Robert Frank, Paris Sophie Ristelhueber · mario garcÍa torres – il aurait bien pu le promettre...

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MARIO GARCÍA TORRES – IL AURAIT BIEN PU LE PROMETTRE AUSSI, 2009 DIAPORAMA, NOIR ET BLANC, SON, 5’38’’ DIMENSIONS VARIABLES Robert Frank Un regard étranger. Paris / Les Américains Robert Frank, Paris, 1949 – 1952 © Robert Frank. Sophie Ristelhueber, Eleven Blowups # 1, détail, 2006. Collection de l’artiste © Sophie Ristelhueber / ADAGP 2008. Sophie Ristelhueber 20/01/09 – 22 /03/09 éléments de présentation pour les enseignants

Transcript of Robert Frank, Paris Sophie Ristelhueber · mario garcÍa torres – il aurait bien pu le promettre...

MARIO GARCÍA TORRES –IL AURAIT BIEN PU LE PROMETTRE AUSSI,2009—DIAPORAMA, NOIR ET BLANC, SON, 5’38’’DIMENSIONS VARIABLES

Robert FrankUn regard étranger. Paris / Les Américains

Robert Frank, Paris, 1949 – 1952 © Robert Frank.

Sophie Ristelhueber, Eleven Blowups # 1, détail, 2006. Collection de l’artiste © Sophie Ristelhueber / ADAGP 2008.

Sophie Ristelhueber

20/01/09 – 22 /03/09

éléments de présentation pour les enseignants

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Cesélémentsdeprésentation sontunextraitdu «dossierenseignants»n°17, conçupar le service culturelet remisaux

enseignantsdanslecadredesvisitespréparéesetdespartenariatsscolairesproposésparleJeudePaume.

Pourlesrenseignementsetlesréservationsconcernantlesactivitésdestinéesauxenseignantsetleursélèves,

vouspouvezvousadresseràPaulineBoucharlatauserviceculturelduJeudePaumeparmail

[email protected]éléphoneau0147030495

Visitespréparées,destinéesauxenseignants,gratuitesaudébutdechaqueexposition

LesenseignantssontinvitésauJeudePaume,audébutdechaqueexposition,àuneséancedepréparationd’uneduréede

deuxheures,avecunconférencierduserviceculturel.L'objectifestdeprésenter lesœuvresexposéesauxenseignants,de

prépareraveceuxlavisitedesclasses,etd’envisagerlecontenudesaxesdetravailaveclesélèves.

À lasuitede lavisite-conférencede l’exposition,un"dossierenseignants"estremisauxparticipants.Cedossierrassemble

une somme de documents, introduits selon des thèmes choisis et qui ouvrent des liens entre lesœuvres et différents

domaines de connaissances. Des "pistes de recherche", sous forme de propositions ouvertes autour de «grandes»

notions,pourrontdonnerlieuàuntravailenclasseenamontouenavaldelavisitedesexpositionsauJeudePaume.

Visites-conférences,destinéesauxélèves

Pour lesécolesélémentaires, lescollègeset les lycées, le tarifde lavisitepour lesclassesestde80€,entréescomprises

(chèquescultureîledeFranceacceptés).

Lavisitede l'exposition,d'uneduréed'uneheureparclasseetparexposition,estconduiteparunconférencierduservice

culturel.Cettevisiteestconçuepar l'équipeduserviceculturel,afindedéfinir lesméthodeset lesobjectifs, lesorientations

étantpréciséesavec lesenseignantspartenaires.Ellereposesur laprisedeparoledesélèveset leséchangesdevant les

œuvres.

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Sommaire

préambule parMartaGili,directriceduJeudePaume p.4

éléments biographiques RobertFrank p.5

SophieRistelhueber p.6

présentation des expositions RobertFrank p.7

SophieRistelhueber p.10

MarioGarcíaTorres p.14

références contemporaines p.15

références littéraires p.16

orientations bibliographiques p.22

glossaire p.25

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préambule par Marta Gili, directrice du Jeu de Paume

RobertFrank (néenSuisseen1924),avantderéaliser lacélèbresérieLesAméricains,voyageavecsonLeicaen

Amériquelatine,àLondres,aupaysdeGallesetaussiàParis.Partout,illielesimageslesunesauxautrescommes’ilrécitait

unpoèmeouracontaitunehistoire.ÀParis,lesfleursrevenantconstammentenvahirunespaceurbainquiseréinventeau

lendemaindelaguerresontpeut-êtrel’undesfilsconducteursdesontravail.

Par cette exposition, nous tenions également à commémorer le cinquantième anniversaire de la publication

française(1958)etaméricaine(1959)d’unouvragecontroverséetmarquant,LesAméricains,enprésentantl’ensembledes

83photosquilecomposent.Sil’œuvredeRobertFrankarévolutionnélaphotographiedel’après-guerre,celledeSophie

Ristelhueber (née en France en 1949) s’impose elle aussi, dès le début des années 1980, comme l’une des plus

représentatives du déplacement de la pratique documentaire vers d’autres champs de l’image – poétique, politique,

esthétique. Dans sa première grande exposition monographique à Paris, Sophie Ristelhueber explore simultanément

plusieursterritoiresdeconflits:d’unepart,ceuxoùlespolitiquesdereprésentationd’unespaceetd’unlieudéterminésfont

l’objetd’unerenégociation ;de l’autre,ceuxoù lespectateuresttirailléentre l’intensitédesonexpériencepersonnelle,sa

capacitédejugementetlapressiondespolitiquesdereprésentationdominantes.

En marge de ces expositions, la saison au Jeu de Paume-Concorde s’accompagne comme toujours de la

programmationSatellite,dirigéecetteannéeparMariaInèsRodriguez,avecunecréationdeMarioGarcíaTorres(néau

Mexiqueen1975).

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éléments biographiques

Robert Frank NéàZurichen1924,RobertFrankagrandienSuisse,auseind’unefamillejuiveaisée.SonpèreHermannestdécorateur

lorsqu’ilquitteFrancfortaprès laPremièreGuerremondialepourBâleoù il se lancedans lesaffairesetépouseRégina

Zucker, filled’industriels,quiadesproblèmesdevueetdeviendraprogressivementaveugle. Ilsontdeux fils,Manfredet

Robert.Lafamillemèneuneexistencerelativementsereine,àl’abridespersécutionsmaissanslesignorer.Cependant,àla

suitedudécretd’Hitleren1941quiexclutlesJuifsdelanationallemande,HermanFrankentreprendunedémarcheauprès

desautorités suissesetdevient citoyenhelvétiqueen1945,quelques joursavant la finde laguerre.Dès1941, le jeune

Robert, qui a découvert la photographie vers l’âge de douze ansmais ne l’a choisie pour profession qu’en 1940, est

bénévolechez lephotographeetgraphisteHermannSegesser (encoreétranger, iln’estpasautoriséàêtresalariésur le

territoiresuisse).Segesser l’initieà l’artmoderne,etenparticulierà l’œuvredePaulKlee.De1942à1944,Frankpoursuit

sa formation dans le studio deMichaelWolgensinger, ancien assistant de Hans Finsler, le directeur de la classe de

photographiede l’écoled’artsappliquésdeZurich,qui lui transmet ses idées sur laNouvellePhotographie.RobertFrank

apprendàmaîtriser sesconnaissances techniqueset formelles,ainsiqu’àclasseretprésenter ses tiragespar thèmes.Par

ailleurs, influencéparArnoldKübler,directeurdemagazines (enparticulierdedu)etquiencourage ledéveloppementdu

photojournalisme,ilfaitégalementdesincursionsdansleregistredudocumentairesurdessujetsliésàlaviequotidiennede

sonpays. «Jene savaispas ceque jevoulais,mais je savais certainement ceque jenevoulaispas»,a-t-ildéclaréen

évoquantcesannéesdeformationquiprennentfinen1946avecunportfolioàspirale,40Photos–vuesdesonpayset

photographiesderueprisessurlevifquisesuccèdentsansliennarratifoulinéaireapparent.

À lafinde laguerre,RobertFrankdécouvreParis,MilanetBruxelles,où ilphotographieauRolleiflex lestracesduconflit,

amorçantunedémarched’explorationsocialequ’ilapprofondiraplustardauLeicaenAmériqueduSudetenEurope.En

février1947,trèscritiquevis-à-visdumatérialismedesesparentsetdesconventionsbourgeoisesetlaissantderrièreluiune

existencepréétablieetconfortable,ilquittelaSuissepourserendreauxÉtats-Unis.L’Amérique,paysdelaliberté,lefascine

et ilytrouvedutravailmais ilestprofondémentdéçupar laplacetenuepar l’argent.ÀNewYork, ilmontre40Photosà

AlexeyBrodovitchquil’engagepourHarper´sBazaar.En1949,ilregagnel’Europe,etpendantlesannéessuivantes,ilfait

lanavetteentrelesdeuxcontinents.Sesvoyagesleconduisentd’abordenAmériqueduSud,puisen1949enEspagne,en

Angleterre,etàParis,oùilenregistrel’atmosphèredel’AncienMonde.

