraits duconducteur d'orchestre offerts gracieusement par Sylvain Teutsch,président de l'Institut Théodore Gouvy.

1898 Theodor Gerlach, Matteo Falcone, opéra en 3 actes, livret du com-positeur, créé à Hanovre le 23 octobre 1898.

1907 César Cui, Mateo Falcone, scène dramatique en un acte, livret deVasily Zhukovsky, créé au Théâtre du Bolchoï de Moscou le 14décembre 1907.Conducteur d'orchestre, réduction piano-chant,Moscou, Éditions Jurgenson, 1907.

1930 Florence Ewart, Mateo Falcone, opéra en 3 actes, livret du compo-siteur, composé à Melbourne entre 1930 et 1932. Œuvre inédite.Réduction piano-chant manuscrite, livret et notes, Melbourne,Grainger Museum, 1930.

1987 Paul Fejko, Matteo Falcone, opéra en un acte, livret de DinoYannopoulos créé à l' Académie of Vocal Arts de Philadelphie le 23octobre 1987. Réduction piano-chant, conducteur d'orchestre,manuscrits offerts gracieusement par Paul Fejko.

Placés aux endroits cruciaux dans l'histoire de la musique, les opéras inspi-rés de Mérimée en reflètent l'esthétique, produit atypique du XIXe siècle, àla fois héritier et unique, soumis et dissident, conforme et novateur. Qu'ilssoient très librement inspirés de l'auteur ou le plus fidèles au texte, ces opé-ras condensent la rhétorique mériméenne en une immanence musicale dontla force métaphorique illustre l'aphorisme de Roland Barthes :« Peut-être qu'une chose ne vaut que pour sa force métaphorique : peut-êtreque c'est cela, la valeur de la musique : d'être une bonne métaphore7.»La légendaire sécheresse de ton de Mérimée, qui dissimule passionnémentle contraire, a permis aux compositeurs, comme l'affirme Louis Durey dansson Catalogue commenté, de s'exprimer eux-mêmes à travers son œuvrelittéraire qui, pour reprendre l'expression de Roland Manuel « appelle la

Un début qui baigne dans lacouleur locale

Qu'avez-vous découvert en décorti-quant le texte de « Fortunato » ? Pour ce qui est de l'état du texte deMérimée qui fut entre les mains deGouvy, il n'est rien resté de sa biblio-thèque littéraire qui puisse en fournirun quelconque indice, contrairement àsa bibliothèque musicale qui a été

conservée intégralement. Toutefois, si l'on en juge par l'édition critique(Jean Mallion et Pierre Salomon), les variantes textuelles sont minimes etrevêtent, ici, beaucoup moins d'importance que le compositeur tire du textefrançais un livret en allemand. Selon toute vraisemblance, il a rédigé dansla langue de Goethe, un livet inspiré du texte de Mérimée en pratiquantl'exercice dit de "contraction croisée de texte" dans les concours desGrandes écoles. Mateo débute par une introduction qui présente au lecteurle cadre corse qui avait un caractère beaucoup plus "exotique"qu'aujourd'hui… Dans Fortunato, tous ces détails sont concentrés enquelques lignes de didascalies à destination du metteur en scène. Et l'on estplongé, dans la première scène, fort courte, dans la "couleur locale" où lejeune Fortunato chante une chanson corse. Mais cette introduction s'étendaussi, et longuement, sur le "héros" lui-même, « aussi bon tireur que dan-gereux ennemi », et dont la réputation de chasseur est mise en exergue. Envoici un exemple : « La nuit, il se servait de ses armes aussi facilement quele jour (…) A quatre-vingts pas, on plaçait une chandelle allumée derrièreun transparent de papier, large comme une assiette. Il mettait en joue, puison éteignait la chandelle et, au bout d'une minute, dans l'obscurité la pluscomplète, il tirait et perçait le transparent trois fois sur quatre ! »…

Une dramatisation progressive…

Certains de ces traits seront repris dans les dialogues ultérieurs deFortunato. Le texte est d'abord au passé puisqu'il s'agit de faits antérieurs,au moment de la rencontre du narrateur avec le "héros" de l'histoire. La 2e

scène de Fortunato suit l'action décrite mais en opérant certaines trans-positions qui, dès l'abord, la dramatise. La première apparition de Mateo lemontre avec un fusil, non pas pour aller "visiter ses troupeaux", mais pour

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3 Roland Barthes, L'obvie et l'obtus. Essais critiques III, Paris, Le Seuil, 1982, p. 252.8 Roland Manuel (Roland Alexis Manuel Lévy dit), Lettre à Louis Durey, à propos de sa tentative de monter L'Occasionde Mérimée, mentionnée dans le Catalogue commenté de Louis Durey, Bulletin de la Société Nationale de Musique del'IRCAM : " Intemporel ". L'extrait du Catalogue commenté de Louis Durey consacré à L'Occasion m'a gracieusement étéoffert par Madame Arlette Durey, fille du compositeur.

René Auclair : « dès la 2e scène, Gouvy dramatise lepropos… »

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paresseuse. Il faut être un peu bête pour ne faire qu'une chose, et dans lesarts on n'excelle qu'en s'y consacrant d'une manière absolue. Ensuite il fauttravailler du matin au soir, ne jamais s'exposer au vent et ne pas manger deglaces en été3.Dans son ouvrage Paris dilettante au commencement du siècle, honorantl'esprit voltairien de Mérimée, Adolphe Jullien fait le rapprochement decette lettre avec un texte de Voltaire adressé à Gretry :« Vous êtes musicien et vous avez de l'esprit ! Cela est trop rare, Monsieur,pour que je ne prenne pas à vous voir le plus vif intérêt4. »"Peu mélomane5" , trouvant le musicien assez borné, Mérimée reste néan-moins l'auteur de prédilection pour une multitude de compositeurs d'écoleset de nationalités diverses, séduits par son esthétique de la réticence, saposture ironique et son principe archaïque. Ayant une bonne connaissancede toute l'œuvre littéraire de Mérimée, ils ont eu l'intuition commune deson architecture puissante, laconique et déjà elle-même opératique, propreà subir un traitement lyrico dramatique.

Sept ouvrages lyriques composés sur Mateo Falcone.L'analyse des opéras inspirés de Mérimée permet d'en dégager plusieursconstantes qui restituent dans leur sémiotique musicale la rhéthoriquemériméenne fondée sur l'arkhê6, principe étroitement lié à la notion d'enar-geia, et sur l'obliquité ironique dans une dualité chronique où cohabitent lerire et l'horreur.Certaines de ces œuvres ont été plusieurs fois portées à l'opéra, notammentMateo Falcone. Publiée le 3 mai 1829 dans la Revue de Paris, la nouvellede Mérimée n'a cessé d'inspirer des compositeurs de diverses nationalités àdifférentes périodes dans des adaptations qui recouvrent plus d'un siècle etdemi de l'histoire de la musique, de 1839 à 1987.

1839 : François Albert-Henri-Ferdinand Ruolz-Montchal (baron ou comtede), La Vendetta, opéra en 3 actes, livret de Léon Pillet et d'AdolpheVaunois, créé à l'Académie Royale de Musique-Le Peletier le 11

se mettre à la recherche de voleurs de deux chèvres. Son fils veut lesuivre mais il refuse. Le jeu "père sévère / mère indulgente" est tout desuite posé, et la figure de l'enfant qui s'ensuit, sans doute pas plus mauvaisqu'un autre mais habitué à ne pas tenir tête à un père intraitable et à négo-cier avec une mère compréhensive et qui le soutient, acquiert une grandecrédibilité…L'ordre événementiel de Fortunato suit celui de Mateo Falcone, là encore,avec une coloration psychologique beaucoup plus marquée. La 3e scène estbien consacrée aux réflexions du jeune Fortunato et se clôt sur l'arrivéed'un homme blessé, annoncée par des coups de feu, mais ces réflexionssont loin d'avoir la sérénité dépeinte dans Mateo. Et les pensées qui agitentFortunato dans ce monologue, ne sont pas d'agréables perspectives de pro-menade dominicale, mais toutes de récriminations contre les recommanda-tions maternelles, les idées paternelles et l'injustice du traitement qui lui estréservé…Mateo Falcone continue sur le mode narratif, et, à la scène 4, Fortunatorésume tout cela par les didascalies (…) ; le mode narratif reprend totale-ment ses droits dans Mateo Falcone… tandis que, dans Fortunato, ledialogue se poursuit, toujours serré et émouvant, la « pièce de cinq francsqu'il avait réservée, sans doute pour acheter de la poudre » devenant « sadernière pièce de cinq francs qu'il avait économisée pour acheter de lapoudre » (…) La rencontre des poursuivants de Sanpiero et de Fortunato,entretient, (dans les textes), à peu près les mêmes rapports que précédem-ment : alternance de narration et de dialogue dans le premier, jeu de scèneet dialogue dans le second…

… Jusqu’à l’intensité du dénouement

La scène du meurtre est la plus émouvante. Pouvez-vous nous en livrerles propos les plus intenses ?C'est dans la scène 7, l'avant-dernière scène, que se concentre toute l'inten-sité dramatique du dénouement. Là encore, la matérialité des événementsest très proche; pourtant, leur succession et leur organisation dramatiqueainsi que la tonalité générale sont assez différentes…

[N.D.L.R. : nous reproduisons ci-dessous la fin du texte en français, adap-té de la version allemande sur laquelle Gouvy avait construit sa partition]

« Il se passa près de dix minutes avant que Mateo ouvrît la bouche.L'enfant regardait d'un œil inquiet tantôt sa mère, tantôt son père, qui, s'ap-

3 Prosper Mérimée, Correspondance générale, établie et annotée par Maurice Parturier avec la collaboration pour lestomes I à VI de Pierre Josserand et de Jean Mallion, t. I-VI, Paris, le Divan, 1941-1947, t. VII-XVII Toulouse, Privat, 1953-1964, lettre de juillet 1855, tome VII, pp. 511-512.4 Texte de Voltaire rapporté dans les mémoires de Grétry, I, 33, inséré dans Adolphe Jullien, « Mérimée dilettante et ora-teur » dans Paris dilettante au commencement du siècle, ouvrage orné de 36 gravures sur bois et facs. de dessins origi-naux conservés aux Archives de l'Opéra, Paris, Firmin-Didot, 1884, p. 337.5 Raymond Leslie Evans, Les Romantiques français et la musique, Paris : Champion, 1934, réédition Genève : SlatkineReprints, 1976, p. 38.6 Cf. Antonia Fonyi « La passion pour l'archè » Prosper Mérimée écrivain, archéologue, historien, Antonia Fonyi (dir.),Genève, Droz, 1999, p. 197-207.

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V

MÉRIMÉE OU L'OPÉRAPAR EXCELLENCE

par Marie-Noëlle Auguste

L'œuvre littéraire de Prosper Mérimée a suscité un véritable engouementopératique depuis le XIXe siècle jusqu'à nos jours et, malgré « tout ce quele répertoire des scènes lyriques doit à l'œuvre de Victor Hugo1 », il resteincontestablement l'auteur du XIXe siècle le plus porté à l'opéra.Optant pour des adaptations très libres ou très fidèles, plus d'une quaran-taine d'oeuvres se sont inspirées soit de son théâtre marqué par sa dissi-dence idéologique et esthétique : pratiquement toutes les pièces du Théâtrede Clara Gazul ont été portées sur la scène lyrique ainsi que La Jaquerie,soit de ses romans et nouvelles : Carmen, La Chambre bleue, Chroniquesous le règne de Charles IX, Colomba, Mateo Falcone, Lokis, La Vénusd'Ille, ou encore de ses traductions de nouvelles russes : Six et quatre, LaDame de pique.

