Robert Frank, Paris Sophie Ristelhueber · mario garcÍa torres – il aurait bien pu le promettre...
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MARIO GARCÍA TORRES –IL AURAIT BIEN PU LE PROMETTRE AUSSI,2009—DIAPORAMA, NOIR ET BLANC, SON, 5’38’’DIMENSIONS VARIABLES
Robert FrankUn regard étranger. Paris / Les Américains
Robert Frank, Paris, 1949 – 1952 © Robert Frank.
Sophie Ristelhueber, Eleven Blowups # 1, détail, 2006. Collection de l’artiste © Sophie Ristelhueber / ADAGP 2008.
Sophie Ristelhueber
20/01/09 – 22 /03/09
éléments de présentation pour les enseignants
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Cesélémentsdeprésentation sontunextraitdu «dossierenseignants»n°17, conçupar le service culturelet remisaux
enseignantsdanslecadredesvisitespréparéesetdespartenariatsscolairesproposésparleJeudePaume.
Pourlesrenseignementsetlesréservationsconcernantlesactivitésdestinéesauxenseignantsetleursélèves,
vouspouvezvousadresseràPaulineBoucharlatauserviceculturelduJeudePaumeparmail
[email protected]éléphoneau0147030495
Visitespréparées,destinéesauxenseignants,gratuitesaudébutdechaqueexposition
LesenseignantssontinvitésauJeudePaume,audébutdechaqueexposition,àuneséancedepréparationd’uneduréede
deuxheures,avecunconférencierduserviceculturel.L'objectifestdeprésenter lesœuvresexposéesauxenseignants,de
prépareraveceuxlavisitedesclasses,etd’envisagerlecontenudesaxesdetravailaveclesélèves.
À lasuitede lavisite-conférencede l’exposition,un"dossierenseignants"estremisauxparticipants.Cedossierrassemble
une somme de documents, introduits selon des thèmes choisis et qui ouvrent des liens entre lesœuvres et différents
domaines de connaissances. Des "pistes de recherche", sous forme de propositions ouvertes autour de «grandes»
notions,pourrontdonnerlieuàuntravailenclasseenamontouenavaldelavisitedesexpositionsauJeudePaume.
Visites-conférences,destinéesauxélèves
Pour lesécolesélémentaires, lescollègeset les lycées, le tarifde lavisitepour lesclassesestde80€,entréescomprises
(chèquescultureîledeFranceacceptés).
Lavisitede l'exposition,d'uneduréed'uneheureparclasseetparexposition,estconduiteparunconférencierduservice
culturel.Cettevisiteestconçuepar l'équipeduserviceculturel,afindedéfinir lesméthodeset lesobjectifs, lesorientations
étantpréciséesavec lesenseignantspartenaires.Ellereposesur laprisedeparoledesélèveset leséchangesdevant les
œuvres.
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Sommaire
préambule parMartaGili,directriceduJeudePaume p.4
éléments biographiques RobertFrank p.5
SophieRistelhueber p.6
présentation des expositions RobertFrank p.7
SophieRistelhueber p.10
MarioGarcíaTorres p.14
références contemporaines p.15
références littéraires p.16
orientations bibliographiques p.22
glossaire p.25
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préambule par Marta Gili, directrice du Jeu de Paume
RobertFrank (néenSuisseen1924),avantderéaliser lacélèbresérieLesAméricains,voyageavecsonLeicaen
Amériquelatine,àLondres,aupaysdeGallesetaussiàParis.Partout,illielesimageslesunesauxautrescommes’ilrécitait
unpoèmeouracontaitunehistoire.ÀParis,lesfleursrevenantconstammentenvahirunespaceurbainquiseréinventeau
lendemaindelaguerresontpeut-êtrel’undesfilsconducteursdesontravail.
Par cette exposition, nous tenions également à commémorer le cinquantième anniversaire de la publication
française(1958)etaméricaine(1959)d’unouvragecontroverséetmarquant,LesAméricains,enprésentantl’ensembledes
83photosquilecomposent.Sil’œuvredeRobertFrankarévolutionnélaphotographiedel’après-guerre,celledeSophie
Ristelhueber (née en France en 1949) s’impose elle aussi, dès le début des années 1980, comme l’une des plus
représentatives du déplacement de la pratique documentaire vers d’autres champs de l’image – poétique, politique,
esthétique. Dans sa première grande exposition monographique à Paris, Sophie Ristelhueber explore simultanément
plusieursterritoiresdeconflits:d’unepart,ceuxoùlespolitiquesdereprésentationd’unespaceetd’unlieudéterminésfont
l’objetd’unerenégociation ;de l’autre,ceuxoù lespectateuresttirailléentre l’intensitédesonexpériencepersonnelle,sa
capacitédejugementetlapressiondespolitiquesdereprésentationdominantes.
En marge de ces expositions, la saison au Jeu de Paume-Concorde s’accompagne comme toujours de la
programmationSatellite,dirigéecetteannéeparMariaInèsRodriguez,avecunecréationdeMarioGarcíaTorres(néau
Mexiqueen1975).
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éléments biographiques
Robert Frank NéàZurichen1924,RobertFrankagrandienSuisse,auseind’unefamillejuiveaisée.SonpèreHermannestdécorateur
lorsqu’ilquitteFrancfortaprès laPremièreGuerremondialepourBâleoù il se lancedans lesaffairesetépouseRégina
Zucker, filled’industriels,quiadesproblèmesdevueetdeviendraprogressivementaveugle. Ilsontdeux fils,Manfredet
Robert.Lafamillemèneuneexistencerelativementsereine,àl’abridespersécutionsmaissanslesignorer.Cependant,àla
suitedudécretd’Hitleren1941quiexclutlesJuifsdelanationallemande,HermanFrankentreprendunedémarcheauprès
desautorités suissesetdevient citoyenhelvétiqueen1945,quelques joursavant la finde laguerre.Dès1941, le jeune
Robert, qui a découvert la photographie vers l’âge de douze ansmais ne l’a choisie pour profession qu’en 1940, est
bénévolechez lephotographeetgraphisteHermannSegesser (encoreétranger, iln’estpasautoriséàêtresalariésur le
territoiresuisse).Segesser l’initieà l’artmoderne,etenparticulierà l’œuvredePaulKlee.De1942à1944,Frankpoursuit
sa formation dans le studio deMichaelWolgensinger, ancien assistant de Hans Finsler, le directeur de la classe de
photographiede l’écoled’artsappliquésdeZurich,qui lui transmet ses idées sur laNouvellePhotographie.RobertFrank
apprendàmaîtriser sesconnaissances techniqueset formelles,ainsiqu’àclasseretprésenter ses tiragespar thèmes.Par
ailleurs, influencéparArnoldKübler,directeurdemagazines (enparticulierdedu)etquiencourage ledéveloppementdu
photojournalisme,ilfaitégalementdesincursionsdansleregistredudocumentairesurdessujetsliésàlaviequotidiennede
sonpays. «Jene savaispas ceque jevoulais,mais je savais certainement ceque jenevoulaispas»,a-t-ildéclaréen
évoquantcesannéesdeformationquiprennentfinen1946avecunportfolioàspirale,40Photos–vuesdesonpayset
photographiesderueprisessurlevifquisesuccèdentsansliennarratifoulinéaireapparent.
À lafinde laguerre,RobertFrankdécouvreParis,MilanetBruxelles,où ilphotographieauRolleiflex lestracesduconflit,
amorçantunedémarched’explorationsocialequ’ilapprofondiraplustardauLeicaenAmériqueduSudetenEurope.En
février1947,trèscritiquevis-à-visdumatérialismedesesparentsetdesconventionsbourgeoisesetlaissantderrièreluiune
existencepréétablieetconfortable,ilquittelaSuissepourserendreauxÉtats-Unis.L’Amérique,paysdelaliberté,lefascine
et ilytrouvedutravailmais ilestprofondémentdéçupar laplacetenuepar l’argent.ÀNewYork, ilmontre40Photosà
AlexeyBrodovitchquil’engagepourHarper´sBazaar.En1949,ilregagnel’Europe,etpendantlesannéessuivantes,ilfait
lanavetteentrelesdeuxcontinents.Sesvoyagesleconduisentd’abordenAmériqueduSud,puisen1949enEspagne,en
Angleterre,etàParis,oùilenregistrel’atmosphèredel’AncienMonde.
