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Manuel SEGURA ___________________ Le folklore estudiantin poitevin: l'exemple de l'Ordre du Bitard (loué soit-t'il ! ) du début des années 1920 à la fin des années 1980 directeur de recherches: M. Jean-Noël LUC professeur d'Histoire Contemporaine Mémoire de DEA d'Histoire Contemporaine Poitiers 1998

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Manuel SEGURA___________________

Le folklore estudiantin poitevin: l'exemple del'Ordre du Bitard (loué soit-t'il !)

du début des années 1920 à la fin des années 1980

directeur de recherches: M. Jean-Noël LUC professeur d'Histoire Contemporaine

Mémoire de DEA d'Histoire ContemporainePoitiers 1998

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont aidé à réaliser ce mémoire et plus particulièrement ma compagne, Claude, et ma fille, Mahaut.

Je tiens aussi tout particulièrement à remercier mon directeur de recherches, M. Jean-Noël LUC.

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SOMMAIRE

- Remerciements .... P 02

- Sommaire .... P 03

- Première partie: Réflexion sur le sujet et outils d'analyse .... P 05

A) Réflexion sur le sujet .... P 06B) Outils d'analyse .... P 14

1) Glossaire .... P 142) Chronologie thématique de la période .... P 213) Chronologie des Grands Maistres et Grands Bitardiers de l'Ordre du Vénéré Bitard (LST !) .... P 244) Questionnaire .... P 275) Exemples de sources .... P 28

- Deuxième partie: Sources et bibliographie .... P 45A) Inventaire des sources disponibiles .... P 46

1) Sources manuscrites .... P 46- archives de l'AGEP .... P 46- archives de l'Ordre du Bitard (LST !) .... P 50- archives Lecoté .... P 61- médiathèque de Poitiers .... P 65

2) Sources imprimées .... P 68- ouvrages .... P 68- périodiques .... P 71

3) Sources iconographiques .... P 804) Témoignages .... P 80

- témoignages oraux .... P 80- témoignages épistolaires .... P 81

B) Bibliographie .... P 821) Ouvrages généraux .... P 822) Histoire de l'Université et des étudiants .... P 843) Histoire de Poitiers et des étudiants poitevins .... P 86

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- Troisième partie: Projet de plan général de la thèse .... P 87

A) Plan .... P 88B) Plan commenté .... P 90C) Exemple de développement .... P 99D) Annexes .... P 114

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I - RÉFLEXION SUR LE SUJETET OUTILS D'ANALYSE

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RÉFLEXION SUR LE SUJET

Le choix d'un tel sujet pour un DEA peut paraître farfelu, et pourtant jamais l'étude du monde universitaire n'a été autant à la mode. Cette mode, nous la devons certainement à l'anniversaire du mai 68 étudiant. Les études sur les mouvements étudiants sont nombreuses. Ce sont surtout les associations générales étudiantes (AGE) qui font l'objet de ces recherches. Ces associations ou AGE se sont regroupées en 1907 pour fonder l'Union Nationale des Etudiants de France (UNEF). C'est à partir de ces associations que les syndicats étudiants se sont constitués, et ce sont eux les véritables objets d'études de ces travaux universitaires. Pour notre part, nous délaissons quelque peu ce domaine de recherche tout en restant dans le milieu estudiantin.

Le choix du sujet.

De nombreuses occasions de participer à la vie sociale, par l'intermédiaire d'associations, s'offrent aux jeunes qui entreprennent des études universitaires. Elles sont nombreuses et permettent à l'étudiant de rencontrer d'autres jeunes et d'acquérir de nouvelles expériences. S'il est un lieu privilégié pour ces expériences, c'est bien l'association des étudiants de la discipline étudiée. C'est en participant à l'une de ces associations que nous avons observé le retour du port de la faluche. Le port du béret étudiant revenait en force dans toutes les villes universitaires et nous y avons vu le témoignage du retour du folklore estudiantin. La faluche fut l'objet d'étude de notre mémoire de maîtrise d'Histoire. C'était alors un thème de recherche très novateur qui ne bénéficiait d'aucun effet de mode. Il n'existait qu'un seul travail universitaire sur la faluche, une thèse de doctorat de Médecine de Guy Daniel1. Ce travail est très succinct et n'a pas la rigueur d'une recherche historique, mais il a le mérite d'identifier l'origine du béret des étudiants. Les faluchards se présentaient comme les "gardiens de la tradition estudiantine" et leur béret était, à leur avis, le "folklore estudiantin". Lors de notre étude nous avons rencontré d'autres formes de folklore estudiantin, plus anciennes et plus élaborées. C'est l'objet du travail que nous présentons ici.

L'Ordre du Bitard (LST !) semble avoir marqué Poitiers. Ainsi, lorsque la Mairie de la ville de Poitiers s'est dotée d'un site sur Internet, qui propose entre autre un résumé des mythes de la région, la légende du Bitard (LST !) y est citée. Lors de la rentrée solennelle de l'Université de Poitiers du 30 septembre 1997, le service communication a distribué un livret sur l'Université pictave qui contient une photo représentant des membres de l'Ordre. Ce livret reprenait le discours que le président de l'Université avait tenu l'année précédente, le 8 novembre 1996, lors de l'ouverture officielle de l'année Descartes. Le président Alain Tranoy y présentait l'Université de Poitiers et rappelait la biographie de René Descartes, particulièrement son passage à Poitiers en tant qu'étudiant :

" Il est enfin un dernier domaine où nous allons d'ailleurs rejoindre Descartes, domaine qui est aussi à nos yeux un enjeu vital mais dont nous ne mesurons pas

1 G. DANIEL, La Faluche, Histoire, Décryptage et Analyse, Th. doctorat de Médecine (sous la dir. de André Fourrier), Lille, 1990, 96 f.

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7toujours l'importance. Ce sont toutes les actions que les universités médiévales englobaient sous le nom évocateur de peregrinatio academica, en d'autres termes les relations internationales. La vocation internationale de l'Université de Poitiers s'affirme dès les débuts de son histoire et Descartes pouvait côtoyer dans sa vie étudiante poitevine, pendant ses cours ou à l'occasion des nombreuses fêtes estudiantines dont la tradition se maintient grâce à l'ordre illustrissime du Bitard, Loué soit-il, Descartes pouvait donc côtoyer des Italiens, des Ecossais, des Allemands: il y en avait tellement en 1612 que l'on pouvait craindre, en les fréquentant, d'oublier le français !"

Il nous est souvent arrivé de rencontrer des personnes qui apprenant le lieu de nos études, demandaient: "est-ce que les étudiants chassent toujours le Bitard à Poitiers ?". Ces anciens étudiants de l'antique cité pictone n'ont jamais appartenu à l'Ordre. Certains ont participé à une Chasse, mais ils ont tous gardé le souvenir du folklore estudiantin de Poitiers. Il semble que ce soit cette marque indélébile qui fasse d'eux des anciens étudiants de Poitiers. Il n'est pas un seul livre consacré à Poitiers qui n'accorde un chapitre à son Université et qui ne mentionne l'Ordre du Bitard (LST !). Il faut en déduire que l'Ordre est une composante de l'identité pictone et mérite pour cela notre attention. Pourtant, à ce jour, aucune étude sérieuse ne lui fut consacrée, il était tant d'y remédier à l'aube du troisième millénaire.

Le cadre chronologique.

L'origine de l'Ordre du Bitard (LST !) remonte au début des années 1920. La date est longtemps restée incertaine, mais nous pouvons retenir l'année 1923 comme sûre. C'est cette année là que la Chasse au Bitard eut lieu pour la première fois. L'Ordre du Bitard (LST !) peut revendiquer soixante-quinze ans d'existence, puisqu'il est toujours d'actualité. Toutefois, pour notre étude, nous serons amenés à dépasser le cadre de ces soixante-quinze années. En effet l'Ordre est issu d'une association étudiante et il serait utile de s'intéresser à la naissance des AGE à la fin du XIXème siècle. Nous nous arrêterons au début des années 1990. D'une part, parce que le fonctionnement de l'Ordre et ses activités n'ont pas beaucoup changé. D'autre part, les membres de l'Ordre des années 1990 sont encore pour la plupart actifs; il nous manquerait donc un minimum de recul nécessaire à notre étude.

Les organisations étudiantes contemporaines.

La première guerre mondiale marque un véritable tournant dans la vie universitaire et estudiantine. Elle a pu être la réponse à deux générations estudiantines de remords.

Au lendemain de la guerre de 1870/1871, Ernest Lavisse, Gabriel Monod, Camille Jullian, Charles Seignobos et d'autres historiens sont allés "compléter leur formation dans les centres de recherche et d'enseignement au-delà du Rhin. Ils ont pensé que la victoire de l'Allemagne s'expliquait par la parfaite organisation de ses institutions militaires, civiles, intellectuelles; qu'il convenait d'observer puis d'imiter ces

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8réalisations exemplaires pour assurer le redressement de la France [...] ils ont pris modèle sur les programmes, les méthodes et les structures des universités allemandes"2.

Pour la France, si elle a perdu la guerre, c'est qu'elle n'a pas su faire de sa jeunesse une jeunesse patriote. Alors, l'Histoire de France est réécrite; elle devient une suite de hauts faits militaires, de Vercingétorix à Jeanne d'Arc. Et tout va être fait pour que les étudiants créent leurs associations. L'Université repensée organise des fêtes universitaires où le président de la République Sadi Carnot fait ses apparitions, et à cette occasion, l'avenir de la nation, la jeunesse estudiantine, est exhibée. A ces fêtes, des représentants étudiants se déplacent, et Lavisse n'hésite pas à engager toutes les villes universitaires non encore munies d'AGE à les créer. Il arrive même que les étudiants provoquent ces retrouvailles. Ainsi les 5, 6, 7 et 8 juin 1892, la Société Générale des Etudiants de Nancy organise, parallèlement à des rencontres gymniques, des Grandes Fêtes universitaires européennes. La première fête universitaire européenne à laquelle des étudiants français aient participé est celle qui commémorait le VIIIème centenaire de l'Université de Bologne ( du 10 au 12 juin 1888 ). Des étudiants de l'AGE de Paris en ont ramené le béret des étudiants bolonais. Ce béret prendra bien plus tard le nom de faluche (galette en lillois). Les étudiants de Marseille présents eux aussi à Bologne y ont vu une pâle copie des tenues allemandes, et refusèrent de l'adopter3. En fait, les étudiants français devaient être les seuls étudiants à ne pas avoir de tenue universitaire, et ils ont adopté le béret des étudiants bolonais. Très rapidement le béret s'est répandu à travers les AGE. A cet effet, il faut préciser les deux facteurs essentiels qui ont permis cette diffusion. Le premier est l'action de Louis Liard, qui a poussé toutes les AGE (ce sont surtout des Sociétés Générales d'Etudiants à l'époque) à adopter des attributs symbolisant leur appartenance à leur association. Le second s'inscrit dans l'air de cette fin de siècle où l'apparence prend une place grandissante. La distinction sociale par le vestimentaire devient malaisée à cette époque où le budget des français consacré aux vêtements s'accroît4. Et puis, c'est une époque où chaque corps de métier veut s'affirmer par un signe distinctif. Ainsi, à Montpellier, c'est, après l'adoption de la faluche, une véritable frénésie qui s'empare des lycéens, clercs d'huissiers, garçons coiffeurs qui adoptent à leur tour le béret5. A Rennes, ce sont les lycéens qui s'approprient le béret, à la grande fureur des étudiants. A Paris, les artistes adoptent ce béret et plus particulièrement les peintres. C'est un phénomène qui dépasse l'étudiant qui veut "parader" avec un couvre-chef. Toute la fin du XIXème siècle est parsemée de tensions dont les étudiants français sont le centre. Ainsi à Nancy, en 1892, Peroux, président de la SGEN, écrivit une lettre pour faire appel à des dons qui couvriraient les dépenses des fêtes universitaires européennes et l'accueil des associations étudiantes, en précisant "allemandes exceptées" et rajoutant "pour plaider la cause de cette Université alsacienne-lorraine, que nous voulons faire grande et forte, en face de l'Université allemande de Strasbourg". Une indiscrétion de la presse française eut des répercussions démesurées dans la Gazette de l'Allemagne du Nord, la Gazette de Cologne, la Gazette de Voss et la Post de Strasbourg. Il était signalé que de telles manifestations, en présence du président de la république française, si proches de la frontière, risquaient de "compromettre la paix européenne"6. Les incidents de ce type ne manquent pas pour cette période de la fin du XIXème siècle. Et la Jeunesse universitaire du début du siècle est allée à la guerre et en est revenue victorieuse. Tout le pompe, l'espoir et les investissements placés en elle depuis 1885 se sont révélés fructueux. Après la première guerre mondiale, la jeunesse universitaire n'avait plus rien à prouver,

2 G. BOURDE, H. MARTIN, Les Ecoles Historiques, Paris, le Seuil, 1990, p. 1953 E. LAVISSE, Etudes et étudiants, Paris, Armand Colin, 1890, p. 314 M. SEGURA, La faluche: une forme de sociabilité estudiantine, maîtrise d'Histoire contemporaine (sous la dir. de Nicole Pietri), Poitiers, 1994, p 74.4 J. VALETTE, A. WAHL, Les français et la France (1859-1899), Paris, Sedes, 1986, vol. 2, p. 935 Bulletin de l'Association Générale des Etudiants de Montpellier, mars 1889, n°15

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9puisqu'elle, ou plus tard ses aînés, se sont montrés à la hauteur de ce que l'on attendait d'eux. La reconnaissance de leurs concitoyens était acquise grâce à leur sacrifice.

Les AGE de l'entre deux guerres connaissent une période riche en activités. Les congrès de l'UNEF sont des rendez-vous annuels de grande importance. C'est aussi l'occasion pour les étudiants de villes universitaires différentes de lier des amitiés. Chaque AGE se dote d'un organe de presse et jamais la communication inter-universitaire ne fut plus grande. Outre les comptes rendus des manifestations folkloriques, les revues universitaires publiaient des poésies, des nouvelles dont les auteurs étaient des étudiants. La presse étudiante publiait aussi les revues théâtrales estudiantines. Enfin les AGE et l'UNEF se cantonnaient, parfois avec peine, dans une position apolitique7. La seconde guerre mondiale met un terme aux activités étudiantes. A la libération, le monde universitaire ne présentait plus le même visage.

