Ex'il de Paul O'Moore

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...UN .... TEMPS ...... DE ..... CHIEN édition Paul O’Moore Ex’il

description

aphorismes et poésie de Vincent Vedovelli mise en page par Isabelle Jégo

Transcript of Ex'il de Paul O'Moore

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un

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temps

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..de

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édit

ion

Paul O’Moore

Ex’il

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Ex’il

Paul O’Moore

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un temps de chien édition6 rue Branda, 29200 [email protected] www.tempsdechien.com

conception graphique :Isabelle Jégo

ISBN : 978-2-9535811-1-9 EAN : 9782953581119 Dépôt légal : décembre 2011

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Ex’il

Paul O’Moore

aphorismes

et poésie

...

un

....

temps

....

..de

....

.chien

édit

ion

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“No man is an island” nul homme n’est une île

John Donne

“La langue doit-elle se renier pour daigner se délier ?En tout cas, la ponctuation étant une respiration que notre époque ne peut plus se permettre, ami de la virgule : passe ton chemin !”

Paul O’Moore

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Port...

port perduheure égarée de la nuitpêcheurs et promeneurss’en sont allésdepuis...

longtemps déjàn’ont plus dansé la javasur les quaisdepuis...

un bail d’annéesont valsé accordéonscédant la placeau silence des noyésà la faïence des glaces...

l’écriture est le sang de la solitude...

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Fils...

“J’emporte avec moi la conscience de la défaite,comme un étendard couvert de gloire.”

alors...des pâtés de sable... donner à ces châteaux siliceuxla consistance particulièrequi leur confère la durée

le silence tombé des cieuximmobilise le cours des marées...neutralise l’érosion des mots.

écrire permet de supporter la vie ...comment supporter d’écrire ?

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...Perdu

...en merou ...milieu de foule

écriveur invisibleau monde des hommesau monde des espritsau monde des nuages d’automneà celui des chats endormis...ne jamais questionnerassis à travers la nuiten écouter les cris...

tout est musiquene répondre à rienà personnesans bruit...vivre au loinau delà de la vie...

21 décembre : les jours les plus courts...

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...Sont toujours les meilleurs

se mélangentla fiction et le reste

mélasse

quel reste ?ne pas oserla vérité ?qui s’y risquerait ?Plonger entre ses cuissesdans l’espoir secret d’y être broyéprêt à toute concessionpour ne pas se savoir vieux.

le cynisme ? trop d’intelligence pour trop peu de vie...

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Cette journée...

aurait dû être autre chosequelque chose de chaudune arrivée imprudente de printemps...

cette journée aurait dû être quelque chose...en effetdehors ça soleilpour rienrester dedanscloîtré sous la pluiedans ses tristesses de gonzesse

la nuit est la mémoire de l’oubli ?

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Trop de mort pour ne pas penser que la vie a eu tort

seuljusqu’à l’extrême fatigue...

de la fatigue à la lassitude...de la lassitude à la lâchetéil n’y a qu’unsilence épais peur d’y disparaître

se surveiller se taire :

plus assez de temps pour parler

le silencede celui qui saitplus abject quela parolede celui qui se trompe ?

ne rien savoir angoisseéchapper à l’erreur par l’angoisse ?

une autre lâchetéla peur coupecoupe du mondesouffrir occupen’occupe jamais assez...

ne plus avoir la disponibilité de se sentir coupable.

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Boulimie

la poésie doit sauver le monde

...on le sait bien

plutôt s’empiffrer à crédit que de s’offrir à elle...

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Hier...

je me souviens de vouscomme d’un premier romangeste un peu fouqu’on meurt de n’avoir fait avanton ne se dit pas...pourtant il nous pousse...nous pousse à plongerpiscine sans rêvenuit sans eauvient le réveil toujours trop tôt...on se tait... larmes asséchéesne pas s’endormirpour se rappelerbruit du soupir espéréPas du mirage qui s’en va...nos corps ont déjà compris...l’extase coïtale n’existe pas en féerieau reste...reste la viepetits confettis jubilatoiresconfectionnés d’irréelle temps colorie de pastels marinsces parcellaires bouts d’amoursi parfait de ne l’être point...

diaphane bénédictiontelle celle du bourreauà celui qu’il va occire.

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Blues de vache...

le beau c’est l’amour du vraine l’oublie jamais bébé !le beau c’est l’amour du vraimême si pour cela je dois te quitter...

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À Paris à vélo...

silence éboulant d’amoursur des rêves paniquesnon recouvrement de videles bruits ne font plus vie

assis sans remordsmoment à vifne pas céder au mouvemententre la veille et le ventcouché sur la paillene plus faire poutre à part

ainsi a-t’on beauouvrir la boîte à vitesse...s’en échapperontcrissements de sangaux échos argentins

de l’autre côté de la terresans s’en amercevoirse noyer immobile

de tous les chemins pour quitter la villene plus mandater le moins difficile...parmi tous les moyens de locomotionj’ai toujours préféré l’auto destruction !

ne se prendre au sérieux que lorsque l’on joue...