En 1953, c’est sans grand enthousiasme que Robert Frank retourne aux États-Unis.Marié et père de deux enfants, il
demandeunebourseduGuggenheimpourdocumentervisuellement lacivilisationaméricaine.Lerésultat,quatreansplus
tard, bouleverse l’histoire de la photographie documentaire et la vision de l’Amérique. Frank fait naître une nouvelle
iconographieoùdesvisagesanonymess’amalgamentaubordderoutestristes,danslesexcroissancesurbainesoulesvides
d’unterritoiredémesuré.Maiscesimagesfascinentetchoquent,elless’imposentauxregardsetfontreconnaîtrelelangage
originalde cephotographe. Ilexplique sapositionen ces termesen1951: «Lorsque lesgens regardentmesphotos, je
voudraisqu’ilséprouventlamêmechosequequandilsontenviederelirelesversd’unpoème».
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Depuis la fin des années1950, Frank tourne des films et des vidéos à caractère autobiographique et expérimental qui
prolongentlesinvestigationsformellesdesespolaroïds.Depuislesannées1970,sadémarcheestundialogueréflexifentre
les imageset les textes.Sonpremier film,PullmyDaisy,està l’origineduNewAmericanCinemaGroup fondéen1960,
avec JonasMekaset JohnCassavetes,destinéàdéfendre l’indépendancedu cinémaditd’avant-garde. Lamobilitédes
prisesdevueévoquelesdéplacementsdel’œiletinstaureuneformed’empathieaveccequiestphotographiéetfilmé:les
expérimentationsartistiques, littérairesetmusicales, lessoubresautsde la libérationdesmœursdesannées1960,et,plus
généralement,lesémotionsetlesprocessusquilesexplorent.
LesdramesqueRobertFrankatraversés–lamortdesesdeuxenfants,Andrea,safille,en1974etPablo,sonfils,en1994
–,ont transformé ledétachementde sesdébuts en une volonté constantedemiseà nu etd’introspection.Sonœuvre
reconduitdefaçonrécurrentesarecherchedelavéritéetexploredeuxunivers:celuiquientourelephotographeetcelui
qui leconstitue. «Je fais toujours lesmêmes images. Je regarde toujours l’extérieurpouressayerde regarder l’intérieur,
pouressayerdetrouverquelquechosedevraimaispeut-êtrequerienn’estjamaisvrai.»
Sophie Ristelhueber Néeen1949àParis,SophieRistelhueberfait,audébutdesannéessoixantedix,desétudesdeLettreà laSorbonneetà
l’EcolepratiquedesHautesEtudes.Elletravailleensuitedansl’éditionetlapresse.Alarecherched’unevoienouvelle,elle
réponden1980à lacommandede l’artistebelgeFrançoisHersd’untextepouraccompagnersesphotographiescouleur
surlelogementsocial,dontletitreseraIntérieurs(1981).Ellen’écrirafinalementpasdetextemaisferadesphotographies
ennoiretblancdeshabitants.En1980,elleréaliseavecRaymondDepardonlefilmSanClementequisorten1982.Cette
mêmeannées,ellepartàBeyrouth fairedes imagesquidiffèrent radicalementde cellesdiffuséesdans lesmédias:des
structures vides, des façades entamées par les combats, aucune figure humaine, et du noir et blanc.C’est une rupture
conceptuelle avec la tradition du reportage. Loin du pathos et du grand spectacle, Beyrouth, photographies dresse un
constatetfaitlelienentrelesruinesdeguerreetlesruinesantiques:lavilledétruitedevientintemporelle.Lelivred’artiste
quiparaiten1984,avecunpassageduDeRerumNaturadeLucrèce,estpubliéparHazanàParisetThames&Hudsonà
Londres. Il soulève immédiatementde fortes réactions. Il en seraainsiavecplusieursde ses séries emblématiquesoù le
«d’aprèsnature»n’estjamaisévacuémaispenséparl’image.
L’œuvredeSophieRistelhueberestdepuisledébutdesannéesquatre-vingtidentifiéeàdesimagesfortesetretenues,qui
traitent,sans lesraconter,desréalitéscomplexesdumondecontemporain.Cettepratiqueexigeantes’estprolongéedans
d’autresmédiums,selonlemêmesoucid’économiedemoyens.SophieRistelhueberaeneffetréalisédesfilmsetdesvidéos,
travailléaveclesonetdesinstallations.Elleapubliéunedouzainedelivresd’artiste,quisontpourelleaussiimportantsque
lamiseenespaced’exposition.Elleenchoisit lesformatscomme lestextesd’accompagnement.Elleagranditsouventpour
l’exposition laphotographieauxdimensionsdu«tableau»,parfoissous formed’affichescolléesdirectementauxmurs.Le
filmFatigues, réaliséà l’occasiondecettepremièreexpositionmonographiqueenFrance,dans lequelellecommente ses
propres images, confirme le caractère spéculatif de sa démarche. Ce dialogue établi avec les photographies, leur
présentationetuncontexteprécis,sepoursuitdanslessallesduJeudePaumeoùelleamélangélesformats,lesmédiumset
lesséries,ouvrantlargementlelieuàlalumièrenaturelleetauxvuessurlejardin.
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présentations des expositions
Robert Frank LesAméricainsLeprojetd’«étudevisuelled’unecivilisation»,soutenuparWalkerEvans,Brodovitch,EdwardSteichen,AlexandreLiberman
etMeyerShapiro,financéparlabourseduGuggenheim,aboutitàsonpremierlivre,LesAméricains.Pourceprojet,Frank
entraînesa femmeMaryet leursdeuxenfantsdanssonpériplephotographiqueentreavril1955et juin1956:quelques
expéditionsàpartirdeNewYorketunvoyagedeneufmoissurlacôteOuest.IltravailleauLeica,parfoisaugrandangle,
etutiliseenviron700pellicules.Frank senourritdesévénementsetde la réalitéqu’il rencontre,etnond’unprogramme
préétabli.Lalibertédustyle,trèsdirectetquitourneledosauxcanonsdel’esthétiquetraditionnelle,estcomparableàcelle
desécrivainsdelaBeatGeneration–qu’ilneconnaîtpasencoremaisquideviendrontsesamis–,etévoqueégalementles
procédés d’improvisation du jazz. Les lieux et les visages pris à la volée sont souvent flous, la composition est parfois
décentrée,commesi,enallanttrèsvite,lemotifétaitseulementbalayéduregard.Lafréquenceetlaprofondeurdesnoirs
creusentlesimages,créantunfacteurd’abstractionetuntempoquileslieenprofondeur.
Entre1956et1957,ilprocèdeauchoixfinalde84photossurles1000,elles-mêmessélectionnéesparmiles28000clichés
réalisés,etélabore lamaquettedu livrequepublie l’éditeur françaisRobertDelpire,en1958.Dans l’éditionaméricaine,
l’annéesuivante, lapréfaceestécriteparJackKerouacet lesphotographies,présentéesuniquementàdroite,fontfaceà
despagesblanches–alorsque,danslaversionfrançaise,destextescritiquessurlesEtats-Unissetrouvaientenpagesde
gauche.Lelivreestaustère,procheduAmericanPhotographsdeEvans.
La façondont lessujetssont traitésmetenévidence l’artificeet l’aliénation, ladétresseet les inégalitéscruellesdu«rêve
américain», et propose une imagerie très éloignée de celle que l’Amériquemontre généralement d’elle-même à cette
époque.Sur laquatrièmede couverturede lamaquette,Frankavait inscrit: «AmericaAmerica».Ce titre,abandonné,
voulaitrappelerqueleprojets’assimileàunchantetqu’ilréinventeuneforme.Ilenressortunportraitàlafoispoétiqueet
politiquedesÉtats-Unis,paysquiétaitoccupéalorsàconstruiresapropreimage.
RobertFrank,Detroit,1955
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Paris
En1947,RobertFrankaémigréauxÉtats-Unis,oùilobtientrapidementdescontacts,puisdescontrats.Malgrécela,après
unlongvoyageenAmériqueduSuden1948,ilcontinueàfairelanavetteentrel’EuropeetNewYorkde1949à1952.La
majoritédesœuvres iciexposéesontétéprisesàcetteépoque,dans leParisd’après-guerre;certainesontétéagrandies
spécialementà l’occasionduprésentaccrochage.Larueenest lethèmecentral.Leregardduphotographealterneentre
lespassants, les lieuxet lesobjets.Franks’inscritdans la traditionbaudelairiennedu flâneurquiobserve lespectacledes
ruesaugrédesesdéambulations.Sespremièresexpériencesaméricainessemblentavoiraiguisésonregardsur lavieille
Europe,ilestconscientducaractèreéphémèredecequ’ilyvoit.Lesprisesdevuedesboulevards,desjardinspublicsetdes
vendeursderueévoquent lescélèbresphotosdocumentairesréaliséesàParisparEugèneAtget (1857-1927).Franksaisit
les gens dans la subtilité de l’instant: perdus dans leurs pensées debout aumilieu de la foule ou assis dans lemétro,
prostrés sur unbancou lovés sur unepelouse. Il choisitdifférentesperspectives:des vues enplongée,desangles très
profondsoudesphotographiesdepassantsprisespardessus l’épaule,cequidonneune forteprésenceaumotif touten
plaçant lespectateuraucœurde l’image.LesphotosparisiennesdeFrankseprésententdéjàcommeunrécitvisuel–non
pascommeunehistoire,maiscommeunemultituded’instantanésquinousinvitentàunregardplusattentifsuruneépoque
quisereferme.