Les étudiants venaient d'horizons différents. Certains avaient dû interrompre leurs études et avaient vécu la guerre prisonniers en Allemagne, d'autres avaient pris le maquis. D'autres encore, plus jeunes, commençaient leurs études. Mais, contrairement à la période qui a suivi la première guerre mondiale, il n'y avait aucune reconnaissance de la participation des étudiants pour la libération et on ne leur reconnaissait aucun sacrifice. Pourtant chaque université avait des morts à pleurer. Les étudiants de 1945 ne pouvaient plus se contenter d'un "sacro-saint" apolitisme et il était hors de question qu'on leur refuse d'exprimer des idées pour lesquelles ils avaient risqué leur vie. La charte de Grenoble de 1946 fut l'aboutissement de ces positions et le véritable début de la syndicalisation de l'UNEF. Elle définit l'Etudiant comme un ouvrier intellectuel. L'UNEF était alors divisée par deux grandes tendances (majo - mino). Nous n'allons pas aborder le détail de cette évolution, mais au contraire en reprendre les traits principaux afin d'obtenir un schéma simplifié8. Les étudiants souhaitant la syndicalisation de l'UNEF, minos, avaient une tendance politique dite "de gauche"9. Les majos refusaient cette syndicalisation. La syndicalisation de l'UNEF remettait en question son "sacro-saint" apolitisme de l'entre deux guerres. C'est pourquoi, en voulant tourner la page sur cet aspect de l'UNEF d'avant la seconde guerre mondiale, il était logique d'en rejeter les symboles. La faluche était l'un d'eux, mais il y avait aussi la chanson paillarde, le monôme, la fête en groupe, puisqu'avant la seconde guerre mondiale, l'époque "folklorique" de l'UNEF, ce n'était que "beuveries". Et forcément, les minos les rejetant, les majos se sont d'autant plus accrochés aux différentes traditions estudiantines. L'opposition majo/mino est très vite devenue une opposition droite/gauche, puisqu'un étudiant qui ne militait pas à "gauche" était catalogué à "droite"10. Si ce catalogage fut dans un premier temps grossier, il s'est très certainement vérifié par la suite, peut-être par le poids des étiquettes. Le folklore estudiantin, à la fin des années 60 était de fait devenu le symbole des étudiants de "droite". Mais il existe des exceptions à cette évolution. A Poitiers, l'AGEP a voulu faire coexister "l'esprit estudiantin" bien implanté avec la nouvelle notion de "syndicalisme étudiant", car " [...] l'étudiant qui, traditionnellement au cours des siècles

6 XVIIIème congrès de sociétés de gymnastique, cartulaire des fêtes gymniques de juin 1892 à Nancy, non identifié, (collection privée). Le troisième chapitre est consacré aux fêtes universitaires organisées par la société des étudiants de Nancy à l'occasion de ce congrès.7 La lecture de la presse étudiante permet de cerner de façon précise les activités des AGE, et, de façon plus générale, des étudiants pour la période de l'entre deux guerres.8 Entrer dans le détail de l'évolution de l'UNEF nécessiterait une étude à part entière et serait dans notre cas fastidieux, d'autant plus que l'UNEF fait actuellement l'objet de nombreuses recherches qui modifient quelque peu la vision traditionnelle de son évolution. Toutefois, une étude permettra d'appréhender l'histoire de l'UNEF: M. De la FOURNIERE, F. BORELLA, Le syndicalisme étudiant, Paris, Seuil, 1957, 187 p.9 L'inconvénient des termes "droite" "gauche", c'est qu'ils sont tellement génériques qu'ils ne rendent pas compte des différentes tendances qu'ils regroupent. Ainsi, résumer mino = gauche et majo = droite, c'est nier l'existence d'étudiants de sensibilité de gauche qui ne souhaitaient pas la syndicalisation de l'UNEF.10 Des étudiants de la fin des années 50 et du début des années 60 à Poitiers, parlent de "fachos".

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10derniers est allé de l'avant, a bouleversé par son enthousiasme toutes les conceptions périmées, a donné en France le signal des révolutions" ne doit pas devenir " [...] plus bourgeois que le bourgeois dont il se gausse"11. Le folklore estudiantin poitevin faisait partie intégrante de l'AGEP.

L'intérêt du sujet.

L'étude des organisations étudiantes en est à ses débuts même si, comme nous l'avons vu plus haut, elle bénéficie d'un effet de mode. Toutefois, nous pouvons décerner une réelle tendance reconsidérant les organisations étudiantes et leur accordant une importance qui n'existait pas auparavant. On ne s'intéresse plus seulement à l'histoire de l'enseignement, mais aux associations étudiantes, aux syndicats étudiants, à l'UNEF. La création du GERME (groupe d'études et de recherches sur les mouvements étudiants) au printemps 1995 est symptomatique de cette tendance. Il se donne entre autre pour objet de "promouvoir la recherche sur les mouvements et organisations d'étudiants et de jeunes à l'époque contemporaine"12. C'est ainsi qu'à la lumière des travaux récents, le schéma traditionnel de l'histoire des organisations étudiantes apparaît erroné. Ainsi, le travail que nous présentons contribue à ce nouveau regard de l'histoire universitaire. Mais, comme nous l'avons déjà précisé, nous nous écartons quelque peu, de l'effet de mode du mai 68 étudiant. Il ne s'agit pas là de rechercher dans les organisations étudiantes antérieures à la seconde guerre mondiale l'embryon des tendances syndicales qui sont apparues après 1945.

De nombreuses parutions, dont les auteurs ont souvent été acteurs de l'évolution syndicale des AGE, ont présenté un schéma ternaire de l'histoire des organisations étudiantes. La première période, nommée "folklorique", s'étend de la naissance des AGE à la première guerre mondiale. La seconde, appelée "corporatiste", correspond à l'entre deux guerres. La troisième et dernière période débute en 1946 et est qualifiée de "syndicale"13. Les deux premières périodes sont généralement considérées comme inutiles, stériles et résultant d'occupations dilettantes d'étudiants oisifs, "héritiers" de la bourgeoisie. C'est refuser de prendre en considération le rôle de ce folklore estudiantin. Notre travail s'attache à ce folklore estudiantin, et nous tenterons de mettre en relief son importance et son utilité. Les années d'études restent dans la mémoire de la plupart des anciens étudiants comme une période privilégiée. Mais il n'en reste qu'un diplôme obtenu, un concours réussi ou parfois un échec universitaire. Les éventuelles implications dans la vie associative étudiante apparaissent généralement comme dérisoires. Nous essayerons ici de démontrer qu'il n'en est rien et nous emprunterons le terme "héritier" qui qualifie la jeunesse étudiante de la fin du XIXème et du début du XXème siècles pour lui donner un sens nouveau et l'attribuer aux étudiants actuels. Les étudiants de cette fin de siècle sont les "héritiers" de ceux du Moyen-Age, ils sont surtout les "héritiers" directs de ceux de l'entre deux guerres. Ils sont héritiers d'un folklore, ils sont héritiers d'une culture car il s'agit bien là d'une culture. Poitiers est un lieu privilégié de cette culture car, en plus de s'y être transmise, elle s'y est maintenue.

Nous tenterons de démontrer que le folklore estudiantin ne se limite pas à porter un béret agrémenté de rubans, d'insignes et à quelques beuveries au fond d'une taverne. Ce folklore comporte de réelles créations artistiques et des organisations complexes qui ne peuvent être justifiées par la simple envie de se retrouver pour

11 Le Bitard sort, février 1949, a. 2, n°3 p 1. Le Bitard sort est le journal de l'AGEP qui a remplacé Scapin à partir de 1948.12 "Les objectifs du GERME", Les cahiers du GERME, 1er trimestre 1997, n°2, p. 1, (collection personnelle).13 Ce schéma ternaire est présenté pour la première fois dans: M. De la FOURNIERE, F. BORELLA, op. cit. Mais de nombreuses autres études ont conservé ce schéma.

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11faire la fête. L'Ordre du Bitard (LST !) est une de ces créations, mais il est surtout le seul qui ait survécu jusqu'à nos jours, ce qui, à nos yeux, ne fait qu'accroître l'intérêt de cette étude.

La problématique.

Il faut nous arrêter maintenant sur l'énoncé de notre étude: Le folklore estudiantin poitevin: l'exemple de l'Ordre du Bitard (loué soit-t'il !). Le terme folklore peut prêter à discussion. La polémique s'attacherait au choix entre l'utilisation du terme "folklore" plutôt que "tradition". L'Ordre du Bitard (LST !) est une tradition estudiantine puisque c'est un ensemble de légende et de coutumes qui se transmet sur une longue période. Il appartient au folklore estudiantin poitevin. Mais, à l'heure actuelle, ce folklore serait pratiquement inexistant sans lui. Toutefois nous ne pouvons affirmer que le folklore estudiantin poitevin est l'Ordre du Bitard (LST !) parce qu'il n'en a pas toujours été ainsi et parce que ce folklore pourrait s'enrichir grâce à la renaissance de certaines traditions disparues: les manifestations des écoles préparatoires, les revues théâtrales estudiantines, etc. En revanche en étudiant l'Ordre, nous serons amenés à aborder l'ensemble des traditions qui constituent le folklore estudiantin pictave.

Il existait de nombreux ordres étudiants en France, plus ou moins élaborés, mais à l'exception de l'Ordre du Bitard (LST !), ils ont tous disparu. Certains se sont éteints avec le départ de leurs fondateurs. Ils n'avaient sans doute pas la vocation de durer et correspondaient plutôt à un groupe d'amis qui s'amusaient à donner une organisation à leur amitié. D'autres n'ont pu survivre par manque de succession. Il nous semble donc important de comprendre pourquoi ce type de folklore estudiantin n'existe-t-il plus qu'à Poitiers. Pour ce faire, nous articulerons notre travail autour de trois réflexions. Il s'agira, dans une première partie, de découvrir l'Ordre du Vénéré Bitard (loué soit-t'il !) tel qu'il se présente aujourd'hui. En effet, il nous apparaît essentiel d'appréhender l'Ordre actuel avant d'en étudier les origines, et par là même de mieux saisir ses évolutions. Nous serons amenés à aborder la composition de l'Ordre, ses activités et son impact sur la population pictave. Dans une deuxième partie, nous étudierons la genèse de l'Ordre du Bitard (LST !) et nous chercherons à comprendre comment il est apparu à Poitiers. Nous diviserons cette deuxième partie en trois chapitres. Dans un premier chapitre, nous étudierons l'apparition des associations étudiantes en France à la fin du XIXème siècle. Dans un second chapitre, nous rechercherons si un fond de traditions estudiantines existait déjà à Poitiers pendant l'entre deux guerres. En effet si c'était le cas, nous aurions des éclaircissements sur l'apparition de l'Ordre. Dans un troisième chapitre, nous nous interrogerons sur le contexte universitaire pictave qui a favorisé l'émergence de l'Ordre. Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous chercherons le secret de la longévité de l'Ordre. Nous tenterons de comprendre pourquoi l'Ordre existe toujours à Poitiers et comment il a pu survivre tout au long de ces années. Pour ce faire, nous étudierons, dans un premier temps, son évolution. Dans un second temps, nous rechercherons les facteurs poitevins qui ont contribué à la continuité de l'Ordre. Enfin, dans un troisième temps, nous étudierons les éléments intrinsèques de l'Ordre qui ont permis sa survie.

Ainsi nous pourrons mettre en évidence le rôle que ce type de folklore peut avoir dans une ville universitaire. C'est évidemment ce rôle qui favorise le maintien des traditions estudiantines et c'est ce qui nous permettra d'affirmer que ce type de folklore estudiantin n'est pas la manifestation d'occupations stériles et obsolètes.

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GLOSSAIRECe glossaire a pour but de définir les termes spécifiques à notre étude, rencontrés dans ce travail

de recherche. Il en permettra une meilleure lecture.

AGE: - Association Générale des Étudiants. Dans une ville universitaire, il existe plusieurs associations étudiantes monodisciplinaires (regroupant les étudiants d'une même discipline). Elles sont regroupées dans l'AGE. Cette définition n'est valable que durant la période où l'UNEF était la seule représentation étudiante sur le plan national.On trouve aussi mention des AGE sous le sigle l'A ou AG, à ne pas confondre avec les Assemblées Générales prévues dans le fonctionnement des associations de type 1901.

AGEP: - Association Générale des Étudiants de Poitiers. C'est l'AGE de Poitiers.

Astragale: - Os du tarse qui s'articule avec le tibia et le péroné.C'est aussi, et avant tout pour notre étude, un ordre carabin ami et contemporain de l'Ordre du Bitard (loué soit-t'il !), l'Ordre National et International de l'Astragale.

Basoche: - L'origine du royaume de la Basoche est incertaine. Il apparaît dans le sillon des fêtes de Carnaval, de Malgouverne et de la fête des Fous du Moyen-Age. C'était un royaume constitué de jeunes (et de moins jeunes) clercs qui pastichaient dans la rue des scènes de la vie juridique ou même royale. Il disparaît à la fin de la Renaissance.Il réapparaît à la faculté de Droit de Poitiers au début des années 1960. Tous étudiants en Droit, les membres du royaume de la Basoche sont appelés les Basochards. L'écriture Bazoche existe aussi.

Basochien: - Personne de la Basoche originelle, par extension étudiant en Droit.

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13Bitard: - C'est une coquecigrue populaire. Si dans certaines régions

elle est appelée bitard, elle est appelée dahut dans les autres. Nous pouvons en trouver mentions dans l'oeuvre de Rabelais (Pantagruel, "Comment Pantagruel et ses compaignons estoient fachez de manger de la chair salée, et comme Carpalim alla chasser pour avoir de la venaison", chapitre 26).- A Poitiers, c'est le dieu protecteur des étudiants. Selon les époques, le Bitard est écrit avec ou sans majuscule, et est parfois suivi de (loué soit-t'il !) ou (loué soit-t'il !) ou bien encore (LST !). Dans notre travail, nous respectons l'écriture correspondant à la période étudiée. L'expression actuelle et entière est Le Vénéré Bitard (loué soit-t'il !). Le Bitard (LST !) est constitué d'une tête de fouine, d'un corps de carpe, pattes de lièvre, queue de dindon, plumes de paon et des palmes académiques. Il est le symbole des traditions estudiantines poitevines. Celles-ci sont préservées à travers l'Ordre du Bitard (loué soit-t'il !).- Les dignitaires de cet ordre sont aussi appelés "Bitard".- C'est aussi le nom du journal de l'AGEP de 1948 à 1968, qui s'est appelé successivement Le Bitard Sort puis Le Bitard.

(loué soit-t'il !): - Lorsque le terme Bitard est attribué au dieu des étudiants de Poitiers, il est systématiquement suivi de (loué soit-t'il !). Nous trouvons aussi l'écriture simplifiée (LST !). L'expression entre parenthèse apparaît juste après la seconde guerre mondiale. Le souligné, ainsi que le sigle n'existent pas avant les années 1950.

Bizuth: - Etudiant de première année.

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14Bizuthage: - Il serait beaucoup trop fastidieux de donner une définition

précise du bizutage, d'autant plus qu'il n'est jamais identique. Le bizutage à suscité de nombreuses publications et fait l'objet d'une thèse d'Ethnologie de Mlle Brigitte Larguèze. En résumant et simplifiant, c'est une série d'épreuves ou de gages imposés par des étudiants anciens aux bizuths. Rite d'initiation, il marque le passage à l'état d'adulte et est sensé fortifier le sentiment d'appartenance au groupe des étudiants de la filière choisie. Les bizuteurs (ceux qui organisent le bizutage) sont bien souvent membres et responsables de l'association étudiante de la discipline des bizuts.