Une défiance vis-à-vis de l’art lyrique ?Parmi ce foisonnement d'œuvres, une bonne quinzaine naquit du vivant del'auteur. Tout en partageant l'euphorie romantique où « le règne duchanteur-acteur divinise l'artiste et en fait un objet d'adulation2 », Mériméesemble étonnamment distant vis-à-vis de cette profusion musicale, soit pardésintérêt (Mérimée ne laisse aucun témoignage dans sa correspondance),soit par désaccord eu regard du pillage des adaptations théâtrales qui repré-sentaient un véritable commerce littéraire au XIXe siècle, soit encore pardéfiance profonde vis-à-vis de l'art lyrique. Malgré l'engouement opératique que suscite son œuvre, Mérimée semblenourrir une méfiance irrespectueuse pour les musiciens. Dans une lettredatée du 29 juillet 1855, il écrit à Mistress Senior :« J'ai entendu dire que vous étiez grande musicienne, mais j'ai peine àle croire, parce que vous me semblez avoir trop d'esprit et être trop

puyant sur son fusil, le considérait avec une expression de colère concen-trée. - Tu commences bien ! dit enfin Mateo d'une voix calme, mais effrayantepour qui connaissait l'homme. - Mon père ! s'écria l'enfant en s'avançant les larmes aux yeux comme pourse jeter à ses genoux. Mais Mateo lui cria : - Arrière de moi ! Et l'enfant s'arrêta et sanglota, immobile, à quelques pas de son père.Giuseppa s'approcha. Elle venait d'apercevoir la chaîne de la montre, dontun bout sortait de la chemise de Fortunato. - Qui t'a donné cette montre ?, demanda-t-il d'un ton sévère. - Mon cousin, l'adjudant.Falcone saisit la montre et, la jetant avec force contre une pierre, il la miten mille pièces. - Femme, dit-il, cet enfant est-il de moi ?Les joues brunes de Giuseppa devinrent d'un rouge de brique. - Que dis-tu Mateo ? Et sais-tu bien à qui tu parles ?- Eh bien ! cet enfant est le premier de sa race qui ait fait une trahison. Les sanglots et les hoquets de Fortunato redoublèrent, et Falcone tenait sesyeux de lynx toujours attachés sur lui. Enfin, il frappa la terre de la crossede son fusil, puis le rejeta sur son épaule et reprit le chemin du maquis encriant à Fortunato de le suivre. L'enfant obéit. Guiseppa courut après Mateo et lui saisit le bras : - C'est ton fils, lui dit-elle d'une voix tremblante en attachant ses yeux noirssur ceux de son mari, comme pour lire ce qui se passait dans son âme. - Laisse-moi, répondit Mateo, je suis son père.Giuseppa embrassa son fils et rentra en pleurant dans sa cabane. Elle se jetaà genoux devant une image de la Vierge et pria avec ferveur. Cependant,Falcone marcha quelque deux-cent pas dans le sentier et ne s'arrêta quedans un petit ravin où il descendit. Il sonda la terre avec la crosse de sonfusil et la trouva molle et facile à creuser. L'endroit lui parut convenablepour son dessein. - Fortunato, va auprès de cette grosse pierre !L'enfant fit ce qu'il lui commandait, puis il s'agenouilla.

- Dis tes prières. - Mon père, mon père, ne me tuez pas !- Dis tes prières !, répéta Mateo d'une voix terrible. L'enfant, tout en balbutiant et en sanglotant, récita le Pater et le Credo. Lepère, d'une voix forte, répondait Amen ! à la fin de chaque prière.- Sont-ce là toutes les prières que tu sais ?

1 Arnaud Laster, Hugo à l'Opéra, L'Avant-Scène Opéra N° 208, mai-juin 2002, p.3.2 Marie-Hélène Coudroy-Saghaï, « Les Huguenots » dans Joël-Marie Fauquet (dir.) Dictionnaire de la musique en Franceau XIXe siècle, Paris, Fayard, 2003, p.602.

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découpage rappelant la règle des trois : lieu, temps, action, et divise en cinqtableaux, les étapes de l'histoire, entre l'exposition du maquis corse et deses moeurs, la description de Falcone et de sa "tribu" familiale, avant desituer l'action, entre l'arrivée du bandit et le comportement du petitFortunato. Puis, le constat de trahison entraînant l'angoisse d'un dangerimminent et le tragique dénouement. Un schéma de drame classique ensomme…

Dix ans plus tard... Les notes d’un voyage en l’îleArrive le changement de régime de 1830. Prosper Mérimée se sentira biendans les milieux louis-philippards, et la Monarchie de Juillet s'emploiera àfaire connaître ses œuvres. Il occupera d'ailleurs plusieurs postes adminis-tratifs au Ministère de la Marine et à celui du Commerce. En tant que chefde cabinet du comte d'Agout, il aura la charge des "Beaux-Arts", avant qu'ilsoit nommé inspecteur général des Monuments historiques, puis vice-président de la commission en 1839. C'est dix ans après son Mateo Falcone, que Prosper Mérimée entreprendun voyage… Attirance ou occurrence ? Le 16 août 1839, il débarque àBastia du bateau-poste en provenance de Toulon. Un rapport du préfetde Corse sur les monuments du département l'avait séduit et incité à s'yrendre. Il avait réussi à obtenir une autorisation du ministre Gasparin, poury effectuer une tournée officielle d'inspection. Il visitera à peu près tous lesmonuments, églises, vestiges, tours et fortifications de l'île. Il prend desnotes, s'extasie devant "les admirables jambons du village" (Murato),effectue un périple à cheval, décrit, par le menu, l'ancienne cathédrale deNebbio et ses "trois curieuses églises". A la fin du périple, il s'embarqueraà Bastia pour Livourne en Toscane pour y rencontrer Stendhal avant deremonter à Paris. Résultat, un bouquin de 236 pages édité en 1840, sorte demonographie intitulée Notes d'un voyage en Corse. Plus réjouissant, entout cas, que la dramatique histoire de Fortunato ! 1840, c'est aussi l'année de Colomba, un must ; puis, en 1843, il sera élumembre libre de l'Académie des Inscriptions et belles Lettres, publiera unarticle sur « Le Palais de Justice », « La Sainte-Chapelle » et, en 1844, ent-rera à l'Académie française. Historien, traducteur de la littérature russe,commandeur de la Légion d'honneur…En 1844, c'est un autre monument qui entre dans la littérature : Carmen. Ironie du sort : le décès de Prosper est annoncé par erreur le 10 mars 1869dans Le Figaro ! En réalité, il mourra à Cannes le 23 septembre 1870. Deuxsemaines après la chute de Napoléon III et la défaite de la guerre franco-prussienne…

- Mon père, je sais encore l'Ave Maria et la litanie que ma tante m'a appri-se.- Elle est bien longue ; n'importeL'enfant acheva la litanie d'une voix éteinte.- As-tu fini ?- Oh ! mon père, grâce ! pardonnez-moi ! Je ne le ferai plus ! Je prierai tantmon cousin, le caporal, qu'on fera grâce au Gianetto !

[Alors que Mateo Falcone se termine comme un simple fait divers et sansbeaucoup d'émotion apparente, Fortunato ajoute la scène 8 où l'épisodeinventé du petit pâtre courant après les soldats pour assurer in extremis lesalut de l'enfant, ménage jusqu'au bout l'attente d'un dénouement d'autantplus dramatique.]

Il parlait encore ; Mateo avait armé son fusil et le couchait en joue en luidisant :- Que Dieu te pardonne !L'enfant fit un effort désespéré pour se relever et embrasser les genoux deson père ; mais il n'en eut pas le temps. Mateo fit feu et Fortunato tombaraide mort. Sans jeter un coup d'œil sur le cadavre, Mateo reprit le chemin de sa mai-son pour aller chercher une bêche afin d'enterrer son fils. Il avait à peinefait quelques pas qu'il rencontra Giuseppa qui accourait, alarmée par lecoup de feu. - Qu'as-tu fait ? s'écria-t-elle. - Justice.- Où est-il ? - Dans le ravin. Je vais l'enterrer. Il est mort en chrétien. Je lui ferai chan-ter une messe. Qu'on dise à mon gendre Tiodoro Bianchi de venir demeu-rer avec nous. »

Un conflit psychologique de l’amour et de l’honneur

Quelles comparaisons entre « Fortunato » et « Mateo Falcone » et quel-les réflexions apportez-vous à leur propos ?Fortunato apparaît, assez évidemment, comme un décalque fidèle, sur leplan narratif, de Mateo Falcone. Toutefois, la perspective n'est pas la mêmeet les moyens employés pour susciter l'émotion, différents. Alors queMérimée déploie aux yeux de son lecteur, un récit "exotique", oùl'étonnant, le "curieux", le dispute au tragique, Gouvy recentre toute

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Il n’était pas encore allé en Corse…Il termine sa nouvelle Mateo Falcone, le 14 février de cette année et luidonne comme sous-titre Mœurs de la Corse. Elle sera publiée dans LaRevue de Paris le 5 mai, et l'ouvrage deviendra un classique de la produc-tion de son auteur. La nouvelle sera reprise dans « Mosaïque » en 1834. Lacouleur locale qui l'alimente est présente dans la narration de la vie ruralede l'Ile de Beauté, de même que le caractère de ses habitants, leur fierté,leur honneur, leur rudesse parfois. Et pourtant, Mérimée ne s'était encorejamais rendu dans ces lieux où naquit Napoléon. Il avait simplement puiséses personnages dans diverses sources bibliographiques. On pense qu'ilemprunta quelques idées au récit de l'abbé Gaudin, Voyage en Corse, quidatait de 1787, et que le prêtre avait intitulé Noblesse d'âme d'un Corse. Etcependant, la lecture des quelque douze pages de Mérimée, donne cetteimpression qu'il avait vécu lui-même, le drame qu'il y contait. Il adopte un

l'émotion de son spectateur sur le conflit psychologique de l'amour, avecses faiblesses, et de l'honneur, avec sa dureté et, il faut le dire, son obstina-tion peu intelligente. La puissance de l'émotion soulevée par les deux ouvrages est forte, mais,tandis que Mérimée dit les choses tout uniment, reste impartial, extérieur,presque glacé, et, par contraste, rend les faits qu'il rapporte plus horriblesencore, Gouvy, au contraire, en musicien, joue des contrastes à l'intérieurmême de l'œuvre, dans tout ce que la tradition "lyrique" véhicule avec ellede pathos. Il n'est, pour s'en convaincre, que d'évoquer avec quelle maes-tria sont mises en œuvre les invectives de Mateo, les objurgations de Pepaet le Pater Noster, recto tono, de Fortunato, dans le dénouement. C'est ungrand mérite de ces deux œuvres, courtes, l'une et l'autre, apparemment fortproches, de former maintenant une sorte de dyptique dont les deux voletsse répondent et dont les effets différents mais complémentaires se renfor-cent.