RobertFrank,Paris,1949-1952
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PullmyDaisy
LepremierfilmdeRobertFrank,PullmyDaisy(1959),aétéréaliséavec lepeintreAlfredLeslie,etc’estJackKerouacqui,
après letournage,enaécrit letexteracontant larencontreentreunévêqueetungroupede jeunespoètes.Ginsberget
Orlovsky,maisaussi lesartistesLarryRivers,AliceNeal,MaryFranket l’actriceDelphineSeyrig,y jouent leurproprerôle.
Dans lacontinuitédesAméricains, l’improvisationet la libertédescadragesetdumontagedePullmyDaisy luiconfèrent
l’aspect d’un documentaire. En réalité, l’apparent chaos du langage cinématographique comme l’absence de structure
narrative, objectifs revendiqués de l’artiste, sont le résultat d’un travail approfondi. Le cinéma de Frank est comme sa
photographie:ilrepousseleslimitesdesgenressanss’yinstaller,carsesfilmssontalimentésparuneexigencedevéritéqui
nesesatisfaitpasdescodesenvigueur.
TrueStory
TrueStory(2004)estlefilmleplusrécentdeRobertFrank.Commentantenvoixoffdesscènestournéesdanssesdomiciles
deNewYorketdelaNouvelle-Écosse,lecinéasterenouedanscefilmaveclesthèmesdelamémoireetdelaperte.True
Story comprenddes extraitsde filmsantérieurs,desphotographies,desœuvresde June Leaf, sa femme, etdes lettres
écritesparsonfilsPablo.Touràtourpoignante,réfléchie,ironiqueetpleinedecolère,cetteautobiographienecherchepas
àenjoliver les faits,nià lesexpliciter.TrueStorynousconfronteà laprofondeurdessentimentsetdesblessures,età la
forcequ’ilfautpourlesdéchiffreretlesemporterducôtéduvivant.
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Sophie Ristelhueber
Vulaines(1989)
Troisdes septdiptyquesquiassocient unephotographie récente en couleur,priseà hauteurd’enfant,de lamaisonde
famillede l’artiste,avecundétailagrandid’unclichénoiretblancprélevédans lesalbumsdefamillesontprésents ici.Les
disparitésdel’âge,del’échelle,deladéfinition,etducadragedecesimagesreprésententetmanifestentàlafoislejeuqui
s’institueentrelepassagedutempsetlesconstructionsdelamémoire.
SophieRistelhueber,Vulaines,1989
Fait(1992)
Aumoment de la guerre duGolfe en 1991, une photo aérienne du désert du Koweït parue dans un Timemagazine,
intrigue Sophie Ristelhueber et la décide à travailler avec une notion d’échelle perdue, entre visions macro et
microscopiques,surcedésertquin’enétaitplusun.Enoctobredecettemêmeannée,ellepasseraquatresemainesà le
sillonneràpied,oudans lesairs,puisplusieursmoisà sélectionner soixanteetonzevuespour réaliserunnouveau livre
d’artiste au format de poche et une exposition de tirages grand format, dont la plupart sontmontrés ici. Ces traces
éphémères des conflits sur la surface du désertévoquent autant des scarifications sur un corps, que l’abstraction de
l’Élevagedepoussière,deManRayetMarcelDuchamp,imagefondatricepourSophieRistelhueber.
SophieRistelhueber,Fait#20,1992
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EveryOne(1994),(#8et#14)
Sontprésentées icideuxdesquatorzephotographiesdecorpsmarquésd’unesuturerécente,agrandiesà l’extrême,que
Ristelhueber a réalisées à Paris en 1992 et 1993 à la suite d’un premier voyage en Yougoslavie en juillet 1991 avec
l’écrivainJeanRolin.InvitéeàexposerFaitàl’ObalaArtcenteràSarajevoen1994,lescirconstancesconduisentl’artisteà
colleraumursesimagessousformedephotocopiesetelleyajouteuneimagedeEvery0nequ’ellevientdemontrerpour
lapremièrefoisàUtrecht.
SophieRistelhueber,Everyone#14
L’airestàtoutlemondeI(1997)
estuneritournelled’enfancedevenueuncollagedepetitscadresavec les lettrescomposant laphrasetitre.Sous lemême
titreexistenttroisautresinstallations(2000–2002),comprenantchaquefoisuneimagegrandformatcolléeàunanglede
l’espaceetaccompagnéedel’enregistrementsonoredumomentdesaprisedevue.
1999(1999)
estunepiècesonoreconceptuelleetpleined’humour.L’artisteademandéàuncommissairepriseurdel’étatdeNewYork
de«psalmodier»,commeillefaitd’habitude,lamiseauxenchèresdeladernièreannéedumillénaire.
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LaListe(2000)
Auprintemps 2000, invitéepar l’HôteldesArtsde Toulon,à travailler sur ledépartementduVar,Sophie Ristelhueber
réalise 22 photographies en couleur de grand format et les colle sur les murs du lieu, afin de jouer sur la relation
intérieur/extérieur.Elledemandeparailleursàl’acteurMichelPiccolidelirelesnomsdeslocalitésdudépartement,(plusde
2000) comme si cette litanie réaffirmait l’identitéde la région.Enécoutant cesnoms,onpeut se tourner vers l’unedes
photographiesdeLaListe,engrandformat,largementévidéeautourdelagrandebaievitréequiouvresurlaperspective
desTuileriesjusqu’aupavillondeMarsan.
Irak(2001)
Lors d’un long voyage, en janvier 2000, en Irak, où se situe la Mésopotamie, berceau de notre civilisation, Sophie
Ristelhueber découvre une immense palmeraie fracassée et calcinée. Elle décide de ne retenir de ce voyage que cette
vision,etlatraduitaveccetriptyque.
WB(2005)
Pourrendrecompteànouveaude l’usageviolentquiest faitde la terre,SophieRistelhueberdécidedurant l’hiver2003-
2004 de relever les différentes formes et matériaux utilisés pour couper les routes et chemins en Cisjordanie, plus
communémentappeléeWestBank,dont les initialesforment le titrede l’œuvre.Sontmontrées iciunevingtained’images
surles54quicomposentlasérie.
SophieRistelhueber,WB#7,2005
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Stitches(2005)
consisteenunedouzainedebroderiesaupointdecroix,avecpourmotifdesmotsprélevésdanslesdiscoursdeGeorges
Bush,etunesérie,nonexposéeici,dedétailsdusoldesvillespalestiniennes.Laviolenceetl’actualitédudiscourspolitique
sonticiconfrontéesàlafragilitéetàl’obsolescencedelabroderie.
ElevenBlowups(2006)
estuneœuvredontlaprésentationestconçueenfonctiondechaquelieu.Icicesonttroisdesonzeimagesdelasériequi
sontcolléesdirectementsurlesmursduhalld’entréepourdialoguer«bordàbord»aveclejardindesTuileries.C’estune
imaged’actualitéquiadéclenché,commesouvent,chez l’artiste leprocessusd’unnouveautravail:cellede l’attentatà la
voiturepiégéecontreRaficHariiàBeyrouthle14février2005.Dansl’impossibilitéderetournerenIrak,SophieRistelhueber
consulteralonguemententre2003et2006,àl’agenceReutersàLondres,lesrushesdevidéosdescameramenirakienssur
lesattentatsà lavoiturepiégéeen Irak. Lesvues,prisesau rasdu sol,desénormes cratères causéspar l’explosion, lui
inspirentcesimagesquiutilisentparfoisdesmorceauxdepaysagesphotographiésaucoursdesonvoyageirakienen2000,
oudesélémentshétéroclitesdeprécédentsvoyages.
LeChardon(2007)
Invitéeàfaireuneœuvredans leparcduVercors,SophieRistelhueberachoisideréaliserunfilm.Elleysuitauplusprès,
entroistravellings,lamatièredesrochesnoiresd’unegorgeetcelled’unerouterapiécée.Envoixoff,unrécitdeTolstoï,lu
parMichelPiccoli,évoque,surlemodedusouvenir,lavitalitéetlarésistancedelanaturefaceauxdestructionsprovoquées
parl’homme.