En 1953, c’est sans grand enthousiasme que Robert Frank retourne aux États-Unis.Marié et père de deux enfants, il

demandeunebourseduGuggenheimpourdocumentervisuellement lacivilisationaméricaine.Lerésultat,quatreansplus

tard, bouleverse l’histoire de la photographie documentaire et la vision de l’Amérique. Frank fait naître une nouvelle

iconographieoùdesvisagesanonymess’amalgamentaubordderoutestristes,danslesexcroissancesurbainesoulesvides

d’unterritoiredémesuré.Maiscesimagesfascinentetchoquent,elless’imposentauxregardsetfontreconnaîtrelelangage

originalde cephotographe. Ilexplique sapositionen ces termesen1951: «Lorsque lesgens regardentmesphotos, je

voudraisqu’ilséprouventlamêmechosequequandilsontenviederelirelesversd’unpoème».

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Depuis la fin des années1950, Frank tourne des films et des vidéos à caractère autobiographique et expérimental qui

prolongentlesinvestigationsformellesdesespolaroïds.Depuislesannées1970,sadémarcheestundialogueréflexifentre

les imageset les textes.Sonpremier film,PullmyDaisy,està l’origineduNewAmericanCinemaGroup fondéen1960,

avec JonasMekaset JohnCassavetes,destinéàdéfendre l’indépendancedu cinémaditd’avant-garde. Lamobilitédes

prisesdevueévoquelesdéplacementsdel’œiletinstaureuneformed’empathieaveccequiestphotographiéetfilmé:les

expérimentationsartistiques, littérairesetmusicales, lessoubresautsde la libérationdesmœursdesannées1960,et,plus

généralement,lesémotionsetlesprocessusquilesexplorent.

LesdramesqueRobertFrankatraversés–lamortdesesdeuxenfants,Andrea,safille,en1974etPablo,sonfils,en1994

–,ont transformé ledétachementde sesdébuts en une volonté constantedemiseà nu etd’introspection.Sonœuvre

reconduitdefaçonrécurrentesarecherchedelavéritéetexploredeuxunivers:celuiquientourelephotographeetcelui

qui leconstitue. «Je fais toujours lesmêmes images. Je regarde toujours l’extérieurpouressayerde regarder l’intérieur,

pouressayerdetrouverquelquechosedevraimaispeut-êtrequerienn’estjamaisvrai.»

Sophie Ristelhueber Néeen1949àParis,SophieRistelhueberfait,audébutdesannéessoixantedix,desétudesdeLettreà laSorbonneetà

l’EcolepratiquedesHautesEtudes.Elletravailleensuitedansl’éditionetlapresse.Alarecherched’unevoienouvelle,elle

réponden1980à lacommandede l’artistebelgeFrançoisHersd’untextepouraccompagnersesphotographiescouleur

surlelogementsocial,dontletitreseraIntérieurs(1981).Ellen’écrirafinalementpasdetextemaisferadesphotographies

ennoiretblancdeshabitants.En1980,elleréaliseavecRaymondDepardonlefilmSanClementequisorten1982.Cette

mêmeannées,ellepartàBeyrouth fairedes imagesquidiffèrent radicalementde cellesdiffuséesdans lesmédias:des

structures vides, des façades entamées par les combats, aucune figure humaine, et du noir et blanc.C’est une rupture

conceptuelle avec la tradition du reportage. Loin du pathos et du grand spectacle, Beyrouth, photographies dresse un

constatetfaitlelienentrelesruinesdeguerreetlesruinesantiques:lavilledétruitedevientintemporelle.Lelivred’artiste

quiparaiten1984,avecunpassageduDeRerumNaturadeLucrèce,estpubliéparHazanàParisetThames&Hudsonà

Londres. Il soulève immédiatementde fortes réactions. Il en seraainsiavecplusieursde ses séries emblématiquesoù le

«d’aprèsnature»n’estjamaisévacuémaispenséparl’image.

L’œuvredeSophieRistelhueberestdepuisledébutdesannéesquatre-vingtidentifiéeàdesimagesfortesetretenues,qui

traitent,sans lesraconter,desréalitéscomplexesdumondecontemporain.Cettepratiqueexigeantes’estprolongéedans

d’autresmédiums,selonlemêmesoucid’économiedemoyens.SophieRistelhueberaeneffetréalisédesfilmsetdesvidéos,

travailléaveclesonetdesinstallations.Elleapubliéunedouzainedelivresd’artiste,quisontpourelleaussiimportantsque

lamiseenespaced’exposition.Elleenchoisit lesformatscomme lestextesd’accompagnement.Elleagranditsouventpour

l’exposition laphotographieauxdimensionsdu«tableau»,parfoissous formed’affichescolléesdirectementauxmurs.Le

filmFatigues, réaliséà l’occasiondecettepremièreexpositionmonographiqueenFrance,dans lequelellecommente ses

propres images, confirme le caractère spéculatif de sa démarche. Ce dialogue établi avec les photographies, leur

présentationetuncontexteprécis,sepoursuitdanslessallesduJeudePaumeoùelleamélangélesformats,lesmédiumset

lesséries,ouvrantlargementlelieuàlalumièrenaturelleetauxvuessurlejardin.

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présentations des expositions

Robert Frank LesAméricainsLeprojetd’«étudevisuelled’unecivilisation»,soutenuparWalkerEvans,Brodovitch,EdwardSteichen,AlexandreLiberman

etMeyerShapiro,financéparlabourseduGuggenheim,aboutitàsonpremierlivre,LesAméricains.Pourceprojet,Frank

entraînesa femmeMaryet leursdeuxenfantsdanssonpériplephotographiqueentreavril1955et juin1956:quelques

expéditionsàpartirdeNewYorketunvoyagedeneufmoissurlacôteOuest.IltravailleauLeica,parfoisaugrandangle,

etutiliseenviron700pellicules.Frank senourritdesévénementsetde la réalitéqu’il rencontre,etnond’unprogramme

préétabli.Lalibertédustyle,trèsdirectetquitourneledosauxcanonsdel’esthétiquetraditionnelle,estcomparableàcelle

desécrivainsdelaBeatGeneration–qu’ilneconnaîtpasencoremaisquideviendrontsesamis–,etévoqueégalementles

procédés d’improvisation du jazz. Les lieux et les visages pris à la volée sont souvent flous, la composition est parfois

décentrée,commesi,enallanttrèsvite,lemotifétaitseulementbalayéduregard.Lafréquenceetlaprofondeurdesnoirs

creusentlesimages,créantunfacteurd’abstractionetuntempoquileslieenprofondeur.

Entre1956et1957,ilprocèdeauchoixfinalde84photossurles1000,elles-mêmessélectionnéesparmiles28000clichés

réalisés,etélabore lamaquettedu livrequepublie l’éditeur françaisRobertDelpire,en1958.Dans l’éditionaméricaine,

l’annéesuivante, lapréfaceestécriteparJackKerouacet lesphotographies,présentéesuniquementàdroite,fontfaceà

despagesblanches–alorsque,danslaversionfrançaise,destextescritiquessurlesEtats-Unissetrouvaientenpagesde

gauche.Lelivreestaustère,procheduAmericanPhotographsdeEvans.

La façondont lessujetssont traitésmetenévidence l’artificeet l’aliénation, ladétresseet les inégalitéscruellesdu«rêve

américain», et propose une imagerie très éloignée de celle que l’Amériquemontre généralement d’elle-même à cette

époque.Sur laquatrièmede couverturede lamaquette,Frankavait inscrit: «AmericaAmerica».Ce titre,abandonné,

voulaitrappelerqueleprojets’assimileàunchantetqu’ilréinventeuneforme.Ilenressortunportraitàlafoispoétiqueet

politiquedesÉtats-Unis,paysquiétaitoccupéalorsàconstruiresapropreimage.

RobertFrank,Detroit,1955

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Paris

En1947,RobertFrankaémigréauxÉtats-Unis,oùilobtientrapidementdescontacts,puisdescontrats.Malgrécela,après

unlongvoyageenAmériqueduSuden1948,ilcontinueàfairelanavetteentrel’EuropeetNewYorkde1949à1952.La

majoritédesœuvres iciexposéesontétéprisesàcetteépoque,dans leParisd’après-guerre;certainesontétéagrandies

spécialementà l’occasionduprésentaccrochage.Larueenest lethèmecentral.Leregardduphotographealterneentre

lespassants, les lieuxet lesobjets.Franks’inscritdans la traditionbaudelairiennedu flâneurquiobserve lespectacledes

ruesaugrédesesdéambulations.Sespremièresexpériencesaméricainessemblentavoiraiguisésonregardsur lavieille

Europe,ilestconscientducaractèreéphémèredecequ’ilyvoit.Lesprisesdevuedesboulevards,desjardinspublicsetdes

vendeursderueévoquent lescélèbresphotosdocumentairesréaliséesàParisparEugèneAtget (1857-1927).Franksaisit

les gens dans la subtilité de l’instant: perdus dans leurs pensées debout aumilieu de la foule ou assis dans lemétro,

prostrés sur unbancou lovés sur unepelouse. Il choisitdifférentesperspectives:des vues enplongée,desangles très

profondsoudesphotographiesdepassantsprisespardessus l’épaule,cequidonneune forteprésenceaumotif touten

plaçant lespectateuraucœurde l’image.LesphotosparisiennesdeFrankseprésententdéjàcommeunrécitvisuel–non

pascommeunehistoire,maiscommeunemultituded’instantanésquinousinvitentàunregardplusattentifsuruneépoque

quisereferme.