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Ce que j’écris...

rienje n’écris plus riendepuis que j’ai quitté la clandestinitéj’ai écrit de moins en moinsjusqu’au riens’effacer derrière les mots passés

disparaître ?paraître ce que l’on dit

direce que j’ai écritjusqu’à l’extinction du moireprendre le maquis pour retrouver les motsquelques mots plats pour se tenir chaud

l’écriture est un plat qui se mange seul et froid.

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Ce matin...

prévoirde travailleret... rienou pire...

attendre la nuitpour y voir clairattendre la nuitattendre enfin quelque chose qui va veniren attendant...Emaz parle du silenceautour de la mort de sa sœur elle n’a pas un an et lui 4 ou 5 ans

“on le protège il comprend qu’on le protège – mais de quoi – et ça lui fait plus peur encore”

le silence est une arme de destruction massived’enfance.

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Poids plume

le spectre du suicide...une fois de plus au premier plan“Spectre”dans tout le spectre de ses signifiantsune fois de plus face à la mort...n’avoir à offrir que mon art maladerien d’autre pour m’opposer à la disparitionrien d’autre...

parole de plume et de silence.

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Écrire...

...soupire-t’on le nez dans la soupièrepanne de textepanne de sexeen pire...

pas de petite pilule bleue pour faire remonter l’encre à la surface

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Écrire encore...

agrandir l’espace entre la mort et soi-mêmetout en réduisant le temps qui les sépare

comme cette fille des vents qui en passanta retourné ma vie comme un ganttu as lu à travers mon corps

un enfant de 13 ans écrit : “la mort n’a été pour moi qu’une étapeentre mes phantasmes et mes phantasmes ?”

des décennies plus tardil en ignore encore le senscomme si cette ignorancele condamnait à avoir 13 ans toute sa vie

la mort des enfants tristes est-elle moins triste que celle des abeilles qui piquent ?

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Aujourd’hui...

sauvé par le grisun ciel bleu rend nerveuxl’azur est malsain...

quoi de plus dépareillé à un jour sans nuage qu’un homme sans destin ?

éclats ? ce qui brille même en mille morceaux

je suis l’idée que l’on a de moi la charité que l’on y a versée

ne plus entendre parlerne plus jamais discuter le mondela poésie comme ultime bouée...

la poésie... ce verre d’eau imaginaire qu’on boit les yeux bandés au milieu d’un désert osseux

l’époque a l’éloquence négative...la critique s’abysse entre soumission et suffisance

il n’y a plus rien à tirer de la mendicité intellectuelle.

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Martyr clandestin...

comme le marin amarréaux tours de lumièreà l’orée de la merles aspirations volitivesse sont envoléesdans le sillage fumigèned’un avion sans réactionentre océan et ciel...dans les rêves opiacés d’un autre passéjusqu’à l’ombre de souvenirs éteints

l’oubli est la mémoire de la nuit...

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Idées

de l’importance de la musique...

les notes ne sont jamais malades : on peut toujours compter sur elles

les idées ne m’ayant mené nulle partje n’étais plus qu’en émotionaprès des années à penserconsacrer mon temps à pleurersans gloussement et sans larmes...la mélancolie s’échappe de mes yeuxpour rejoindre des nuages imaginaires

si les larmes coulent à l’intérieurpeut-être sont elles veines ?

...peut-être n’y a-t’il plus personne pour les voir ?

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Comme

comme pluie...le bruit de la pluie rassurecomme la mémoire d’une caresse amie

comme cécité...des lendemains à perte de vue

comme poésie...il n’ y a que la poésie qui vaillele reste n’est que littérature...bruit de ferraille

comme laver la nuit...je laissais passer la lumière en attendant la viepasser la matinée à laver les carreauxcomment dissiper ce gris flouqui rend impossible l’espoir des mots ?

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Quitter ?

quitter le pays ?donner un sens à l’exil intérieur

la routine ?

la santé mentale du solitaire

son garde-fou

son seul bonheur...

son sang

son cœur

sa terre

la poésie...signifier l’inexpressible...et courir très vite très loin très longtemps.

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Razi à Bagdad

pour choisir l’emplacement d’un futur hôpital :

suspendre à différents endroits de la ville des bouts de viandeériger le bâtiment là où la décomposition a été la plus lente

je m’inspirais de cette technique avant de prendre concubineet déposais un baiser sur la bouche d’une douzaine de courtisanes

puis chaque jourje vérifiais ce qu’il restait du baiser sur la bouche de chacune...

l’oubli est à l’amour ce que les vers sont à la viande.

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Mourir

d’accord... mais pour aller où ?

l’amour... ultime chance d’éternité ?

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Commerce équitable

diviser équitablement mon tempsentre remédier à mes souffranceset en élaborer de nouvelles

l’art rend supportable la vie

mais comment supporter l’art ?

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Elle

un repas avec elle comme une séance chez le dentisteserrer les poingstétanisé par la douleur à venirla torture de cette attenteécho de plaies antédiluvienneset le son de sa voixcomme la roulette électrique...