-SophieRistelhueber,Lechardon,2007
Fatigues(2008)
réalisépourcetteexpositionenachève leparcours.Letitreseréfèreà lafoisaumomentde lafind’untravail,etaumot
anglaisfatiguesquidésignelesvêtementsdetravail.SophieRistelhuebermetenscènetroisimagesextraitesdesontravail,
trèsagrandies,colléesaumurouausol.Lesmouvementsdecaméraet labandesonmettentenscène lesquestionsqui
traversentsadémarche,etprolongentsesinterrogationssurleséchellesphysiquesdesterritoires,inscrivantsoncorpsetsa
voixdansledécor.
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Mario García Torres PourleJeudePaume,MarioGarcíaTorresaimaginéunprojetintituléIlauraitbienpulepromettreaussiquioccupetrois
espacesdifférents:lessallesd’exposition,lalibrairieetlapublication.Lelivreregroupeleslettresécritesparl’artistesurles
papiersàen-têtedeshôtelsoùilaséjournéàl’occasiondesesprojetsd’exposition:ilyprometinvariablementdefairede
sonmieuxen tantqu’artiste.Danscertainsouvragesenventeà la librairieduJeudePaume,GarcíaTorresaglissédes
cartespostalesdediversescompagniesde transport sur lesquelles ila reformulé lemêmeengagement.Dans leFoyer, il
présenteundiaporamade vuesde chambresd’hôtel japonaisesoù ila séjourné;enbande-son,une chansondont les
paroles reprennent lespromesses formuléesdans ses lettresetquiestégalementdiffuséeenMezzanineaumoyend’un
tourne-disque.Cesquatreinterventionsliéesentreellesévoquentselonl’artistel’histoire«unriencryptiqued’unepersonne
qui travailleavec lecinéma, laphotographie,etplusparticulièrement lesous-titrage».Ceséléments,récurrentsdansson
travailcesdernièresannées, luipermettentdecréerunesorted’alteregopourqui leprocessusd’expositionsupposeun
processusderéflexionsursadémarcheartistique,unepenséecritiques’inscrivantdansletempsetunemiseensuspensde
l’action.
MarioGarcíaTorresetMarioLopezLanda,IPromiseEveryTime,2008
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références contemporaines
labiographiedansl’œuvre
ChristianBoltanski
MarcelDuchamp
Gilbert&George
NanGoldin
AnaMendieta
CharlotteSalomon
FrançoisTruffaut
AndyWarhol
WilliamWegman
mélangesaveclecinéma
Eija-LiisaAhtila
MatthewBarney
JordiColomer
TacitaDean
StanDouglas
DominiqueGonzalesFoerster
YangFudong
RodneyGraham
PierreHuyghe
MarkLewis
SteveMcQueen
ValérieMréjen
FrancescoVezzoli
relationàl’Histoire
Eija-LiisaAhtila
ClaireFontaine
HarunFarocki
PeterFriedl
ArnaudGisinger
WilliamKentridge
ChrisMarker
AntoniMuntadas
RithyPanh
AllanSekula
AkramZaatari
distancecritiqueetimagesd’actualité
VictorBurgin
ClaudeClosky
Erro
OmerFast
JohanGrimonprez
AlfredoJaar
KahlilJorreigeetJohannaHadjithomas
RabiMroué
GerhardRichter
MarthaRosler
ThomasRuff
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références littéraires
Cette follesensationd’Amériquedans lesrues torridesquand lamusiquesortdu juke-boxoudu funerald’àcôté,
c’est ceque Robert Franka captédans ces clichés étonnantspris enparcourant les48 Etats,pratiquement,au
volantd’unevieillevoitured’occasion(grâceà [uneboursedu]Guggenheim); ilaphotographiéavecagilité,sens
dumystère,génie,etavec la tristesseet l’étrangediscrétiond’uneombre,desscènesqu’onn’avaitencore jamais
vuessur lapellicule.Dequelgrandart ilfaitpreuve ici,onva lereconnaîtreunefoispourtoutes. […]Legoût, la
tristesse, lecôtéça-ou-autre-chose, l’américanité,deces images!Legrandcow-boymincequiserouleunmégot
devantMadisonSquareàNewYorkà l’époquedu rodéo, triste, interminable, incroyable– ce long coupde la
routedenuitfilantenflècheéperduedans les immensitésplatesd’uneAmériqueà-ne-pas-le-croireauNouveau-
Mexiquesousunelunepourprisonnier–souslescoupsdeguitaredesétoiles.Oulavieillebonnefemmehagarde
de Los Angeles, désoignée, se penchant à travers la vitre avant de la voiture de Grand’Pa’, curieuse, c’est
dimanche, labouchebéantepleinedecommentairespourexpliquer l’Amérikauxgossessur labanquettearrière
éclaboussée – Le gars tatoué qui dort sur l’herbe dans un parc de Cleveland, ronflant àmort aumonde un
dimancheaprès-midiremplideballonsetdevoiliers–HobokenNew-Jerseyenhiver,uneplate-formebourréede
politiciensquiont tous l’airconvenu jusqu’àcequ’auboutàdroitevousenvoyiezun laboucheencul-de-poule
mâchantuneoraisonpolitico(ilréprimeunbâillementsansdoute)toutlemondes’enfiche–Unvieilhommedebout
hésitant sur une cannede vieux sous un vieil escalierdepuis longtempsdescendu –Undingue siestant sous un
drapeauhoussesurunsièged’autoépavedansune fantastiquearrière-couràVeniceCalifornie, jepourraism’y
asseoiretjeter30.000motssurlepapier(quandj’étaischeminotserre-frein,onfrôlaitdesarrière-courscommeça
en sepenchantdepuis levieuxbastringueàvapeur)bouteillesde tokayvidesdans l’herbedespalmiers.Robert
ramassedeuxstoppeursetleurpasselevolant,lanuit,etlesgensregardentlesdeuxvisages,leurairsinistretendu
dans lanuit(çamerappelleAllenGinsberg:«Desangesvisionnaires indiensquiétaientdesangesvisionnaires»),
etlesgensdisent«Ooh,quellesalegueule»,mais,eux,toutcequ’ilsveulent,c’ests’enfilerlarouteetretournerau
pieu–Robertest làpournous ledire–SaintPetersburgFloride lesvieux typesà laretraitesurunbancdans le
traficde lagrand-rue,appuyés sur leurs cannes, causantde sécurité sociale, et une espèced’incroyablebonne
femmeSéminole, jedirais,àmoitiénégresse, tirant sur sacigaretteperduedans sespensées,elleestpurecette
imagecommeduplusbeau solo ténorde jazz…Des imagesaussiaméricaines…!Ces figuresne fontpasde
proclamationsnidecommentaires,ninedisentautrechoseque«Voilànotre façond’êtredans lavieréelle,etsi
vousn’aimezpas çà, jene veuxpas le savoirparceque je visma vieàmoi,àmamanièreetqueDieunous
bénisse,espérons…»«sinousleméritons…».Quelpoèmetoutça,etquelspoèmespourraécrireunjouravecce
livred’imagesunjeuneécrivaindéfoncépenchésurellesàlabougiepourendécrirechaquemystérieuxdétailnoir
etblanc,ce filmgrisquiasaisiàpoint le jusbiencuitde l’espècehumaine,sic’est le laitde l’humaine-itéoude
l’humainebontéselonShakespeare,aucuneimportancequandvousregardezcesimages.Mieuxqu’unshow.
JackKerouac,extraitdelapréfacedeLesAméricainsdeRobertFrank,
traductiondeMichelDeguyParis,EditionsDelpire,1958,1985,pp.1-2
-17-
Et l'onn'osepascroireque lasubstancedecevastemondeestréservéeà lamortetà laruine, lorsqu'onvoitde
tellesmassesdeterreprêtesàs'écrouler!Quesilesventsnereprenaienthaleine,nulleforcenepourraitarrêterla
chutedes choses,ni les ramenerenarrièredans cette courseà lamort.Mais comme tourà tour ils reprennent
haleineetredoublentdeviolence,commeilsseformentetreviennentàlachargepuissontrepoussésetbattenten
retraitetouràtour,laterre,grâceàcejeu,menaceplussouventruinequ'ellenetomberéellement;ellesepenche
eneffet,puisseredresseenarrière,etaprèsavoirfaillitomberellereprendsonéquilibreetsaplaceordinaire.
extraitdeLucrèce,Denaturarerum
dansSophieRistelhueber,BEYROUTH,1982
Pourconnaîtrelecaractèred'unhomme,ilsuffiraitdeprendreunfauteuiletd'allersansbruits'asseoirdevantlui
commedevantuneruchevitrée,afindecontemplersonâmeànu;àloisironobserveraittoussesmouvements,
sesrouages,lanaissanceetlesmuesdeseslubies;onlaverraitvivreenliberté,gambader,s'aventurer,suivreses
caprices, et après avoir noté encore les attitudes plus solennelles qui suivent nécessairement gambades,
aventures,etc.,ilsuffiraitdeprendresaplumeetdecouchersurlepapierstrictementcequ'onauraitvu,sousla
foiduserment.
extraitdeLaurenceSterne,VueetopiniondeTristramShandy,1946,livrel,chapitreXXIII
dansSophieRistelhueber,LESBARRICADESMYSTÉRIEUSESIl,1989-1995
J'airencontré,
surlesrivesduLot,
lerhinocéros,
lemammouth
etl'homosapiens.