Boume: - Soirée musicale. Les Boumes étudiantes ont quasiment disparu de Poitiers. Ces soirées étudiantes sont organisées dans des salles des fêtes avec un animateur musical (DJ), et c'est l'association étudiante organisatrice qui tient la buvette et conserve les bénéfices de la soirée. Elles sont particulièrement adaptées aux moyens pécuniaires des étudiants. Véritable lieu de sociabilité et de rencontres étudiantes, elles s'opposent aux soirées en boites de nuit, qui sont devenues majoritaires à Poitiers dans les années 1990.- La Boume Estudiantine est le grand rendez-vous des étudiants lors de la Semaine Estudiantine organisée par l'Ordre du Bitard (LST !).

Carabin: - Etudiant en Médecine. Le terme est issu de l'ancien français escarabin, ensevelisseur de pestiférés.

Chabousse: - Membre féminin de l'Ordre du Bitard (LST !). Le terme proviendrait du poitevin à connotation graveleuse chabousse, chabouse, "trou laissé dans la terre lorsque l'on en retire une carotte". Une autre définition du terme poitevin indique que le terme chabuces, chabuches désigne les feuilles de la carotte ou du navet et par extension les poils pubiens et le pubis.

Châsse: - Sarcophage ouvert sur lequel le Bitard (LST !) est posé. Elle est portée par deux personnes. Elle ne sert pratiquement que pendant la Semaine Estudiantine.

Chevalier: - Premier grade de dignitaire dans l'Ordre du Bitard (LST !).

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15Chiures de Mouche: - Emanation sonore de l'Ordre du Bitard (LST !), c'est la

fanfare des Bitards.

Commandeur: - Deuxième et dernier grade de dignitaire dans l'Ordre du Bitard (LST !). C'est un grade supérieur à celui de Chevalier.

Dignitaire: - Membre de l'Ordre du Bitard (LST !) qui est Chevalier, Commandeur ou Grand Bitardier.

Faluche: - Béret traditionnel des étudiants de France. La faluche est garnie de rubans et d'insignes symbolisants les études de l'étudiant, ses souvenirs et ses fonctions associatives.

FGEP: - Fédération Générale des Étudiants de Poitiers. Elle est née d'une scission de l'AGEP au début des années 1960.

FNEF: - Fédération Nationale des Étudiants de France. Elle fut fondée en 1961, après une scission au sein de l'UNEF.

Graillou: - Repas de fin d'année des Bitards qui clôture l'année estudiantine.

Grand Argentier: - Dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !), il est chargé des finances (souvent écrit phynances dans les archives de l'Ordre). Il a les fonctions d'un trésorier d'association.

Grand Bitardier: - C'est "celui à qui revient l'insigne honneur de découvrir le Bitard au cours de la traditionnelle Chasse" (Statuts de l'Ordre du Bitard de 1941). Il est généralement novice, et a la charge de garder le Bitard (LST !) et la responsabilité des novices.

Grand Chantre: - Dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !), il est chargé de donner le La de l'hymne. C'est aussi le gardien de la chanson paillarde.

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16Grand Conseil: - C'est le bureau associatif de l'Ordre du Bitard (LST !). Il est

constitué de 7 membres plus la Grande Capière, à savoir le Grand Maistre, le Grand Bitardier, le Grand Chantre, le Grand Sommelier, le Grand Intendant, le Grand Argentier et le Grand Escriturier. le Grand Conseil prend toutes les décisions quant aux activités de l'Ordre.

Grand Escriturier: - Dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !), il est chargé des archives et a les fonctions d'un secrétaire d'association.

Grand Intendant: - Dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !), il est chargé de tous les problèmes de matériel, du nettoyage et du mobilier de l'Ordre.

Grand Maistre: - C'est le dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !) par excellence. Il a les fonctions d'un président d'association. Il se caractérise en étant "la seule personne à avoir toujours raison et à avoir toujours gagné".

Grand Sommelier: - Dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !), il est chargé de l'approvisionnement en vin. Avant de servir à boire il doit goutter le vin. Il donne le départ des libations en déclamant "le vin est bon, vous pouvez le boire".

Grand Thymballiest: - Il est à vie dignitaire du Grand Conseil. C'est un ancien Grand Maistre.

Grande Capière: - Dignitaire du Grand Conseil de l'Ordre du Bitard (LST !), c'est une ancienne Chabousse chargée de la confection des capes.

L'Hymne: - Il apparaît début 1953. Il est chanté en début et en fin de réunion et à tous les moments importants de la Semaine. Il est chanté sur l'air de Les Montagnards. Les paroles engagent les étudiants à se réjouir puisque le "Bitard est là". Toutefois, il existait précédemment deux chansons dites "du Bitard", écrites par Roger Jozereau. L'une d'elle était chantée sur l'air du Furet.

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17La Chasse: - C'est la plus ancienne manifestation étudiante poitevine

toujours existante. A l'origine, elle reprend la tradition populaire de la chasse au dahut, c'est à dire la mystification d'un jeune lors d'une chasse dont le gibier n'existe pas. A l'issue de la Chasse au Vénéré Bitard (LST !), le nouveau Grand Bitardier est désigné.

La Grand Goule: - C'est un animal fabuleux de la mythologie médiévale poitevine. Ce dragon qui se cachait dans les sous-sols de la ville aurait été terrassé par Ste Radegonde. Depuis le Moyen-Age, il en existe une représentation sculptée en bois. Il existe indéniablement une ressemblance physique entre elle et le Bitard (LST !).- C'est aussi le nom d'une revue régionale des années 1930. Cette revue fut fondée par Roger Jozereau, personnage important de la vie culturelle poitevine et personnage clé dans notre étude. Nous y trouvons régulièrement des articles consacrés à la vie universitaire de Poitiers.

La Grande Quéquette: - C'est une tournée des bars, avec la fanfare les Chiures de Mouche, organisée par l'Ordre pour présenter ses voeux de la nouvelle année à la population poitevine. A cette occasion, l'Ordre fait la quête dans les rues.

La Semaine Estudiantine: - C'est une manifestation estudiantine conçue et organisée par l'Ordre du Bitard (LST !). Cette manifestation est la raison principale de l'existence de l'Ordre. Elle a souvent varié d'aspect et de durée. Elle correspond à des bacchanales printanières que l'Ordre offre aux étudiants de Poitiers avant leurs dernières révisions. Elle se conclue par la Chasse au Bitard (LST !).

Monôme: - Dans le cadre de nos travaux, et à l'époque étudiée, c'est un défilé d'étudiants qui prend l'allure d'un charivari. Il est organisé par les associations étudiantes. C'est l'occasion pour les étudiants de chahuter dans les rues en tirant sur les sonnettes des maisons, en chantant des chansons paillardes.

Novice: - C'est un étudiant postulant à devenir dignitaire de l'Ordre du Bitard (LST !).

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18Paillarde: - C'est le nom donné à une chanson dite de corps de garde. Ces

chansons sont parfois graveleuses et à connotations sexuelles fortement marquées. Elles sont toutefois d'une qualité musicale indéniable et très souvent leurs textes sont la preuve d'une recherche artistique (voire poétique) très poussée. Elles sont parfois datées, et la plupart remontent au début du XIXème siècle.

Petit Thymballiest: - Il est à vie dignitaire du Grand Conseil. C'est un ancien Grand Bitardier.

Réunion: - Elles sont "nocturnes et secrètes". Les réunions sont à la fréquence d'une fois par mois. Les dignitaires évitent de donner des détails quant à leur déroulement, puisque par définition elles sont secrètes.

Revue Estudiantine: - Dans le cadre de notre étude, c'est une pièce de théâtre organisée par les étudiants de l'AGEP.- Les revues estudiantines sont aussi les organes de presse des AGE. Elles atteignent leur apogée durant l'entre deux guerres.

UNEF: - Union Nationale des Étudiants de France. Elle est aussi appelée UN. Elle fut fondée en 1907.

Zident: - C'est le surnom attribué au président de l'AGEP. Il apparaît dans les années 1930 et perdure jusqu'au début des années 1950. Nous pouvons parfois rencontrer ce surnom dans d'autres AGE de France.

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CHRONOLOGIECette chronologie permet une vision globale de la période d'étude et de la replacer dans un contexte plus large.

Poitiers étudiant France étudiante France

1879L'attribution de grades universitaires est réservée à l'Etat.

1884Les syndicats sont officiellement autorisés.

18897 juin: fondation de l'Association Générale des Etudiants de Poitiers. -AGEP-

1894Début de l'affaire Dreyfus (jusqu'en 1899).

1896janvier: création de Poitiers Universitaire, organe de presse de l'AGEP.

Création des Universités Françaises.

1901Reconnaissance du droit d'association en France, sauf pour les congrégations religieuses.

1904L'enseignement est interdit aux congrégations religieuses.

1905Séparation de l'Eglise et de l'Etat.

1907Fondation de l'Union Nationale des Etudiants de France.

-UNEF-

Répression de la révolte des vignerons méridionaux par Clémenceau.

1914Début de la première guerre mondiale.

191811 novembre: fin de la première guerre mondiale.

1919Fondation à Strasbourg de la Confédération Interalliée des Etudiants (CIE) à l'initiative de l'UNEF.

192319 mai: première Chasse au Bitard, organisée par l'AGEP.

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1924novembre: création de Minerva, nouvel organe de presse de l'AGEP.

1925avril: Robert Bigot (président de l'AGEP) est élu dans le bureau de l'UNEF à Lille.

1926avril: des étudiants de Lille subtilisent le Bitard lors de la Chasse.

Le congrès de l'UNEF se tient à Poitiers et est clôturé par la Chasse au Bitard. Robert Bigot est élu président de l'UNEF.

1927janvier: création d'un nouvel organe de presse de l'AGEP, le Diable dans le Beffroi.

1933Création du nouvel organe de presse de l'AGEP, Scapin (jusqu'en 1947).Le journal Poitiers Indépendant (scission de l'AGEP) ne paraît que trois fois.

Reprise de la Chasse au Bitard.

juin: fêtes du 500ième anniversaire de l'Université de Poitiers.

La France est en pleine crise économique.

193611 février: le Bitard revient à Poitiers à l'occasion de la première Semaine Estudiantine.

XIXème conseil de la CIE à Londres

Institution des congés payés pour les travailleurs

1939XXIIème conseil de la CIE à Krynica (Pologne). L'Allemagne démissionne de la CIE.

3 septembre: début de la seconde guerre mondiale.

1940janvier: rédaction des statuts de l'Ordre du Bitard.

23 juin: entrée de l'armée allemande à Poitiers.

juin: l'armistice met fin à la "drôle de guerre".

juillet: constitution du régime de Vichy.

1944avril: remise à l'honneur des activités estudiantines et du culte du Vénéré Bitard (loué soit-t' il !)

5 septembre: libération de Poitiers.

1945Le Grand Bitardier porte un manteau bariolé en tenue d'apparat.

8 mai: fin de la seconde guerre mondiale.Début de la IVème République.

1946Apparition de la cape bleue bordée d'hermine blanche pour le Grand Maistre sous Pierre Juret (Grand Maistre et pdt de l'AGEP)

Congrès de l'UNEF à Grenoble où une charte étudiante est adoptée, dite

-Charte de Grenoble-

1947Abolition du travail forcé dans les colonies.

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1948L'AGEP crée le journal Le Bitard Sort.

1950Jean Sarvonat (pdt de l'AGEP, Grand Maistre de l'Ordre) est élu pdt de l'UNEF jusqu'en 1953.

1954Début des "événements d'Algérie".

1955Apparition de la cape rouge dans la tenue des dignitaires de l'Ordre du Bitard (Loué Soit-t'il !).

1958Le journal de l'AGEP est rebaptisé Le Bitard depuis octobre 1957.

Début de la Vème République.

1961Création de la Fédération Nationale des Etudiants de France. -FNEF-

1963Création de la Fédération Générale des Etudiants de Poitiers (FGEP) et de la Bazoche.

1964L'Ordre a, pour la première fois, une fanfare. Elle disparaîtra en 1970.

1968Boby Lapointe est intronisé dans l'Ordre.

Révolte universitaire de mai 68. La France est paralysée par les événements de mai 68.

1973La fanfare réapparaît dans l'Ordre sous le nom de La Horde. Elle changera souvent de nom.

1981550ième anniversaire de l'Université de Poitiers.

1983La fanfare de l'Ordre est recréée et est baptisée Les Chiures de Mouches.

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L'Ordre du Vénéré Bitard (loué soit - il !)

A l'aide des différentes sources que nous avons, nous avons établi cette chronologie des Grands Maistres et des Grands Bitardiers. Elle nous est très utile pour l'exploitation de nos sources, car grâce à elle, nous pouvons plus facilement dater des documents qui ne le seraient pas.

Grand Maistre Grand Bitardier

1923/24 Brisset1924/25 Nicouleau1925/26 Ducorneau

1926/32 pas de Chasse

1933/35

1935/36 A. Moreau1936/37 G. Audebert1937/38 G. Audebert1938/39 B. Moreau1939/40 Blanc1944/45 L. Bourreau1945/47 Tessier - Delage A. Baron - J. Menu

Agier - Boutemy J. Bouju

1946/47 P. Juret Rugeaud1947/48 P. Juret G. Pineau1948/49 J. Bonny R. Joly1949/50 B. Agier - J. Sarvonnat J. Melon1950/51 R. Joly P. Gauducheau1951/52 P. Becheras C. Barritaud

M. Balsan G. Besnard B. Lamotte

1952/53 P. Becheras B. LamotteTourneur

1953/54 F. Lubineau Bigot Moulin1954/55 P. Becheras N. Karimi

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231955/56 N. Karimi (le grand) Goigoux1956/57 H. Francois Gablain1957/58 N. Karimi P. Blanc1958/59 P. Moreau1959/601960/611961/62 J. Santrot Perraud1962/631963/64 M. Quenet Delanaud1964/651965/66 JC. Mercier1966/67 JC. Mercier (Hérakles) Pat1967/68 C. Bouquet Babar1968/69 Pat Nono1969/70 Lulu Saint-Paul1970/71 Lulu - Jujute (le Grec) Solves

M. Clapeau1971/72 Babar Zanzi1972/73 Babar Jacquot (Mimile)1973/74 Babar Mimile1974/75 Léo Louis Marie1975/76 Louis Marie Toris1976/77 Juif - Mimile Sebb1977/78 Sebb Kays (le Grand)1978/79 Gus Yo1979/80 Drôle Servat1980/81 Servat Poiré1981/82 Benaref Pépé1982/83 Benaref - Pépé Roux1983/84 Barbapoue Ferdinand1984/85 Barbapoue Trick1985/86 Trick Job1986/87 Trick Danielou1987/88 Poum Tarzan1988/89 Job Largeur1989/90 Tarzan P.H.1990/91 Moineau Porno1991/92 Charrue Sans Boule1992/93 Kiki Chab1993/94 Goût Surmer1994/95 Miro - Label Pêt

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241995/96 Label Tonverre1996/97 Manu Festy1997/98 Pêt Deux1998/99 Miche Mac Gaver1999/2000 Miche Numa2000/2001 Numa Tigrou2001/2002 Winny Sana2002/3003 Tigrou Saucisson2003/2004 Poppeye Pouetasse2004/2005 Poppeye Looping2005/2006 Rivers

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25Ce questionnaire a été élaboré dans le cadre d'un DEA d'Histoire contemporaine. Merci de bien vouloir y répondre et de le retourner à votre association.