RobertFrank,Paris,1949-1952

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PullmyDaisy

LepremierfilmdeRobertFrank,PullmyDaisy(1959),aétéréaliséavec lepeintreAlfredLeslie,etc’estJackKerouacqui,

après letournage,enaécrit letexteracontant larencontreentreunévêqueetungroupede jeunespoètes.Ginsberget

Orlovsky,maisaussi lesartistesLarryRivers,AliceNeal,MaryFranket l’actriceDelphineSeyrig,y jouent leurproprerôle.

Dans lacontinuitédesAméricains, l’improvisationet la libertédescadragesetdumontagedePullmyDaisy luiconfèrent

l’aspect d’un documentaire. En réalité, l’apparent chaos du langage cinématographique comme l’absence de structure

narrative, objectifs revendiqués de l’artiste, sont le résultat d’un travail approfondi. Le cinéma de Frank est comme sa

photographie:ilrepousseleslimitesdesgenressanss’yinstaller,carsesfilmssontalimentésparuneexigencedevéritéqui

nesesatisfaitpasdescodesenvigueur.

TrueStory

TrueStory(2004)estlefilmleplusrécentdeRobertFrank.Commentantenvoixoffdesscènestournéesdanssesdomiciles

deNewYorketdelaNouvelle-Écosse,lecinéasterenouedanscefilmaveclesthèmesdelamémoireetdelaperte.True

Story comprenddes extraitsde filmsantérieurs,desphotographies,desœuvresde June Leaf, sa femme, etdes lettres

écritesparsonfilsPablo.Touràtourpoignante,réfléchie,ironiqueetpleinedecolère,cetteautobiographienecherchepas

àenjoliver les faits,nià lesexpliciter.TrueStorynousconfronteà laprofondeurdessentimentsetdesblessures,età la

forcequ’ilfautpourlesdéchiffreretlesemporterducôtéduvivant.

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Sophie Ristelhueber

Vulaines(1989)

Troisdes septdiptyquesquiassocient unephotographie récente en couleur,priseà hauteurd’enfant,de lamaisonde

famillede l’artiste,avecundétailagrandid’unclichénoiretblancprélevédans lesalbumsdefamillesontprésents ici.Les

disparitésdel’âge,del’échelle,deladéfinition,etducadragedecesimagesreprésententetmanifestentàlafoislejeuqui

s’institueentrelepassagedutempsetlesconstructionsdelamémoire.

SophieRistelhueber,Vulaines,1989

Fait(1992)

Aumoment de la guerre duGolfe en 1991, une photo aérienne du désert du Koweït parue dans un Timemagazine,

intrigue Sophie Ristelhueber et la décide à travailler avec une notion d’échelle perdue, entre visions macro et

microscopiques,surcedésertquin’enétaitplusun.Enoctobredecettemêmeannée,ellepasseraquatresemainesà le

sillonneràpied,oudans lesairs,puisplusieursmoisà sélectionner soixanteetonzevuespour réaliserunnouveau livre

d’artiste au format de poche et une exposition de tirages grand format, dont la plupart sontmontrés ici. Ces traces

éphémères des conflits sur la surface du désertévoquent autant des scarifications sur un corps, que l’abstraction de

l’Élevagedepoussière,deManRayetMarcelDuchamp,imagefondatricepourSophieRistelhueber.

SophieRistelhueber,Fait#20,1992

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EveryOne(1994),(#8et#14)

Sontprésentées icideuxdesquatorzephotographiesdecorpsmarquésd’unesuturerécente,agrandiesà l’extrême,que

Ristelhueber a réalisées à Paris en 1992 et 1993 à la suite d’un premier voyage en Yougoslavie en juillet 1991 avec

l’écrivainJeanRolin.InvitéeàexposerFaitàl’ObalaArtcenteràSarajevoen1994,lescirconstancesconduisentl’artisteà

colleraumursesimagessousformedephotocopiesetelleyajouteuneimagedeEvery0nequ’ellevientdemontrerpour

lapremièrefoisàUtrecht.

SophieRistelhueber,Everyone#14

L’airestàtoutlemondeI(1997)

estuneritournelled’enfancedevenueuncollagedepetitscadresavec les lettrescomposant laphrasetitre.Sous lemême

titreexistenttroisautresinstallations(2000–2002),comprenantchaquefoisuneimagegrandformatcolléeàunanglede

l’espaceetaccompagnéedel’enregistrementsonoredumomentdesaprisedevue.

1999(1999)

estunepiècesonoreconceptuelleetpleined’humour.L’artisteademandéàuncommissairepriseurdel’étatdeNewYork

de«psalmodier»,commeillefaitd’habitude,lamiseauxenchèresdeladernièreannéedumillénaire.

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LaListe(2000)

Auprintemps 2000, invitéepar l’HôteldesArtsde Toulon,à travailler sur ledépartementduVar,Sophie Ristelhueber

réalise 22 photographies en couleur de grand format et les colle sur les murs du lieu, afin de jouer sur la relation

intérieur/extérieur.Elledemandeparailleursàl’acteurMichelPiccolidelirelesnomsdeslocalitésdudépartement,(plusde

2000) comme si cette litanie réaffirmait l’identitéde la région.Enécoutant cesnoms,onpeut se tourner vers l’unedes

photographiesdeLaListe,engrandformat,largementévidéeautourdelagrandebaievitréequiouvresurlaperspective

desTuileriesjusqu’aupavillondeMarsan.

Irak(2001)

Lors d’un long voyage, en janvier 2000, en Irak, où se situe la Mésopotamie, berceau de notre civilisation, Sophie

Ristelhueber découvre une immense palmeraie fracassée et calcinée. Elle décide de ne retenir de ce voyage que cette

vision,etlatraduitaveccetriptyque.

WB(2005)

Pourrendrecompteànouveaude l’usageviolentquiest faitde la terre,SophieRistelhueberdécidedurant l’hiver2003-

2004 de relever les différentes formes et matériaux utilisés pour couper les routes et chemins en Cisjordanie, plus

communémentappeléeWestBank,dont les initialesforment le titrede l’œuvre.Sontmontrées iciunevingtained’images

surles54quicomposentlasérie.

SophieRistelhueber,WB#7,2005

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Stitches(2005)

consisteenunedouzainedebroderiesaupointdecroix,avecpourmotifdesmotsprélevésdanslesdiscoursdeGeorges

Bush,etunesérie,nonexposéeici,dedétailsdusoldesvillespalestiniennes.Laviolenceetl’actualitédudiscourspolitique

sonticiconfrontéesàlafragilitéetàl’obsolescencedelabroderie.

ElevenBlowups(2006)

estuneœuvredontlaprésentationestconçueenfonctiondechaquelieu.Icicesonttroisdesonzeimagesdelasériequi

sontcolléesdirectementsurlesmursduhalld’entréepourdialoguer«bordàbord»aveclejardindesTuileries.C’estune

imaged’actualitéquiadéclenché,commesouvent,chez l’artiste leprocessusd’unnouveautravail:cellede l’attentatà la

voiturepiégéecontreRaficHariiàBeyrouthle14février2005.Dansl’impossibilitéderetournerenIrak,SophieRistelhueber

consulteralonguemententre2003et2006,àl’agenceReutersàLondres,lesrushesdevidéosdescameramenirakienssur

lesattentatsà lavoiturepiégéeen Irak. Lesvues,prisesau rasdu sol,desénormes cratères causéspar l’explosion, lui

inspirentcesimagesquiutilisentparfoisdesmorceauxdepaysagesphotographiésaucoursdesonvoyageirakienen2000,

oudesélémentshétéroclitesdeprécédentsvoyages.

LeChardon(2007)

Invitéeàfaireuneœuvredans leparcduVercors,SophieRistelhueberachoisideréaliserunfilm.Elleysuitauplusprès,

entroistravellings,lamatièredesrochesnoiresd’unegorgeetcelled’unerouterapiécée.Envoixoff,unrécitdeTolstoï,lu

parMichelPiccoli,évoque,surlemodedusouvenir,lavitalitéetlarésistancedelanaturefaceauxdestructionsprovoquées

parl’homme.

-SophieRistelhueber,Lechardon,2007

Fatigues(2008)

réalisépourcetteexpositionenachève leparcours.Letitreseréfèreà lafoisaumomentde lafind’untravail,etaumot

anglaisfatiguesquidésignelesvêtementsdetravail.SophieRistelhuebermetenscènetroisimagesextraitesdesontravail,

trèsagrandies,colléesaumurouausol.Lesmouvementsdecaméraet labandesonmettentenscène lesquestionsqui

traversentsadémarche,etprolongentsesinterrogationssurleséchellesphysiquesdesterritoires,inscrivantsoncorpsetsa

voixdansledécor.