LemondeN'étaitpasunpaysage.
extraitdeSophieRistelhueber,MÉMOIRESDULOT,1990
Unâgeva,unâgevient,maislaterretienttoujours.Lesoleilselève,lesoleilsecouche,ilsehâteverssonlieuet
c'estlàqu'ilselève.Leventpartaumidi,tourneaunord,iltourne,tourneetva,etsursonparcoursretournele
vent.Touslesfleuvescoulentverslameretlamern'estpasremplie.Versl'endroitoùcoulentlesfleuvesc'estpar
làqu'ilscontinuerontdecouler.Touteparoleest lassante.Personnenepeutdireque l'œiln'estpasrassasiéde
voir,etl'oreillesaturéeparcequ'elleaentendu.Cequifut,celasera,cequis'estfaitserefera,etiln'yariende
nouveau sous le soleil.Qu'ilyaitquelque chosedonton sedise « tiens,voilàdunouveau », cela futdans les
sièclesquinousontprécédés.Iln'yapasdesouvenirsd'autrefois,etmêmepourceuxdestempsfuturs:iln'yaura
d'euxaucunsouvenirauprèsdeceuxquilessuivront.
extraitde«L'Ecclésiaste»dansLaBibledeJérusalem
dansSophieRistelhueber,MÉMOIRESDULOT,1990
-18-
[…]ne trouved'ailleursaucunedifficultéà séparer l'unede l'autre lesdiversesactivités, lorsqu'on considère les
forcesarméesetéquipéescommedesmoyensdonnés,dont ilsuffitpours'enservirefficacementdeconnaître les
principaux effets. Au sens strict, l'art de la guerre est donc l’art de savoir se servir au combat de moyens
déterminés,etnousnesaurionsmieuxledésignerqu'enlenommantconduitedelaguerre.Ilestvrai,d'autrepart,
quel'artdelaguerre,ausenspluslarge,englobetouteslesactivitésquesuscitelaguerre,parconséquenttoutela
création des forces armées, c'est à dire le recrutement, l'armement, l'équipement et l'entraînement. Pour que la
théorierecouvrelaréalité,ilimporteessentiellementdeséparercesdeuxactivités,caronconçoitsanspeine,sitout
artde laguerredevaitcommencerpar l'organisationdesforcesarméeset leurcoordinationselonsesrégies,que
cetartneseraitapplicablequ'auxraresoccasionsoù lesforcesarméesexistantescorrespondraientexactementà
cesrègles.Maissil'onveutdisposerid'unethéoriequis'appliqueàlagrandemajoritédescassansêtrejamaistout
àfaitinutilisable,celle-cidoitsefondersurleplusgrandnombredemoyensdecombatordinairesetsurleurseffets
essentiels.Laconduitedelaguerreestdoncl'ordonnanceetlaconduiteducombat.Silecombatconsistaitenune
seuleaction,toutedivisionsupplémentairen'auraitaucunsens.Maislecombatconsisteenunplusoumoinsgrand
nombred'actionsdistinctesquiformentuntoutetque[…]
en1èreet4èmedecouverture,extraitsdeCarlvonClausewitz,Delaguerre(1832),
Paris,ÉditionsdeMinuit,1955
dansSophieRistelhueber,KOWEIT,1991
Dans cette jouteoù tous lesmoyens leurétaientbonspour triompher lesunsdesautres, ilsosèrent lepire,et
poussèrentplusencore leursvengeances,car ilsne lesexerçaientpasdans les limitesde la justiceetde l'utilité
publique,mais ils les fixaientselon leplaisirqu'ellespouvaientcomporteren l'occurrencepourchaquecamp;et
quecefutparunecondamnationissued'unvotejusteouensesaisissantparforcedupouvoir,ilsétaientprêtsà
satisfaireleursrivalitésimmédiates.Ainsi,uneconduitepieusen'étaitenusagedansaucundesdeuxcamps,mais,
grâceàdesparolesspécieuses,arrivait-onàréussirdesentreprisesodieuses,onygagnaitenrenom.
Thucydide,HistoiredelaguerreduPéloponnèse,VesiècleavJC.
dansSophieRistelhueber,EVERYONE,1994
L'espacenousaccapare.Nousnepossédonsde luique ceque l'œilpeutparcourir.Mais ilnousépuise,nous
effraie,nousappelle,nouschasse.(recto)
Nousnous imaginonsqu'ilnousvoit,maisnousn'avonsaucune importanceàsesyeux,nousdisonsquenous le
maîtrisonsmaisnousnefaisonsqueprofiterdesonindifférence.(verso)
VingtfemmesdanslejardinduLuxembourgetdanslesensdesaiguillesd'unemontre
-19-
SainteBathilde,reinedeFrance,tientdanssamaingaucheunmanuscritintituléAbolitioservitutisetretientdela
maindroitelepangauchedesonmanteau.Coiffure:deuxtressesattachéesenarrière.Bijoux:unpendentifavec
croix.Expression:déterminée.
BertheouBertrade, reinedeFrance, tientun sceptredans samaindroiteetporteune statuetteendommagée
d'homme assis au creux de la gauche.Coiffure: deux très longues tresses doubles. Bijoux: néant. Expression:
volontaire.
LareineMathilde,duchessedeNormandie,tientunsceptrefleurdelisédanssamaindroiteetretientdelagauche
lagarded'uneépéedont lapointereposesur lesol.Coiffure.:deuxtressesattachéesenarrière.Bijoux:néant.
Expression:décidée.
SainteGeneviève,patronnedeParis, croise lesbras sur sa taille.Samaingauche tientunpetitparchemin, la
droite retenant le pan gauche de sonmanteau.Coiffure: deux très longues tresses asymétriques. Bijoux: une
médaille.Expression:méditative.
MarieStuart,reinedeFrance,tientunlivredanssamaingauche-àlaquellemanquentdeuxdoigtsetretientde
samaindroiteunpandesonmanteau.Coiffure:cheveuxmi-longsbouclésdégageantlevisage.Bijoux:uncollier.
Expression:nostalgique.
Jeanned'Albret, reinedeNavarre, tientun styletdans samaindroiteetunparchemin roulédans lagauche.
Coiffure:cheveuxcourtsbouclés.Bijoux:néant.Expression:inspirée.Présencedegrosseins.
ClémenceIsaure,dontlamaingauchereposesurl'appuid'unmeubleetlecoudedroitsuruntroncd'arbre,lève
en sedéhanchant samaindroitequicontientunobjetnon identifié, retenuparunecordeenrouléeautourdu
poignet.Coiffure:bandeaux.Bijoux:unpendentifaveccroix.Expression:rêveuse.
AnneMarieLouised'Orléans,duchessedeMontpensier,quitientdanssamaindroiteunepairedegantsetun
bâtonenrubanné, tendunemaingaucheaccueillanteet laissependreunpande sa robe sur sonavant-bras.
Coiffure:cheveuxenrouleauxjusqu'auxépaules.Bijoux:néant.Expression:indifférente.
LouisedeSavoie,régentedeFrance,désignelesoldel'indexbrisédesamaindroitequicontientunobjetoblong
égalementdétérioré,samaingaucherelevant légèrementunpandesarobe.Coiffure:cheveuxtirésenarrière
sousunlongvoile.Bijoux:néant.Expression:autoritaire.
Marguerited'Anjou,reined'Angleterre,pointeégalementl'index-intact-desamaindroiteverslesol,sonbras
gauche replié sur un enfant qui l'étreint, dressé sur la pointe des pieds. Coiffure: invisible sous une coiffe
complexe.Bijoux:néant.Expression:fièremaissoucieuse.
-20-
LauredeNoves,dontlesavant-brassecroisentsursonventre,tientunpapierpliédanslamaindroite,lagauche
maintenant le pan gauche de sonmanteau.Coiffure: cheveux courts frisottants. Bijoux: un collier. Expression:
résignée.