1) Avez-vous déjà entendu parler de l'Ordre du Vénéré Bitard (loué soit-t'il !) ?

チ non si oui, pour la première fois チ dans l'enceinte de l'Université

チ à l'extérieur de l'Université

チ peu de temps après mon arrivée à Poitiers

チ longtemps après mon arrivée à Poitiers

2) Avez-vous déjà rencontré l'Ordre ?

チ non si oui, à l'occasion チ de La Semaine Estudiantine

チ d'une autre manifestation. Précisez:______________________________________________________________________________________________________________________________________________________

3) Qu'est-ce que le Vénéré Bitard (LST !) ? _________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

4) Connaissez-vous la hiérarchie de l'Ordre du Bitard (LST !) ?

チ non si oui, précisez:_________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

5) Comment reconnaissez-vous un Bitard (membre de l'Ordre) ?______________________________________________________________________________________________________________________________________________________

6) Connaissez-vous personnellement un Bitard ? チ non チ oui

7) Vous avez de l'Ordre une vision:

チ plutôt positive チ plutôt négative チ sans avis

8) Pensez-vous que l'Ordre

チ est dépassé チ est toujours d'actualité

チ n'apporte rien à l'Université チ est un élément dynamique pour l'Université

チ donne une mauvaise image des étudiants チ donne une bonne image des étudiants

チ se prend trop au sérieux チ est une auto dérision

9) A votre avis, depuis quand l'Ordre existe t-il ? ____________________________________

10) Pour vous qu'est-ce que l'Ordre du Bitard (LST !) ? _____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

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EXEMPLES DE SOURCESAbréviations employées pour les lieux de consultation des sources: médiathèque de Poitiers (Méd. Poitiers), archives départementales de la Vienne (A.D.V.), bibliothèque universitaire de Poitiers (B.U.P.).

EXEMPLE 1: Composition des différentes commissions de l'AGEP dont celle de la Semaine Estudiantine (B.U.P. AG5 - Chemise Divers).

EXEMPLE 2: Une lettre du Grand Maître de l'Ordre datée du 10 mars 1951 (B.U.P. AG5 - Chemise AG Intérieure).

EXEMPLE 3: Une lettre du président de l'AG de Bordeaux datée du 14 avril 1951 (B.U.P. AG6 - Chemise Anonyme).

EXEMPLE 4: Une lettre du président de l'AG de Liège datée du 17 avril 1951 (B.U.P. AG6 - Chemise Anonyme).

EXEMPLE 5: Une lettre, datée du 6 juillet 1951, du Grand Maître de l'Ordre conviant à une réunion (B.U.P. AG5 - Chemise Correspondance 50-51).

EXEMPLE 6: Une lettre de l'AGEP qui s'engage à rembourser la plaque d'une bonneterie (B.U.P. AG5 - Chemise Correspondance 50-51).

EXEMPLE 7: Deux lettres de l'AGEP. Dans l'une, l'AGEP s'engage à réparer les dégâts causés par des étudiants lors de la Chasse. Dans la seconde, l'AGEP s'adresse au "Sekh de Khâgne Pictave". (B.U.P. AG5 - Chemise Correspondance).

EXEMPLE 8: Une lettre de deux pages de l'AGEP qui demande à la Ville de Poitiers l'autorisation du "Monôme de présentation du Bitard (loué soit-il !) aux autorités" (B.U.P. AG5 - Chemise fêtes et loisirs).EXEMPLE 9: Une lettre du président de l'AGEP demandant l'autorisation de faire la Chasse dans un Champ à son propriétaire (B.U.P. AG5 - Chemise fêtes et loisirs).

EXEMPLE 10: Deux pages du livret de la revue théâtrale de 1951, la couverture et le programme de la Semaine (B.U.P. AG3).

EXEMPLE 11: Un article de deux pages signé A. B.: "Qu'est-ce que le Zident ?", Scapin, 1947, n°spécial, (A.D.V. 4°E 57).

EXEMPLE 12: Un article signé R. L., étudiant de l'U. de P.: "Les étudiants poitevins chassent le bitard", La Grand'Goule, mars 1933, a. 4ème, n°27, p. 82 (Méd. Poitiers BP 814).

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III - PROJET DE PLAN GÉNÉRALDE LA THÈSE

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28Le folklore estudiantin poitevin: l'exemple del'Ordre du Bitard (loué soit-t'il ! )

du début des années 1920 à la fin des années 1980

PREMIÈRE PARTIE: LE RITE, LA FÊTE ET LE JEU.

Chapitre 1 - Les Bitards: les étudiants à capes et à chapeaux.A) Le Vénéré Bitard (LST).B) Un ordre étudiant.C) Etude des membres de l'association.

Chapitre 2 - La ponctuation festive de la vie universitaire pictave.A) Les "boumes" étudiantes.B) Les sorties en musique.C) La Semaine Estudiantine.

Chapitre 3 - L'impact de l'Ordre sur la population locale.A) L'Etudiant en fête.B) La perception de l'Ordre par la population pictave.C) Aspects carnavalesques.

DEUXIÈME PARTIE: LE CARACTÈRE POITEVIN DE L'ORDRE.

Chapitre 4 - L'éclosion des associations étudiantes à la fin du XIXème siècle.A) Un contexte favorable.B) Des interventions bienveillantes.C) La faluche.

Chapitre 5 - "Rabelais à Poitiers" ou la ville aux traditions estudiantines.A) Les étudiants poitevins avant la renaissance des universités à la fin du XIXème siècle.B) Le mythe de Rabelais.

Chapitre 6 - La genèse du Bitard dans un milieu universitaire fécond.A) Une Université, des professeurs et peu d'étudiants.B) L'Association Générale des Etudiants de Poitiers.C) Roger Jozereau, l'ami des étudiants.

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29TROISIÈME PARTIE: LE SECRET DE LA LONGÉVITÉ DE L'ORDRE.

Chapitre 7 - "Le Bitard à travers les âges".A) Le folklore autour du Bitard avant l'existence de l'Ordre, de 1923 à 1935.B) L'Ordre du Bitard (LST !) au sein de l'AGEP, de 1936 à 1968.C) L'Ordre après les événements de mai 1968.D) Les différentes formes de la Semaine Estudiantine et leur symbolique.

Chapitre 8 - L'exception culturelle poitevine.A) Des étudiants actifs dans la vie universitaire.B) Une population complice.C) Le monopole folklorique de l'Ordre.

Chapitre 9 - L'identité et les activités spécifiques de l'Ordre.A) La hiérarchie de l'Ordre et le respect des anciens.B) La Semaine Estudiantine.C) Exutoires et créativités.

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30Le folklore estudiantin poitevin : l'exemple del'Ordre du Bitard (loué soit-t'il ! )

du début des années 1920 à la fin des années 1980

Unique en France l'Ordre du Vénéré Bitard (loué soit-t'il !) est une particularité poitevine. Il nous a semblé important de pouvoir répondre à la question « pourquoi ce type de folklore estudiantin n'existe-t-il plus que dans la ville de Poitiers ? ». Pour comprendre cette situation, nous articulerons notre travail autour de trois questions qui correspondent à notre problématique. Nous nous attacherons, dans une première partie, à découvrir l'Ordre du Bitard (loué soit-t'il !) tel qu'il se présente de nos jours. Il conviendra, dans une deuxième partie d'étudier sa genèse et de comprendre comment il est apparu à Poitiers. Enfin, dans une troisième et dernière partie, nous chercherons le secret de sa longévité pour expliquer pourquoi ce folklore existe toujours à Poitiers.

PREMIÈRE PARTIE : LE RITE, LA FÊTE ET LE JEU.

Il s'agit, dans cette première partie, de découvrir l'Ordre du Vénéré Bitard (loué soit-t'il !) tel qu'il se présente aujourd'hui. En effet, il nous apparaît essentiel d'appréhender l'Ordre actuel avant d'en étudier ses origines, et par là même de mieux saisir ses évolutions. Pour cela, nous articulerons notre travail sur trois interrogations: la composition de l'Ordre, ses activités et son impact sur la population pictave.

Chapitre 1 - Les Bitards: les étudiants à capes et à chapeaux.Nous étudierons ici les éléments qui composent l'Ordre et qui en sont sa vitrine.

A) Le Vénéré Bitard (LST).Nous nous intéresserons à son aspect particulier, si bien connu des poitevins. Puisqu'il est objet de vénération (d'où son appellation), nous nous arrêterons sur la légende qui l'entoure et qui lui a valu un hymne14.

B) Un ordre étudiant.L'apparat joue énormément dans l'Ordre. Ce sont ces atouts (faluches, capes et grades) qui discernent les membres de l'Ordre, les Bitards, des autres étudiants. Ils sont très élaborés et leur symbolique est complexe. Par là, nous comprendrons le système hiérarchique qui gère l'Ordre. C'est aussi dans cette rubrique que nous aborderons les aspects parodiques de l'Ordre. En effet, comme le disent les Bitards "L'Ordre est une parodie d'Ordre".

C) Etude des membres de l'association.

14 L'hymne de l'Ordre apparait dans l'année universitaire 1952/53. Régulièrement chanté pendant la Semaine Estudiantine, il est surtout chanté en début et fin de chaque réunion. Il s'adresse aux "escholiers" et les invite à être "gai car le Bitard est là".

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31Dans cette rubrique, nous étudierons les membres de l'Ordre, en utilisant des questionnaires, afin de connaître les études qu'ils poursuivent et à quels niveaux. Il sera aussi important de s'intéresser à leurs origines géographiques des Bitards, car si elles sont éloignées de Poitiers, l'Ordre assumerait, d'une certaine manière, un rôle d'intégration. Enfin, il semble fondamental de connaître les origines sociales des Bitards, et de savoir si l'Ordre puise ses membres dans des milieux socioprofessionnels particuliers. Si la majorité des Bitards ne provient pas des classes sociales favorisées, il sera impossible de présenter l'adhésion à l'Ordre comme une occupation de dilettante ou un remède à l'oisiveté pour des étudiants à l'abri du besoin.Nous devrons aussi nous intéresser au nombre des dignitaires actifs car ce nombre, toujours surestimé, pose autant de problèmes aux Bitards quant au fonctionnement de l'association. En effet, cet Ordre est une association de type loi 1901, et il est donc soumis à des règles.Il sera aussi important d'étudier la fanfare des Bitards: les « Chiures de Mouches, émanation sonore de l'Ordre du Vénéré Bitard (LST !) » et ses relations statutaires avec lui.

Chapitre 2 - La ponctuation festive de la vie universitaire pictave.Il s'agit bien de l'essence même de l'Ordre. En effet, la seule raison de son existence et du maintien de ses traditions est d'animer la vie estudiantine de Poitiers en rythmant l'année universitaire par ses activités festives.

A) Les « boumes » étudiantes.Les boumes étudiantes (l'expression date des années 1970) sont les rendez-vous incontournables des étudiants pictaves. Ces soirées musicales étudiantes sont organisées et animées par des associations étudiantes. Ce sont des soirées de détente pour les étudiants et elles sont adaptées à leurs moyens pécuniaires. Elles sont beaucoup moins nombreuses de nos jours qu'à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Toutefois, l'Ordre reste l'une des rares associations à en organiser.Nous nous interrogerons, dans cette rubrique, sur l'importance de leurs fonctions. En effet, si elles sont destinées à apporter de l'argent aux associations qui les organisent, elles sont aussi des lieux de rencontres. Grâce aux comptes financiers de ces soirées et à des témoignages, nous essayerons d'apprécier leur audience.

B) Les sorties en musique.Ce sont les activités de la fanfare des Bitards. Elle donne un cachet particulier à certaines manifestations Bitards. Il y a ainsi le rendez-vous de la Grande Quéquette pour les voeux de la nouvelle année et les contrats de fanfare qui fournissent l'essentiel des rentrées d'argent de l'Ordre et qui lui permettent d'organiser ses manifestations. La fanfare participe régulièrement à des concours nationaux de fanfares étudiantes et à différentes férias. Enfin, elle donne aussi à l'Ordre la possibilité de conforter ses relations avec les autres fanfares étudiantes de France.

C) La Semaine Estudiantine.C'est la plus importante manifestation de l'Ordre et très certainement celle qui lui est primordiale. Il est d'ailleurs remarquable qu'elle soit connue sous le nom de "Semaine des Bitards". Ces bacchanales printanières sont les derniers écarts des étudiants avant les dernières révisions pour les examens de fin d'année. Chaque jour de la semaine est l'occasion d'une manifestation ou d'une commémoration traditionnelle. Elle demande une

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32organisation précise et des moyens financiers à la hauteur. C'est à l'occasion de la Semaine que l'Ordre reprend les traditions médiévales des étudiants pictaves, traditions relatées par Rabelais dans son Pantagruel. Cette Semaine Estudiantine, où l'étudiant est roi, est unique en France et est aussi ancienne que l'Ordre. Les documents ne manquent pas pour son étude.

Chapitre 3 - L'impact de l'Ordre sur la population locale.Apprécié ou décrié, l'Ordre ne laisse personne indifférent. Il conviendra ici d'étudier l'image que l'Ordre donne de lui même et de la façon dont il est perçu.

A) L'Etudiant en fête.Il existe une image d'Epinal de l'étudiant faisant la fête. Cette image n'est certainement pas fortuite. La fête joue un rôle important dans la vie des étudiants. C'est dans cette rubrique que nous aborderons les aspects typiques de la fête estudiantine, à savoir la relation à l'alcool, les chansons paillardes et la provocation avec les canulars. C'est aussi là que nous chercherons à savoir si la fête a une fonction dans la vie étudiante et plus particulièrement dans l'Ordre.

B) La perception de l'Ordre par la population pictave.Pour cette rubrique, il nous faudra travailler à partir d'un questionnaire distribué auprès des étudiants (par l'intermédiaire des associations étudiantes et particulièrement celles des cités universitaires) et aux professeurs, au personnel administratif et aux agents techniques. Ce questionnaire (cf. Outils d'analyse) est restreint à la population universitaire. Pour entrevoir le regard de la population poitevine sur l'Ordre et ses Bitards, nous utiliserons la presse locale. Nous ne pouvons pas affirmer que la presse locale reflète les sensibilités et les opinions générales. Toutefois, lorsque cette presse est élogieuse sur l'Ordre, ou bien lorsqu'elle le critique, c'est à chaque fois conforme au sentiment général. Nous posons comme postulat que les pictaves ne liraient plus une presse dont les opinions seraient contraires aux leurs, et surtout que les journalistes de la presse locale écrivent dans le sens souhaité par leur lectorat.

C) Aspects carnavalesques.Nous pensons avoir repéré des relations, peut-être fortuites, entre la Semaine Estudiantine et les fêtes carnavalesques, Malgouverne et la fête des fous. Nous les étudierons à travers les costumes, la musique, les règles de la Semaine Estudiantine et la ripaille. Il sera extrêmement intéressant pour notre travail de faire des parallèles entre le carnaval et les étudiants qui se travestissent pendant la Semaine, la liesse entre deux périodes d'examens, Malgouverne et la prise du pouvoir, pendant la Semaine, par les Bitards, qui interrompent les cours pour offrir l'apéritif aux professeurs et étudiants et qui rebaptisent Poitiers en Bitardbourg en apposant des panneaux à l'entrée de la ville. Ces panneaux ne sont pas enlevés par les autorités municipales car ce sont les étudiants qui sont rois pour une semaine: c'est le Monde à l'envers. Enfin, il y a aussi la notion de la fête des fous, puisque le plus fou d'entre les étudiants deviendra le Grand Bitardier.