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Mon père... Sean O’Moore

“Je suis compteur de lacs dans l’ouest irlandais.Plus qu’un métier, c’est une mission...dangereuse... entre Clifden et Tomboola... la Bog Road...un paysage lunaire où ne poussent pas même les pierres. Des lacs par milliers et des tourbières à foison.Parfois la limite est trompeuse...ce qu’on appelle les lacs cachés.D’aucuns s’y sont noyés... croyant fouler la terre ferme, alors qu’ils marchentpour ainsi dire sur de l’eau.Fatalement ils passent à travers la tendre moquette végétale et plongent dans un lac glacé.Je rêve que grâce à mes relevés plus personne ne se noie.Je dénombre les étendues d’eau et la tâche n’est pas facile...comme les dunes, les lacs peuvent se déplacer.Si j’étais né dans le Sahara, je serais sans doute devenu compteur de dunes...”

pour fuir la folie de mon pèreje suis devenu conteurcelui qui conte des heures durant pour oublier...

le temps ensablé des désertsle temps arrêté des tourbières

… conter pour ne plus avoir à compter

… pour personne.

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Merci Morel

Continent...elle aurait voulu être aventurièreparcourir la terre entièrepas rater complètement : elle est caissière à Continentelle rêvait d’un prince charmantqui l’aurait prise sur son destrierou même du premier gars passé par làqui un tout petit peu lui aurait souriou même fait semblant … pour une nuitil s’appelait peut-être Pierrela nuit entière a duré 1 minute 30et depuis elle vit dans son attenteelle aurait voulu faire aventurièreelle regarde défiler sur le tapis roulantles achats des gens en pensant à Pierreson si bref amant l’ombre de Pierrelourde comme celle des cimetièreselle voulait voyager la terreelle est caissière à Continent

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Les souffrances d’amour protègent parfois... de moins nobles tracas

l’espoir ?je voulais pour elle les plus beaux endroitsl’espoir ? un mensonge diffus pour celui qui n’a jamais cruje me maudissais à genoux devant des déités improviséesimplorant d’improbables paradis d’ ouvrir en grand leurs portes sacréesl’espoir ?je voudrais tant que recommence ta vie

les souffrances d’amour protègent parfois... de moins nobles tracas

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Le système des larmes

les larmes de la tristesse font écloreau cœur des déserts les plus désolésles fleurs d’une beauté aux splendeurs de l’ordans l’étrange liesse de se croire renaître.

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Régression de l’Histoire

le drame de notre temps ?

croyance ignorance suffisance

la certitude d’avoir trouvé supplante la volonté de chercher

seul l’amour rend immortel

la culture sigle la pensée slogan la vérité pub

la pub est vérité

seul l’amour rend immortel

mais pour combien de temps encore ?

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La vérité, l’art...

la vérité ?un fantasme qui prend ses congés payés

l’art ?une simple respiration du silence

les êtres perdus recherchent la vérité les autres doivent se contenter de la vie.

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...Et le voyage

“Notre vie est un long voyageDans l’hiver et dans la nuitNous cherchons notre passageDans le ciel où rien ne luit” ❄

Chaque jour s’écrase en flaqueSous le sabot du levant,Jetant aux pas qui nous traquentL’encre âcre du serment.Quelle marche marchons marcherSous la vente sous la pluie,Nous jurâmes d’avancerSans la honte d’un abri.Porterons esprit et foiJusqu’en lune sorcière ;Une étoile nous béniraPour les pauvres hères sans terrePourquoi gémir dans le noir...le temps précieux du NadirÉclaircit le désespoirDe ceux que la nuit vampireLa vie... piteux mirageQui sépare la mer du bruit,Pour qui oublie le voyage...Passeur en rêve de vraie vie Voyageur d’immobile...

Ses pieds en triste cire,Pourvoyeurs inutiles,L’emmènent au bout de la mire.

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L’homme hagard...

l’homme riche croit en la destinéel’homme puissant en lui-mêmel’homme heureux en la chanceles autres s’en remettent à la fatalité...et aux horaires de train

la vérité... un fantasme qui part en vacances.

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De la fatigue à l’océan

de la fatigue...à la lâchetétrou noir oùfinalement disparaître

vivre en paix... ne jamais prendre partine pas risquer d’être pris à partiele silence de celui qui sait...la parole de celui qui se trompe...

ce qu’il reste à ceux qui n’existent plus ?incapables de le taire ?privés à la fois de vie et de silence ?la poésie ? la poésie comme un cri rauque

...animalpour aucune oreilleun épanchement gastrique acidele bruit d’une douleur abdominale

il n’y a rien de raisonnable dans tout celail y a des hommes qui marchent au bord de la rivièreils ne dérangent personne

...qui aurait pu les apercevoir ?

nous avons marché sur la rive jusqu’à l’improbable retour de l’océan...

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Enlevez les superlatifs et les adverbes... que reste-t’il de notre époque ?