Couleur orchestrale, variété de rythmes, de caractères,de nuances, de mouvements

Sur le plan musical et sur le plan scénique, quelles conclusions mettez-vous en exergue ?Cette œuvre est économe de moyens. L'ouverture (prélude) n'est pas autrechose que les quelques minutes de musique nécessaire précédant le leverde rideau, avertissant le spectateur que le spectacle commence, et ne négli-geant pas de le mettre auditivement en contact avec les tensions prémoni-toires. Même économie dans la chansonnette de la scène N°1, dans les pré-paratifs de sortie des parents dans la scène 2 et les objections de Fortunato.Le souci de Théodore Gouvy est de peindre vrai : pas de virtuosité gratui-te, pas de bavardage. Il s'agit de serrer l'action au plus près et de conduiregraduellement le spectateur à la scène insoutenable de la fin. Ce souci del'efficacité n'est pas un appauvrissement de la palette musicale, au contrai-re. On peut noter combien l'expression est servie par une extrême variétéde mouvements, de caractères, de rythmes, de nuances, de couleur orches-trale, de modulations. Sur le plan scénique Gouvy réalise avec bonheur la conduite du récitinitial. Comme il en est coutumier dans ses autres ouvrages lyriques (DerCid ou dans les grandes cantates dramatiques), il use toujours du jeu desoppositions. Grand calme de la première scène où Fortunato s'ennuie ; arri-vée mouvementée du fugitif ; discussion serrée avec Gamba ; bonheur

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d'avoir une montre et bonheur de Gamba d'avoir mis la main sur Sanpiero ;prière résignée de Fortunato ; cris de douleur de Pepa et cris de rage deMateo. Tout cela est parfaitement souligné et mis en valeur par la musiquequi est toujours au service de l'expression et de la cohésion de l'ensemble.Cette œuvre peut être considérée comme un "chant du cygne", non seule-ment par la place qu'elle occupe chronologiquement dans l'œuvre deGouvy, mais également parce qu'on y retrouve toutes les qualités qui fontde lui un musicien intelligent, sensible et attachant, un grand compositeur.

Un comparatif entre « Fortunato » et « Le Cid »

Vous avez travaillé également sur cet autre opéra de Gouvy, « Der Cid ».Est-il possible d'en faire la comparaison avec « Fortunato » ?Les deux seules compositions de Gouvy qui portent le nom d'opéra et quisont réellement des opéras, Der Cid et Fortunato, ont plusieurs pointscommuns. L'un et l'autre sont en allemand et ont été directement composésdans cette langue alors que la plupart des ouvrages lyriques de Gouvy-souvent en version bilingue-, ont d'abord été composés sur le texte fran-çais et ensuite, adaptés en version allemande. Il semble que Gouvy aitvoulu tirer parti de sa biculture franco-germanique et faire connaître au-delà du Rhin, deux représentants de la culture française, l'un classique,l'autre quasi-contemporain. Les deux ouvrages sont restés inédits et nonreprésentés, le premier en raison de la mort de son interprète principal, lesecond par la mort de son auteur. Et maintenant, l'un et l'autre suscitent unregain d'intérêt mérité. Les différences ne manquent pas non plus : Der Cid, première initiativedans le genre, est un grand opéra en trois actes volumineux, avec ballet,grands airs. C'est l'opera-seria dans toute la force du terme sur un livretréalisé par un tiers. Fortunato, dernière composition dans le genre, qui asans doute profité de l'expérience d'une bonne vingtaine d'ouvrages, estramassé en un acte comprenant huit scènes enchaînées, avec mise en scèneréduite, absence pratiquement totale de grand air, d'une grande intensitépsychologique et d'une grande force d'expression, cela étant peut-être dû enpartie au fait que Gouvy organise lui-même le livret qu'il met en musique. Le statut des deux œuvres n'est pas le même non plus : Le Cid est uneœuvre intemporelle du théâtre classique, emblématique du dilemme"cornélien" entre le devoir et l'amour. Mateo Falcone, une modeste nou-velle, presque une curiosité anthropologique, satisfaisant le désir roman-tique de l'ailleurs, même si Gouvy lui donne une portée beaucoup plus"moderne", en campant, avec beaucoup de finesse, les profils psycholo-

Gouvy comme le seul qui composait des symphonies et, d'une façon géné-rale, de la musique dite "sérieuse", comme aussi des quatuors à cordes. Ceà quoi Danièle Pistone rétorque, dans son ouvrage La Symphonie dansl'Europe du XIXe siècle, qu'il existait beaucoup d'autres compositeurs à enavoir écrites, citant Onslow, Deldevez, Saint-Saëns, Bizet, Gounod, Reber,Alexis de Castillon, Messager, Benjamin Godard. Et de conclure que« Gouvy est une figure emblématique et l'initiateur du mouvement sym-phonique français au XIXe siècle, et dont l'importance est encore largementsous-estimée. »

IV

PROSPER MÉRIMÉE : « MATEO » AVANT « CARMEN »

En matière de théâtre parlé, de romans ou de nouvelles ayant servi de sup-port au théâtre lyrique, on ne connaît guère, de Prosper Mérimée, que saCarmen, qui est devenue le plus célèbre et le plus joué des opéras à traversle monde. Par contre, ses "nouvelles" sont moins connues, mais celle deMateo Falcone émerge cependant des trois autres qui l'entourent, en cettemême année 1829, et que sont La Chronique du temps de Charles IX,Vision de Charles IX et L'Enlèvement de la Redoute. C'était encore unjeune homme. Il avait alors 26 ans et il était un peu le Casanova des salonslittéraires.Né à Paris en 1803, Prosper Mérimée eut comme père, un professeur dedessin, et comme mère, un professeur de peinture. Elle était née AnneMoreau et était une descendante de Marie Leprince de Beaumont, l'auteurdu célèbre roman La Belle et la Bête. Prosper Mérimée fait ses études auLycée Henri IV, puis entreprend des études de droit, obtenant son diplô-me en 1823. Le libertin qu'il était alors, lutta un jour avec le mari de sa maî-tresse, qui le blessera de plusieurs balles ! Puis, après une courte aventureavec George Sand, il se passionnera pour Valentine Delessert, son égérie,qui était la petite-fille du comte et politicien Alexandre de Laborde.Mérimée sera membre du « Cénacle » de Victor Hugo, voyagera beaucoup,se liera avec Stendhal, publiera « Le Théâtre de Clara Gazul », rendanthommage à la comédienne Clara Gazu, puis, en 1827, à cette autre comé-dienne qu'était « Maglanovitch Hyacinthe ». En 1828, il publie LaJacquerie, un drame historico-féodal. Arrive l'année 1829.

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d'amitié avec Camille Saint-Saëns, Edouard Lalo, Charles Gounod, levioloniste Rodolphe Kreutzer, la cantatrice Pauline Viardot et les chefsd'orchestre Jules Pasdeloup, Charles Lamoureux, Gabriel Pierné auxConcerts Colonne… Mais il est à peine cité dans La Musique des origines à nos jours (Larousse1946) aux côtés d'autres compositeurs français et qui furent « les bonsouvriers de la restauration du goût musical français… », tandis que, dansle plus récent Dictionnaire usuel de la musique piloté par Marc Honegger(Bordas 1995), on dit qu' « il ne reçut aucune formation musicale sérieuseavant son arrivée à Paris (…) Compositeur sans envergure, Gouvy a, aumoins, retenu l'attention d'une époque qui voyait en lui un continuateurfrançais de Carl-Maria von Weber et de Beethoven (…) Il a défendu lamusique pure alors que la musique à programme était la principale occu-pation des compositeurs… ». Plus dur sera, sous la houlette de MarcVignal, le Dictionnaire de la musique (Larousse-Bordas 1999) où l'on peutlire : « Tenant de la musique pure, Gouvy s'installe à Paris pour étudier ledroit, mais son aisance matérielle lui permit de se tourner vers la musique(…) Il a composé dans un style assez impersonnel, six symphonies, … »

Une importance encore sous-estiméeLe musicologue René Auclair, spécialiste de Gouvy, a relevé aussi desappréciations parfois peu amènes. Dans quelques Histoires de la musiquequi en parlent, on le considère comme « un inconnu des Français parcequ'il méprisait autant l'italianisme, le théâtre, la musique à programme, etqu'il dut s'exiler en Allemagne pour faire jouer ses symphonies, ses sona-tes et ses quatuors » (Norbert Dufourcq), tandis que Jules Combarieu rele-vait « son goût austère pour la musique pure (…) en avance sur la plupartde ses contemporains ». Le plus enflammé des commentaires fut écrit parle critique, célèbre alors, Léon Kreutzer, dans L'Union musicale d'avril1854 : « Avec la centième partie du talent que possède M. Gouvy, on a ledroit d'être joué sur tous les théâtres lyriques, de porter la décoration de laLégion d'honneur, d'être membre de l'Institut et de gagner 30.000 francspar an. Mais pourquoi, diable, Monsieur Gouvy compose-t-il des sympho-nies ? » René Auclair cite, malgré tout, une remarque réconfortante de la musico-logue Danièle Pistone qui affirme que Gouvy n'était pas le seul composi-teur français de son espèce, à partir d'une constatation faite au XIXe siècleprétendant que la tradition symphonique qui existait en France au XVIIIe

siècle, s'était brutalement interrompue pour renaître miraculeusement avecCésar Franck et la génération qui suivra. Et le commentateur de citer

giques de l'enfant un peuveule et roué, parce quetiraillé entre un père troprigide et peu affectif et unemère qui tente d'atténuercette sévérité en prenantsa part de tendre compli-cité devant les ordrespaternels trop abrupts.

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Page de couverture manuscrite de « Fortunato »

et page de la partition de

la main de Gouvy.

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ment dans le Colorado. Il a fait unconsidérable travail de rechercheaux Etats-Unis en comptabilisanttoutes les œuvres de Gouvy jouéesdans les universités américaines. Je n'oublierai pas la fondation, en2009, de la Theodor GouvyGesellschaft par un jeune chefd'orchestre français, VincentBorritz, qui est actuellement pro-fesseur à la Musikhochschule deDresde. A Dresde, nous avonsaussi le projet d'une Académied'été, avec un concert de Lieder deGouvy, et qui se déroulera dans la

Villa de Carl Maria von Weber et sur son piano à queue ! Enfin, sur le plan des enregistrements, on va vers l'intégrale des sympho-nies de Gouvy dont quatre d'entre elles ont déjà été gravées l'an dernier,sous la direction de Jacques Mercier avec la Deutsche Radio Philharmoniede Sarrebrück-Kaiserslautern. Tout est en boîte pour les suivantes. Gouvy en a écrit six, une a été perdue,mais il y a une seconde version de la 6e avec, en plus, une Sinfonietta etune Symphonie brève. Gouvy a un bel avenir devant lui…

Un chef français, un orchestre allemand, tout un symbole. Gouvyn'avait-il pas la double culture ? Le voici maintenant qu'il joue àl'international. Une réhabilitation réussie.

III

ON N'A PAS TOUJOURS ÉTÉ TENDRE AVEC THÉODORE !