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33DEUXIÈME PARTIE : LE CARACTÈRE POITEVIN DE L'ORDRE.

Nous articulerons cette deuxième partie sur trois chapitres. Dans un premier, nous étudierons l'apparition des associations étudiantes en France. Dans un second, nous rechercherons s'il y avait déjà un fond de traditions estudiantines à Poitiers. Dans un troisième chapitre, nous nous interrogerons sur le contexte universitaire pictave qui a favorisé l'émergence de l'Ordre.

Chapitre 4 - L'éclosion des associations étudiantes à la fin du XIXème siècle.Nous reprendrons en partie, ici, et en le complétant à la lumière des nouvelles sources consultées, le travail déjà effectué dans les deux premières parties de notre maîtrise d'Histoire contemporaine La faluche : une forme de sociabilité estudiantine.

A) Un contexte favorable.Dans cette première rubrique, nous étudierons comment, à la fin du XIXème siècle, les associations étudiantes ont pu naître et insuffler à la vie estudiantine un nouveau souffle, une énergie, qui ont été déterminants pour le siècle qui a suivi.

B) Des interventions bienveillantes.Nous nous interrogerons sur les personnes qui ont favorisé l'éclosion des associations étudiantes et leur dynamisme. Plus encore, nous rechercherons leurs motivations, et nous démontrerons peut-être qu'une démarche politique pourrait être à l'origine de ces interventions bienveillantes.

C) La faluche.Il conviendra, dans cette rubrique, d'étudier le béret des étudiants de France, la faluche, son apparition, ce qu'il a représenté et son évolution. Nous tenterons de chercher à savoir si la faluche était un folklore bien implanté dans la cité pictave, ce qui serait un indice de l'attachement des étudiants à une forme de tradition universitaire.

Chapitre 5 - « Rabelais à Poitiers » ou la ville aux traditions estudiantines. Nous empruntons, pour ce chapitre, le titre d'une revue théâtrale signée de Roger Jozereau, tant les écrits de Rabelais, « maître de tous les étudiants » selon Ernest Lavisse, semblent avoir marqué Poitiers dans ses murs et dans ses amphithéâtres.

A) Les étudiants poitevins avant la renaissance des universités à la fin du XIXème siècle.Etre étudiant à Poitiers, au début du siècle, c'était certainement se sentir le dépositaire d'une grande tradition familiale, celle de l'histoire estudiantine pictave. Nous démontrerons que le regroupement des étudiants n'est pas une idée de la fin du XIXème siècle et que les facéties estudiantines ont été nombreuses auparavant. Ces facéties, ces chahuts estudiantins, ont traversé les époques et leurs histoires sont devenues, pour les étudiants du début du XXème siècle, de vraies légendes qui ont certainement contribué à l'émergence d'une tradition estudiantine pictave.

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34B) Le mythe de Rabelais.

Il méritait, dans notre étude, une rubrique à part. Rabelais est très certainement, de toutes les personnes ayant vécu à Poitiers, l'une des plus célèbres. Et dans ses écrits, la cité pictave a eu la part belle. Il n'a très certainement jamais été étudiant (escholier) à Poitiers, mais il en a très bien connu la vie universitaire. Et il a su s'inspirer de son pittoresque pour enrichir son Pantagruel.Rabelais est depuis longtemps considéré comme "le maître de tous les étudiants". Il conviendra, dans cette partie d'approfondir l'héritage culturel que Rabelais a pu "léguer" aux étudiants de Poitiers et dont l'Ordre s'est fait le protecteur.

Chapitre 6 - La genèse du Bitard dans un milieu universitaire fécond.Dans ce sixième chapitre, nous rechercherons à savoir comment a pu naître le Bitard.

A) Une Université, des professeurs et peu d'étudiants.Cette particularité de l'Université, le faible nombre d'étudiants, a certainement favorisé le regroupement des étudiants entre eux. Cela a certainement aussi permis des rapports entre le corps professoral et les étudiants que l'on ne peut retrouver ailleurs. Il faut attendre les années 1980 pour que le nombre des étudiants de Poitiers augmente de façon conséquente. Mais même à ce moment, si les étudiants de Poitiers sont au nombre de 25000, ils n'égalent pas le nombre des étudiants des autres villes universitaires (30000 étudiants en faculté de Sciences de Toulouse en 1990).Il faudra aussi, dans cette rubrique, s'intéresser au folklore des écoles préparatoires de Poitiers, et particulièrement l'Ecole Normale Supérieure (la Khâgne). Sans en faire une étude approfondie, nous remarquerons qu'elle avait un folklore, commun aux écoles préparatoires des autres villes, et celui-ci a pu influer sur l'Université pictave, puisque nombre de ces élèves de préparatoire ont rejoint l'Université dans la suite de leurs études.

B) L'Association Générale des Etudiants de Poitiers.Nous étudierons l'Association Générale des Etudiants de Poitiers et particulièrement pendant la période de l'entre deux guerres, période où le Bitard est apparu. Il ne s'agira pas ici d'entreprendre l'histoire de l'AGEP dans tous ses détails, mais il nous semble obligatoire d'en saisir sa globalité et certains détails de l'entre deux guerres pour comprendre comment l'Ordre est apparu dans l'AGEP.

C) Roger Jozereau, l'ami des étudiants.C'est un des personnages clés de notre étude. Nous nous intéresserons à cette personnalité poitevine qui était "l'ami des étudiants" (Pierre Juret, président de l'AGEP/Grand Maistre de l'Ordre), et qui leur offrit le Bitard. C'est aussi grâce à cet amoureux du Poitou que la médiathèque de Poitiers et les archives départementales de la Vienne possèdent autant de documents sur le Bitard et peut-être que la population connaisse aussi bien le prestigieux animal de l'Université.

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35TROISIÈME PARTIE : LE SECRET DE LA LONGÉVITÉ DE L'ORDRE.

Il s'agira, dans cette troisième partie, de comprendre pourquoi l'Ordre existe toujours à Poitiers et comment il a pu survivre tout au long de ces années. Pour ce faire, nous étudierons dans un premier temps l'évolution de l'Ordre du Bitard (LST !). Dans un second temps, nous rechercherons les facteurs poitevins qui ont contribué à la continuité de l'Ordre. Enfin, dans un troisième temps, nous étudierons les éléments intrinsèques de l'Ordre qui ont permis sa survie.

Chapitre 7 - « Le Bitard à travers les âges ». Le titre de ce chapitre est emprunté à un article de Pierre Souty15. Nous étudierons ici l'évolution historique de l'Ordre. Nous avons discerné trois périodes clés. Nous utiliserons donc un découpage chronologique. Toutefois, nous avons consacré une quatrième rubrique à la Semaine Estudiantine et à son évolution.

A) Le folklore autour du Bitard avant l'existence de l'Ordre, de 1923 à 1935.Cette rubrique sera la continuité directe du C) du chapitre 6. Il conviendra ici d'étudier l'histoire et l'évolution du Bitard et du folklore estudiantin pictave jusqu'en 1936.

B) L'Ordre du Bitard (LST !) au sein de l'AGEP, de 1936 à 1968.Dans cette rubrique nous nous intéresserons à l'évolution de l'Ordre (qui est appelé Chancellerie du Bitard de 1936 à 1940) au sein de l'AGEP, c'est à dire jusqu'en 1968.Nous nous intéresserons aussi à la FGEP (Fédération Générale des Etudiants de Poitiers), scission de l'AGEP, découlant de la scission de la FNEF (Fédération Nationale des Etudiants de France) de l'UNEF. Par là, nous étudierons la renaissance du royaume de la Basoche à Poitiers, au sein de la FGEP, pendant de l'Ordre au sein de l'AGEP.

C) L'Ordre après les événements de mai 1968.Il s'agit, dans cette troisième rubrique, d'étudier l'Ordre alors qu'il n'a plus de lien direct avec l'AGEP. Ce sera aussi l'occasion d'étudier une des conséquences des événements de 1968 sur la vie estudiantine poitevine.

D) Les différentes formes de la Semaine Estudiantine et leur symbolique.Nous avons voulu consacrer une rubrique en particulier à la Semaine Estudiantine. Nous pourrons ainsi vérifier si les manifestations d'avant la seconde guerre mondiale étaient si différentes de celles qui ont suivi. Nous pourrons ainsi mieux saisir les apparitions et disparitions de cérémonies de la Semaine Estudiantine (messes en faveur des étudiants morts pendant la guerre, courses de chars, inaugurations de rues, d'oeuvre d'art...). Ces évolution apporteront de nombreuses indications sur les changements de moeurs des étudiants de Poitiers.

15 C'est un article du Courrier de la Vienne du 28 avril 1923.

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36Chapitre 8 - L'exception culturelle poitevine.

Dans ce chapitre nous rechercherons les facteurs poitevins qui ont permis la continuité de l'Ordre. Pour cela, nous les rechercherons au sein de la population étudiante et de la population poitevine. Puis, dans une troisième rubrique, nous étudierons les difficultés qu'ont connu d'autres types de folklores estudiantins à s'implanter à Poitiers.

A) Des étudiants actifs dans la vie universitaire.Il s'agira, à l'aide les informations du A) du chapitre 6, de mettre en relief les facteurs de continuité de l'Ordre au sein de la population estudiantine. Nous étudierons la forte densité estudiantine de Poitiers, les origines géographiques des étudiants et le besoin pour ceux-ci de se regrouper. C'est ce dernier point qui leur donne la possibilité de s'approprier la ville et de participer à sa vie au travers d'associations estudiantines.

B) Une population complice.Nous nous demanderons ici jusqu'à quel point l'administration de l'Université, la Mairie de Poitiers et à travers elle la population pictave, sont complices, peut être à leur insu, de l'Ordre. Il sera aussi nécessaire d'étudier si la presse locale, attentive aux manifestations de l'Ordre, ne fait pas partie de ces facteurs. Enfin, à travers différents témoignages, nous étudierons des manifestations de bienveillance générale des habitants de Poitiers pour l'Ordre.

C) Le monopole folklorique de l'Ordre.Dans ce chapitre, nous étudierons les conséquences de l'implantation de l'Ordre à Poitiers. En effet, pourquoi le Royaume de la Basoche n'est pas, à l'instar de l'Ordre, véritablement établi comme folklore poitevin ? De même, après que le port de la faluche ait quasiment disparu de la vie universitaire française16, il n'a pu revenir en force dans la cité pictave alors qu'il s'imposait dans toutes les autres villes universitaires ?

Chapitre 9 - L'identité et les activités spécifiques de l'Ordre.Nous étudierons, dans ce neuvième et dernier chapitre, les éléments intrinsèques de l'Ordre qui ont permis son maintien à Poitiers. Pour ce faire, nous articulerons notre étude sur trois rubriques, en nous intéressant d'abord au fonctionnement de l'Ordre, puis à son activité principale, la Semaine Estudiantine, enfin en recherchant à travers ses autres activités les exutoires et les créativités des Bitards.

A) La hiérarchie de l'Ordre et le respect des anciens.Nous rechercherons comment la hiérarchie, même si elle ne se veut qu'un jeu, amène au respect des anciens membres de l'Ordre, et par là le respect de ce qui a été entrepris et la volonté de faire "aussi bien". Nous chercherons à savoir s'il existe dans l'Ordre la notion d'héritage d'une tradition.

B) La Semaine Estudiantine.En nous intéressant à la manifestation principale de l'Ordre, son véritable but et la raison principale de son existence, nous pourrons mettre en évidence son importance et ses fonctions tant dans la vie universitaire que

16 La faluche a toujours été portée par les membres de l'Ordre et leurs sympathisants.

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37dans celle de la ville de Poitiers. Nous pourrons peut-être ainsi faire le lien avec les manifestations urbaines du XVIème et du XVIIème siècle où certaines villes forgeaient leur identité à travers les fêtes.

C) Exutoires et créativités.Nous chercherons, dans cette troisième et dernière rubrique, à savoir comment les Bitards évitent la monotonie de la répétition de ce qui a été déjà fait. Il faudra prendre en compte les canulars et les thèmes titres choisis pour chaque Semaine Estudiantine Il faudra aussi s'intéresser aux possibilités qu'offre la fanfare. les autres fanfares étudiantes sont pour la majorité issues des écoles de Beaux Arts. Travestissements et mises en scène accompagnent leurs prestations.

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EXEMPLES DE DEVELOPPEMENTS

Chapitre 6 - La genèse du Bitard dans un milieu universitaire fécond.C) Roger Jozereau, l'ami des étudiants.

Roger Jozereau est par excellence "l'ami des étudiants". Cet homme de Lettres était dévoué à sa région et fut l'un de ses plus fervents promoteurs. Nous allons dresser sous cette rubrique, à l'aide de nos sources, sa biographie sommaire à travers ses différentes implications dans la vie culturelle pictave, puis dans un deuxième temps nous aborderons son oeuvre littéraire.

1 - Aux côtés des étudiants.Roger Jozereau est un enfant du terroir poitevin. Il naquit à Gençay le 16 juin 188017. Il n'eut pas la

possibilité de faire des études poussées. Il collabora très vite à la Revue du Tourisme. Parallèlement, il participa à la revue Poitiers Universitaire qui publia nombre de ses poésies. Dès 1901, il fut membre de l'Association Générale des Etudiants de Poitiers (AGEP)18. Par la suite, il devint rédacteur à L'avenir de la Vienne. C'est à ce poste qu'il se fit remarquer par Gabriel Morain, alors maire de Poitiers, et que ce dernier le nomma bibliothécaire adjoint à la bibliothèque municipale. Nombre de fiches de l'actuel fond ancien de la médiathèque de Poitiers ont été faites de sa main. Et c'est certainement grâce à ce poste qu'il a pu annoter certains documents archivés dont nous nous servons. Ainsi il avait à disposition tous les documents historiques qu'il pouvait souhaiter. Il abandonna ces responsabilités pour devenir directeur du bureau universitaire des statistiques (BUS). Nous ne connaissons pas exactement la date de ce changement professionnel. Toutefois, nous trouvons dans les archives de l'AGEP postérieures à la seconde guerre mondiale, des correspondances avec le BUS, adressées à Roger Jozereau19. Il semblerait que Roger Jozereau ait appartenu à la Franc-maçonnerie20, mais il est sûr qu'il était de confession protestante. Il quitta le BUS en 1947. Il était certainement très heureux dans cette fonction où il contactait l'AGEP pour prévenir les étudiants de l'éminence de concours administratifs. Et puis il devait se sentir chez lui dans son bureau où une fresque représentant Pantagruel à la Pierre Levée ornait les

17 Il n'existe pas de biographie de Roger Jozereau, aussi nous avons trouvé la plupart des informations qui suivent dans trois articles de presse conservés dans les archives de l'Ordre. Il s'agit de trois articles de tailles différentes, non datés et non identifiés, dans la sous-chemise SEMAINE 71/72 de la chemise 1971-1972 du CARTON 1969-1972. Nous trouvons des informations complémentaires dans Anthologie des poètes poitevins, sous la dir. de Roger Jozereau président de l'Orientine, Poitiers, édition de Le Diable dans le Beffroi, 1928, pp. 61-65.18 P. Bouhier, maîtrise, L'évolution de la sociabilité et des formes de solidarités étudiantes vers et à travers l'Association Générale des Etudiants de Poitiers créée en 1889 jusqu'à la seconde guerre mondiale, sous la dir. de Nicole Piétri, Poitiers, 1996, p. 74.19 Chemise BUS du CARTON AG5 des archives de l'AGEP.20 P. Bouhier, op. cit. p. 177.