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Messe demi-nuit

un curé parle de la perfection :“lorsque l’on achète une machine, on attend d’elle qu’elle fonctionne.si l’on achète un vêtement, un aliment, on leur demande d’être portable ou consommable.mais si, d’un homme ou d’une femme, on attend la perfection, on sera déçu”.

j’étais déçuincapable de respirer parfaitement...je n’osais même plus respirerle curé essayait de me sauverrien d’anormal... c’était son métier

je quittais l’église avant qu’il ne pousse la conscience professionnelle jusqu’au bouche à bouche

croire en Dieu d’accord... mais tout seul et dans le noir.

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Passion

la passion est-elle le seul moyen d’échapper à la mélancolie ?

“Donner de l’amour, c’est en perdre.Renoncer à la vie, pour ne pas renoncer à soi-même.La femme – source idéale pour les rêves –. N’y touche jamais.Apprends à séparer l’idée de volupté de celle de plaisir.Apprends à jouir, en toute chose, non pas de ce qu’elle est, mais des idées et des rêves qu’elle suscite.Car nulle chose n’est ce qu’elle est : mais les rêves sont toujours les rêves.”

...l’Intranquille effleure le sublime d’un revers de main cette main désœuvréegantée de cynismeouvre dans l’obscurité des chemins escarpés

la passion...seul amour du poètene pouvoir aimer sans perdre la têtes’y jeter à corps perdu...reniant ce pourquoi il a vécu

les femmes ont été ma perte... une seule saura-t’elle me retrouver ?

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Attente...

malade de froid quand elle n’est pas là...et bouillant de fièvre dès que j’entends ses pas.j’aurais voulu avoir l’air de celui qui n’attend pas...l’accueillir d’un désinvolte : “c’est déjà toi !”mais je me rue dans l’escalier au moindre bruit...au plus petit courant d’air... croyant y reconnaître le signe de son arrivée

je finis sur le trottoirguettant voitures taxis autobus qui auraient dû la ramenerainsi que les passantes qui, au loin, lui ressemblent toutes tellement...

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Le vide comme résurgence.

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22 décembre... les jours les plus courts sont toujours les meilleurs

soleil meurt...de rêves éteints en lettres mortesne plus avoir la place d’avancerla vérité...le corps devient trop lourds’épuiserà le trimbaler d’une journée à l’autre.rester coincé entre deux jourscomme entre deux marches d’escalier

quitter le pays pour donner un sens à son exil intérieurphrase creuse ?

“Nul ne fera jamais s’épanouir les capacités de son intellect s’il ne fait en sorte que la solitude occupe au moins la moitié de sa vie. Autant de solitude, autant de vigueur.” ✺

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Réplétion

obstination insane du “pas si vite”...

on se saiten sursisse remplir en vitessedes chosesles plus grossesdes objetsles plus intransportablessans savoir à-quoi-ça-sert-à-quoisans se le demanderremplir du temps comptéplus on remplitplus on rapetisseplus rapetisse le tempscomment comprendrecomment ne pas agirà quoi bon ne pas se répéter ?se faire vomiret vite recommencer.

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Rêver...

comme rêver de disparaîtrepour se protéger...

comment ne pas avoir à me tuerpour prouver que j’existe en vrai ?

éviter les “pas si vite”qui précipitent dans l’agitationne plus se tuer de quotidienvivre chaque jour comme si c’était le bon

vivre chaque matin...comme une fin de nuitéchapper à la tyrannie du temps...mourir demainet alors...alors la vie devient or

se dépêcher de vivre avant que les rêves partent se coucher.

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Jouissance illusion urinoir et constipation

ne peut plus s’aimer...mais jouir encorejouissance de ne plus pouvoir s’aimer ?jouissance du non sens :du sens qui jouissait ?mauvaises nouvelles pour l’humanité...le sens qui jouit se passe très bien de l’humain !

la prison : l’urinoir de la République

j’ai acheté des wc de la marque “maya”maya l’illusion...tous les jours pouvoir m’asseoir sur mes illusionssans qu’elles ne se dérobent sous mon poids

le pire ennemi du poète : la constipation.

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Jazz tristesse pari pendulenévrose et jonquille

“Quant à pleurer, cela m’était impossible, lorsque je mourrai, les gens auront peut-être raison de pleurer sur moi parce qu’ils sauront que je suis damné et que je vais vers quelque chose de pire que ma vie terrestre.” ✿

ce que je sais du monde me rend triste et coupablece que je sais des autres me rend triste et méfiantquant à ce que je sais de moi... cela me rend seulement triste mais triste longtemps

le jour de mes 40 ans... une seule questionqu’ai je fait jusqu’à présent de ma vie ?

rien à part être névrosé

la névrose : une occupation à plein temps.

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Et qui libre comme...

entre pari pascalien– croire pour ne plus douter –et duperie lacanienne– croire pour pouvoir douter –trouver l’équilibre presque fiable que l’on appelle survie

quand l’épithalame mord dans l’âme...je pouvais me briserm’écraser à chaque instantmais aujourd’hui...je devais écrire, la mort dans l’âme, un épithalame

briser le cercle des fatalités qui nous sert de chambre à coucher

l’existence n’est qu’un problème quotidien.