Bien que Théodore Gouvy se soit fait des relations dans le monde musicalparisien et ait fréquenté les artistes et les compositeurs de son époque, leshistoriens de la musique, les critiques musicaux et autres commentateursont eu parfois la dent dure à son endroit. C'est l'époque qui voulait cela.Certes, il eut des contacts professionnels chaleureux et il s'est aussi lié

VIII

ÉRIC CHEVALIER : « L'HONNEUR PATERNEL NE PEUT ÊTRE RÉHABILITÉ

QUE PAR LE SANG DU FILS »

Eric Chevalier met en scène l'opéraFortunato. Il nous donne sesimpressions et les jugements qu'ilporte sur l'œuvre, sur ses personna-ges, sur la façon dont ils se compor-tent et qui se traduiront dans laconception scénique qu'il en a.

« L'action pourrait se dérouler dansn'importe quelle société primitive »,

précise-t-il. « Le meurtre du fils par son père (qui confère à cette histoirecorse sa dignité de tragédie antique), est une invention de Mérimée quidisposait, plus banalement, d'un reportage relatant l'exécution d'un traîtrepar sa famille. La différence majeure que j'observe, est que le rôle de lamère est inexistant dans la "nouvelle" par rapport à l'opéra. Son action estintolérable. Dans les adaptations cinématographiques, où radiophoniquesde la "nouvelle", cette situation est normalisée. Mérimée, lui, ne s'attendritpas. »

C.L.M. : Comment analysez-vous le comportement de chaque person-nage ?Eric Chevalier : Fortunato est le héros malheureux -infortuné-, de cetopéra, et, pourtant, il semble bien ne faire aucun doute que Mateo en est lafigure emblématique et omniprésente. Pourtant, de la page onze jusqu'à lapage soixante-sept de la partition, son fils, Fortunato, est seul face à sesresponsabilités. Mateo, lui, est animé de la "virtu" qui caractérise les hommes non civili-sés. Pur, intransigeant, il détient la quasi-totalité des valeurs traditionnellesqui importent à Mérimée. Il tue son fils, le seul garçon de la famille, pouravoir dérogé aux lois de l'hospitalité. Un fils qui a transgressé la religion

Sylvain Teutsch, président de l'Institut Gouvy : « L'an prochain, un Festival Gouvy… dans le Colorado ! »

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Eric Chevalier : l'honneur paternel

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nouveau dans les autres quatuors et quintettes, et tous ces disques ont obte-nu des distinctions : Choc de la musique, 9 de Répertoire, 5 diapasons, sanscompter les critiques et les articles de journaux et de revues spécialisées…

Un véritable musée que l'Institut Gouvy !

Le phénomène Gouvy est contagieux, puisqu'il s'est répandu auprès deséditeurs, des maisons de disques, des festivals étrangers. Où en estactuellement sa progression ?Les enregistrements se sont multipliés avec l'Electre chantée par FrançoisePollet à l'occasion du centenaire de la mort du musicien ; puis l'Institut aentrepris l'édition ou la réédition de partitions, a rassemblé des documents,des photographies, des correspondances, -on a recensé 723 lettres !- , dessouvenirs du musicien, des objets liés à sa vie et à son œuvre, on a réper-torié toute sa musique… Un véritable musée. En créant une dynamiqueautour de Gouvy, l'Institut s'est attaché également à retrouver d'autresoubliés de l'histoire, dont son neveu Léopold qui signait sous le pseudo-nyme d’« Opol Ygouv » et qui a écrit des œuvres intéressantes. Je citerai le Catalogue complet des œuvres de Gouvy réalisé par RenéAuclair, son mémoire de DEA, l'ouvrage de doctorat de MartinKaltenecker, et son analyse d'œuvres inédites, le DEA réalisé sur la cor-respondance de Gouvy, l'apport important de Mme Pistone, musicologue,qui lui a valu d'être nommée présidente d'honneur de notre Institut… De plus, l'Institut a noué, depuis plusieurs années, de nombreux partena-riats, notamment avec les institutions allemandes, la Musikhochschule deSarrebrück, les Universités de Leipzig et de Hambourg. Figurez-vous que l'Institut a retrouvé la toute première biographie du com-positeur, écrite et publiée à Berlin en 1902, par Otto Klauwell, musicolo-gue et directeur du Conservatoire de Cologne et qui avait connu Gouvy !

L'American Gouvy Society de Littleton

Racontez-nous comment l'Institut a-t-il noué des partenariats enAmérique et quels sont ses projets futurs ?En Amérique, oui. On est entrain de préparer l'année Gouvy qui aura lieul'an prochain. Elle se concrétisera notamment par la création d'un FestivalGouvy à Denver dans le Colorado. Et ce festival a été fondé par un cor-respondant américain, musicologue, pianiste, nommé Robin Mac Lean, quiavait créé, déjà en l'an 2000, l'American Gouvy Society à Littleton, égale-

de l'hospitalité dont l'honneur paternel était le garant. L'hospitalité est donc"homérique". Fortunato transgresse ainsi l'honneur paternel, et cet honneurne peut être réhabilité que par le sang du fils. C'est le droit de prendre dela chair lorsqu'il y a faute. (dette/Schuld). Ainsi il y a donc dans Mateo Falcone, le conflit de deux légalités, l'unearchaïque, l'autre "civilisée". C'est le désir, la convoitise, qui pousseFortunato à transgresser cette loi de l'hospitalité et un désir infantile d'être"comme papa", de faire la loi comme lui et de posséder comme lui "le bonobjet", tout en sachant que c'est interdit.

Vous parlez de métaphore animale, s'agissant de Mateo Falcone. Quelleanalyse psychologique en faites-vous ?Un faucon. Un chef de clan. Un prédateur. Comme s'il s'agissait de saisiren l'homme ce qui relève de sa nature la plus instinctive. Nul ne peut sou-tenir le regard de Mateo qui hypnotise, pour ainsi dire, Fortunato, obéissantjusqu'à la dernière minute. C'est Mateo qui a choisi le nom de son fils (onignore tout du prénom des trois filles qui l'ont précédé). Mateo est à la foisjuge, prêtre et bourreau. Ou il renie ses valeurs, et il accepte un traître danssa famille, et la transmission d'un nom souillé par le déshonneur. Ou l'ap-plication stricte du code de l'honneur et la mise à mort de celui qui, "le pre-mier de sa race", s'est rendu coupable de trahison. Ce faisant, il acceptel'extinction de son nom en toute conscience.

Fortunato est-il victime ou coupable selon vous ?Fortunato est soumis à l'autorité du "pater familias", maître après Dieu sursa famille. Et dans cette famille, les sentiments ne s'extériorisent pas. Onnotera le caractère possessif et violent des liens qui unissent cette famille.Par conséquent, Fortunato a conscience du prestige de son père, ce quiexplique son arrogante insolence face à Gamba. Dans ce type de sociétéprimitive, l'enfant n'est pas l'objet d'attendrissement. C'est bon pour lesnourrices et les femmes, jusqu'à ce que le garçon ait l'âge d'apprendre àdevenir un homme auprès de son père. Ce fils doit garantir la continuité dunom. Il vit loin de la ville corruptrice. L'enfant n'est pas attiré par la valeurmarchande de l'objet qu'on lui donne (la montre). Il est, par contre, commeun primitif, attiré par ce qui brille. Alors est-il coupable ? Le destin ne l'a-t-il pas mis, tragiquement, dans une situation au dessus de ses forces ?

Opéra d’une simplicité chirurgicale

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« Un festival, merveilleux champ d'exploration des œuvres… »

Et c'est en leur adjoignant le nom de « Festival international ThéodoreGouvy » et en dédiant ses « Rencontres musicales » à son compositeur, quesa ville s'est engagée délibérément dans sa réhabilitation, lui qui étaittombé dans l'oubli après sa mort. Dès 1992, on a donc réussi à faire réinterpréter ses œuvres. Le phénomènedéclencheur fut la résurrection de son Requiem en 1993, le Festival étantdevenu un merveilleux champ d'exploration de ses ouvrages. Aujourd'hui,plus d'une trentaine de ses compositions ont déjà pu être créées ou recréées,et présentées au cœur même où elles avaient été écrites, puisque Gouvyvécut à Hombourg-Haut les trente dernières années de sa vie et où il y com-posa ses ouvrages les plus importants.

Quand les institutions régionales se sont-elles intéressées à la renais-sance de Gouvy et quels sont les artistes qui se sont investis dans sesœuvres ?C'est justement à ce moment là, que la Région Lorraine s'est passionnéepour le phénomène lorsqu'elle entreprit d'orienter sa politique vers le patri-moine lorrain en créant « Mémoires musicales de la Lorraine ». Les musi-cologues, les historiens, les musiciens ont participé aux découvertes et, trèsvite, dans la foulée du Requiem, on joua la Cantate du printemps. En 1995,le Quatuor Denis Clavier entreprit l'enregistrement d'un des quatuors etd'un des quintettes de Gouvy, sur la douzaine qu'il a écrits, et la cantatricemessine Cyrille Gerstenhaber en chanta les mélodies et les Lieder. Et, tous

ces disques furent édités dansla série des Mémoires musi-cales. 1995, c'est aussi l'annéeoù fut fondé l'Institut Gouvy,sur les lieux mêmes où samusique avait été composée,c'est-à-dire la Villa Gouvy, rési-dence de la famille et acquisepar la ville de Hombourg-Haut. Les enregistrements se sontsuccédé : en 96, ce fut le StabatMater puis la cantate Egill surune légende scandinave, en 98,le Quatuor Clavier s'investit à

N'y a-t-il pas une ambiguïté autour du nom du gendre, Tiodoro ?Après le meurtre, dans la "nouvelle", Mateo, en effet, remplace tout bon-nement le fils coupable assassiné, par un fils adoptif, son gendre Tiodoro(Théodore), ce qui veut dire "don de Dieu", et par contraste avec l'infortu-né Fortunato, le mal nommé qui a démenti son propre nom. Or, l'étymolo-gie de Tiodoro (Theodoros en grec), et celle de Mateo (Mathieu en françaiset Mattayahu en hébreux), sont semblables. Ces deux prénoms signifient :don de Dieu. En quelque sorte, Mateo fait venir son double. Mais ce quisurprend plus encore, c'est que l'adjudant Gamba se prénomme aussiTiodoro… tout comme Gouvy se prénomme Théodore ! Tiodoro serait-ilalors une autre réplique du père ? C'est en tout cas la figure du "tentateur".L'homme de la ville, de la civilisation "moderne". Pour lui, les moyens uti-lisés importent peu. C'est le résultat qui compte.