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Mario García Torres PourleJeudePaume,MarioGarcíaTorresaimaginéunprojetintituléIlauraitbienpulepromettreaussiquioccupetrois

espacesdifférents:lessallesd’exposition,lalibrairieetlapublication.Lelivreregroupeleslettresécritesparl’artistesurles

papiersàen-têtedeshôtelsoùilaséjournéàl’occasiondesesprojetsd’exposition:ilyprometinvariablementdefairede

sonmieuxen tantqu’artiste.Danscertainsouvragesenventeà la librairieduJeudePaume,GarcíaTorresaglissédes

cartespostalesdediversescompagniesde transport sur lesquelles ila reformulé lemêmeengagement.Dans leFoyer, il

présenteundiaporamade vuesde chambresd’hôtel japonaisesoù ila séjourné;enbande-son,une chansondont les

paroles reprennent lespromesses formuléesdans ses lettresetquiestégalementdiffuséeenMezzanineaumoyend’un

tourne-disque.Cesquatreinterventionsliéesentreellesévoquentselonl’artistel’histoire«unriencryptiqued’unepersonne

qui travailleavec lecinéma, laphotographie,etplusparticulièrement lesous-titrage».Ceséléments,récurrentsdansson

travailcesdernièresannées, luipermettentdecréerunesorted’alteregopourqui leprocessusd’expositionsupposeun

processusderéflexionsursadémarcheartistique,unepenséecritiques’inscrivantdansletempsetunemiseensuspensde

l’action.

MarioGarcíaTorresetMarioLopezLanda,IPromiseEveryTime,2008

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références contemporaines

labiographiedansl’œuvre

ChristianBoltanski

MarcelDuchamp

Gilbert&George

NanGoldin

AnaMendieta

CharlotteSalomon

FrançoisTruffaut

AndyWarhol

WilliamWegman

mélangesaveclecinéma

Eija-LiisaAhtila

MatthewBarney

JordiColomer

TacitaDean

StanDouglas

DominiqueGonzalesFoerster

YangFudong

RodneyGraham

PierreHuyghe

MarkLewis

SteveMcQueen

ValérieMréjen

FrancescoVezzoli

relationàl’Histoire

Eija-LiisaAhtila

ClaireFontaine

HarunFarocki

PeterFriedl

ArnaudGisinger

WilliamKentridge

ChrisMarker

AntoniMuntadas

RithyPanh

AllanSekula

AkramZaatari

distancecritiqueetimagesd’actualité

VictorBurgin

ClaudeClosky

Erro

OmerFast

JohanGrimonprez

AlfredoJaar

KahlilJorreigeetJohannaHadjithomas

RabiMroué

GerhardRichter

MarthaRosler

ThomasRuff

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références littéraires

Cette follesensationd’Amériquedans lesrues torridesquand lamusiquesortdu juke-boxoudu funerald’àcôté,

c’est ceque Robert Franka captédans ces clichés étonnantspris enparcourant les48 Etats,pratiquement,au

volantd’unevieillevoitured’occasion(grâceà [uneboursedu]Guggenheim); ilaphotographiéavecagilité,sens

dumystère,génie,etavec la tristesseet l’étrangediscrétiond’uneombre,desscènesqu’onn’avaitencore jamais

vuessur lapellicule.Dequelgrandart ilfaitpreuve ici,onva lereconnaîtreunefoispourtoutes. […]Legoût, la

tristesse, lecôtéça-ou-autre-chose, l’américanité,deces images!Legrandcow-boymincequiserouleunmégot

devantMadisonSquareàNewYorkà l’époquedu rodéo, triste, interminable, incroyable– ce long coupde la

routedenuitfilantenflècheéperduedans les immensitésplatesd’uneAmériqueà-ne-pas-le-croireauNouveau-

Mexiquesousunelunepourprisonnier–souslescoupsdeguitaredesétoiles.Oulavieillebonnefemmehagarde

de Los Angeles, désoignée, se penchant à travers la vitre avant de la voiture de Grand’Pa’, curieuse, c’est

dimanche, labouchebéantepleinedecommentairespourexpliquer l’Amérikauxgossessur labanquettearrière

éclaboussée – Le gars tatoué qui dort sur l’herbe dans un parc de Cleveland, ronflant àmort aumonde un

dimancheaprès-midiremplideballonsetdevoiliers–HobokenNew-Jerseyenhiver,uneplate-formebourréede

politiciensquiont tous l’airconvenu jusqu’àcequ’auboutàdroitevousenvoyiezun laboucheencul-de-poule

mâchantuneoraisonpolitico(ilréprimeunbâillementsansdoute)toutlemondes’enfiche–Unvieilhommedebout

hésitant sur une cannede vieux sous un vieil escalierdepuis longtempsdescendu –Undingue siestant sous un

drapeauhoussesurunsièged’autoépavedansune fantastiquearrière-couràVeniceCalifornie, jepourraism’y

asseoiretjeter30.000motssurlepapier(quandj’étaischeminotserre-frein,onfrôlaitdesarrière-courscommeça

en sepenchantdepuis levieuxbastringueàvapeur)bouteillesde tokayvidesdans l’herbedespalmiers.Robert

ramassedeuxstoppeursetleurpasselevolant,lanuit,etlesgensregardentlesdeuxvisages,leurairsinistretendu

dans lanuit(çamerappelleAllenGinsberg:«Desangesvisionnaires indiensquiétaientdesangesvisionnaires»),

etlesgensdisent«Ooh,quellesalegueule»,mais,eux,toutcequ’ilsveulent,c’ests’enfilerlarouteetretournerau

pieu–Robertest làpournous ledire–SaintPetersburgFloride lesvieux typesà laretraitesurunbancdans le

traficde lagrand-rue,appuyés sur leurs cannes, causantde sécurité sociale, et une espèced’incroyablebonne

femmeSéminole, jedirais,àmoitiénégresse, tirant sur sacigaretteperduedans sespensées,elleestpurecette

imagecommeduplusbeau solo ténorde jazz…Des imagesaussiaméricaines…!Ces figuresne fontpasde

proclamationsnidecommentaires,ninedisentautrechoseque«Voilànotre façond’êtredans lavieréelle,etsi

vousn’aimezpas çà, jene veuxpas le savoirparceque je visma vieàmoi,àmamanièreetqueDieunous

bénisse,espérons…»«sinousleméritons…».Quelpoèmetoutça,etquelspoèmespourraécrireunjouravecce

livred’imagesunjeuneécrivaindéfoncépenchésurellesàlabougiepourendécrirechaquemystérieuxdétailnoir

etblanc,ce filmgrisquiasaisiàpoint le jusbiencuitde l’espècehumaine,sic’est le laitde l’humaine-itéoude

l’humainebontéselonShakespeare,aucuneimportancequandvousregardezcesimages.Mieuxqu’unshow.

JackKerouac,extraitdelapréfacedeLesAméricainsdeRobertFrank,

traductiondeMichelDeguyParis,EditionsDelpire,1958,1985,pp.1-2

-17-

Et l'onn'osepascroireque lasubstancedecevastemondeestréservéeà lamortetà laruine, lorsqu'onvoitde

tellesmassesdeterreprêtesàs'écrouler!Quesilesventsnereprenaienthaleine,nulleforcenepourraitarrêterla

chutedes choses,ni les ramenerenarrièredans cette courseà lamort.Mais comme tourà tour ils reprennent

haleineetredoublentdeviolence,commeilsseformentetreviennentàlachargepuissontrepoussésetbattenten

retraitetouràtour,laterre,grâceàcejeu,menaceplussouventruinequ'ellenetomberéellement;ellesepenche

eneffet,puisseredresseenarrière,etaprèsavoirfaillitomberellereprendsonéquilibreetsaplaceordinaire.

extraitdeLucrèce,Denaturarerum

dansSophieRistelhueber,BEYROUTH,1982

Pourconnaîtrelecaractèred'unhomme,ilsuffiraitdeprendreunfauteuiletd'allersansbruits'asseoirdevantlui

commedevantuneruchevitrée,afindecontemplersonâmeànu;àloisironobserveraittoussesmouvements,

sesrouages,lanaissanceetlesmuesdeseslubies;onlaverraitvivreenliberté,gambader,s'aventurer,suivreses

caprices, et après avoir noté encore les attitudes plus solennelles qui suivent nécessairement gambades,

aventures,etc.,ilsuffiraitdeprendresaplumeetdecouchersurlepapierstrictementcequ'onauraitvu,sousla

foiduserment.

extraitdeLaurenceSterne,VueetopiniondeTristramShandy,1946,livrel,chapitreXXIII

dansSophieRistelhueber,LESBARRICADESMYSTÉRIEUSESIl,1989-1995

J'airencontré,

surlesrivesduLot,

lerhinocéros,

lemammouth

etl'homosapiens.