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L’existence n’est qu’un problème de quotidien

les jonquilles émergent de toute partles ajoncs éclairent les bas côtésles agneaux envahissent la chaussée

je vous l’ai déjà raconté ? ...au printemps dernier ?

ne pas oublier... le printemps en Connemara la danse vernale du ciel et de la terre au loin des solitudes de l’hiver

combien de temps s’écoule-t’il réellement entre deux printemps ?

ne pas se fier aux pendules...

le temps dissimule ses heures au revers des horloges

le printemps change la nuit en espoir pour un instant seulement...

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Peupler le silence indélébile d’encre épaisse

laisser les mots à Shakespeare...entre les lignes du temps...si peu de place pour les mots...Shakespeare le savaitil se donna à peine d’existerentre les lignes du temps...si peu de place...si peu d’esprit en mémoirese souvenir de Shakespeare

la mémoire est limitéene pas la saturer de livres sans statureentre les lignes du temps...si peu de place

sous des draps virtuelsglisser en douce quelques ratures sans duréeentre des jambes inventées...

laisser à Shakespeare l’espace des mots !

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Oublier

oublier de se moquer du présentabsurde ou ridicule...des lacs artificiels du progrès

écrire pour se croire existeret à la fin tout effacer...

la solitude est le sang de l’écriture...

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Enfermer des mots dans un livre c’est mettre des rêves en prison.

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Où Maurice le chien ne rencontre pas Emily jolie

aujourd’hui le créateur est le lecteur

...retour à “l’espace”... “la lecture fait du livre ce que la mer, le vent font de l’ouvrage façonné par les hommes : une pierre plus lisse, le fragment tombé du ciel, sans passé, sans avenir, sur lequel on ne s’interroge pas pendant qu’on le voit. […] elle laisse être ce qui est, […] laisse s’affirmer la décision bouleversante de l’œuvre, l’affirmation qu’elle est – et rien de plus.” ✱

le poète n’a rien à direla poésie est ce que l’on ne peut taire

lire encore et encore pour ne pas disparaîtreet disparaître quand même alors écrire...l’écriture comme simple prolongation de la lecturel’écriture comme une fuiteune fuite d’encre du livre lu jusqu’au papier blanc

peupler la nuit rapace d’encre épaisse

la poète a toujours raison...“ne pas être publié pour ne pas risquer de perdre l’approbation de son chien” ❧

continuer à publier tant chaque année et mourir asphyxié sous mégatonne de papier.

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Voyage bavardage cartouche stylo à bouche

peu à peu perdre la vuejusqu’où peut-on baisser les yeux ?la journée passe dans des graffitis idiotsla nuit tombée...un peu d’ inspiration descend de mon demi-cerveau...plus d’encrepanne liquidecourir dans la campagne noirepour remplir une cartouche Waterman usagée de bleu nuit...

destination le continent indien...dissoudre mon ego frileux et paranoïaque dans les foules millénaires...participer à une grande fresque humaine malgré toute volontéaccepter ma propre insignifiance avec bonheurdirection Himalaya dans les montagnes... une autre histoire

plus on monte en altitude plus l’air ressemble à Dieu

rêver ce qu’on ne comprend pasoublier le resteinventer ce qu’on ne connaît paseffacer le reste.

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Avoir vécu pour écrire

l’expérience n’ayant engendré...qu’une source ininterrompue de malentendus...je ne m’exprimais que sur ce que j’ignorais

deux catégories de créateurs : les stylistes et les visionnaires

il y a aussi les maudits et les modistesmais c’est une autre histoire...

aujourd’hui encoreêtre trop fatigué pour exister...l’écriture pour faire semblant

mais les mots finissent toujours par ressembler trop à la vie.

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Alors se taire

pire que la mort... le silencele silence n’est supportable qu’à plusieursj’aime ces silences partagés où l’on peut enfin aimer sans avoir à se mentir

l’homme de joie...celui qui se prostitue à la satisfaction de se savoir insatisfait

sortir du mouvement pour comprendre la vieet... tomber

la patrie n’est une bonne idée que lorsqu’elle est en danger

et... en corps...

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In corpus veritas

la vérité est ce moment particulier où les hommes sont morts...et que tout autour la nature se tait

aimer :les comptes ronds,les rendez-vous faciles,les choses simples à retenir...l’évidencece qui coule de source...

la beauté est limpide...la beauté est une forme inachevée de limpidité

il y a des jours où...être oublieux jusqu’à la lâchetétaiseux comme un arbre noyé...des jours où...écouter du monde le bruit des vagues suicidaires à l’assaut des champs de sable argenté

autre chose... si l’on trouve rarement ce que l’on chercheon ne trouve jamais ce dont on refuse l’existence...

...c’est pourquoi je refuse obstinément de croire en la mort.