Que tirez vous de ces réflexions dans votre mise en scène ?L'opéra, tout comme la "nouvelle", adoptent une forme brève, concise,d'une précision voisine de l'algèbre. Il n'y a aucune phraséologie, aucuneenflure, aucun accent d'élégie. C'est d'une simplicité chirurgicale. Pourmoi, Mateo Falcone narre la mort d'une société primitive au contact de lacivilisation, non par une destruction venue de l'extérieur, mais par autodes-truction, car elle porte le mal en elle-même, à l'intérieur d'un de ses mem-bres le plus fragile et le plus émouvant.Dans ma mise en scène, les costumes (signés Danièle Barraud), illustrerontla confrontation de ces deux sociétés. Ainsi, Falcone, sa femme, son fils,Sanpiero et Beppo seront en costume traditionnel corse. Gamba et les flicsseront en costumes contemporains. La part prise par la scénographe Ange Leccia est, pour moi, primordialedans ce spectacle. Son travail et le mien ont été intimement liés. Je considère aussi que Les Douze chants de l'Ile de Corse d'Henri Tomasiqui introduisent le spectacle, (voir le chapitre sur Henri Tomasi), sont horsle temps, hors-jeu pourrait-on dire. Mateo Falcone lui, est en temps réel.L'action se déroule vraiment sur 40 à 45 minutes. L'idéal du théâtre clas-sique voulait que le temps de l'action corresponde au temps de la représen-tation. La "nouvelle" s'apparente à la tragédie classique par l'unité de lieu,de temps, et d'action.

* Notes bibliographiques d'Eric Chevalier :Antonia Fonyi Préface pour l'édition GF Flammarion de Mateo Falcone ; Jacques Chabot L'autre moi, fantasmes et fantastique dans les "nouvelles"de Mérimée ;

La Villa Gouvy de Hombourg-Haut qui abrite l'Institut Gouvy(Photo Claire Leber)

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à la reviviscence de ses œuvres, et à les faire connaître de par le monde.Etapes d'un passionné…

A partir d'un tombeau en forme de métronome !

C.L.M. : Comment avez-vous été amené à vous intéresser à ThéodoreGouvy ?Sylvain Teutsch : J'étais enfant, je chantais à la chorale et j'habitais unquartier pas loin du cimetière. Un jour, j'aperçus, au fond, une tombe élan-cée comme une pyramide. La stèle avait la forme d'un métronome sombresur lequel se détachait un médaillon blanc qui portait l'effigie et le nom deThéodore Gouvy, compositeur (1819-1898). J'en fus intrigué et, depuis, j'aitoujours voulu savoir qui était-il et éclaircir ce mystère. Le déclic se pro-duisit lorsqu'un jour où, alors que j'étais président du Chœur d'hommes deHombourg-Haut, la ville reçut la visite d'un étudiant en Sorbonne accom-pagné de descendants de la famille. Si un étudiant, en l'occurrence MartinKaltenecker (qui choisira plus tard, pour sujet de thèse de doctorat,Théodore Gouvy), s'intéressait à lui, je me suis dit qu'il était vraiment ungrand compositeur. Or, si le Chœur d'hommes existait (on avait célébré en1990, le 125e anniversaire de sa fondation), c'est parce que les chanteursqui en faisaient partie à l'origine, étaient tous des ouvriers et des employéstravaillant aux Etablissements Gouvy, et que, donc, Théodore Gouvy yétait pour quelque chose…

Après ce déclic, comment la ville de Hombourg-Haut s'est-elle investiedans ce que l'on peut appeler une aventure ?C'est justement en 1990, afin d'illustrer avec plus d'éclat la célébration des125 ans du Choeur, que ce dernier, avec la municipalité, avons décidé decréer « Les Rencontres musicales de Hombourg-Haut ». Notre souci prin-cipal était de toucher le public le plus large possible et de renouer avec leriche passé historique et culturel de la cité, de par la présence de la familleGouvy. Cette rencontre magique de la musique et de l'histoire ne pouvaittrouver meilleur cadre que celui de la Collégiale Saint-Etienne, admirable-ment restaurée et témoin d'une histoire presque millénaire, l'édifice ayantété classé en 1930 Monument historique. Et n'est-ce pas sous les voûtesséculaires de cette église que furent célébrées, le 27 avril 1898, lesobsèques du compositeur mort six jours auparavant à Leipzig avant d'êtreinhumé dans le caveau familial ?

Khama-Bassili Tolo L'intertextualité chez Mérimée, l'étude des sauvages ; René Girard La violence et le sacré.

IX

CÉSAR CUI : UN FALCONE À LA RUSSE

On ignore si le compositeur russe César Cui connaissait le Mateo Falconede Théodore Gouvy. Toujours est-il qu'il composa, entre 1906 et 1907, unopéra, pareillement en un acte et portant le même titre, ce qui, en cyrillique,est assez complexe mais qui devient, dans sa transcription : MateoFal'kone. Il le désigna plus précisément comme étant une scène drama-tique. Le livret est inspiré du même Prosper Mérimée et adapté de VassiliJoukovski. L'ouvrage a été créé en décembre 1907 au Théâtre du Bolchoïde Moscou, mais ce fut un échec. Il semble que son sujet, bien loin desarguments des opéras du répertoire russe, ait laissé le public indifférent. Etl'ouvrage, semble-t-il, n'a jamais été repris. La musique est de style décla-matoire avec récitatifs mélodiques, s'inspirant d'Alexandre Dargomyjskyqui exerça une profonde influence sur lui. Les passages orchestraux suggè-rent un décor rustique par le biais d'une barcarolle, le final s'achevant surla prière d'inspiration latine, Ave Maria. Les personnages sont identiques àceux de l'opéra de Gouvy et une réduction pour piano et voix en avait étéréalisée. Mateo Falcone est le dernier des trois opéras en un acte de CésarCui, les deux autres étant La Fête en temps de peste et Mademoiselle Fifi.On rappellera que César Cui fit partie du "groupe des cinq" inspiré parBalakirev et comprenant Rimski-Korsakov, Borodine et Moussorgski, dontCui acheva son opéra La Foire de Sorotchinsky.

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l'Institut. « Ce qui nous arrive aujourd'hui est une reconnaissance extraordinai-re, ajoute Sylvain Teutsch. C'est, de plus, un beau challenge car cesont des projets exceptionnels et nous sommes conscients de l'enjeude ces réalisations. Leur mise en chantier a représenté pour l'Institut,une masse de travail dans l'édition de ces ouvrages qui n'avaient pasété montés du vivant du compositeur. Masse de travail aussi pour lalivraison du matériel et gros investissement financier pour notre peti-te structure. Mais ceux qui s'y dévouent ont voulu relever le défi… »

Une sérénade pour MetzRetour d'un voyage à Leipzig, Théodore Gouvy fit escale en 1850 àMetz ou habitait sa mère. Le 23 novembre, il fit à l'hôtel de ville unedéclaration stipulant que, résident en France depuis 1830, il voulaitélire son domicile à Metz et sollicitait la jouissance de la nationalitéfrançaise. Il séjourna quelques mois dans cette ville, retourna à Pariset dédia à l'association messine "l'Union des Arts", une Sérénade pourle piano. Ce morceau, gravé par Toussaint, parut dans la Revuepubliée en 1852 par cette société. Plusieurs œuvres du compositeuront été exécutées à Metz, et que les journaux et revues saluèrent defaçon élogieuse. En 1859, il fut à nouveau de passage à Metz où ilexécuta, avec des musiciens amateurs, le Trio pour violon, piano etvioloncelle de sa composition. La relation de ces séjours sont men-tionnés dans le « Dictionnaire des Musiciens de la Moselle » de Jean-Julien Barbé, archiviste de la ville (Edition Le Messin, 1929) avec unepréface de René Delaunay, alors directeur du Conservatoire.

II

SYLVAIN TEUTSCH : « C'EST L'HISTOIRE DE NOTRE

GRANDE RÉGION… »

Président de l'Institut Théodore Gouvy, Sylvain Teutsch, né àHombourg-Haut, est à l'origine de la redécouverte du compositeur,inhumé au cimetière de cette ville, et auquel il s'est intéressé depuisson enfance. Il nous conte les étapes qui ont conduit cette institution

X

HENRI TOMASI : « IL FAUTAVOIR LA CORSE DANS LE

SANG POUR AVOIR LEPOUVOIR DE LA CHANTER »

Bien que d'ascendance corse, Henri Tomasi est né à Marseille en 1901, oùil étudia le piano et où il fut ami avec le violoniste Zino Francescatti, ledédicataire de plusieurs de ses œuvres. Diplômé du Conservatoire supé-rieur de Paris, il remporte le Premier Second Prix de Rome avec sa can-tate Coriolan. Chef d'orchestre à Radio-Colonial, il sera un acteur impor-tant de la vie musicale française et adhérera au groupe "Triton" qui réunis-sait Darius Milhaud, Arthur Honegger, Francis Poulenc, sans pour autantêtre dans la modernité d'écriture de l'époque où il était considéré comme unnéo-classique. Pendant la guerre, il dirigea l'Orchestre national, mais, paci-fiste convaincu, il se retirera à l'Abbaye Saint-Michel de Frigolet où ilcomposera notamment un Requiem pour la paix et un opéra Don Juan deManara. Après guerre, il reprendra son activité de chef d'orchestre et ilcomposera des œuvres de concours pour le Conservatoire de Paris, dontson Concerto pour trompette qui connaîtra la célébrité de par ses interprè-tes, Maurice André et Wynton Marsalis. Dans les années 50, il fut vivement attaqué par les compositeurs d'avant-garde, pratiquant la musique dodécaphonique, Tomasi se considérantcomme un compositeur indépendant.

« La Corse reste encore à découvrir... »

Tomasi avait la fibre du Corse et disait que « la vraie Corse reste encore àdécouvrir par les librettistes qui ne croient pas seulement aux bandits enescopette, et par les musiciens qui ne se contentent pas d'une chansonpopulaire pour exprimer les tréfonds de l'âme d'une race antique, indépen-dante et fière comme la nôtre ». Il affirmait aussi que ses œuvres d'inspiration corse étaient folkloriquessans l'être. « Il faut avoir la Corse dans le sang pour avoir le pouvoir de la

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Henri Tomasi (1901-1971)

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Gouvy de Hombourg-Haut, et auquel on doit la renaissance de Gouvy, caril a constitué voici plus de vingt ans, un comité particulièrement actif avecles membres du Chœur d'hommes de Hombourg-Haut en particulier, et quien fut un des choristes : « On s'est entouré de musicologues et de spécia-listes qui ont démontré que Gouvy symbolisait parfaitement la richesseculturelle de notre région. Sans cesse ballotté entre deux expressions, lati-ne et germanique, ne vivant que sous leur influence, il ne peut s'en démar-quer. Elles ont été son inspiration et, finalement, sa particularité et sa force,en en faisant un Européen avant l'heure… ». C'est ce qu'il avait affirmélorsqu'il apprit qu'on allait créer ses deux opéras.