LemondeN'étaitpasunpaysage.

extraitdeSophieRistelhueber,MÉMOIRESDULOT,1990

Unâgeva,unâgevient,maislaterretienttoujours.Lesoleilselève,lesoleilsecouche,ilsehâteverssonlieuet

c'estlàqu'ilselève.Leventpartaumidi,tourneaunord,iltourne,tourneetva,etsursonparcoursretournele

vent.Touslesfleuvescoulentverslameretlamern'estpasremplie.Versl'endroitoùcoulentlesfleuvesc'estpar

làqu'ilscontinuerontdecouler.Touteparoleest lassante.Personnenepeutdireque l'œiln'estpasrassasiéde

voir,etl'oreillesaturéeparcequ'elleaentendu.Cequifut,celasera,cequis'estfaitserefera,etiln'yariende

nouveau sous le soleil.Qu'ilyaitquelque chosedonton sedise « tiens,voilàdunouveau », cela futdans les

sièclesquinousontprécédés.Iln'yapasdesouvenirsd'autrefois,etmêmepourceuxdestempsfuturs:iln'yaura

d'euxaucunsouvenirauprèsdeceuxquilessuivront.

extraitde«L'Ecclésiaste»dansLaBibledeJérusalem

dansSophieRistelhueber,MÉMOIRESDULOT,1990

-18-

[…]ne trouved'ailleursaucunedifficultéà séparer l'unede l'autre lesdiversesactivités, lorsqu'on considère les

forcesarméesetéquipéescommedesmoyensdonnés,dont ilsuffitpours'enservirefficacementdeconnaître les

principaux effets. Au sens strict, l'art de la guerre est donc l’art de savoir se servir au combat de moyens

déterminés,etnousnesaurionsmieuxledésignerqu'enlenommantconduitedelaguerre.Ilestvrai,d'autrepart,

quel'artdelaguerre,ausenspluslarge,englobetouteslesactivitésquesuscitelaguerre,parconséquenttoutela

création des forces armées, c'est à dire le recrutement, l'armement, l'équipement et l'entraînement. Pour que la

théorierecouvrelaréalité,ilimporteessentiellementdeséparercesdeuxactivités,caronconçoitsanspeine,sitout

artde laguerredevaitcommencerpar l'organisationdesforcesarméeset leurcoordinationselonsesrégies,que

cetartneseraitapplicablequ'auxraresoccasionsoù lesforcesarméesexistantescorrespondraientexactementà

cesrègles.Maissil'onveutdisposerid'unethéoriequis'appliqueàlagrandemajoritédescassansêtrejamaistout

àfaitinutilisable,celle-cidoitsefondersurleplusgrandnombredemoyensdecombatordinairesetsurleurseffets

essentiels.Laconduitedelaguerreestdoncl'ordonnanceetlaconduiteducombat.Silecombatconsistaitenune

seuleaction,toutedivisionsupplémentairen'auraitaucunsens.Maislecombatconsisteenunplusoumoinsgrand

nombred'actionsdistinctesquiformentuntoutetque[…]

en1èreet4èmedecouverture,extraitsdeCarlvonClausewitz,Delaguerre(1832),

Paris,ÉditionsdeMinuit,1955

dansSophieRistelhueber,KOWEIT,1991

Dans cette jouteoù tous lesmoyens leurétaientbonspour triompher lesunsdesautres, ilsosèrent lepire,et

poussèrentplusencore leursvengeances,car ilsne lesexerçaientpasdans les limitesde la justiceetde l'utilité

publique,mais ils les fixaientselon leplaisirqu'ellespouvaientcomporteren l'occurrencepourchaquecamp;et

quecefutparunecondamnationissued'unvotejusteouensesaisissantparforcedupouvoir,ilsétaientprêtsà

satisfaireleursrivalitésimmédiates.Ainsi,uneconduitepieusen'étaitenusagedansaucundesdeuxcamps,mais,

grâceàdesparolesspécieuses,arrivait-onàréussirdesentreprisesodieuses,onygagnaitenrenom.

Thucydide,HistoiredelaguerreduPéloponnèse,VesiècleavJC.

dansSophieRistelhueber,EVERYONE,1994

L'espacenousaccapare.Nousnepossédonsde luique ceque l'œilpeutparcourir.Mais ilnousépuise,nous

effraie,nousappelle,nouschasse.(recto)

Nousnous imaginonsqu'ilnousvoit,maisnousn'avonsaucune importanceàsesyeux,nousdisonsquenous le

maîtrisonsmaisnousnefaisonsqueprofiterdesonindifférence.(verso)

VingtfemmesdanslejardinduLuxembourgetdanslesensdesaiguillesd'unemontre

-19-

SainteBathilde,reinedeFrance,tientdanssamaingaucheunmanuscritintituléAbolitioservitutisetretientdela

maindroitelepangauchedesonmanteau.Coiffure:deuxtressesattachéesenarrière.Bijoux:unpendentifavec

croix.Expression:déterminée.

BertheouBertrade, reinedeFrance, tientun sceptredans samaindroiteetporteune statuetteendommagée

d'homme assis au creux de la gauche.Coiffure: deux très longues tresses doubles. Bijoux: néant. Expression:

volontaire.

LareineMathilde,duchessedeNormandie,tientunsceptrefleurdelisédanssamaindroiteetretientdelagauche

lagarded'uneépéedont lapointereposesur lesol.Coiffure.:deuxtressesattachéesenarrière.Bijoux:néant.

Expression:décidée.

SainteGeneviève,patronnedeParis, croise lesbras sur sa taille.Samaingauche tientunpetitparchemin, la

droite retenant le pan gauche de sonmanteau.Coiffure: deux très longues tresses asymétriques. Bijoux: une

médaille.Expression:méditative.

MarieStuart,reinedeFrance,tientunlivredanssamaingauche-àlaquellemanquentdeuxdoigtsetretientde

samaindroiteunpandesonmanteau.Coiffure:cheveuxmi-longsbouclésdégageantlevisage.Bijoux:uncollier.

Expression:nostalgique.

Jeanned'Albret, reinedeNavarre, tientun styletdans samaindroiteetunparchemin roulédans lagauche.

Coiffure:cheveuxcourtsbouclés.Bijoux:néant.Expression:inspirée.Présencedegrosseins.

ClémenceIsaure,dontlamaingauchereposesurl'appuid'unmeubleetlecoudedroitsuruntroncd'arbre,lève

en sedéhanchant samaindroitequicontientunobjetnon identifié, retenuparunecordeenrouléeautourdu

poignet.Coiffure:bandeaux.Bijoux:unpendentifaveccroix.Expression:rêveuse.

AnneMarieLouised'Orléans,duchessedeMontpensier,quitientdanssamaindroiteunepairedegantsetun

bâtonenrubanné, tendunemaingaucheaccueillanteet laissependreunpande sa robe sur sonavant-bras.

Coiffure:cheveuxenrouleauxjusqu'auxépaules.Bijoux:néant.Expression:indifférente.

LouisedeSavoie,régentedeFrance,désignelesoldel'indexbrisédesamaindroitequicontientunobjetoblong

égalementdétérioré,samaingaucherelevant légèrementunpandesarobe.Coiffure:cheveuxtirésenarrière

sousunlongvoile.Bijoux:néant.Expression:autoritaire.

Marguerited'Anjou,reined'Angleterre,pointeégalementl'index-intact-desamaindroiteverslesol,sonbras

gauche replié sur un enfant qui l'étreint, dressé sur la pointe des pieds. Coiffure: invisible sous une coiffe

complexe.Bijoux:néant.Expression:fièremaissoucieuse.

-20-

LauredeNoves,dontlesavant-brassecroisentsursonventre,tientunpapierpliédanslamaindroite,lagauche

maintenant le pan gauche de sonmanteau.Coiffure: cheveux courts frisottants. Bijoux: un collier. Expression:

résignée.

MariedeMédicis, reinede France, tientun sceptredans samaingaucheet laissependreunmouchoirde la

droite.Coiffure:cheveuxfrisésenexpansionsurlestempes.Bijoux:néant.Expression:peuaimable.

Marguerited'Angoulême,reinedeNavarredontlebrasgaucheestramenélelongdesonbuste,posel'indexde

samaingaucheunpeuendeçàde lapointedumenton,sonbrasdroitcroisésursatailleseprolongeantd'une

mainqui tientunbouquetdequatremarguerites.Coiffure:cheveuxcourts frisottants.Bijoux:néant.Expression:

avenantemaisposeuse.

ValentinedeMilan,duchessed'Orléans, retientunpandesa robede lamaindroite, lagauche tenantun fort

volume reliépardes ferruresetdont le titreestpartiellementdissimulépar sonpoignet.Coiffure:cheveuxmi-

longs.Bijoux:néant.Expression:dubitative.

AnnedeBeaujeu,régentedeFrance,croiselesbrassursataille,samaingauchesoutenantsonavant-brasdroit,

samaindroiteenpronation.Coiffure: invisiblesousunecouronneàoreilles.Bijoux:néant.Expression:hautaine

sansarrogance.

BlanchedeCastille,reinedeFrance,tientdans lamaindroiteunlongbâtonappuyécontresonépaule,samain

gaucherabattuesur la taillecontenantunpetitobjetnon identifiablecarpeut-êtredétérioré.Coiffure: invisible

sousunecouronneetunvoile.Bijoux:néant.Expression:absentemaisdigne.

Anned'Autriche,reinedeFrancequilaissependresesbraslelongducorps,tientunsceptredanslamaingauche

et,partiellementdéroulédansladroite,unparcheminportantledessind'unbâtiment.Coiffure:cheveuxbouclés

tombantsurlesépaulesetréunisderrièrelecrâneparunchignon.Bijoux:néant.Expression:bonhomme,unpeu

hébétée.Présencedegrosseins.