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Nulle part...

nulle part... un endroit parfait pour jouir en paix de ses regretsquoi de plus dépareillé à un ciel sans nuage qu’un homme indestiné...

la pluie peut déprimerle soleil est plus cruelse contempler dans le griscomme un enfant abandonnédans les gestes du bourreau qui l’a recueilli

comme l’aveugle hagardcherche à lire son propre visageà tâtons sur un miroir de hasard...je recherchais une quelconque identitédans les reflets des vitrines de la cité

l’amour :ce qu’il reste après l’amour

les jours roulent sur moi depuis des annéessans que j’en sois ni plus mort ni plus vivantcomme une paroi calcaire assaillie par l’océan...je fonds petit à petit sans espoir et sans mouvementseul Dieu serait assez puissant pour s’interposer

entre ma peau fatiguée et les éléments Dieu n’a jamais cru en moi

je n’ai jamais été aux yeux de Dieuqu’un vieux poème parsi aussitôt écrit aussitôt jeté.

Page 63: Ex'il de Paul O'Moore

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Ceci n’est pas un livre

j’imaginais des jeuxdont je sortais tout le temps gagnantdes histoires flouesoù des héros invisibles évoluaient dans des mondes transparentsdans ces moments-làje me rendais à l’évidencece livre n’aurait jamais de finil n’existait que dans des débuts qui ne débutaient rien

publier c’est mettre des barreaux à ses rêvesalors n’écrire rien de publiable...se perdre dans les phrases inarticulées de mots inarticulables

puis vient l’oubli...

fuir l’autobiographie jusque dans les bras de l’océan.

Page 64: Ex'il de Paul O'Moore

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Poésophie

ne parler de philosophie qu’en musiquelaisser les mots au passéles enterrerdanser sur leur tomberecouvrir leurs couinements de regrets

il n’y a que la poésie qui vaille le reste n’est que littérature...et bruit de ferrailleque la poésie pour échapperà la vénalité du videque la poésie à opposerau mensonge des motsque la poésieultime espace inutiledans un monde oùtout doit servir et disparaîtreque la poésie pour...

Page 65: Ex'il de Paul O'Moore

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Celtitude

en celtitude si tout est possible le plus probable reste la pluie

laver la nuit laisser passer la lumière en attendant la vie

laisser la chance de faire la paixpar peur...ne pas avoir osé...

maintenant pleurer

jardins du silence...limites de la peurtriste... tristesse : cet instant d’après la peur on n’a plus à avoir peur... on ne peut plus vaincre cette peur

la mort a tout réglé tout emporté...

peur espoir rancœur amour amitié

...le plus probable reste la pluie.

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Métronomie

dans le métro...des SDF un peu partoutc’est pourtant pas l’hiverune pub Pampers faisait chierles nouveaux parents auraient besoin de vrais bons conseils :“Apprenez la musique à vos enfants.Pour faire la manche ça aide drôlement !”

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Connus

quand on s’est connu...mes blagues la faisaient rire et elle croyait en mon avenir d’écrivain.je lui ai dit que ça risquait de prendre du temps.elle n’a rien voulu savoir...avec une femme comme elle à mes côtés...j’aurai bientôt richesse et célébrité.au bout d’une année à écumer les maisons d’édition,elle s’est rendu compte que c’était sans espoir.elle a décidé de prendre en main ma carrièreet de me dire ce qu’il fallait que j’écrive.encore quelque peu sous les feux éthérés de la passion, j’ai obtempéré.le résultat ?un mélange entre Barbara C. et Gérard de V.en relisant les épreuves de ce “chef-d’œuvre”je pris la décision d’assassiner ma femmela nuit même...dans son sommeil elle ne souffrirait pas trop...

je l’ai étranglée pour pouvoir respirer à nouveau...que je puisse reprendre mon travail d’écrivain raté.

l’écriture... le sang de la solitude.

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Le sang de la solitude...

perdu dans l’Himalaya ou au milieu de la foule, je devenais invisible jusqu’à ce que l’écriture apparaisse sans bruit... au delà de la vie

les heures se dissimulent au revers des horloges

l’existence n’est qu’un problème quotidien

tourner la pageune fois pour touteet puis tourner une autre page...que de page en pagemon âme prenne formequ’au fil des lignesmes rêves s’améliorent...que le style cesse de n’être qu’une apparence

quitter le camp des modistes

comment briser le cercle des fatalités qui me sert de chambre à coucher

la poésie doit sauver le monde... mais je préfère les calories.

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Encore du silence et bien entendu... de la pluie

“Gens de Dublin”Joyce Hustonpleuvoirjusqu’à n’en plus pouvoirde la pluiede la mémoirepleuvoir jusqu’à la neige grisesouvenir désespéréd’amours passagèresremordsne pas avoir aimé assezla morte

je marche des heuresdans la nuit champêtreentendre des crisdes choses bougerje rentre en courantplus effrayant encorele silence abstrait de la maisonfaire gueuler la radio

ne pas sombrer sous les pluies torrentielles du dedans.