Un film, des disques, un colloque…Depuis deux ans, les événements se sont succédé. L'intégrale discogra-phique de ses symphonies est en passe d'être gravée avec la SaarländischerRundfunk de Sarrebrück-Kaiserslautern sous la direction de JacquesMercier ; le film documentaire intitulé Le Mystère Gouvy est sorti en 2009,et les Actes du colloque consacrés au compositeur ont été publiés. Ce col-loque "international" s'est tenu à Sarrebrück et à Hombourg-Haut avec desmusicologues connus, dont René Auclair (qui en a dirigé les éditions),Danielle Pistone, Martin Kaltenecker… Les communications bilinguesportaient aussi bien sur « Gouvy et le discours de la musique sérieuse » quesur « Gouvy et l'écriture violonistique », « Mélodies et Lieder dansl'œuvre de Gouvy », « Entre élégance française et vigueur allemande »…Pour Sylvain Teutsch, « le film constitue une belle carte de visite pourl'Institut et pour toute la région. Il a fait l'objet de transactions avec leschaînes de télévision et il est commercialisé en DVD. Les Actes du col-loque lèvent le voile sur une part secrète de l'homme et de son œuvre.Quant au projet discographique proposé à la Radio sarroise avec le soutiende la Région lorraine, il s'est étendu à d'autres réalisations, dont l'enregis-trement de la grande cantate Iphigénie en Tauride. D'autres objectifs sesont concrétisés avec le Philharmonique du Wurtemberg qui a réalisé undisque Gouvy avec un éditeur suédois. Un autre avec une firme belge. Et,avec Internet, on découvre que les sites et les radios sont de plus en plusnombreux de par le monde à diffuser la musique de Gouvy… »

Deux opéras : « une reconnaissance extraordinaire » Après la résurrection de son corpus symphonique, de ses oeuvres religieu-ses et de sa musique de chambre, c'est la renaissance de ces deux opéras :Fortunato (Mateo Falcone), et Der Cid (Le Cid) qui occupent maintenant

chanter », disait-il dans les années 1930. « Ainsi, sans vain orgueil, je croisbien être le seul musicien à avoir ce droit là. » Dans son œuvre Kyrnos, il dépeint les paysages corses rappelant les pre-miers phocéens et oppose un thème tragique de vocero et un autre plus vifde danse. «De l'exaltation la plus insouciante au pessimisme le plus noir»,disait ce profond méditerranéen. Ses Douze chants pour l'Ile de Corseécrits pour chœur a cappella, en sont le reflet. Et ils ne sont pas sans rap-peler les chants populaires qu'interprètent, dans les églises comme dans lesmontagnes, les groupes et chorales de l'Ile. Ces Douze chants pour l'Ile deCorse très rarement interprétés, forment un pendant logique avec l'opéraFortunato (Mateo Falcone) de Théodore Gouvy.

La mer violente, les nuages, la foudre, les pierres...

Pour Les Douze chants de l'Ile de Corse, les premières images projetées dela scénographe Ange Leccia donneront les clés de ce que sont les protago-nistes de Mateo Falcone. Et en premier lieu d'où ils viennent. � L'eau, la mer, les vagues d'une mer violente, effrayante, glacée. Puis,naissent les premières mesures des trois premiers chants. Les femmes sesont mises en place pendant la première projection ; on les distingue au tra-vers d'un voile. Lorsqu'elles chantent, l'image se met en boucle. Un silen-ce s'installe après les trois premiers chants. � L'air, le ciel. Aux vagues, succèdent les nuages, dans le même esprit quela séquence précédente ; puis trois autres chants interviennent sur les ima-ges en boucle. Nouveau silence. � Le feu, l'orage et la foudre. Ensemencement. Trois chants suivants.Silence. � La terre, les montagnes, les pierres. Elles seront évoquées dans les troisderniers chants. (les Voceri). Les montagnes, le maquis, représentent lemonde de la tradition, des valeurs auxquelles tient Mateo. Ils sont un lieude refuge pour les proscrits, ainsi qu'un lieu de sacrifice humain. Les mon-tagnes sont considérées comme conservatrices des coutumes anciennes en matière de funérailles. Fortunato lui, rêve de la ville. Le lieuoù vit Falcone est <à la lisière>, entre le maquis et Porto Vecchio.

Le silence revient sur la fin du dernier chant. L'image filmée se fige ous'estompe pendant que les femmes ayant interprété les chants, sortent. C'està partir de là que l'orchestre se met en place sur le même temps. Fortunatocommence…

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Théodore Tilmant, il peine à les faire jouer en concert. Ce sera, certes, ledébut d'une production ininterrompue. Or, les éditeurs français rechignentà les publier, beaucoup d'entre elles étant jouées à partir des manuscrits. De son premier voyage en Italie, en 1844, il ne garde pas les meilleurs sou-venirs, car la vie musicale lui semble trop pompeuse et superficielle, et ildéteste notamment le faste des offices religieux. Il séjourne à Frascati, àNaples, puis à Bologne où il rencontre Rossini, et croise ses amis, Eckertet le compositeur Niels Gade. Le pérégrin, retour à Paris, devra même louer une salle et payer un orches-tre pour faire jouer sa première symphonie ! C'était en 1847.Heureusement, ce fut un succès. Mais il devra attendre l'année 1851 pour,qu'à trente-deux ans, on lui accorde la nationalité française, et encore, parnaturalisation. L'année précédente, la famille Gouvy rachetait aux De Wendel, les forgesde Hombourg-Haut. Et Gouvy partagera alors ses séjours entre la maisonfamiliale, la Villa Gouvy, et ses voyages à Paris, à Leipzig et autres villesallemandes.

Des encouragements d’Hector BerliozSon nom s'impose aux oreilles de Berlioz qui écrivait alors ses critiquesmusicales dans le Journal des débats. Que disait-il de Gouvy, en 1851 ?« Qu'un musicien de l'importance de Gouvy soit encore si peu connu àParis, alors que tant de moucherons importunent le public de leur obstinébourdonnement, il y a de quoi indigner les esprits naïfs qui croient encoreà la raison et à la justice des nos mœurs musicales… » On ne pouvaitmieux dire. Or, c'est bien dans les grandes villes musicales allemandes que les mélo-manes raffoleront le plus de ses œuvres. A Berlin, Cologne, Dresde,Wiesbaden, Francfort, Leipzig… Si on l'a moins joué dans l'Hexagonequ'Outre-Rhin, c'est qu'en France, l'époque était dominée par le grandopéra et l'opéra-comique, alors que la terre de Goethe cultivait davantagela musique symphonique. Et c'est vrai que la musique de Gouvy, qui a subil'influence de Mozart, de Beethoven et de Mendelssohn, puis de Brahms,reflète cette double culture, car on y décèle à la fois la grâce et la légèretébien françaises, et plus particulièrement, la limpidité et le classicisme deSaint-Saëns, tout comme les formes et la consistance germaniques.

« Sans cesse ballotté entre deux expressions... » C'est bien ce que confirme d'ailleurs Sylvain Teutsch, président de l'Institut

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XI

LES ARTISTES DE LA DISTRIBUTION

JACQUES MERCIER, CHEF D'ORCHESTRE Premier prix de direction d'orchestre à l'unanimité au Conservatoire supé-rieur de Paris, premier prix au Concours de Besançon, Jacques Mercier futl'assistant de Pierre Boulez et bénéficia des conseils de Karajan. Il entamerapidement une carrière internationale et dirige de prestigieuses forma-tions. Qualifié de "Souveräner Dirigent" à Berlin, il se produit dans lesfestivals dont celui de Salzbourg. Et Madrid où il est cité comme « l'un desmeilleurs chefs français et européens de sa génération » par la critique. De1982 à 2002, il sera directeur artistique et chef permanent de l'O.D.I.F.devenu national, et Pierre Petit, dans Le Figaro, dira de lui « qu'il a donnéla preuve irréfutable de son grand talent fait de précision et de maîtrise,mais aussi de flamme et de panache… » Préalablement, il fut durant septans chef permanent du Turku Philharmonic en Finlande, et ce sera pour luiune expérience déterminante de son approche des compositeurs d'Europedu Nord dont Sibélius. Mais son talent s'exerce aussi dans le répertoirefrançais, son territoire de prédilection. Il s'illustre également dans le réper-toire contemporain, créant en particulier, des œuvres de Xénakis, Luis dePablo, Philippe Manoury et Wolfgang Rihm… Il a réalisé de nombreux enregistrements discographiques. Il s'est vu décer-ner le Grand Prix de l'Académie Charles Cros pour Bacchus et Arianed'Albert Roussel et le Prix de l'Académie du disque lyrique pour Djamlilehde Bizet. Son Martyre de Saint-Sébastien de Debussy lui a valu un Chocdu Monde de la Musique. Son domaine de l'opéra porte essentiellement surle répertoire français. Elu Personnalité musicale de l'année 2002 par leSyndicat professionnel de la critique dramatique et musicale, son premierenregistrement avec l'O.N.L. porte sur L'An Mil de Gabriel Pierné qui lui avalu le Diapason d'or de l'année 2007. Son second disque paru en 2008,consacré à Antoine et Cléopâtre de Florent Schmitt, a également obtenu unDiapason d'or. En janvier 2011, Jacques Mercier et l'O.N.L. ont remportéun vif succès pour leur tournée en Allemagne.

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Un bachelier de Metz La mère du jeune Théodore est originaire de Metz. A six ans, le petit musi-cien improvise sur une harpe à huit cordes. A huit, en 1827, il est collégienà Sarreguemines (en France), et suit des cours privés de piano. Après ledécès de son père, en 1829, il entre au Lycée de Metz, ville où son oncle,Joseph Aubert, est négociant, et où sa mère s'installera, de 1830 à 1835. Adix-sept ans, il décroche son bac de philo au Lycée… de Metz. Sa mère avait formulé une demande de naturalisation pour son fils en 1834.Elle est refusée par les autorités ! Oui, car il doit d'abord résider unedizaine d'années en France pour que la démarche soit honorée. Sa mère,toujours, veut qu'il devienne juriste. Théodore s'inscrit d'abord en facultéde droit à Paris, mais sa nationalité allemande restreint ses ambitions. Or,le code civil comme le code pénal ne sont pas sa tasse de thé. Il renonceraà la magistrature après avoir échoué à son examen en 1839. Et il se lancedans la vie musicale.

Etranger en son pays ?Cependant, on lui refuse l'accès à l'enseignement officiel au Conservatoirede Paris, parce qu'il est né teuton. Etranger en son pays ? Il part alors à larecherche d'un professeur de piano. Il s'adresse à Henri Herz, pianiste assezconnu mais qui, devant partir pour une tournée de concerts et de récitals,lui recommande Edouard Billard, son propre élève. Tenté par la composi-tion musicale, il suit les cours de contrepoint et d'harmonie que lui prodi-guera Antoine Elwart qui fut Prix de Rome en 1834, et qui est réputé, dit-on, pour être un "grand causeur". Puis il s'inscrira aux cours de piano duplus célèbre Pierre-Joseph Zimmermann, qui brillait alors dans les salonsartistiques parisiens. Ses leçons de violon, il les suivra auprès de CarlEckert. Ils deviendront amis. Il prend aussi des cours auprès deKalkbrenner, qui fut également le professeur de Chopin. Il va se lier avecles compositeurs de son époque, Camille Saint-Saëns, Adolphe Adam,Gabriel Fauré, Théodore Dubois, le violoniste Henri Vieuxtemps,Emmanuel Chabrier, et, bien plus tard, Gabriel Pierné. Fort des lettres derecommandation de son ami Eckert, il part, en 1842, pour l'Allemagne, parMayence, Francfort. Il écoutera les Schumann, Robert et Clara, en concertà Leipzig, et séjournera à Berlin jusqu'en juillet 1843.