MariedeMédicis, reinede France, tientun sceptredans samaingaucheet laissependreunmouchoirde la
droite.Coiffure:cheveuxfrisésenexpansionsurlestempes.Bijoux:néant.Expression:peuaimable.
Marguerited'Angoulême,reinedeNavarredontlebrasgaucheestramenélelongdesonbuste,posel'indexde
samaingaucheunpeuendeçàde lapointedumenton,sonbrasdroitcroisésursatailleseprolongeantd'une
mainqui tientunbouquetdequatremarguerites.Coiffure:cheveuxcourts frisottants.Bijoux:néant.Expression:
avenantemaisposeuse.
ValentinedeMilan,duchessed'Orléans, retientunpandesa robede lamaindroite, lagauche tenantun fort
volume reliépardes ferruresetdont le titreestpartiellementdissimulépar sonpoignet.Coiffure:cheveuxmi-
longs.Bijoux:néant.Expression:dubitative.
AnnedeBeaujeu,régentedeFrance,croiselesbrassursataille,samaingauchesoutenantsonavant-brasdroit,
samaindroiteenpronation.Coiffure: invisiblesousunecouronneàoreilles.Bijoux:néant.Expression:hautaine
sansarrogance.
BlanchedeCastille,reinedeFrance,tientdans lamaindroiteunlongbâtonappuyécontresonépaule,samain
gaucherabattuesur la taillecontenantunpetitobjetnon identifiablecarpeut-êtredétérioré.Coiffure: invisible
sousunecouronneetunvoile.Bijoux:néant.Expression:absentemaisdigne.
Anned'Autriche,reinedeFrancequilaissependresesbraslelongducorps,tientunsceptredanslamaingauche
et,partiellementdéroulédansladroite,unparcheminportantledessind'unbâtiment.Coiffure:cheveuxbouclés
tombantsurlesépaulesetréunisderrièrelecrâneparunchignon.Bijoux:néant.Expression:bonhomme,unpeu
hébétée.Présencedegrosseins.
Anne de Bretagne, reine de France, retient de lamain gauche le pan droit de sonmanteau, samain droite
relevéeàhauteurde l'épaulesupportantun jeudecordelettesàglands.Coiffure: invisiblesousunecouronneà
oreilles.Bijoux:néant.Expression:butée.
MargueritedeProvence,reinedeFrancedont lesbrasballantssontcroiséssur leventre,retiententresesmains
un flotd'étoffede sonmanteau.Coiffure:bandeauxencadrant tout levisage.Bijoux:unpendentifavec croix.
Expression:patiente.
-21-
SainteClotilde, reine de France accoudée à une colonne, croise sesmains l'une sur l'autre à hauteur de sa
poitrine.Coiffure:deuxtrèslonguesdoublestresses.Bijoux:néant.Expression:lointaine.
en1eet4edecouverture,extraitdutextedeJeanEchenoz,LeDervicheetlamortdeMesaSelimovic,
Paris,Gallimard,1977
dansSophieRistelhuber,Luxembourg,MuséeZadkineetParisMusées,2002
«Qu'est-cequejefaislà,anéantie,surletoitdecettevoiture?Est-cequejemedis«qu'ilestdouxdesetenirsain
etsaufsur lerivageàregarder lesautres lutteraumilieudescourantsdéchainésetdesventsfurieux.Nonqu'il
aitduplaisirà tirerdumalheurd'autrui,mais ilestdouxd'êtreépargnéeparun teldésespoir? ».Sansdoute,
commeartiste,suis-jemoiaussienguerre.
extraitdeLucrèce,Denaturarerum,II,1-5
etuneintroductiondesversparSophieRistelhueber,WB,
Genève,ThamesandHudson/CabinetdesEstampes,2005
-22-
orientations bibliographiques
Robert Frank
livresdel’artiste
Indienspasmorts,Paris,ÉditionsRobertDelpire,1956
NewYorkIs,NewYork,NewYorkTimes,1957
LesAméricains,Paris,ÉditionsRobertDelpire,1958;dernièreréédition,2007
TheAmericans,NewYork,ÉditionsGrovePress,1959
PullmyDaisy,NewYork,ÉditionsGrovePress,1961
ZeroMostelReadsaBook,NewYorkTimes,1963
TheLinesofMyHand,NewYork,LustrumPress,1971
Onehour(photographiedecouvertureparMichaeRovner),HanumanBooks,1992,Göttingen,SteidlPublishing,2007
ComeAgain,Göttingen,SteidlPublishing,2006
Meandmybrother,Göttingen,SteidlPublishing,2007
Polaroïds,Göttingen,SteidlPublishing,2009(àparaître)
filmsdel’artiste
PullmyDaisy,RobertFrank,1959,30min,n/b
TheSinofJesus,1961,50min,n/b.
OKandHere,1963,30min,n/b
MeandMyBrother,1964,90min,N/Betcl
ConversationinVermont,1969,30min,n/b
Life-raftEarth,1969,30min,n/b
Aboutme–amusical,1971,40min,n/b
CocksuckerBlues,1972,90min,n/betclr,censuré
KeepBusy,réaliséavecRudiWurlitzer,1975,40min,n/b
LifeDancesOn…,1979,30min,n/betclr
EnergyandHowtoGetit,réaliséavecRudiWurlitzeretGaryHill,1981
ThisSongforJack,1983,30min,n/b
TrueStory,2004,26mn
ouvragesetcatalogues
RobertFrank,textedeRobertFrank,CentreNationaldelaPhotographie,Paris,1983(réédition2001)
RobertFrank,NewYorktoNovoScotia,Göttingen,SteidlPublishing,1986
-23-
RobertFrank,Movingout,Scalopublishers1994,rétrospectiveNationalGalleryofArt,Washington,1995
RobertFrank:London/Wales,Göttingen,SteidlPublishing,2007
RobertFrank:Paris,sousladirectiondeUteEskildsen,Göttingen,SteidlPublishing,Jeudepaume,2008
GillesMora,LaPhotographieaméricaine1958-1981,TheLastPhotographicHeroes,Paris,LeSeuil,2007
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Sophie Ristelhueber
livresdel’artiste
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Beyrouth,Photographies,Paris,Hazan,1984
MémoiresduLot,1990
Fait,Paris,Hazan,1992.
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Aftermath,Londres,ThamesandHudson,Londres,1994
LesBarricadesmystérieusesII,Genève,CabinetdesEstampes,1995.
Laliste,Toulon,HôteldesArts,2000
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Opérations,Quimper,LeQuartier,2007
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Paysagesphotographiés,laMissionPhotographiquedelaDATAR,travauxencours,Paris,ÉditionsHazan,1985
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«Lamiseànudeschoses,entretienavecSophieRistelhueber»,proposrecueillisparPhilippeMangeot&LaureVermeersch,
dansVacarmen°37,chantierartistesenguerre,automne2006,enlignesurhttp://www.vacarme.org/rubrique219.html
LesitepersonneldeSophieRistelhueberestencoursdeconstruction.Ilseratrèsprochainementaccessibleenligne.
Mario García Torres Neutre intense, textesdeChristopheGallois,entretiensavecThomasClerc,Philippe-AlainMichaud,DominiquePetitgand,
contributionsdeAurélienFroment,GuillaumeLeblon,LisaOppenheim,RaphaëlZarka,Montreuil,Maisonpopulaire,2008
MarioGarcíaTorres,Ilauraitbienpulepromettreaussi,Paris,JeudePaume,2008
MarioGarcíaTorres,RaimundasMalasauskas,SteveRushton,DateDue,Paris/FrancfortsurleMain,KadistFoundation/
Revolver,2007
Christine Van Assche,MarkNash,Chantal Pontbriand, Une vision dumonde enmouvement, Lamaison rouge / Fage
éditions,Paris,2006
ElisabethWetterwald,“MarioGarcia-Torrès:Someplacestowitchwecancome”,Paris,20/27n°2,2008,p.119
-25-
glossaire
beatgeneration
L’expression«BeatGeneration»décrità la foisunmouvement littéraireetunerébellionsocialeaméricaine,nésdans les
années50,aprèslasecondeguerremondialeetlabombeatomique.JackKerouacquiainitiéletermeseréfèreaurythme
dejazzetàlanotionreligieusede«Béatitude».AllenGinsbergadécritlesBeatmencommedes«hipstersàtêtesd'anges»
(«l'hipsterisme»faitoriginellementréférenceauxeffortsdecertainsnoirspouratteindreledétachementabsolu,pourrester
«cool»etéchapperaurôleauquellesassignelasociétéaméricaine,etsontàl’originedu«cooljazz»).