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Chaque matin

...désillusionset des souvenirs bletsà me mettre sur le dos chaque matin avant d’aller tuer le temps pour rienà l’issue de la batailleun seul survivantblesséhors de dangerles honneurs la gloirepour luila gloire ?une chance pour les mortsune mort pour les survivants

jaugerun hommesur...

son travailses richessesses amissa femme...

lui ne se juge qu’à l’aune de ses morts

la mort semble une idée trop simple pour être probable...

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Patience et humilité

le vieil indien livre des messages de sagessec’est ce que je supposele sens de ce qu’il dit m’échappele son de sa voix emplit l’air d’humilité

toute la journée du dimanche : attendre le facteur

entre le courage et la lâcheté, existe-t’il encore un espace pour aimer ?

donner un sens à ma verticalité ?se lever... c’est commencer à tomber !chaque sortie de lit...comme la chronique d’une chute annoncée

pourquoi persévérer ?

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Distillerie

la radio distillait les nouvelles du mondeà quoi bon ressentir si l’on garde tout pour soi...

gâchis

cœur qui pompe de l’actualité...ne rejette que du sangessayer d’écrire...décrire ces images floues...en vainje n’étais sans doute pas écrivain.sans doute même plus humainje n’étais plus que flou...

écrire est impossible mais pas encore suffisamment impossible...

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Frelaté

convaincre le monde que mes ennemis étaient des vampires...ainsi mes peurs seraient partagées par tousainsi peut-être l’ennemi succomberait sous le nombre...

des anges volentdans le ciel embrouillé de la chambre à coucher

depuis que Dieu n’existe plus...les anges n’ont plus personne pour les éclairerquant aux démons...ils n’ont plus à craindre de personneles revenants, eux, errent sans finla chambre à coucher est devenuele sanctuaire des âmes égarées et des mondes perdus

à force de tourner en rondfinir par se creuser une tombe circulaire

le sang haut en alcool...se croire un grand poètesans réelle illusioncomme un mendiant se prend pour un prince...le monde, à travers les yeux du barman,me ramène à mon état frelaté.

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Désert

la ville est désertequand venu de loin...un soleil aux yeux clairs me prend la main.mais je n’ai pas fini mon verre– le bonheur est trop simple pour certains –...pour un dernier verre l’amour repart au loin

les qualificatifsnon pour définir

maispourl’imaginaire

l’impuissance à qualifier : telle était la force du poète

se sentir sale sans savoir si c’était vrai heureusement ici la pluie... comme la solution à toutes questions

“an Irishman’s heart is nothing but his imagination”

écrire comme bouger... pour ne pas mourir de froid.

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L’empire du milieu

un milieu petit bourgeoisavec ses “vraies” valeurs :la nécessité de posséderun goût prononcé pour la mesquineriealors partir vivre chez les pauvresentre maladies et sens déprimant de la fatalitésurvivre de justesse...ne plus croire en rien...surtout pas à l’action...

“revenu de tout : je n’avais nulle part où aller.”

quand la vérité commence à puer la formule...songer sérieusement à la réincarnation

je me compliquais la vie à souhaitcomme si la confusion éloignait les certitudes...une sorte de sursis en forme d’amnésie

l’amnésie ? une forme de vanité...

la journée à utiliser des mots si usésqu’on pouvait voir à traversalors comme un con plantéau milieu d’un champ de questionstoujours plus hautesplus nombreuses...j’étais obligé de m’élever constammentpour garderun œil sur l’horizon

bientôt... me contenter de l’imaginer.

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Escargots

dans un lit...entre escarres et cauchemars“néant vide chaos...”mots de peurmots de dépitmaisfaire facerelever la têtene plus supporter d’être courbé...maiscramponné à une même branchetempsde se laisser alleremportépar le courantmaisobstination à ne pas lâcher...désir de finir en beautéattendre l’occasionl’idée...une sortie remarquéemaisà portée de ma main la rivière ne charrie nulle opportunité de brillerressasser des projets vengeurs... jusqu’à m’épuiser... à l’heure “adieux” je n’avais plus à noyer que souvenirs périmés et meurtres différés.

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Mémoire grise

Œdipe à l’enversà l’âge de 5 ansrêve de tuer la mèreseulementune fois la mère morte l’addition est salée

ma mémoire ne fixe plusles mots nouveauxles plus anciens s’accrochent aux ramifications neuronalesles autres comme des abeilles...butinent les pensées...puis s’envolent faire leur mieldans les ruches des monts analogues

un signe de dégénérescence... je le saison me dit que j’étais en train d’alzheimerje pensais : à force de nostalgieje suis simplement devenu le passé

la poésie ?créer des mots nouveaux avec des mots anciens...

la mémoire était grisecomme le blé sous la pluieon croit que la faute est au ciel trop baspuis on s’aperçoit que les épis aussi sont gris

la mort n’a été qu’une étape entre mes fantasmes et mes fantasmes.

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La mort

n’a été qu’une étape entre mes fantasmes et mes fantasmes

des années après en saisir le sensou des années après comprendre...qu’il n’y a rien à comprendrequoi de plus vertigineuxde plus énigmatique qu’une formule vide !