Anne de Bretagne, reine de France, retient de lamain gauche le pan droit de sonmanteau, samain droite

relevéeàhauteurde l'épaulesupportantun jeudecordelettesàglands.Coiffure: invisiblesousunecouronneà

oreilles.Bijoux:néant.Expression:butée.

MargueritedeProvence,reinedeFrancedont lesbrasballantssontcroiséssur leventre,retiententresesmains

un flotd'étoffede sonmanteau.Coiffure:bandeauxencadrant tout levisage.Bijoux:unpendentifavec croix.

Expression:patiente.

-21-

SainteClotilde, reine de France accoudée à une colonne, croise sesmains l'une sur l'autre à hauteur de sa

poitrine.Coiffure:deuxtrèslonguesdoublestresses.Bijoux:néant.Expression:lointaine.

en1eet4edecouverture,extraitdutextedeJeanEchenoz,LeDervicheetlamortdeMesaSelimovic,

Paris,Gallimard,1977

dansSophieRistelhuber,Luxembourg,MuséeZadkineetParisMusées,2002

«Qu'est-cequejefaislà,anéantie,surletoitdecettevoiture?Est-cequejemedis«qu'ilestdouxdesetenirsain

etsaufsur lerivageàregarder lesautres lutteraumilieudescourantsdéchainésetdesventsfurieux.Nonqu'il

aitduplaisirà tirerdumalheurd'autrui,mais ilestdouxd'êtreépargnéeparun teldésespoir? ».Sansdoute,

commeartiste,suis-jemoiaussienguerre.

extraitdeLucrèce,Denaturarerum,II,1-5

etuneintroductiondesversparSophieRistelhueber,WB,

Genève,ThamesandHudson/CabinetdesEstampes,2005

-22-

orientations bibliographiques

Robert Frank

livresdel’artiste

Indienspasmorts,Paris,ÉditionsRobertDelpire,1956

NewYorkIs,NewYork,NewYorkTimes,1957

LesAméricains,Paris,ÉditionsRobertDelpire,1958;dernièreréédition,2007

TheAmericans,NewYork,ÉditionsGrovePress,1959

PullmyDaisy,NewYork,ÉditionsGrovePress,1961

ZeroMostelReadsaBook,NewYorkTimes,1963

TheLinesofMyHand,NewYork,LustrumPress,1971

Onehour(photographiedecouvertureparMichaeRovner),HanumanBooks,1992,Göttingen,SteidlPublishing,2007

ComeAgain,Göttingen,SteidlPublishing,2006

Meandmybrother,Göttingen,SteidlPublishing,2007

Polaroïds,Göttingen,SteidlPublishing,2009(àparaître)

filmsdel’artiste

PullmyDaisy,RobertFrank,1959,30min,n/b

TheSinofJesus,1961,50min,n/b.

OKandHere,1963,30min,n/b

MeandMyBrother,1964,90min,N/Betcl

ConversationinVermont,1969,30min,n/b

Life-raftEarth,1969,30min,n/b

Aboutme–amusical,1971,40min,n/b

CocksuckerBlues,1972,90min,n/betclr,censuré

KeepBusy,réaliséavecRudiWurlitzer,1975,40min,n/b

LifeDancesOn…,1979,30min,n/betclr

EnergyandHowtoGetit,réaliséavecRudiWurlitzeretGaryHill,1981

ThisSongforJack,1983,30min,n/b

TrueStory,2004,26mn

ouvragesetcatalogues

RobertFrank,textedeRobertFrank,CentreNationaldelaPhotographie,Paris,1983(réédition2001)

RobertFrank,NewYorktoNovoScotia,Göttingen,SteidlPublishing,1986

-23-

RobertFrank,Movingout,Scalopublishers1994,rétrospectiveNationalGalleryofArt,Washington,1995

RobertFrank:London/Wales,Göttingen,SteidlPublishing,2007

RobertFrank:Paris,sousladirectiondeUteEskildsen,Göttingen,SteidlPublishing,Jeudepaume,2008

GillesMora,LaPhotographieaméricaine1958-1981,TheLastPhotographicHeroes,Paris,LeSeuil,2007

TodPapageorge,WalkerEvansandRobertFrank:AnEssayonInfluence,YaleUniversityArtGallery,1981

ressourcesenligne

PhilippeDeJonckheere,RobertFrank,Mémoiredefind’étudesdel’EcoleNationaleSupérieuredesArtsDécoratifs,soutenu

enjuin1990,versionenligne2001et2005surlesite:

http://www.desordre.net/photographie/photographes/robert_frank/robert_frank.html

Sophie Ristelhueber

livresdel’artiste

Intérieurs,avecFrançoisHers,Bruxelles,Archivesd’Architecturemoderne,1981

Beyrouth,Photographies,Paris,Hazan,1984

MémoiresduLot,1990

Fait,Paris,Hazan,1992.

Everyone,Paris,1994

Aftermath,Londres,ThamesandHudson,Londres,1994

LesBarricadesmystérieusesII,Genève,CabinetdesEstampes,1995.

Laliste,Toulon,HôteldesArts,2000

Détailsdumonde,avecBrutvanCheryl,Arles,ActesSud,2002

WestBank,Londres,ThamesandHudson,2005

ElevenBlowups,Paris,Bookstorming,2006

Opérations,Quimper,LeQuartier,2007

Opérations,Paris,JeudePaume,CNAP,Lespressesduréel,2009

ouvragesetmonographies

AnneAlessandri,ChristopheDomino,Géographiques,Territoiresvécus,territoiresvoulus,territoiresfigurés,Fondsrégional

d’ArtContemporaindeCorse,1997

PaulArdenne,L’artdanssonmomentpolitique,Bruxelles,ÉditionsLaLettrevolée,2000

PaulArdenne,L’imageducorps,figuresdel’humaindansl’artduXXèmesiècle,Paris,ÉditionsduRegard,Paris,2001

DominiqueBaqué,Pourunnouvelartpolitique,del’artcontemporainaudocumentaire,Paris,ÉditionsFlammarion,Paris,

2004

DominiqueBaqué,Photographieplasticienne,l’extrêmecontemporain,Paris,Éditionsduregard,2004

SophieBiass-Fabiani,LaListe,Toulon,HôteldesArts,2000

Jean-FrançoisChevrier,«Lafixitéetl’absence»,dansIntérieurs,Bruxelles,Archivesd’Architecturemoderne,1981

-24-

PhilippeDagen,L’artimpossible,Paris,ÉditionsGrasset,2002

ArletteFarge,LachambreàdeuxlitsetlecordonnierdeTel-Aviv,Paris,ÉditionsduSeuil,2002

ChristianGattinoni,LaphotographieenFrance(1970-2005),éditionsCulturesfrance,Paris,2006

AnnHindry,SophieRistelhueber,Paris,ÉditionsHazan,1998

PierreLeguillon,Désirsd’ailleurs,Arles,ÉditionsActesSud,1998

NathalieLeleu,LePaysagecommeBabel,Paris,GalerieLesFillesduCalvaire,2001

RainerMichaelMason,LaSphèredel’intime,LePrintempsdeCahors,Arles,ÉditionsActesSud,1998

ValériePicaudé,LaConfusiondesgenresenphotographie,Paris,BNF,Paris

MichelPoivert,LaPhotographiecontemporaine,Paris,ÉditionsFlammarion2002

AnneMondenardetJohnPultz,LeCorpsphotographié,Paris,ÉditionsFlammarion,1995

JacquesRancière,Lespectateurémancipé,Paris,Lafabriqueéditions,2008

AndréRouillé,LaPhotographie,entredocumentetartcontemporain,Paris,ÉditionsGallimard,2005

AlexandraSaemmer, «LeLuxembourgdeSophieRistelhueberetde JeanEchenoz»,dansJeanEchenoz,«une tentative

modeste de description du monde », sous la direction de Jean-Bernard Vray et Christine Jerusalem, Publications de

l’UniversitédeSaint-Etienne,2006

JacquelineSalmon,Entrecentreetabsence,Paris,ÉditionsMarval,2000

ValWilliams,Women,PhotographyandtheIconographyofWar,Londres,ViragoPress,1994

Paysagesphotographiés,laMissionPhotographiquedelaDATAR,travauxencours,Paris,ÉditionsHazan,1985

ressourcesenligne

«Lamiseànudeschoses,entretienavecSophieRistelhueber»,proposrecueillisparPhilippeMangeot&LaureVermeersch,

dansVacarmen°37,chantierartistesenguerre,automne2006,enlignesurhttp://www.vacarme.org/rubrique219.html

LesitepersonneldeSophieRistelhueberestencoursdeconstruction.Ilseratrèsprochainementaccessibleenligne.