LaBeatgénération,mouvement symboliquede l’Amériquedesannées1950et1960,estnéede l’amitiéentre
quatre homme: Jack Kerouac, AllenGinsberg,Neal Cassady etWilliam Burroughs. Cette amitié tourne au
manifeste.En1952,JohnClellonHolmesofficialise,dansunarticleduNewYorkTimesMagazine,etd’aprèsune
définitionde JackKerouac, le terme «beat»: «cela signifieêtre,d’une façonnondramatique,aupiedde son
propremur». En1957,Sur la routede JackKerouacdevient le symbolede la liberté,de la contestationdes
valeurs bourgeoises et de la révolte face à la cupidité dumonde.Unmouvement est né qui revendique ses
engagementspolitiques et son refusde la courseà l’argent. La Beatgénération seraà l’originede la vague
protestatairequiatteindrasonapogéeen1968lorsdurassemblementdeWoodstock,etelleposeralesbasesde
laculturemodernedesannées70.
AlainDister,LaBeatGeneration.Larévolutionhallucinée,Paris,Découvertes-Gallimard,1997
distanciation
Bertolt Brecht (1898-1956), dramaturge, metteur en scène et poète allemand, est aussi le père de la théorie de la
distanciation théâtrale : s’éloignantdu jeunaturaliste classique, ilprôneunemiseen scènenon réaliste, comportantdes
panneaux indicatifs,desapartésetdes intermèdes relevant souventde l’adressedirecteaupublic.Mais ce «didactisme»
n’estpasunabandondujeuauprofitdel’explication.C’estplutôtuneneutralisationdumécanismehabitueld’identification
entre le spectateur et les personnages (mais aussi entre les acteurs et les personnages qu’ils interprètent). De cette
identification, Brecht critique les effets affectifs bruts, à l’opposé des ambitions d’exploration des réalités humaines qu’il
attribueauthéâtre.
document/documentaire
Dulatin,documentumcequisertàinstruire
1°)toutécritquisertdepreuveouderenseignement
2°)toutcequisertdepreuve,detémoignage
LePetitRobert
Undocumentestunobjet (un texteouune image)déterminéparunefonction informative,c’estunpointdedépartpour
une investigation ou la construction d’un savoir qu’il ne formule pas mais dont il constitue un élément de vérité. La
photographie,entantqu’empreinteressemblanteduréel,estd’embléeassociéeaustatutdedocumentetdoncàlanotion
-26-
devérité.Lemot«documentaire»apparaîtdans la terminologiede laphotographiedès lesannéesvingt,et la légende
l’attacheàuncommentairejournalistiquedufilmdeRobertFlaherty,Moana,en1926.
Documentaire?Voilàunmottrèsrecherchéettrompeur.Pasvraimentclair.[…]Letermeexactdevraitêtrestyle
documentaire (documentarystyle).Unexemplededocument littéralserait laphotographiepolicièred’uncrime.
Undocumentadel’utilité,alorsquel’artestréellementinutile.Ainsi,l’artn’estjamaisundocument,maisilpeuten
adopter le style.Onmequalifieparfoisde «photographedocumentaire»,mais cela suppose la connaissance
subtilede ladistinctionque je viensde faire, etqui estplutôt neuve.Onpeutopérer sous cettedéfinition et
prendreunmalinplaisiràdonner lechange.Trèssouvent, je faisunechosealorsqu’onmecroiten traind’en
faireuneautre.
WalkerEVANS,«InterviewwithWalkerEvans»,parLeslieKatz,ArtinAmerica,mars-avril1971,p.87
expression/exprimer
Actionpar laquelleonexprime lesuc, le jusdequelquechose.Lesucdesherbesse tireen troismanières,par
expression,parinfusion,pardécoction.Huilestiréesparexpression.
Ilseditaussidujusmêmequ'onexprime.Uneexpressiondecitron.
Expression,signifieaussi,lestermesetlestoursdontonsesertpourexprimercequ'onveutdire.
DictionnairedeL'Académiefrançaise,5èmeédition,1798
Ausenspropre,exprimer,c’estpressersurquelquechosepourenfairesortircequisetrouvaità l’intérieur.Au
sensfiguré,c’estalorsmanifesterpardesfaitsmatériels,sensibles,perceptiblesdel’extérieur,cequiappartientà
lavieintérieure,c’est-à-direpsychique.L’expressionest,soitl’actiond’exprimer,soitlesfaitsperceptibleschargés
decettefonction;estexpressifcequifaitbiensentircetintérieurexprimé.
L’esthétiquen’emploiecestermesqu’ausensfiguré.Maiscelui-ci,appliquéaudomainedesartss’estdiversifié.De
plussonemplois’estsouventchargéd’interprétationsdesfaits,dethéoriessur l’art,et,dans le langagecourant
d’adhésionàdescroyancespastoujourstrèscritiques.
EtienneSouriau,Vocabulaired’esthétique,Paris,PUF,1990,pp.712
expressionnismeabstrait
«Expressiondésignantnonuneécoleunifiéeparunstyle,maisunecommunautédeconvictionsetdetechniques
partagéesparcertainspeintresaméricainspendantlesannéesquarantejusqu’audébutdesannéessoixante.[…]
Leprojet selon [lepeintre]Motherwellestd’ «inventerdenouvelles formespardesprocédésplastiques». Le
contenuestengénéral l’expressionde lapersonnalitédupeintre lui-même («l’expérience intérieuredu réel»),
sansqu’interviennentdesstimuliextérieurs:laformeetl’émotionsontsenséesallerdepair.Commeleremarque
Rothko,l’élaborationdel’œuvredoitêtreaussiéclairantepourl’artistequepourlespectateur;letravailconcret
d’élaboration importeplusque la finessedurésultat.Danscetteoptique, lesartistes«gestuels»dumouvement
(Pollock,DeKooning,Kline,Motherwell,GorkyetHoffmann)utilisent,enplusouenplaceduclassiquepinceau,les
procédésconsistantàverserdirectement,dupotdepeinturesurlesupport,deslaquesd’usagecourant,goutteà
goutteouenquantité,ouàréaliserdestrainéesdecolorantentubesansmélangepréalable,oudesgiclées,des
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éclaboussures,deseffleurements– toutes techniquesduaffirment l’importancedu tableauen tantquesurfaces
peintes.[…]»
Dictionnairedel’artmoderneetcontemporain,Paris,ÉditionsHazan,2002,pp.236-237
géopolitique
Lagéopolitiqueest l’enfantd’uneépoque, celledu scientisme triomphantetdudarwinisme social.De la findu
XIXesiècleàlaSecondeGuerremondiale,toutegrandepuissanceoutoutaspirantàlapuissanceveutfonderses
ambitionssurunquasi-déterminismegéographique;lagéopolitiquesertalorsàanalyseretsouventàjustifierles
rapports entre puissance et espace. Après la Seconde Guerre mondiale, elle est privée de légitimité parce
qu’identifiéeaunazisme.Enoutre,elle semble inutiledansun système international réduitau face-à-faceentre
deuxblocs.Avec leretourd’unéchiquiermondialmultipolaireàpartirdesannées1970et ladécompositiondu
campsoviétiqueen1989-1991, lacomplexitégéographiquede lapolitique internationaleréapparaît.Enmême
temps, la démarche géopolitique se trouve confrontée à un monde où la technique contracte massivement
l’espaceet letemps,où lesfluxéconomiquesparaissentdissoudre lapuissancepolitiqueetoù,enfin, lepouvoir,
au lieud’être concentrédans l’État, sedéplace sans cesse. Est-ce la finde lagéographie? Lagéo-économie
remplace-t-ellelagéopolitique?Lamicro-géopolitique,lamacro-géopolitique?
Lagéopolitiquepeutêtredéfiniecommeladisciplinequis’interrogesurlesrapportsentreespaceetpolitique:en
quoi, de quellemanière les réalités géographiques (situation, relief, climat...) influent-elles sur les organisations
sociales, leschoixpolitiques?Et, inversement,comment leshommesutilisent-ilsoumêmemodifient-ilscesréalités
pourpoursuivreleursfins?Toutcommelemot«histoire»désigneàlafoiscequiaeulieuetl’ensembledesrécits
faitssurcepassé,leterme«géopolitique»tendàqualifiernonseulementunmoded’analyse,une«science»mais
aussiuncertaintypedepolitique(ainsiparle-t-ondelagéopolitiquedesÉtats-Unis,delaFrance...).
EncyclopædiaUniversalisFranceS.A.,2003
improvisation
Action,artd’improviser.
Improviser,dulatinimprovisus«imprévu»:
1°)Composersurlechampetsanspréparation
2°)Organisersur-le-champ,àlahâte.