Les éditeurs français font la fine bouche !Ses premières compositions, livrées dès 1841, (il a 22 ans), connaissent unbon accueil. Mais, malgré les recommandations du chef d'orchestre

ÉRIC CHEVALIER, METTEUR EN SCÈNE Originaire de Nantes, Eric Chevalier entre en 1978 à l'English NationalOpera de Londres et conçoit, dès 1979, ses premiers décors dont celui desSaltimbanques pour l'Opéra royal de Liège. Il entre au bureau d'études del'Opéra de Paris en 1981 et, en 1983, y est nommé chargé de production. Ilpoursuit conjointement une activité de décorateur et de metteur en scènesignant successivement plusieurs productions en France, en Autriche, enAllemagne, en Corée du Sud… Il a notamment mis en scène Les Contesd'Hoffmann et Roméo et Juliette à Séoul, puis Le Pescatrici à Metz, DonQuichotte à Tours, Rennes et Angers, Carmen et Faust à Carcassonne, etembrasse à peu près tous les grands ouvrages du répertoire lyrique, et,parmi eux, des pièces contemporaines dont Erzebeth de Charles Chaynesdont il mit également en scène son Mi Amo r donné, il y a plusieurs sai-sons, en création à l'Opéra-Théâtre de Metz. C'est depuis 1994 qu'il abor-da conjointement la mise en scène et les décors. Nommé en 2003/2004 à latête de l'Opéra-Théâtre de Metz, il a signé chaque saison, une ou plusieursmises en scène, dont la re-création du Caïd d'Ambroise Thomas dans lecadre de la Première Biennale consacrée au compositeur né à Metz, cellede L'Amant anonyme du Chevalier de Saint-Georges, celle de L'Attaque duMoulin d'Alfred Bruneau… Parmi les pièces de théâtre lyrique contempo-rain, on signalera Der Prozess de von Einem, Les Bonnes de PeterBengston, Le Renard d'Isabelle Aboulker, et, parmi ses mises en scène dethéâtre parlé, La Fiancée du matin d'Hugo Claus, Orage de Strindberg etPoil de carotte de Jules Renard.

DISTRIBUTION VOCALE :

VALÉRIE CONDOLUCCI, soprano, rôle-titre de FortunatoDe nationalité franco-italienne, cette soprano lyrique léger, après avoirobtenu deux médailles d'or (chant et musique de chambre) auConservatoire d'Arras, intègre l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris où elleaura comme professeurs, Janine Reiss, Christa Ludwig, Renata Scotto,Tereza Berganza et Alain Vanzo. Elle remporte le Prix lyrique du CercleCarpeaux de l'Opéra de Paris, le Prix de la mélodie au Festival deMarmande et le Prix de la Ville de Paris. Elle débute au Centre deFormation lyrique de l'Opéra de Paris dans le rôle-titre de Roméo etJuliette, dans Gianni Schicchi, La Flûte enchantée, Carmen et Manon.Puis, elle assume des rôles, toujours à l'Opéra de Paris, dans Carmen,Manon, Parsifal, Peter Grimes. Elle signe des contrats dans les opéras de

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I

THÉODORE GOUVY :UN EUROPÉEN AVANT L'HEURE ?

Deux opéras complètement occultés deThéodore Gouvy (1819-1898) vont êtrecréés en première mondiale à un moisd'intervalle. D'abord Fortunato (MateoFalcone) du 27 au 31 mai 2011 à L'Opé-ra-Théâtre de Metz Métropole, puis LeCid à l'opéra de Sarrebruck à partir du1er juin. Le premier en français, lesecond en allemand. Comme un symbo-le de la double culture du compositeurinhumé à Hombourg-Haut, et dont lesouvrages sont réhabilités depuis unevingtaine d'années. Parcours atypique d'un musicien…

C'est un curieux parcours auquel fut desti-né Théodore Gouvy qui connut son heurede gloire, entre Paris et Berlin, avant desombrer dans les limbes durant les trois

quarts du XXe siècle, puis de renaître peu à peu à partir des années 1980.Descendant d'une famille de maîtres de forges, il naît à Goffontaine (puisSchafbrücke, devenu aujourd'hui un quartier de Sarrebrück), quatre ansaprès que cette partie de la Lorraine soit annexée à la Prusse, suite à labataille de Waterloo et en vertu du Traité de Paris de 1815. Il naquit doncallemand. Il aura trois frères dont Henri, né en 1813 est français et devien-dra industriel, Charles né en 1815, qui émigrera aux Etats-Unis, etAlexandre, né en 1817, lequel reprendra la gouvernance de l'entreprise etgèrera les placements financiers de la famille Gouvy.

province à Nice, Angers, Rouen, Limoges, Toulon, Aix-les-Bains… Sa car-rière s'oriente ensuite vers l'international, où elle chante Gilda dansRigoletto à Oslo, Zerlina de Don Juan, ainsi que Didon et Enée àl'Aberdeen de Youth International Festival ; elle sera Andromède dansPersée et Andromède à Palerme, Carmen au Festival de Baalbeck, Paminade La Flûte enchantée en tournée en Angleterre avec le GlyndebourneTouring Opera. Elle a chanté pour la première fois à L'Arsenal de Metz dans Le Martyrede Saint-Sébastien dirigé par Emmanuel Krivine et le Gloria (588) deVivaldi avec l'Orchestre de chambre de Metz sous la conduite de FernandQuattrocchi. Ainsi que Bérénice sous la direction de Jean-PhilippeNavarre, de même que Les Illuminations de Benjamin Britten. A Rennes,elle a chanté dans Les Enfants à Bethléem de Gabriel Pierné. Elle a tenudes parties solistes dans divers oratorios et autres œuvres sacrées, ainsi quedans deux symphonies avec partie solo (9e de Beethoven et 2e de Mahler). Elle donne également des récitals lyriques (dont l'un avec Laurent Naourien hommage à Daniel Lesur), en France et à l'étranger.

CATHERINE HUNOLD, soprano lyrico-dramatique, rôle deGiuseppa Elle a fait ses premiers pas dans la voie lyrique à onze ans, à l'Opéra-Comique à Paris dans L'Ecume des jours de Denisov. Elle étudia le chantchez Mady Mesplé et obtint un Premier Prix à l'unanimité du jury auConservatoire de Saint-Maur, et, parallèlement, une licence en musicolo-gie à l'Université de Paris VIII. Elle entre ensuite au StudiOpera de Paris,interprétant des rôles dans son registre de soprano lyrico-dramatique.Lauréate de plusieurs concours internationaux, dont le Premier Prix à l'u-nanimité au Concours européen de chant lyrique d'Arles, la médaille d'orau Concours international des jeunes solistes au Luxembourg ainsi que lePrix de la SACEM, elle a suivi les master-classes de Christa Ludwig. Ellea débuté en 2009, au Théâtre des Champs-Elysées dans Mahagonny ; elletient les rôles wagnériens de Sieglinde et de Brunehilde, dans les émissionsLes leçons de musique de Jean-François Zygel. La même année, elle créaitle rôle de la Reine dans l'opéra Affaires étrangères de Villenave àMontpellier, au Festival duquel elle a participé avec La Nonne sanglantede Berlioz.Elle a des projets jusqu'en 2013. On citera sa prise de rôle d'Elsa dansLohengrin, à Saint-Etienne. Elle a chanté dans Parsifal à l'Opéra de Nice,et tiendra, en novembre 2011, le rôle-titre de l'opéra Françoise de Riminidonné dans le cadre du bicentenaire d'Ambroise Thomas, à l'Opéra-Théâtre

Reproduction d'un portrait au dessin deThéodore Gouvy à vingt ans, exécuté par unpeintre nancéien, Candide Blaise, en 1839

(Collection Institut Gouvy).

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de Metz. Deux autres prises de rôle l'attendent au Theatre Colon deBuenos-Aires, le rôle-titre d'Ariane à Naxos de Richard Strauss et celui deManon dans Manon Lescaut de Puccini. Elle se produit également en ora-torio, dont le Requiem de Verdi et la 9e de Beethoven. Et a abordé l'opéret-te avec La Périchole d'Offenbach.

JEAN-PHILIPPE LAFONT, baryton, rôle de Mateo FalconeNé en 1951 à Toulouse, Jean-Philippe Lafont a choisi comme professeurDenise Dupleix. En 1973, il est remarqué par Louis Erlo et entre à l'OpéraStudio de l'Opéra-Comique à Paris où il se perfectionne dans la diction, lechant, l'interprétation, le théâtre. Il a 23 ans en 1974 lorsqu'il tient son pre-mier rôle, celui de Papageno de La Flûte enchantée, Salle Favart. C'est ledébut d'une carrière éblouissante. Il a cent rôles majeurs à son actif. Il seproduit à la Scala de Milan, au Carnegie Hall et au Metropolitan Opéra deNew-York, à la Monnaie de Bruxelles, au Liceo de Barcelone, bref, danstoutes les capitales européennes, et, bien sûr, à Paris, à la Bastille, auxChamps-Elysées et au Châtelet. C'est aussi un habitué des festivals aux-quels il est invité : Salzbourg, Aix, Orange, Vérone, Montpellier, Bayreuthdans Lohengrin. Il est l'un des quatre chanteurs français à se produire dansce temple wagnérien avec Ernest Blanc, Germaine Lubin, et RégineCrespin. Il sera invité quatre années consécutives à partir de 1999, à s'yproduire, chose exceptionnelle pour un chanteur français. . Il a créé unVitalis émouvant dans le Sans famille de Jean-Claude Petit donné en créa-tion mondiale d'après le roman d'Hector Malo. Il a aussi incarné César dansMarius et Fanny de Vladimir Cosma aux côtés de Roberto Alagna et deGheorgiu. Il a également été le personnage principal dans Le dernier jourd'un condamné des frères Alagna, un opéra en version concert donné auThéâtre des Champs-Elysées. Ses rôles préférés sont Wozzeck, Golaud etFalstaff, ce dernier rôle devant lui être attribué à la prochaine productionde cet opéra de Verdi qui sera donné en ouverture de la saison 2011-2012,de l'Opéra-Théâtre de Metz. Il y avait d'ailleurs tenu, l'an dernier, le rôle deMerlier dans L'Attaque du moulin d'Alfred Bruneau. Il fut enfin, acteur etchanteur dans la production de Le Festin de Babette qui avait obtenu unoscar du meilleur film étranger. Selon Eve Ruggieri, « Jean-PhilippeLafont est le baryton que l'on s'arrache ».

FLORIAN LACONI, ténor, rôle de Tiodoro Gamba, adjudantC'est le ténor né à Metz (1977) actuellement parmi les plus en vue sur lascène opératique. Il fera ses débuts à l'Opéra de Paris en 2012, dansPaillasse. Il étudie d'abord l'art dramatique et participe à de nombreuses

Des portraits divers de Théodore Gouvy alignés sur son piano à la Villa Gouvy, devenue l'Institut Gouvy.