Mario García Torres Neutre intense, textesdeChristopheGallois,entretiensavecThomasClerc,Philippe-AlainMichaud,DominiquePetitgand,

contributionsdeAurélienFroment,GuillaumeLeblon,LisaOppenheim,RaphaëlZarka,Montreuil,Maisonpopulaire,2008

MarioGarcíaTorres,Ilauraitbienpulepromettreaussi,Paris,JeudePaume,2008

MarioGarcíaTorres,RaimundasMalasauskas,SteveRushton,DateDue,Paris/FrancfortsurleMain,KadistFoundation/

Revolver,2007

Christine Van Assche,MarkNash,Chantal Pontbriand, Une vision dumonde enmouvement, Lamaison rouge / Fage

éditions,Paris,2006

ElisabethWetterwald,“MarioGarcia-Torrès:Someplacestowitchwecancome”,Paris,20/27n°2,2008,p.119

-25-

glossaire

beatgeneration

L’expression«BeatGeneration»décrità la foisunmouvement littéraireetunerébellionsocialeaméricaine,nésdans les

années50,aprèslasecondeguerremondialeetlabombeatomique.JackKerouacquiainitiéletermeseréfèreaurythme

dejazzetàlanotionreligieusede«Béatitude».AllenGinsbergadécritlesBeatmencommedes«hipstersàtêtesd'anges»

(«l'hipsterisme»faitoriginellementréférenceauxeffortsdecertainsnoirspouratteindreledétachementabsolu,pourrester

«cool»etéchapperaurôleauquellesassignelasociétéaméricaine,etsontàl’originedu«cooljazz»).

LaBeatgénération,mouvement symboliquede l’Amériquedesannées1950et1960,estnéede l’amitiéentre

quatre homme: Jack Kerouac, AllenGinsberg,Neal Cassady etWilliam Burroughs. Cette amitié tourne au

manifeste.En1952,JohnClellonHolmesofficialise,dansunarticleduNewYorkTimesMagazine,etd’aprèsune

définitionde JackKerouac, le terme «beat»: «cela signifieêtre,d’une façonnondramatique,aupiedde son

propremur». En1957,Sur la routede JackKerouacdevient le symbolede la liberté,de la contestationdes

valeurs bourgeoises et de la révolte face à la cupidité dumonde.Unmouvement est né qui revendique ses

engagementspolitiques et son refusde la courseà l’argent. La Beatgénération seraà l’originede la vague

protestatairequiatteindrasonapogéeen1968lorsdurassemblementdeWoodstock,etelleposeralesbasesde

laculturemodernedesannées70.

AlainDister,LaBeatGeneration.Larévolutionhallucinée,Paris,Découvertes-Gallimard,1997

distanciation

Bertolt Brecht (1898-1956), dramaturge, metteur en scène et poète allemand, est aussi le père de la théorie de la

distanciation théâtrale : s’éloignantdu jeunaturaliste classique, ilprôneunemiseen scènenon réaliste, comportantdes

panneaux indicatifs,desapartésetdes intermèdes relevant souventde l’adressedirecteaupublic.Mais ce «didactisme»

n’estpasunabandondujeuauprofitdel’explication.C’estplutôtuneneutralisationdumécanismehabitueld’identification

entre le spectateur et les personnages (mais aussi entre les acteurs et les personnages qu’ils interprètent). De cette

identification, Brecht critique les effets affectifs bruts, à l’opposé des ambitions d’exploration des réalités humaines qu’il

attribueauthéâtre.

document/documentaire

Dulatin,documentumcequisertàinstruire

1°)toutécritquisertdepreuveouderenseignement

2°)toutcequisertdepreuve,detémoignage

LePetitRobert

Undocumentestunobjet (un texteouune image)déterminéparunefonction informative,c’estunpointdedépartpour

une investigation ou la construction d’un savoir qu’il ne formule pas mais dont il constitue un élément de vérité. La

photographie,entantqu’empreinteressemblanteduréel,estd’embléeassociéeaustatutdedocumentetdoncàlanotion

-26-

devérité.Lemot«documentaire»apparaîtdans la terminologiede laphotographiedès lesannéesvingt,et la légende

l’attacheàuncommentairejournalistiquedufilmdeRobertFlaherty,Moana,en1926.

Documentaire?Voilàunmottrèsrecherchéettrompeur.Pasvraimentclair.[…]Letermeexactdevraitêtrestyle

documentaire (documentarystyle).Unexemplededocument littéralserait laphotographiepolicièred’uncrime.

Undocumentadel’utilité,alorsquel’artestréellementinutile.Ainsi,l’artn’estjamaisundocument,maisilpeuten

adopter le style.Onmequalifieparfoisde «photographedocumentaire»,mais cela suppose la connaissance

subtilede ladistinctionque je viensde faire, etqui estplutôt neuve.Onpeutopérer sous cettedéfinition et

prendreunmalinplaisiràdonner lechange.Trèssouvent, je faisunechosealorsqu’onmecroiten traind’en

faireuneautre.

WalkerEVANS,«InterviewwithWalkerEvans»,parLeslieKatz,ArtinAmerica,mars-avril1971,p.87

expression/exprimer

Actionpar laquelleonexprime lesuc, le jusdequelquechose.Lesucdesherbesse tireen troismanières,par

expression,parinfusion,pardécoction.Huilestiréesparexpression.

Ilseditaussidujusmêmequ'onexprime.Uneexpressiondecitron.

Expression,signifieaussi,lestermesetlestoursdontonsesertpourexprimercequ'onveutdire.

DictionnairedeL'Académiefrançaise,5èmeédition,1798

Ausenspropre,exprimer,c’estpressersurquelquechosepourenfairesortircequisetrouvaità l’intérieur.Au

sensfiguré,c’estalorsmanifesterpardesfaitsmatériels,sensibles,perceptiblesdel’extérieur,cequiappartientà

lavieintérieure,c’est-à-direpsychique.L’expressionest,soitl’actiond’exprimer,soitlesfaitsperceptibleschargés

decettefonction;estexpressifcequifaitbiensentircetintérieurexprimé.

L’esthétiquen’emploiecestermesqu’ausensfiguré.Maiscelui-ci,appliquéaudomainedesartss’estdiversifié.De

plussonemplois’estsouventchargéd’interprétationsdesfaits,dethéoriessur l’art,et,dans le langagecourant

d’adhésionàdescroyancespastoujourstrèscritiques.

EtienneSouriau,Vocabulaired’esthétique,Paris,PUF,1990,pp.712

expressionnismeabstrait

«Expressiondésignantnonuneécoleunifiéeparunstyle,maisunecommunautédeconvictionsetdetechniques

partagéesparcertainspeintresaméricainspendantlesannéesquarantejusqu’audébutdesannéessoixante.[…]

Leprojet selon [lepeintre]Motherwellestd’ «inventerdenouvelles formespardesprocédésplastiques». Le

contenuestengénéral l’expressionde lapersonnalitédupeintre lui-même («l’expérience intérieuredu réel»),

sansqu’interviennentdesstimuliextérieurs:laformeetl’émotionsontsenséesallerdepair.Commeleremarque

Rothko,l’élaborationdel’œuvredoitêtreaussiéclairantepourl’artistequepourlespectateur;letravailconcret

d’élaboration importeplusque la finessedurésultat.Danscetteoptique, lesartistes«gestuels»dumouvement

(Pollock,DeKooning,Kline,Motherwell,GorkyetHoffmann)utilisent,enplusouenplaceduclassiquepinceau,les

procédésconsistantàverserdirectement,dupotdepeinturesurlesupport,deslaquesd’usagecourant,goutteà

goutteouenquantité,ouàréaliserdestrainéesdecolorantentubesansmélangepréalable,oudesgiclées,des

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éclaboussures,deseffleurements– toutes techniquesduaffirment l’importancedu tableauen tantquesurfaces

peintes.[…]»

Dictionnairedel’artmoderneetcontemporain,Paris,ÉditionsHazan,2002,pp.236-237

géopolitique

Lagéopolitiqueest l’enfantd’uneépoque, celledu scientisme triomphantetdudarwinisme social.De la findu

XIXesiècleàlaSecondeGuerremondiale,toutegrandepuissanceoutoutaspirantàlapuissanceveutfonderses

ambitionssurunquasi-déterminismegéographique;lagéopolitiquesertalorsàanalyseretsouventàjustifierles

rapports entre puissance et espace. Après la Seconde Guerre mondiale, elle est privée de légitimité parce

qu’identifiéeaunazisme.Enoutre,elle semble inutiledansun système international réduitau face-à-faceentre

deuxblocs.Avec leretourd’unéchiquiermondialmultipolaireàpartirdesannées1970et ladécompositiondu

campsoviétiqueen1989-1991, lacomplexitégéographiquede lapolitique internationaleréapparaît.Enmême

temps, la démarche géopolitique se trouve confrontée à un monde où la technique contracte massivement

l’espaceet letemps,où lesfluxéconomiquesparaissentdissoudre lapuissancepolitiqueetoù,enfin, lepouvoir,

au lieud’être concentrédans l’État, sedéplace sans cesse. Est-ce la finde lagéographie? Lagéo-économie

remplace-t-ellelagéopolitique?Lamicro-géopolitique,lamacro-géopolitique?

Lagéopolitiquepeutêtredéfiniecommeladisciplinequis’interrogesurlesrapportsentreespaceetpolitique:en

quoi, de quellemanière les réalités géographiques (situation, relief, climat...) influent-elles sur les organisations

sociales, leschoixpolitiques?Et, inversement,comment leshommesutilisent-ilsoumêmemodifient-ilscesréalités

pourpoursuivreleursfins?Toutcommelemot«histoire»désigneàlafoiscequiaeulieuetl’ensembledesrécits

faitssurcepassé,leterme«géopolitique»tendàqualifiernonseulementunmoded’analyse,une«science»mais

aussiuncertaintypedepolitique(ainsiparle-t-ondelagéopolitiquedesÉtats-Unis,delaFrance...).