LePetitRobert
[…]même quand elles se succèdent dans le temps, les improvisations du free jazz s'ajoutent, se contrarient,
constituentdes réseaux,des strates, un feuilletéde lignes sonores –plutôtqu'unemême ligneprolongéepar
plusieursmusiciensserelayant.Ainsil'œuvreentièredevient-elleimprovisation,danslamesureoùsastructure,sa
formed'ensemblenaissentducroisement,plusoumoinsprévu,deslignesindividuelles[…]Danslamesureoùles
repèresharmoniques,lesgarantiesmélodiquesoffertesparl’improvisationthématiqueontdisparudufreejazz,le
musicien n’a pratiquement plus aucun moyen de contrôle sur le développement de son discours : la ligne
mélodique, la trameharmonique,c’étaitaussiunensembled’élémentsmnémotechniques– se faisant selonune
suited’accordsfixée,l’improvisationnepeutpasserplusieursfoisparunmêmeaccordsansquelemusicienensoit
conscient.
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PhilippeCARLESetJean-LouisCOMOLLI,FreeJazzBlackPower,Paris,ÉditionsChampLibre,1971,Gallimardfolio,2000,
pp.357-358
nouveauroman
Ongroupesousl’expression«nouveauroman»desœuvrespubliéesenFranceàpartirdesannées1950etqui
onteuen communun refusdes catégories considérées jusqu’alors comme constitutivesdugenre romanesque,
notammentl’intrigue–quigarantissaitlacohérencedurécit–etlepersonnage,entantqu’iloffrait,grâceàson
nom,sadescriptionphysiqueetsacaractérisationpsychologiqueetmorale,unerassuranteillusiond’identité.
À la tradition réaliste du roman, qui reposait plutôt sur les conventions du récit, les «nouveaux romanciers»
opposèrentuneautreformederéalisme,celuiquisuggèreledéroulementdelaconscienceavecsesopacités,ses
ruptures temporelles, son apparente incohérence. Mais, doublant souvent leur production romanesque de
manifestes ou d’analyses théoriques, ils prétendirent donner aussi une nouvelle noblesse au genre en faisant
prédominersesaspectsformels;suivantlaformuledeJeanRicardou,leromandevaitêtremoins«l’écritured’une
aventurequel’aventured’uneécriture».
Plutôt que de groupe ou d’école, Jean Ricardou préfère parler, à propos des nouveaux romanciers, d’une
«collectiond’écrivains»,musparunemêmeambition,maisde tempéramentetde style fortdissemblables. Ila
pourtant contribuéaupremier chefà l’«illusionde club»qu’il souhaitaitdénoncer: sonouvrage LeNouveau
Roman (1973),quimetau jour les recettesplutôtque l’inspirationdesnouveaux romanciers,ne retienteneffet
queseptnoms,MichelButor,ClaudeOllier,RobertPinget,JeanRicardou,AlainRobbe-Grillet,NathalieSarraute
etClaudeSimon,tousparticipantsducolloquequisetintàCerisy-la-Salleenjuillet1971.Pouravoirrefusédese
rendreaucolloqueparceque,dira-t-elle,elleseméfiedesapriorithéoriquesquiempêchentl’écrivainàl’œuvre
desedécouvrirlui-même,MargueriteDurass’est,auxyeuxdeJeanRicardou,exclueelle-mêmedela«pléiade».
AlainRobbe-Grilletlaconsidèreaucontrairecommefaisantpartiedecette«collection»àlaquelleonadjoindrait
volontiersSamuelBeckett,voire JeanCayrol (LeDéménagement,1956;LesCorpsétrangers,1959)ouClaude
Mauriac(lasuiteromanesqueLeDialogueintérieur,1957-1979;L’Alittératurecontemporaine,1958).
EncyclopædiaUniversalisFranceS.A.2003
série
Cesubstantif,empruntéaulatinseries,aétéintroduitenfrançais,audébutduXVIIIesiècle,parl’intermédiairedu
vocabulairemathématique;ildésignealorstoutesuiteillimitéedetermesqu’uneloidéfiniepermetdedéduireles
uns des autres. Le langage courant a adopté le mot, dans les mêmes sens qu’avait series en latin (suite,
enchaînementd’objets,rangée),etdelàsontvenusdiverssensspécialisés,dontcertainsontunemploiesthétique.
Letermedesériedonnelieuàdeuxensemblessémantiquesopposés:
1/Produitgrâceàdesmoyensmécaniquesouindustriels,l’objetdesérieestgénéralementréputémédiocre.Ilest
issud’«unetêtedesérie»,véritableprototype_crééàcettefin,ouutilisécommetel_àpartirduquels’engendre
lasuitedesduplications.Parextension,onparled’uneœuvredesérie,péjorativement,dèslorsqu’ellesembleêtre
plusprochedelareproductionquedelacréationvéritable.
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2/Maisaveclespremièressériesd’œuvressurunmêmesujet,réaliséesparunmêmeartiste(parexempleMonet,
ou,plusprèsdenous,Picasso),s’inaugureuneapprochedifférentedel’œuvred’art.Lesdiverstermesdelasérie
sont juxtaposés sansordrehiérarchique,etexcluent toute intentiond’une reprise synthétique les subsumant. Ils
actualisentdespossibles,et répudient lanotionde «chef-d’œuvre».Gouvernéspar les règlesde lavariation,
régis par le principe d’équivalence, les termes, œuvres singulières, articulés dans la série qu’ils constituent,
déclinent les jeux subtilsd’une répétitionquiengendre ladifférence.L’analogieavec lesprocédures signifiantes
desmythes,dans tous leursétats,est iciévidente.Et lesproblématiquesde «l’œuvreouverte»ne sontguère
éloignées.
EtienneSouriau,Vocabulaired’esthétique,Paris,PUF,1990,pp.1288-1289
street-photography
Littéralement,«photographierdanslarue»ou«photographiederue».
(HenriCartier-Bresson,RobertFrank,AlfredEisenstaedt,W.EugeneSmith,WilliamEggleston,Brassaї,WillyRonis,Robert
Doisneau,GarryWinogrand...)
Après laDeuxièmeGuerremondiale, la photographie américaine estmarquée par la désillusion et par une
recherche poétique – au delà de l’insignifiance du sujet et du hasard du déclenchement – qui remplacent le
formalisme et la norme professionnelle.À travers l’exemple deWalker Evans et de saméthode réfléchie (et
parfoisenoppositionaveccelle-ci),c’estdans larueque«lesnouveauxphotographes»rencontrent l’Amérique
dontilsveulentfixerlesindicesmouvants.
ColinWesterbeck,«Surlarouteetdanslarue,l’après-guerreauxÉtats-Unis»,dansNouvellehistoiredelaphotographie,
Paris,AdamBiro,Larousse,Milan,2001,p.640
territoire
Lanotiondeterritoireaprisune importancecroissanteengéographieetnotammentengéographiehumaineet
politique,même siceconceptestutilisépard'autres scienceshumaines.Dans ledictionnairedegéographiede
Pierre George et Fernand Verger le territoire est défini comme un espace géographique qualifié par une
appartenance juridique (onparleainside «territoirenational»);ouparune spécificiténaturelleou culturelle:
territoiremontagneux,territoire linguistique.Danscederniercas, letermed'aire(«aire linguistique»)pourrait lui
êtrepréféré.Quelleque soit sanature,un territoire implique l'existencede frontièresoude limites.Cesdeux
dernierstermessontutilisésenfonctiondutypedeterritoiredont ilsforment lepérimètre.Unterritoirepolitique,
ouunesubdivisionadministrative,estdélimitéparunefrontière;unterritoirenaturelestcirconscritparunelimite,
termemoinsjuridique.
Engéographiehumaine ilexisteplusieurscourantsprincipauxpourdéfinirceconcept,affiliésà la sociologie,à
l'économie,aupouvoirpolitique,etc.
Définitions:
«Leterritoireestuneappropriationàlafoiséconomique,idéologiqueetpolitique(sociale,donc)del'espacepar
desgroupesqui sedonnentune représentationparticulièred'eux-mêmes,de leurhistoire.» (GuyDiMéo,"Les
territoiresduquotidien",1996,p.40).
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Dans leur Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés (2003), Jacques Lévy etMichel Lussault
proposenttroisdéfinitionsgénérales,quiillustrentlesgrandesconceptionsduterritoireauseindelagéographie:
«Espaceàmétriquetopographique»(p.907)
«Agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de
l'existenced'un individuoud'uncollectifsocialetd'informeren retourcet individuoucecollectifsursapropre
identité»(p.910)
«Touteportionhumaniséedelasurfaceterrestre»(p.912)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Territoire