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S O M M A I R E

p.5 I Théodore Gouvy, un Européen avant l'heure ?

p.9 II Sylvain Teutsch : « C'est l'histoire de notre Grande région »

p.13 III On n'a pas toujours été tendre avec Théodore !

p.15 IV Prosper Mérimée : « Mateo » avant « Carmen »

p.18 V Mérimée où l'opéra par excellence

p.21 VI L'histoire de « Fortunato » et ses personnages

p.22 VII René Auclair : « Un opéra d'une intensité psychologique et

d'une grande force d'expression »

p.36 VIII Eric Chevalier : « L'honneur paternel ne peut être réhabilité que

par le sang du fils »

p.39 IX César Cui : un « Falcone » à la russe

p.40 X Henri Tomasi : « Il faut avoir la Corse dans le sang pour avoir le

pouvoir de la chanter »

p.42 XI Les artistes de la distribution

p.47 XII Journal lyrique du C.L.M. : dernières nouvelles

pièces de théâtre en tant que comédien mais aussi comme metteur en scène.Puis il fait ses débuts dans le chant en 1995, avec Michèle Command,Gabriel Bacquier et Christian Jean. Lauréat du Concours des Voix nouvel-les 2002, il fut nominé aux 13es Victoires de la musique classique en 2006,dans la catégorie "Révélation Artiste Lyrique de l'année". Il s'est produit souvent sur la scène de l'Opéra-Théâtre de Metz et, derniè-rement, dans Les Pêcheurs de perles. Il a fait à peu près le tour des mai-sons d'opéra de l'Hexagone. Pour ses débuts en Belgique à l'Opéra royal deLiège, il était Don Ramiro dans La Cenerentola, et fut Tybalt dans Roméoet Juliette pour ses débuts à l'Opéra de Los Angelès, avec, dans la distribu-tion, Rolando Villazon et Anna Netrebko, deux pointures incontournables.On retiendra également le rôle de Vincent qu'il incarna dans Mireille deGounod donné aux Chorégies d'Orange. Il tenait aussi le rôle-titre deRoméo et Juliette à Limoges, chanta dans Manon en Avignon et à Hong-Kong, de même que le rôle de Fenton dans Falstaff de Verdi aux côtés deBryn Terfel à l'Opéra de Monte-Carlo. Florian Laconi a aussi à son actif quelques rôles dans l'opérette classique,de Ciboulette à La Veuve joyeuse et Au Pays du sourire ; cependant, il a unpenchant pour les opérettes d'Offenbach où il a chanté dans La Grandeduchesse de Gérolstein, Barbe-Bleue, La Vie parisienne, La Périchole, LaBelle Hélène et Orphée aux enfers dans la dernière production donnée àl'Opéra-Théâtre de Metz. Côté oratorio, il a chanté dans La Petite messe solennelle et le Stabat Materde Rossini, les Requiem de Mozart et de Gounod, La Missa criola deRamirez…

ÉRIC MARTIN-BONNET, baryton, rôle de Gianetto Sanpiero, banditIl a remporté le Concours des voix d'or en 1990 et quatre prix dont le Prixdu public à Marmande, tout en continuant ses études musicales à Paris. Ildébute dans Parsifal à l'Opéra du Rhin à Strasbourg, en Avignon dans LaForce du destin et à Nancy dans Un Bal masqué, ainsi que dans LesMartyrs aux Chorégies d'Orange, Tosca et Les Contes d'Hoffmann àAngers. Il incarnait le Grand inquisiteur dans le Don Carlos donné à Metzet chanta dans Aïda en version concert à L'Arsenal. Il a pratiquement faitle tour des maisons d'opéras de France. Puis il participe à une tournée euro-péenne de Zoroastre avec William Christie et Les Arts florissants. Il sera,en 2007/08, Leporello de Don Giovanni, Sparafucile dans Rigoletto et dansl'oratorio La Création de Haydn à Saintes. Puis Le Roi d'Ys à Toulouse età Liège, La Bohème en Avignon, Semiramide aux Musicales du Lubéron,Butterfly à Dublin, Der Fliegende Holländer à Saint-Etienne, Les Contes

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d'Hoffmann en Avignon, Tannhäuser à Bordeaux. Il a participé à des enre-gistrements CD de Leonore II de Beethoven de Zoroastre avec Les Artsflorissants et à un DVD du Roi d'Ys de Lalo à l'Opéra royal de Wallonie.

Textes de présentation et interviews : Georges Masson

XII

JOURNAL LYRIQUE DU C.L.M. :LES DERNIÈRES NOUVELLES

Le site Internet du Cercle Lyrique de Metz,www.associationlyriquemetz.com a l'ambition de constituer un véritablejournal numérique de l'actualité musicale et lyrique, aussi bien au niveaude Metz et de la Lorraine que sur un plan plus général.Les turbulences qui ont marqué la vie culturelle messine au cours de cesderniers mois y sont traitées en bonne place dans "Metz sans musique",sans esprit polémique inutile, avec l'insertion récente des mises aupoint, qui se veulent rassurantes, du Maire-Adjoint chargé des affairesculturelles. Le nouveau directeur de l'Opéra-Théâtre, Paul-Emile Fourny est présentécomme il convient avec un lien vers son site personnel. Une pré-annoncede la saison lyrique et théâtrale 2011-2012 est disponible, elle sera, natu-rellement, complétée dès que nous aurons tous les éléments en notre pos-session.Nos rubriques habituelles sont régulièrement étoffées et mises à jour. Ainsisont régulièrement mises en ligne les critiques des spectacles retransmisrégulièrement depuis le MET de New-York (avec pré-annonce de la pro-chaine saison). Citons parmi les productions toutes récentes ou à veniravant l'été : Lucia di Lammermoor, Le Conte Ory, Capriccio, Le Trouvère,La Walkyrie.En fonction du calendrier, nous avons à cœur d'évoquer les grands artistesdu passé ou récemment disparus. Les rubriques "In Memoriam" et"Anniversaires" sont illustrées de documents iconographiques et d'extraitsd'enregistrements transcodés au format MP3, facilement accessible surInternet.

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Couverture du coffret de l'enregistrement en deux compact-disc des scènes dramatiques de Théodore Gouvy,« Iphigénie en Tauride » gravées en 2010 (Photo akg-images - disc C.P.O.).

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Depuis l'an dernier, nous avons évoqué, ainsi, le souvenir d'artistes quinous ont quittés au cours de ces derniers mois : le chef britannique SirCharles Mackerras, les chanteurs et cantatrices Cesare Siepi, JoanSutherland, Shirley Verrett, Solange Michel, Ernest Blanc, Margaret Price.Le centième anniversaire de Jussi Björling, le « Caruso suédois » a faitl'objet d'un dossier particulièrement étoffé, de même que le cinquantièmeanniversaire de la disparition de Mado Robin, "la voix la plus haute dumonde". Un hommage a été rendu à Mady Mesplé, qui avait succédé àMado Robin dans Lakmé, à l'occasion récente de ses 80 ans, avec des ren-vois vers ses enregistrements et son livre de souvenirs publié au début decette année. Dans le même esprit, nous nous préparons à mettre en ligne undossier sur Sir Thomas Beecham, chef britannique disparu en mars 1961 ;et sur le baryton américain Leonard Warren, partenaire de Jusssi Björling,qui aurait eu 100 ans en ce mois d'avril 2011. En septembre prochain, nousévoquerons un autre centenaire, celui de Rolf Liebermann, directeur del'Opéra de Paris de 1973 à 1980.Les concerts de Nathalie Stutzmann, en résidence à l'Arsenal, sont mis envaleur dans "actualité lyrique" ainsi que son récent enregistrement chezDeutsche Grammophon. Enfin, les livres de deux autres femmes, chefsd'orchestre, Claire Gibault et Zahia Ziouani, publiés en décembre 2010, ontété honorés comme ils le méritent.La partie "membres", réservée aux membres du CLM leur permet d'accé-der à nos plaquettes ainsi qu'aux livrets des œuvres représentées à Metz. Illeur faut, pour cela, un code d'accès à demander au webmaster. Enfin, ens'inscrivant à la Newsletter, on est informé régulièrement des mises à jourdu site. Cette inscription est activée après réception d'un courriel de confir-mation.A très bientôt sur www.associationlyriquemetz.com en cliquant simple-ment sur Google : "Cercle lyrique de Metz".

Jean-Pierre PisterVice-président du CLM, webmaster.

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FORTUNATO [ MATEO FALCONE ]

de Théodore GOUVY

parGeorges MASSON

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Photo de Théodore Gouvy prise, en 1890, par le photographe personnel de l'empereur Napoléon III. La tombe-pyramide de Théodore Gouvy au cimetière de Hombourg-Haut. Elle est en forme de métronome et

son médaillon blanc au milieu est à l'effigie du compositeur (Photo Claire Leber).

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N° 201 Par Georges MASSON

C E R C L E L Y R I Q U E D E M E T Z

2010-2011

FORTUNATO[ M AT E O FA L C O N E ]

de Théodore GOUVY

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FORTUNATO [ MATEO FALCONE ]Opéra en un acte de Théodore Gouvy (en création mondiale) ; livret ducompositeur traduit de l'allemand par René et Samuel Auclair, d'après lanouvelle « Mateo Falcone » de Prosper Mérimée, opéra adapté par RenéAuclair. Précédé des « Douze chants de l'Ile de Corse » pour chœur a cappel-la d'Henri Tomasi. Production de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole

Conférence tripartite assurée par Sylvain Teutsch, président de l'InstitutThéodore Gouvy de Hombourg-Haut, Marie-Noëlle Auguste, professeurau Conservatoire de Saint-Denis, sur « Prosper Mérimée et l'opéra », etRené Auclair, musicologue, chargé de cours à l'Université Paul Verlaine deMetz, sur « Fortunato » (Mateo Falcone) de Théodore Gouvy, et animée parGeorges Masson, journaliste et critique musical, président du CercleLyrique de Metz, le samedi 21 mai à 16h au Foyer de l'Opéra-Théâtrede Metz Métropole.

Représentations de l’ouvrage les vendredi 27 mai 2011 à 20h,dimanche 29 mai à 15h et mardi 31 mai à 20h.

Direction mmusicale :: Jacques Mercier Mise een sscène :: Eric Chevalier Scénographie :: Ange Leccia Costumes :: Danielle BarraudLumières :: Patrice Willaume Distribution vvocale :: Valérie Condolucci, soprano (Fortunato, fils de Mateo) ;Catherine Hunold (Giuseppa, épouse de Mateo) ; Jean-Philippe Lafont, bary-ton (Mateo Falcone) ; Florian Laconi (Tiodoro Gamba, adjudant) ; EricMartin-Bonnet (Gianetto Sanpiero, bandit).

Chœurs dde ll'Opéra-TThéâtre dde MMetz MMétropole.Orchestre NNational dde LLorraine.

En ppartenariat aavec lle CCentre PPompidou MMetz eet ll'Institut TThéodore GGouvy.

Couverture : Reproduction d'après une peinture ancienne du personnage de MateoFalcone figurant sur les recueils des « nouvelles » de Prosper Mérimée. Conception de la plaquette : Georges Masson.Directeurs de publication : Georges Masson, président et Jean-Pierre Vidit premiervice-président.Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90261 - 57006 Metz Cedex 1 Adresse e-mail du président : [email protected] du site et du blog Internet : www.associationlyriquemetz.com

Direction musicale : Mise en scène :Scénographie : Costumes :Lumières :Distribution vocale :

Chœurs de l'Opéra Théâtre de Metz Métropole.Orchestre National de Lorraine.

En partenariat avec le Centre Pompidou Metz et l'Institut Théodore Gouvy.