EncyclopædiaUniversalisFranceS.A.,2003

improvisation

Action,artd’improviser.

Improviser,dulatinimprovisus«imprévu»:

1°)Composersurlechampetsanspréparation

2°)Organisersur-le-champ,àlahâte.

LePetitRobert

[…]même quand elles se succèdent dans le temps, les improvisations du free jazz s'ajoutent, se contrarient,

constituentdes réseaux,des strates, un feuilletéde lignes sonores –plutôtqu'unemême ligneprolongéepar

plusieursmusiciensserelayant.Ainsil'œuvreentièredevient-elleimprovisation,danslamesureoùsastructure,sa

formed'ensemblenaissentducroisement,plusoumoinsprévu,deslignesindividuelles[…]Danslamesureoùles

repèresharmoniques,lesgarantiesmélodiquesoffertesparl’improvisationthématiqueontdisparudufreejazz,le

musicien n’a pratiquement plus aucun moyen de contrôle sur le développement de son discours : la ligne

mélodique, la trameharmonique,c’étaitaussiunensembled’élémentsmnémotechniques– se faisant selonune

suited’accordsfixée,l’improvisationnepeutpasserplusieursfoisparunmêmeaccordsansquelemusicienensoit

conscient.

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PhilippeCARLESetJean-LouisCOMOLLI,FreeJazzBlackPower,Paris,ÉditionsChampLibre,1971,Gallimardfolio,2000,

pp.357-358

nouveauroman

Ongroupesousl’expression«nouveauroman»desœuvrespubliéesenFranceàpartirdesannées1950etqui

onteuen communun refusdes catégories considérées jusqu’alors comme constitutivesdugenre romanesque,

notammentl’intrigue–quigarantissaitlacohérencedurécit–etlepersonnage,entantqu’iloffrait,grâceàson

nom,sadescriptionphysiqueetsacaractérisationpsychologiqueetmorale,unerassuranteillusiond’identité.

À la tradition réaliste du roman, qui reposait plutôt sur les conventions du récit, les «nouveaux romanciers»

opposèrentuneautreformederéalisme,celuiquisuggèreledéroulementdelaconscienceavecsesopacités,ses

ruptures temporelles, son apparente incohérence. Mais, doublant souvent leur production romanesque de

manifestes ou d’analyses théoriques, ils prétendirent donner aussi une nouvelle noblesse au genre en faisant

prédominersesaspectsformels;suivantlaformuledeJeanRicardou,leromandevaitêtremoins«l’écritured’une

aventurequel’aventured’uneécriture».

Plutôt que de groupe ou d’école, Jean Ricardou préfère parler, à propos des nouveaux romanciers, d’une

«collectiond’écrivains»,musparunemêmeambition,maisde tempéramentetde style fortdissemblables. Ila

pourtant contribuéaupremier chefà l’«illusionde club»qu’il souhaitaitdénoncer: sonouvrage LeNouveau

Roman (1973),quimetau jour les recettesplutôtque l’inspirationdesnouveaux romanciers,ne retienteneffet

queseptnoms,MichelButor,ClaudeOllier,RobertPinget,JeanRicardou,AlainRobbe-Grillet,NathalieSarraute

etClaudeSimon,tousparticipantsducolloquequisetintàCerisy-la-Salleenjuillet1971.Pouravoirrefusédese

rendreaucolloqueparceque,dira-t-elle,elleseméfiedesapriorithéoriquesquiempêchentl’écrivainàl’œuvre

desedécouvrirlui-même,MargueriteDurass’est,auxyeuxdeJeanRicardou,exclueelle-mêmedela«pléiade».

AlainRobbe-Grilletlaconsidèreaucontrairecommefaisantpartiedecette«collection»àlaquelleonadjoindrait

volontiersSamuelBeckett,voire JeanCayrol (LeDéménagement,1956;LesCorpsétrangers,1959)ouClaude

Mauriac(lasuiteromanesqueLeDialogueintérieur,1957-1979;L’Alittératurecontemporaine,1958).

EncyclopædiaUniversalisFranceS.A.2003

série

Cesubstantif,empruntéaulatinseries,aétéintroduitenfrançais,audébutduXVIIIesiècle,parl’intermédiairedu

vocabulairemathématique;ildésignealorstoutesuiteillimitéedetermesqu’uneloidéfiniepermetdedéduireles

uns des autres. Le langage courant a adopté le mot, dans les mêmes sens qu’avait series en latin (suite,

enchaînementd’objets,rangée),etdelàsontvenusdiverssensspécialisés,dontcertainsontunemploiesthétique.

Letermedesériedonnelieuàdeuxensemblessémantiquesopposés:

1/Produitgrâceàdesmoyensmécaniquesouindustriels,l’objetdesérieestgénéralementréputémédiocre.Ilest

issud’«unetêtedesérie»,véritableprototype_crééàcettefin,ouutilisécommetel_àpartirduquels’engendre

lasuitedesduplications.Parextension,onparled’uneœuvredesérie,péjorativement,dèslorsqu’ellesembleêtre

plusprochedelareproductionquedelacréationvéritable.

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2/Maisaveclespremièressériesd’œuvressurunmêmesujet,réaliséesparunmêmeartiste(parexempleMonet,

ou,plusprèsdenous,Picasso),s’inaugureuneapprochedifférentedel’œuvred’art.Lesdiverstermesdelasérie

sont juxtaposés sansordrehiérarchique,etexcluent toute intentiond’une reprise synthétique les subsumant. Ils

actualisentdespossibles,et répudient lanotionde «chef-d’œuvre».Gouvernéspar les règlesde lavariation,

régis par le principe d’équivalence, les termes, œuvres singulières, articulés dans la série qu’ils constituent,

déclinent les jeux subtilsd’une répétitionquiengendre ladifférence.L’analogieavec lesprocédures signifiantes

desmythes,dans tous leursétats,est iciévidente.Et lesproblématiquesde «l’œuvreouverte»ne sontguère

éloignées.

EtienneSouriau,Vocabulaired’esthétique,Paris,PUF,1990,pp.1288-1289

street-photography

Littéralement,«photographierdanslarue»ou«photographiederue».

(HenriCartier-Bresson,RobertFrank,AlfredEisenstaedt,W.EugeneSmith,WilliamEggleston,Brassaї,WillyRonis,Robert

Doisneau,GarryWinogrand...)

Après laDeuxièmeGuerremondiale, la photographie américaine estmarquée par la désillusion et par une

recherche poétique – au delà de l’insignifiance du sujet et du hasard du déclenchement – qui remplacent le

formalisme et la norme professionnelle.À travers l’exemple deWalker Evans et de saméthode réfléchie (et

parfoisenoppositionaveccelle-ci),c’estdans larueque«lesnouveauxphotographes»rencontrent l’Amérique

dontilsveulentfixerlesindicesmouvants.

ColinWesterbeck,«Surlarouteetdanslarue,l’après-guerreauxÉtats-Unis»,dansNouvellehistoiredelaphotographie,

Paris,AdamBiro,Larousse,Milan,2001,p.640

territoire

Lanotiondeterritoireaprisune importancecroissanteengéographieetnotammentengéographiehumaineet

politique,même siceconceptestutilisépard'autres scienceshumaines.Dans ledictionnairedegéographiede

Pierre George et Fernand Verger le territoire est défini comme un espace géographique qualifié par une

appartenance juridique (onparleainside «territoirenational»);ouparune spécificiténaturelleou culturelle:

territoiremontagneux,territoire linguistique.Danscederniercas, letermed'aire(«aire linguistique»)pourrait lui

êtrepréféré.Quelleque soit sanature,un territoire implique l'existencede frontièresoude limites.Cesdeux

dernierstermessontutilisésenfonctiondutypedeterritoiredont ilsforment lepérimètre.Unterritoirepolitique,

ouunesubdivisionadministrative,estdélimitéparunefrontière;unterritoirenaturelestcirconscritparunelimite,

termemoinsjuridique.

Engéographiehumaine ilexisteplusieurscourantsprincipauxpourdéfinirceconcept,affiliésà la sociologie,à

l'économie,aupouvoirpolitique,etc.

Définitions:

«Leterritoireestuneappropriationàlafoiséconomique,idéologiqueetpolitique(sociale,donc)del'espacepar

desgroupesqui sedonnentune représentationparticulièred'eux-mêmes,de leurhistoire.» (GuyDiMéo,"Les

territoiresduquotidien",1996,p.40).

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Dans leur Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés (2003), Jacques Lévy etMichel Lussault

proposenttroisdéfinitionsgénérales,quiillustrentlesgrandesconceptionsduterritoireauseindelagéographie:

«Espaceàmétriquetopographique»(p.907)

«Agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions pratiques de

l'existenced'un individuoud'uncollectifsocialetd'informeren retourcet individuoucecollectifsursapropre

identité»(p.910)

«Touteportionhumaniséedelasurfaceterrestre»(p.912)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Territoire