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39murs21. Il décéda à quatre vingt dix ans et fut inhumé au cimetière de Chilvert. Des dignitaires de l'Ordre se rendirent à ses obsèques et s'inclinèrent devant son cercueil pour rendre un dernier hommage à celui qui avait tant fait pour eux. Finalement, sa vie professionnelle ne l'éloigna jamais des étudiants, et si ceux-ci lui ont donné le titre "d'ami des étudiants"22, lui, leur accorda toujours son aide et son amitié.

2 - Une contribution à la culture pictave.Lorsque le maire de Poitiers, Gabriel Morain, nomma Roger Jozereau bibliothécaire adjoint, il

contribua, peut-être involontairement, au dynamisme culturel de la ville. L'œuvre de Roger Jozereau est prolifique. Toutefois il est remarquable que les Poitevins aient plus facilement retenu le nom de La Grand'Goule que celui de Jozereau. Ce doit être la rançon de la gloire, mais quoi qu'il en soit, Roger Jozereau reste la personne incontournable de la vie culturelle poitevine de l'entre deux guerres. Ses premiers écrits sont essentiellement dans le domaine théâtrale. Dresser la liste de ses pièces de théâtre serait fastidieux, toutefois les quelques titres qui suivent sont une bonne indication de son œuvre. En 1912 il écrivit en vers La première pierre, Rabelais à Poitiers en 1920, Rabelais revient en 1925, enfin pour la même année Le trou de Saint Fesset. Nous recensons au moins une douzaine de pièces. Mais il écrivit également des contes, tels que La Marie Gratton, en 1923, La Chasse au Bitard, également en 1923, et Emouchail le meneur de Bitards en 1937. Enfin il fut l'auteur de différents recueils tels que Les feuilles mortes vont au bal, en 1932, et Pierres en prière23.

La boulimie culturelle et la plume de Roger Jozereau trouvèrent d'autres moyens d'expression. En 1926, il fonda pour les écrivains et les artistes locaux la Société de l'Orientine, dont les salons annuels eurent une renommée nationale. Parallèlement il fut président du Gay-Sçavoir, association qui proposait régulièrement des conférences à l'Hôtel de ville. Celles-ci, sous des aspects rigoureux, ne manquaient pas d'humour. De même, il participa au Chat noir poitevin, une association d'étudiants qui aimaient se réunir au Cul de Paille, un bar restaurant, pour y faire la fête, et écrire des chansons et des pièces de théâtre. En 1929, Roger Jozereau créa une revue régionale qui restera certainement comme sa plus grande réalisation. Cette revue c'est La Grand'Goule. Son nom est emprunté au monstre poitevin dont une représentation est conservée au musée Sainte Croix de Poitiers. La Grand'Goule serait l'incarnation du paganisme vaincu par Saint Hilaire. Mais il existe d'autres légendes où Sainte Radegonde aurait terrassé le monstre qui se cachait dans les souterrains de la ville et qui s'attaquait aux jeunes filles. L'effigie de la Grand'Goule était sortie pour les rogations poitevines appelées Rouzons et qui se déroulaient sur trois jours, lundi, mardi, mercredi, précédant l'Ascension24. La Grand'Goule était surnommée la "bounne sainte veurmine". La revue reste la référence culturelle de l'entre deux guerres. Tout d'abord mensuelle, elle devint très vite trimestrielle. Elle publiait de nombreux contes, chansons et poésies. Mais elle publiait aussi des reproductions de tableaux et des articles historiques. Enfin, nous y trouvons de nombreux comptes rendus des associations sportives (vol à voile) et des différentes manifestations locales. La renommée de cette revue a dépassé les frontières du Poitou et celles de la France. De nombreux poitevins "expatriés" pouvaient, grâce à cette revue régionale, conserver un lien avec leur pays d'origine, et parfois même y faire publier un article. La proportion des articles des universitaires de Poitiers est très importante. Il est évident que les professeurs de la faculté représentaient la vie culturelle et intellectuelle de la cité pictone, à tort

21 Deuxième lettre du témoignage épistolaire du fond Roger Lecoté.22 Chemise BUS du CARTON AG5 des archives de l'AGEP, dans les lettres de Pierre Juret, président de l'AGEP.23 Nous n'avons pas pu dater cet ouvrage, mais les articles que nous trouvons dans les archives de l'Ordre (op. cit.) laissent supposer que la première édition de Pierres en prière date de 1948.24 R. Jozereau, Pierres en prière, Poitiers, 2e éd., Poitiers, imprimerie Marc Texier, n. d., pp. 41-44.

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40ou à raison. Peut-être faut-il y voir les répercutions locales de ce que l'on a appelé "la République des professeurs"25. C'est certainement parce que Roger Jozereau vouait un grand respect à ce monde universitaire et que lui-même n'avait pu faire des études supérieures qu'il fut si proche des étudiants. Il n'est pas impossible, non plus, qu'il ait conservé d'eux l'image de l'élite de la jeunesse, qui était donnée aux étudiants de la fin du XIXème. Nous pouvons en tenir pour preuve le nombre d'articles les concernant que nous trouvons dans La Grand'Goule. En effet, lorsque ces derniers n'avaient à disposition un organe de presse, ils trouvaient toujours dans la revue régionale la possibilité de publier des articles. Mais Roger Jozereau leur offrit encore plus, il leur fit don d'un folklore. Ce folklore, les étudiants se l'accaparèrent très vite, et ils le nourrirent, l'agrémentèrent. C'est en 1923 que Roger Jozereau publia le conte de La chasse au bitard. Le bitard est une coquecigrue qui devint l'emblème des étudiants pictaves. En 1925, il enrichit le conte d'une pièce de théâtre, Rabelais revient, et donna tous les profits de la pièce à Minerva, la revue de l'AGEP. Nous reviendrons plus en détail sur ces deux œuvres majeures pour notre étude, mais il posait là les premières pierres de ce qui allait donner naissance au folklore estudiantin le plus original de France : l'Ordre du Bitard (LST !).

"[Pantagruel] De faict vint à Poictiers pour estudier, et proffita beaucoup; auquel lieu voyant que les escholiers estoyent aulcunes foys de loysir et ne sçavoient à quoy passer temps, il en eut compassion; et, un jour, print d'un grand rochier qu'on nomme Passelourdin une grosse roche ayant environ de douze toizes en quarré et d'espaisseur quatorze pans, et la mist sur quatre pilliers au milieu d'un champ, bien à son ayse, affin que lesdictz escoliers, quand ilz ne sçauroyent aultre chose faire, passassent le temps à monter sur ladicte pierre et là banqueter à force flacons, jambons et pastez, et escripre leurs noms dessus avec un cousteau, et, de présent, l'appelle-on la Pierre levée."26

Le parallèle est osé, mais comment ne pas penser à Pantagruel lorsque nous faisons le bilan de l'œuvre de Roger Jozereau ? Les étudiants de Poitiers avaient très certainement l'occasion de se divertir. Mais ces occasions étaient rares et nécessitaient des dépenses que les pauvres moyens des étudiants ne pouvaient satisfaire. Et si l'AGEP regroupait les étudiants sous sa bannière, celle-ci n'avait pas d'identité originale. Roger Jozereau, en offrant le Bitard à l'AGEP, lui fit cadeau d'une mascotte, d'un emblème, d'un panache auquel les étudiants se rallièrent. Dorénavant, le Bitard ornera la bannière de l'AGEP et symbolisera les étudiants de Poitiers. Pantagruel fit don de la Pierre levée, Roger Jozereau fit don de la Chasse au Bitard.

25 P. Ory, J. F. Sirinelli, Les intellectuels en France, de l'Affaire Dreyfus à nos jours, Paris, Armand Colin, 1986, pp. 78-79.26 F. Rabelais, Oeuvres complètes, établi, annoté et préfacé par Guy Demerson, texte latin établi, annoté et trad. par Geneviève Demerson, [1973], Tours, Editions du Seuil, l'Intégrale/Seuil, 1991, p. 232.

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41Chapitre 7 - "Le Bitard à travers les âges".

Nous avons emprunté ce titre à un article de Pierre Souty paru dans Le Courrier de la Vienne le 28 avril 1923. Nous retracerons dans ce chapitre de l'histoire du Bitard et de l'Ordre qui lui fut consacré.

A) Le folklore autour du Bitard avant l'existence de l'Ordre.

Cette rubrique sera la continuité directe du C) du chapitre 6. Il conviendra ici d'étudier l'histoire et l'évolution du Bitard et du folklore estudiantin pictave jusqu'en 1936. Nous articulerons cette rubrique en trois points. Dans un premier, nous étudierons la première Chasse au Bitard, véritable coup d'envoi d'une tradition qui s'est maintenue jusqu'à nos jours. Dans un second point, nous nous attacherons à l'engouement qui s'est développé autour du Bitard. Enfin, dans un troisième et dernier point, nous aborderons la mise en place du folklore du Bitard de 1923 à 1936, avant que n'apparaisse réellement l'Ordre du Bitard.

1 - La première Chasse au Bitard.En 1923, Roger Jozereau publia le conte de La Chasse au Bitard. Nous en présentons une copie en

Annexe 1. Il s'agit de la mystification d'un jeune étudiant en première année. Des étudiants plus expérimentés l'invitent à une chasse particulière dont le gibier est le Bitard. Sa description est frappante, il tient de la fouine pour la tête, du saumon pour le corps, le derrière empenné du dindon et deux pattes de basset. Il s'agit, en fait, d'une forme de chasse au dahut qui était pratiquée dans la plupart des régions françaises. Ce type de farce se pratique encore de nos jours. Le terme "dahut" n'existe pas dans le poitevin, c'est celui de Bitard qui le remplace. Ce terme se retrouve aussi dans la Sarthe et l'Anjou. Le jeune étudiant, appelé "bizut" dans le conte, Jehan, attend un gibier qui, bien entendu, ne se montre jamais et après avoir attendu longtemps, rentre chez lui. En chemin, il se fait arrêter par un faux garde champêtre qui veut lui dresser un procès verbal pour braconnage. Le pauvre Jehan fuit et s'en retourne chez lui à pieds. Arrivé chez sa logeuse, il découvre les étudiants qui l'ont mystifié ainsi que le faux garde champêtre, et ils terminent tous ensemble la nuit en "beuverie".

Dans ce conte, Roger Jozereau présente la Chasse comme une tradition qui remonterait "avant la guerre". C'est symptomatique des années 1920, où la première guerre mondiale marque une coupure dans l'histoire universitaire. Elle fit des ravages dans les classes d'âge étudiantes27, et le paysage universitaire qui succède à la Grande Guerre est bien différent. Nous notons un net déclin des activités folkloriques dans le milieu étudiant. Comme nous l'avons démontré dans une étude précédente28, les étudiants portaient peu la faluche et ceux qui l'arboraient en avaient oublié l'origine. Ainsi le béret étudiant, qui ne datait somme toute que de 1888, était considéré comme le couvre chef des étudiants du Moyen Age. Et s'il était peu porté dans les années 1920 à Toulouse, les étudiants soutenaient qu'il était sur toutes les têtes étudiantes "avant la guerre"29. Est-ce que la chasse était réellement pratiquée avant la guerre ? Cela nous semble peu probable. En effet, elle n'est pas annoncée, en 1923, comme le retour de la chasse au Bitard. En la faisant remonter avant la guerre, Roger Jozereau l'inscrit dans le fond des traditions estudiantines qui avaient disparu et coupe court à toute discussion sur la légitimité de la Chasse. Il se présente comme la mémoire des étudiants et non comme un écrivain qui impose ses créations aux étudiants. La chasse au Bitard ou au dahut a certainement déjà été

27 P. Ory, J. F. Sirinelli, op. cit. pp. 62-63.28 M. Segura, maîtrise, La faluche, une forme de sociabilité estudiantine, sous la dir. de Nicole Piétri, Poitiers, 1994, 196 p.29 M. Segura, op. cit. p. 82.

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42pratiquée, mais occasionnellement comme dans toutes les régions de France et sous sa forme originelle, celle d'un mauvais tour que l'on fait pour berner une personne naïve. Roger Jozereau propose un récapitulatif de différentes étymologies du nom "Bitard", il cite Rabelais, Du Cange et Pline l'ancien. L'animal semble ainsi provenir du fond des âges et nous trouvons aussi l'inévitable référence de Rabelais qui, il est vrai, mentionne le Bitard lorsque Carpalim va chasser :

"[Carpalim poursuivant un chevreuil] Incontinent courut après de telle roiddeur qu'il sembloit que feust un carreau d'arbaleste et l'attrapa en un moment, et en courant print de ses mains en l'air:Quatre grandes otardes,Sept bitards,Vingt et six perdrys grises,Trente et deux rouges,Seize faisans,Neuf beccasses,Dix et neuf hérons,Trente et deux pigeons ramiers,Et tua de ses pieds dix ou douze, que levraulx, que lapins, qui jà estoyent hors de piège,Dix huyt rasles parez ensemble,Quinze sanglerons,Deux bléraux,Troys grands renards."30

Comme l'écrit Roger Jozereau "le nom est plaisant", et il allie le sérieux à la grivoiserie. Celui qui chasse le Bitard, le bitardier, est la victime de ses comparses, et dans ce conte, il se nomme Jehan. Le choix du prénom n'est pas anodin. Roger Jozereau puise là encore dans les traditions médiévales. En effet, Jehan est, dans les contes populaires, proverbes et sotties du Moyen Age, le nom du sot, de "l'esservelé"31, il est, pour Roger Jozereau, le bizuth. Au conte, Roger Jozereau a ajouté une Chanson du Bitard qui est écrite en parler poitevin et qui se chante sur l'air de "Il court, il court le furet".

L'aspect du Bitard est particulier. Dans les traditions rurales, le dahut est une coquecigrue, c'est à dire un amalgame anatomique de plusieurs animaux. Nous avons trouvé un exemplaire du conte annoté par Roger Jozereau, et il a écrit "J'ai donné au bitard sa forme et ses mœurs. La tradition le représentait sous aucun aspect particulier, pour cette bonne raison qu'elle ne le représentait pas du tout !". Toutefois nous ne pouvons ne pas remarquer une ressemblance entre la Grand'Goule et le Bitard. En fait la ressemblance peut s'étendre à l'ensemble des représentations médiévales de dragons. La ville de Poitiers avait son monstre, à partir de 1923, l'Université de Poitiers a le sien.

Le conte de la Chasse fut accueilli avec enthousiasme par les étudiants et surtout par l'Association Générale des Etudiants de Poitiers (AGEP). Celle-ci venait juste de sortir d'une crise entre ses adhérents, et était

30 Rabelais, op. cit., p. 317.31 M. Grinberg, "Carnaval et société urbaine XIVème - XVIème siècles : le royaume dans la ville", Ethnologie française, 1974, nouvelle série tome 4, n° 3, p. 230.

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43réunifiée32. Le conte arrivait peut-être au bon moment, et Paul Janvier, alors président de l'AGEP, sut en profiter. Il organisa, avec le concours de Roger Jozereau, la mise en scène de ce conte, puisque la Chasse se pratiquait avant la guerre. Le Bitard avait été matérialisé par un fourreur des ateliers Peignon. Il resta longtemps exposé dans la vitrine. Un portrait photographique33 en fut fait et il fut publié en carte postale (Annexe 2). Son aspect impressionnant devait renforcer sa notoriété et ajoutait à l'ampleur de la manifestation. La Chasse respectait scrupuleusement le scénario du conte34, c'est à dire que, sous le patronage du président de l'AGEP, les étudiants bitardiers partaient à la recherche du Bitard, et l'un d'eux jouait le rôle du garde champêtre. Si le bitardier chanceux parvenait à ramener le Bitard sans se faire arrêter par le garde champêtre, il recevait deux cents francs (200 fr.), dans le cas contraire, le bitardier chanceux et le garde champêtre se partageaient la somme qui était offerte par le comité de la foire exposition de Poitiers. La Chasse se déroula à Naintré sur la commune de Saint Benoît, dans des bois mis à disposition par le propriétaire, monsieur Gauvin, maire de Saint Benoît, le jeudi 17 mai 1923. Pierre Brisset, étudiant en P.C.N., découvrit le Bitard et se fit attraper par le garde champêtre occasionnel. Les étudiants se replièrent au café de Naintré pour pique-niquer. Ils rentrèrent au parc de Blossac, lieu de la foire exposition de Poitiers, pour rendre le Bitard au stand Peignon, et pour la remise des prix au bitardier vainqueur et au garde champêtre vigilant. Avant de s'en aller, les étudiants parcoururent les stands d'exposition en monôme, et prirent la décision de recommencer chaque année la Chasse. Les étudiants regrettèrent deux choses, que la pluie ait été présente par deux fois pendant la Chasse et que Roger Jozereau ne put assister à la première Chasse. Et il est remarquable que dans les articles de presses rapportant la Chasse et signés par des étudiants de l'AGEP, il soit annoncé comme "l'instigateur de la Chasse" et le "fidèle conservateur des vieilles Traditions estudiantines".

2 - L'engouement autour du Bitard.Comme nous l'avons vu, les étudiants ne furent pas les seuls à s'être engoués pour le Bitard. La

population poitevine fut très réceptive à la vénerie étudiante et les commerçants de Poitiers y participèrent activement, puisque le comité de la foire exposition de Poitiers offrit la prime, que monsieur Bedin des ateliers Peignon concrétisa le Bitard et que les étudiants se virent offert des dégustations à différents stands de la foire. L'affaire aurait pu rester ponctuelle mais dès la première Chasse, la décision de perpétuer cette manifestation chaque année35 fut prise. Et l'année qui suivit ne permit pas à la population pictave d'oublier la première Chasse. Dès le début de l'année 1924, de nombreux articles de presse rapportent le conte de la Chasse et annoncent la prochaine vénerie estudiantine. A cette occasion une appellation pseudo-scientifique, mais humoristique, fut donnée au Bitard: Bitardus Paradoxus. La Chasse eut lieu le dimanche 24 février 1924. Les comptes rendus donnés dans la presse nous informent que l'AGEP s'était déjà approprié le conte de Roger Jozereau et y avait apporté quelques modifications. Le bitardier qui découvrait le Bitard était désormais nommé Grand Bitardier et recevait une écharpe bleue. Les commerçants pictaves, cette fois encore, contribuèrent à la réussite de la manifestation des étudiants. Avant de commencer la Chasse, l'AGEP remit une gerbe au monument aux morts

32 P. Bouhier, op. cit. pp. 72-74.33 BITARD (BITARDUS PARADOXUS), Photo du Bitard, 1927. C'est une photo du photographe poitevin Maurice Couvrat. (Médiathèque de Poitiers, Carton Poit. in 8° Bitard, La Chasse au Bitard ).34 Nous trouvons des comptes rendus dans le cahier La Chasse au Bitard conservé à la médiathèque de Poitiers. Ce cahier, daté de 1927, a été constitué par Roger Jozereau et rassemble quelques unes de ses créations, de nombreux articles de presse et des annotations manuscrites. Nous nous servons ici de différents articles de presse du Journal de l'Ouest et de l'Avenir de la Vienne. Ils sont signés par Roger Jozereau, Paul Janvier (président de l'AGEP) et Pierre Souty (membre de l'AGEP).35 Idem.

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44de Saint Benoît, en présence des officiels de la commune. A onze heures et quart de la matinée, les étudiants se rendirent au Chalet de Venise, un restaurant, où un banquet les attendait. Deux représentants du comité des fêtes de Poitiers y assistèrent, ainsi que Roger Jozereau. C'est encore le comité des fêtes qui dota la chasse de la somme de cent francs (100 fr.). Il est à noter que cette somme a diminué de moitié en un an ! La maison Vannier, quant à elle, offrit à l'AGEP un fanion multicolore avec les initiales de l'association étudiante et l'écharpe du Grand Bitardier. Enfin, un distributeur de boissons abreuva gratuitement la manifestation étudiante. Après la Chasse, l'AGEP remercia, par voie de presse, toutes les personnes qui l'avaient aidée : le comité des fêtes de Poitiers, l'Action Universitaire, messieurs Morin, Bouelle, Vergnaud, Delétang et Vellon, le cercle Saint Hubert, le cercle de l'Union, les maisons Vannier, Mathias, Peignon, Gauvin, Hary-Lorne et Laussat, et remercia enfin "Monsieur" Jozereau. Tout était fait pour que la Chasse soit une manifestation estudiantine gaie et néanmoins emprunte d'une certaine solennité. Nous pourrions facilement déduire des articles de la presse locale, que les étudiants étaient choyés par la population poitevine et que leurs activités se déroulaient dans une ambiance des plus cordiales. Il nous faut cependant nuancer ce jugement. En effet, nombres d'articles sont signés par des étudiants. C'était alors chose courante que de les employer, cela permettait aux étudiants de compléter leurs revenus et fournissait ponctuellement à la presse locale des articles rédigés par des "érudits". Il ne faut pas, non plus, négliger l'influence de Roger Jozereau, rédacteur à L'avenir de la Vienne, qui voulait sans aucun doute donner des étudiants pictaves une image respectable. En mars de la même année, l'AGEP présentait sa revue théâtrale annuelle, et celle-ci se finissait sur les étudiants qui revenaient de la Chasse36. En mars 1924, Roger Jozereau publia La Chasse au Bitard, chanson poitevine. Cette chanson sur l'air de Tu verras Montmartre fut interprétée avec un succès populaire par Max Ela dont le nom de scène était Salafoumal. Le refrain était "joyeusement repris par toute la salle"37. De nombreux articles rapportèrent le conte et des résumés de la Chasse. Ces articles parurent dans des journaux d'autres régions et contribuèrent à la notoriété du Bitard au-delà des frontières du Poitou : L'indépendant du Berry, L'Université38, La France. Un distillateur de Châtellerault, monsieur Lafoy, commercialisa un apéritif à base de vins blancs et d'écorce de quinquina sous le nom de Le Bitard. L'étiquette présentait une image du Bitard et un texte en vers signé Roger Jozereau39. La profession de ce dernier permit des effets de suspens dans la presse locale. Ainsi, avant la foire exposition de 1924, la presse annonçait "On prendra des Bitards à Blossac, pendant la foire.", "Un curieux procès en perspective, un Bitard a été pris à Châtellerault. On dit même que c'est par le Sous-Préfet !!! Le Président de l'Association des Etudiants va poursuivre.", "Une catastrophe épouvantable. Vendredi soir vers 17 heures, il y eut à Blossac une véritable panique. Une foule évaluée à dix mille personnes environ entourait le stand 91 ; chacun voulait prendre un Bitard."40. Roger Jozereau nous raconte dans un texte manuscrit la naissance de cet apéritif41. A Châtellerault, le 31 mars 1924, l'AGEP donne une représentation de sa revue. Dans l'après-midi, elle visita la distillerie de monsieur Lafoy qui leur offrit un apéritif. Il leur apprit qu'il avait déposé la marque Le Bitard et que ce nom était donné à un nouvel apéritif à base de quinquina et qu'il a prévu de leur envoyer une caisse de cette boisson. L'AGEP promit alors d'aller déguster Le Bitard à Blossac pendant la foire exposition de Poitiers. Comme nous l'avons vu, la presse locale s'est fait l'écho de la dégustation. Il faut voir dans cette

36 Nous trouvons dans le même cahier toutes les informations qui suivent.37 Ibidem.38 C'était la revue de l'Union des Etudiants de France (UN ou UNEF).39 Le cahier précédemment cité comporte un exemplaire de l'étiquette.40 Ces articles ne sont pas identifiés, toutefois il ne fait aucun doute qu'ils soient l'oeuvre de Roger Jozereau. Ils se trouvent eux aussi dans le cahier.41 Là encore, le texte est dans le cahier La Chasse au Bitard.

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45démarche un effet publicitaire du distillateur. Le choix du nom et le geste envers les étudiants procèdent certainement d'une stratégie de vente. Et le distillateur, grâce à ses choix, a pu s'adjoindre l'aide de Roger Jozereau. Il faut en déduire que la notoriété de la vénerie étudiante et l'engouement qu'elle suscitait étaient tels qu'ils suffisaient à faire vendre un produit. Il faut aussi très certainement en déduire que Roger Jozereau avait acquis une popularité importante et qu'il était une personnalité incontournable de la vie poitevine.

3 - Un folklore estudiantin.Comme nous l'avons vu, dès la deuxième année, la Chasse était présentée comme une tradition

estudiantine. Le Bitard existait bel et bien grâce à la complicité d'un fourreur. Tout était en place pour que les étudiants mettent en place un folklore particulier lié au Bitard.

La manifestation suit un rite. En effet nous trouvons toujours les mêmes éléments. Il y a parfois des changements quant à leur ordre, mais les éléments restent les mêmes. La remise d'une gerbe au monument aux morts de la Grande guerre est un passage obligatoire. C'est alors commun à toutes les associations étudiantes de France. Les étudiants de l'entre deux guerres, même si la plupart de leurs manifestations étaient festives, ont toujours rendu hommages aux morts de la première guerre, ce qui, somme toute, semble normal puisqu'ils avaient à déplorer nombre d'étudiants parmi les victimes. Evidemment, lorsque les étudiants viennent déposer une gerbe sur le monument funéraire, les officiels de la commune et des représentants des anciens combattants se doivent d'être présents. C'est la partie la plus solennelle de la manifestation étudiante. Un autre élément est celui du banquet. Il est offert aux étudiants. Les premières Chasses, c'est la mairie de Saint Benoît, commune où se déroule la Chasse, qui offrait le banquet. Le maire, des représentants du comité des fêtes de Poitiers et Roger Jozereau y assistaient. Par la suite, le banquet fut offert par des anciens étudiants, notables de la commune où avait lieu la Chasse. Ce lieu a souvent changé, même s'il n'a jamais dépassé le secteur Sud, Sud-Ouest de Poitiers, entre Saint Benoît et Béruges. Si le dépôt de gerbe est l'hommage patriotique des étudiants à ceux qui ont combattu pour la France, le banquet est l'hommage des notables à la jeunesse intellectuelle. Il y avait ensuite la Chasse proprement dite. Parfois celle-ci a précédé le banquet. L'étudiant qui avait découvert le Bitard devait essayer de regagner le point de rendez-vous sans être intercepté par le Garde Champêtre. Mais quand bien même, il était sacré Grand Bitardier42. Les étudiants se regroupaient dans un café et vidaient quelques bouteilles en entonnant des chants paillards. Le retour à Poitiers était un moment très fort, et donnait lieu à la formation d'un monôme. Lors de la deuxième Chasse, le monôme a lancé des "Chic au ...!" pour les maisons Vannier et Peignon.

L'apparat est un élément de ce folklore. Il en est la démonstration physique et contribue à l'enraciner. A l'instar de l'ensemble des étudiants de France, les membres de l'AGEP arboraient la faluche. Toutefois, au début des années 1920, le port du béret étudiant n'était pas aussi général "qu'avant la guerre". Mais il semble que Poitiers ait conservé cette tradition. Nous tenons pour preuve le témoignage, en 1924, d'étudiants rennais43 qui décrivent les membres de l'AGEP avec le béret au quotidien, et qui affirment que "là bas [à Poitiers], on ne l'a pas lâché !". La faluche était bien évidemment portée pendant la Chasse et les monômes. L'étudiant qui incarnait le Garde Champêtre était affublé d'un bicorne et d'une écharpe en traversière. Même si c'était la tenue quotidienne des gardes champêtres, il ne fait aucun doute que l'officier d'un jour était déguisé et que ses 42 LA PREMIÈRE CHASSE, Photo de la première chasse au Bitard, dédicacée à Roger Jozereau. Nous la présentons dans l'Annexe 2. Nous pouvons y voir les bitardiers assemblés devant le président de l'AGEP. Le Grand Bitardier tient le Bitard et derrière lui, nous apercevons le "garde champêtre" en tenue. (Médiathèque de Poitiers, Carton Poit. in 8° Jozereau, La Chasse au Bitard ).43 "Les Etudiants d'Histoire de Rennes à l'A de Poitiers", L'A, 26 juin 1924, n° 13, (A.D.I.V.), p. 3. L'A est l'organe de presse de l'AGE de Rennes.

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46attributs témoignaient, pour l'ensemble de la population universitaire, de sa fonction dans la manifestation estudiantine. Dès la deuxième édition de la Chasse, le Grand Bitardier se voyait remettre l'écharpe de son titre. Nous avons trouvé une description de cette écharpe44. Elle était bleue et comportait une broderie représentant le Bitard. Cette écharpe, lorsque le Grand Bitardier ne la portait pas, était exposée dans le local de l'AGEP et était la fierté des étudiants pictaves. A tel point que les étudiants rennais, que nous avons déjà mentionnés, l'ont confondue avec le Bitard lui même. Cela nous permet de supposer que l'incarnation du Bitard n'était pas la propriété de l'AGEP. Il semble en effet que les ateliers Peignon l'ont conservée dans les premiers temps. Faluches, bicorne, écharpes, les étudiants pictaves se constituaient une physionomie bien particulière. Dans sa revue Rabelais revient, Roger Jozereau fait entrer sur scène le Grand Bitardier et son "Etat-Major" constitué de "sept officiers"45 et ceux-ci sont tout de suite reconnus par les autres acteurs en tant que tels. Il est donc possible qu'ils avaient eux aussi une marque de distinction. Mais nous n'avons aucune précision sur celle-ci.

D'emblée, il apparaît des personnages clés, parmi les étudiants dans cette manifestation. Bien évidemment le président de l'AGEP était le chef d'orchestre de la vie estudiantine et dirigeait la Chasse. Il nous semble logique que ce soit lui qui désignait le Garde Champêtre, même si nous n'avons trouvé aucune preuve étayant cette hypothèse. En effet, l'étudiant qui portait le bicorne avait plus de chances que les autres de percevoir une partie de la prime, il fallait donc une "autorité" pour le désigner. C'est le premier, faluches mises à part, qui ait bénéficié d'une tenue d'apparat. Et lors de la première Chasse, c'est lui qui était à l'honneur dans le cortège qui s'est formé au retour de la Chasse au parc de Blossac. Peut-être est-ce parce qu'il avait réussi à alpaguer le braconnier ? De plus, le procès verbal qu'il prononçait était repris dans la presse locale. Ce discours, qui s'inspirait du conte de Roger Jozereau, était une parodie et citait des lois fictives. C'était là un humour qui devait être particulièrement bien perçu par une population étudiante en majorité inscrite en faculté de Droit. Le titre de Grand Bitardier n'apparaît que la seconde année. Pourtant, cette fois là encore, il fut attrapé par le Garde Champêtre. Cela correspond avec l'apparition de son écharpe. C'est lui qui gardait le Bitard lors du retour à Poitiers et pendant le monôme qui se formait. Le couple Grand Bitardier - Garde Champêtre était mis à l'honneur. Ainsi dans un numéro de la revue Minerva46, à l'occasion d'un article annonçant la Chasse, un encart rappelait les précédants couples et citait leurs noms. Ces titres devaient donc revêtir un caractère honorifique important. Si Roger Jozereau a mis en scène l'Etat-Major du Grand Bitardier, composé de sept "officiers", c'est que celui-ci était certainement reconnu comme important par le reste des étudiants. Il nous faut nous arrêter ici sur ce point. Il faut, tout d'abord, souligner le nombre de ces officiers. Il est symbolique et revêt une grande importance dans l'histoire de l'Ordre. Nous le retrouverons dans les chapitres qui suivent47. Enfin, cet Etat-Major, petit groupe au sein de l'AGEP, peut être considéré comme l'embryon de l'Ordre. Ils sont directement liés au Bitard et au Grand Bitardier et se définissent par rapport à eux. Dans la pièce de théâtre, ils sont présentés comme les étudiants les plus chahuteurs et le Grand Bitardier semble bien être ce que l'on nomme dans le Poitou une "bounne goule" et une "goule de petiâ"48. D'ailleurs un personnage de la pièce s'adresse à eux tout en faisant leur portrait:

44 Ibidem.45 R. Jozereau, Rabelais revient, revue locale en deux actes, Poitiers, imprimerie Marc Texier, 1925, (A.D.V. 4°E 2007), p. 14.46 Minerva, mai-juin 1925, a. 1ère, n°6, (Méd. Poitiers 4°E 7), p. 16.47 Ces chapitres ne seront pas abordés dans notre mémoire de DEA. Nous retrouvons le chiffre sept pour les jours de la Semaine Estudiantine. C'est aussi le nombre de plumes de paon que possède le Vénéré Bitard (LST !) après la seconde guerre mondiale. Enfin, c'est le nombre des membres du Grand Conseil de l'Ordre. Ce n'est certainement pas un heureux hasard, et il est fort possible que les membres de l'Ordre se soient inspirés du nombre des Officiers du Grand Bitardier. Il nous est toutefois impossible de savoir si cette inspiration provient du texte de Roger Jozereau ou bien d'une mémoire orale collective.48 R. Jozereau, Pierres en prière, Poitiers, 2e éd., Poitiers, imprimerie Marc Texier, n. d., p. 42.

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47

" Je vous salue. Vous êtes beaux fils. Soyez bien vus et chéris de Poictiers. Aimez liesse et esbatement. Riez, combien que vous dussiez en rendre l'âme. Buvez ! C'est le conseil très précieux de mon compain Rabelais, médecin et bon gaultier. Videz les pots, et prudents soyez avec les dames, car de mal ardent brûle le coeur dans le corps."49

Réelle ou fausse, Roger Jozereau donne de cet Etat-Major l'image des escholiers du Moyen-Age. Toutefois, nous ne trouvons aucune autre mention de l'Etat-Major. Seuls le Grand Bitardier et le Garde Champêtre apparaissent dans la presse estudiantine poitevine. Quoi qu'il en soit, le monde étudiant pictave, avec sa structure (l'AGEP), ses figures mythiques et son Bitard, devint une composante importante de la ville de Poitiers.

La Chasse au Bitard se poursuivit les années suivantes. Comme nous l'avons signalé, elle avait acquis une certaine notoriété nationale dans le monde estudiantin, à travers des articles de presse et certainement un bouche à oreilles qui a dû fonctionner pendant les congrès étudiants. Mais c'est surtout parce que Robert Bigot, alors président de l'AGEP, était devenu membre du bureau de l'UNEF en 1925, que la Chasse fut connue par tous les étudiants de France. En 1926, le quinzième congrès national de l'UNEF se tint à Poitiers, et la Chasse fut organisée pour sa clôture50. Malheureusement la revue de l'AGEP, Minerva, ne rend pas compte de ce congrès et de la Chasse puisqu'elle cesse de paraître en janvier 1926. Nous trouvons des indications sur ce qui s'est passé à la Chasse de 1926 dans des documents postérieurs51. Des étudiants qui représentaient l'AGE de Lille ont, semble-t-il, subtilisé le Bitard et l'ont ramené chez eux comme trophée. Les trophées étaient une pratique courante à l'époque. Ainsi nombre de plaques de rues ont disparu dans le sillage des manifestations estudiantines, et le jeu le plus répandu consistait à dérober les plaques de médecins ou pharmaciens et de les renvoyer à leurs propriétaires poste restante. Ce ne fut pas le cas du Bitard et les étudiants poitevins restèrent orphelins de nombreuses années. L'AGEP était préoccupée par d'autres problèmes. En effet, elle devait faire face à des problèmes économiques impartis aux dépenses occasionnées par l'organisation du congrès de 1926 et vivait des luttes intestines qui paralysèrent ses activités52. La Chasse disparaît donc avec le Bitard.

Il faut attendre 1933 pour retrouver des mentions de la Chasse. Les manifestations du demi-millénaire de l'Université de Poitiers semblent avoir réveillé les étudiants pictaves de leur torpeur folklorique. Les fêtes d'anniversaires d'Université furent nombreuses à la fin du XIXème siècle et les étudiants étaient mis à l'honneur. Elles restèrent dans la mémoire collective comme des moments forts de l'histoire des étudiants. Celle de Poitiers eut lieu en 1933, et l'on comprend que les étudiants d'alors ne voulaient passer à côté de cet événement. C'était l'occasion de renouer avec le prestige "d'avant la guerre" et de prouver que les étudiants étaient encore une composante importante de la vie pictave. L'AGEP se dota d'un nouvel organe de presse, Scapin, qui commenca à paraître à partir de janvier 1933. Dans le quatrième numéro, l'AGEP annonce la "remise à l'honneur du port de la faluche"53. Dans un autre article, la "568ème" Chasse est annoncée pour le dimanche 7 mai54. L'article est 49 R. Jozereau, Rabelais revient, revue locale en deux actes, op. cit., p. 14.50 P. Bouhier, op. cit., p. 81.51 "Le Bitard est rentré solennellement dans notre ville", La Grand'Goule, mars-mai 1936, a. 7ème, n°40, (Méd. Poitiers BP 814), p. 16.G. Audebert, Le fils du maître d'école, Histoire d'un Tourangeau d'une guerre à l'autre, dessins de Mose, 2e éd., Maulévrier en Anjou, Hérault Editions, 1988, (A.D.V. in 8° 1125), pp. 165-166.52 P. Bouhier, op. cit., pp. 81-82.53 Scapin, avril 1933, a. 1ère, n° 4, p. 15.54 Idem, p. 6.

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48signé du président de la Chasse. Il semble bien que l'AGEP ait structuré la reprise de ses activités folkloriques, en planifiant une reconquête des traditions estudiantines. Il est donc fort peu probable qu'il y ait eu une Chasse les années précédentes. Après six années d'interruptions, la Chasse avait changé d'aspect. Dans le même article, nous trouvons le programme de la Chasse de 1933. Le départ était prévu à 12h30 de la place d'Armes de Poitiers. Le début de la Chasse était programmé à 14h30. A 18h, l'AGEP organisait un apéritif et le banquet était fixé à 19h. La Chasse devait donc durer trois heures et demi. Mais nous remarquons que les deux heures prévues pour le transport sont bien généreuses. Nous imaginons mal les étudiants patienter au moins cinq heures avec pour seule occupation la recherche du Bitard. D'autant plus qu'il n'y en avait pas ! En effet il est certain que le Bitard ne revint à Poitiers qu'en 193655. Et pourtant tout laisse à croire qu'il y avait bel et bien un Bitard à Poitiers. Chaque année un Grand Bitardier était désigné, et dans Scapin de mars-avril 1934, un article atteste que le Bitard a été trouvé par un étudiant. S'agirait-il d'une confusion avec l'écharpe bleue du Grand Bitardier comme cela s'était déjà produit avec des étudiants rennais en 1924 ? C'est possible, mais la réalité est plus certainement ailleurs. Pour cela, revenons au retour de la vénerie étudiante en 1933. L'article annonçant la Chasse dans le numéro d'avril 1933 de Scapin est intitulé "Bitardus Alcoolicus". C'est un clin d'oeil au nom scientifique "Bitardus Paradoxus" qui fut attribué au Bitard. Mais c'est aussi l'annonce d'un changement d'aspect. La Chasse devenait plus festive et moins solennelle. D'ailleurs, aucune commémoration aux morts n'était prévue dans le programme. Il ne faut pas en conclure que l'AGEP ne déposait plus de gerbes commémoratives aux monuments aux morts, mais ces recueillements trouvaient d'autres occasions pour s'exprimer et étaient définitivement dissociés de la Chasse. L'explication la plus nette, nous la trouvons dans un article écrit par un étudiant et publié la même année dans La Grand'Goule :

" Cette année, la fameuse Chasse au bitard a eu lieu dans les bois de Ligugé, par un temps pluvieux qui n'encouragea guère les chasseurs. Ils en furent réduits aux libations.

A vrai dire, la découverte de l'animal, le retour triomphal du «grand bitardier» ne sont jamais l'essentiel d'une telle journée. La manifestation estudiantine est toujours dirigée vers un autre but qui est plus en rapport avec le culte de Dyonisos qu'avec celui de Nemrod. Le premier n'est pas moins classique que le second et si les «bourgeois» s'en indignaient, ils pourraient relire avec profit certaines pages de l'histoire grecque.

Donc, le plus mémorable fut certainement l'heure de l'apéritif et le temps du banquet, sous la double présidence de messieurs le docteur et le pharmacien de Ligugé. Au dessert, le Dr Brunet nous conta la genèse du bitard, d'après Buffon et Fabre...

...Pauvres voyageurs somnolents du train qui ramena les chasseurs de bitard !"56

Le ton de l'article est assez agressif. Il semblerait qu'il soit la réponse à des critiques qui auraient pu être faites à l'encontre de la tournure que prit la Chasse. Il est paradoxal puisqu'il rejette en bloc la Chasse en elle même et le titre de Grand Bitardier, pour n'en retenir que les libations, mais il qualifie les étudiants de "chasseurs de bitard". Le Scapin de novembre 1933 publie le rapport moral et le bilan financier sur l'activité de

55 G. Audebert, op. cit., pp. 165-166.56 "Les Etudiants poitevins chassent le bitard", La Grand'Goule, mars-mai 1933, a. 4ème, n° 27, p. 82. Cet article est signé R. L. étudiant de l'U. de P.

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49l'AGEP pour l'exercice 1932-193357. Nous y apprenons que la Chasse rapporta six cent soixante-quinze francs (675 fr.) en cotisations et qu'elle nécessita huit cent cinquante trois francs et vingt-cinq centimes (853.25 fr.) de dépenses. Elle fut donc déficitaire. La cotisation est logique, nous comprenons aisément que l'AGEP n'ait pas voulu organiser une fête gratuite, qui aurait attirée trop de personnes, qui, sans s'investir dans les différentes activités de l'association, auraient profité du travail des autres. Que la Chasse soit déficitaire prouve qu'elle n'avait pas pour objectif de rapporter de l'argent, mais bien de fournir l'occasion à l'AGEP de se retrouver dans une fête à moindre coût. Y a-t-il eut un Grand Bitardier cette année là ? Rien ne le prouve, mais nous pouvons le supposer. La Chasse de 1934 nous est contée dans un numéro de Scapin58. Elle eut lieu au début du mois de mai, et nous y apprenons la nomination d'un Grand Bitardier. En revanche, nous ne possédons aucune information sur la Chasse de 1935. Mais il nous semble fort peu probable qu'elle n'eut pas lieu. L'AGEP retrouvait la dynamique qu'elle avait perdue les années précédentes et le folklore reprenait une place importante dans la vie estudiantine pictave. Ce folklore prit une ampleur unique en France dès l'année 1936, et seule une guerre mondiale pouvait l'interrompre.

Après les six années d'interruption, la Chasse revenait métamorphosée. Cette pause allait permettre aux étudiants de se l'approprier totalement et de lui donner l'aspect qu'ils souhaitaient. De 1933 à 1935, tout le pompeux de la manifestation avait disparu, pour laisser se développer un rite plus festif et certainement plus vinesque. Le Bitard, en quittant Poitiers, avait mué de Bitardus Paradoxus en Bitardus Alcoolicus. Le rite ne revêtait plus la même importance. Si seul le retour du Bitard à Poitiers pouvait faire revivre le côté officiel de la Chasse, celui-ci ne pouvait plus se passer du festif.

57 R. Larrounet, "Rapport Moral sur l'activité de l'Association pendant l'année 1932-1933", Scapin, novembre 1933, a. 1ère, n° 8, pp. 7-10.58 "Chasse au Bitard", Scapin, mars-avril 1934, a. 2ème, n° 11, p. 46. Cet article est signé Bi-Mi.

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Annexes

Annexe 1

LA CHASSE AU BITARDCe conte de Roger Jozereau est paru en 1923.

Annexe 2

BITARD (BITARDUS PARADOXUS)Photo du Bitard, 1927. C'est une photo du photographe poitevin Maurice Couvrat. Médiathèque de Poitiers, Carton Poit. in 8° Bitard, La Chasse au Bitard.Faussement datée de 1927, elle est certainement de 1923, juste après la réalisation du Bitard par les ateliers Peignon. Elle nous présente le premier aspect du Bitard, tel que l'a pensé Roger Jozereau.

LA PREMIÈRE CHASSEPhoto de la première chasse au Bitard, dédicacée à Roger Jozereau. Nous pouvons y voir les bitardiers assemblés devant le président de l'AGEP. Le Grand Bitardier tient le Bitard et derrière lui, nous apercevons le "garde champêtre" en tenue. Médiathèque de Poitiers, Carton Poit. in 8° Jozereau, La Chasse au Bitard.