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Les mots sonnent toujours deux fois

mots sonnent fauxles taireatteint d’aphonie épistolaire...journées à errer dans les silences de chambremiroirs excentriques remplacent carreaux aux fenêtresramper sur lino humide et crasseux...écrasé par sons sans intérêt sur radio liquoreusesentant venir la crisepousser volume à fond...la furie décibels ne peut couvrir l’appel du videattendre prostré le retour du paysage

attendre la fonte de la honte sérielle...au milieu de mes fantômes...capable de les nommer un par unils n’ont pas changé depuis ma petite enfanceen apparence rien d’effrayant...des Madame et Monsieur tout le mondequand elle revêt l’aspect le plus humainla peur est illimitée

comment lutter contre une angoisse dont on ignore la cause ?

l’angoisse... une peur sans cause dont on ne peut causer...

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Pénétrer

pénétrerla beautéenvironnante...le chant de la mer les douceurs du soleil les morsures du vent...Ferme ta boîte à clichés !

être déprimé pour ne pas ne rien être tout à fait

chaque seconde de silenceune perche tendue vers l’inconnu...des milliers de fourmis forment un pont suspendu...des quatre coins de la maison jusqu’à mon couelles se précipitent vers ma gorge...comme si...elles avaient été piquées par des tarentules...mordues par un chien enragé

appuyer sur le “on” de la radiol’espace se remplit de sons et de voix sans intérêtet... tout disparaît les fourmisle pont...

...même le chien et l’araignée lui semblent des souvenirs inventés.

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Le retour de l’indien

“Le doute est la seule et la pire des vérités”dit le vieux séminole qui visite parfois mes rêves...peut-on s’attribuer les paroles de l’indien ?l’indien lui-même... est-il extérieur ou intérieur à mon être ?être incapable de définir des frontièresentre la réalité et le resteêtre incapable de définir ce “reste”sentiment de vivre entre deux mortsla pire des vérités...

la perspective de ne pas durer rend les choses plus compliquées...la perspective de durer rend les choses plus compliquées...c’est la perspective qui complique la vie !

milieu aiséhorizon dégagéaucune tare physique ou génétique...à part la tristesseune place au soleil assuréealors j’ai aiguisé le refusjusqu’à l’extrême clandestinité...

condamné à la marge... à la fangeà la survie à la sous-vie...la bouteille à moitié videou... à moitié pleine

dans les deux casle liquide a effacé le messagel’encre a rejoint l’eau.

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Chanson pour midinette...

trop attendre de l’amourou l’envisager comme une carrière professionnelle

les idéaux romantiques ont tout dévasté en moijeter au panierces poètes genre 19e sièclemais un jourune vieille rengainerevient saigner mon cœur à blancdes larmes en torrent...bain de minuit du pauvre

la mélancolie à tout prix...

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Mauvaises fréquentations

chaque fois que je formule des projets d’aveniril se met à pleuvoir... c’est Dieu qui pisse de rire !

la vérité et l’essentiel ont en commun de s’escamoterchaque fois qu’on les approche de trop près

pour cette raison...je ne fréquente plus qu’aphorismes et poèmes...

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25 décembre...

les mensonges les plus courts sont toujours les meilleurs

au fond d’un puitsla vie est un combat entre les ronds et les carrés...une lutte acharnée...courbes et lignes droites s’affrontent sans pitié

comme tout vagabond digne de ce nom... je finirai dans le pointillé.

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Écrire le silence

parler d’autres choses ou...continuer à parler tout seul ?...désert de mots perdus...personne pour écouterle calvaire des victimesparler tout hautpour couvrir les ventsporteurs des nouvelles du mondeje n’ai rien à me dire de nouveaualors parler pour de fauxdes crimes sont en train de se commettre juste à côtéje ne fais rienpar peurpar logiquepar bon sens...je ne fais rienon peut crever de ne rien essayerdevenir mesquin méfiant rabougri recroquevillé ...sourdà quoi bon se taire puisqu’on se tait toujours trop tard...la peur de perdre était la peur de perdre un !

par nature un être est si périssable...qu’on se ment en croyant l’aimer passionnément...on ne peut aimer que désespérément

la passion ? du désespoir en retard

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Décibel

éviter tout silencele prix à payer ?mensongeset tympans percésun voile sonore permanentnos apparences les plus prometteusesse retrouvent nues en pleine rue......aussi laides et inutilesque des bruits de ville.

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Il attend avec impatience

l’heure des news à la téléen espérant la nouvelleimmonde qui rachètera sa journée...

la révolte ?une tentative vaine pour ne pas oublier la viec’est mieux que rienc’est mieux que tout.

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Merc’Il

des messages à longueur d’années...dans des bouteilles à l’océantant qu’Il écrit... Il est vivants’Il arrête tout s’arrêtene pas accorder la moindre importance aux mots...mission secrètevitale pour l’humanitéle plus sûr moyen de ne pas trahir un secret :tout en ignorer...une seule certitude :cesser d’écrire causerait la destruction du monde.pourquoi ? comment ?qui l’a chargé de cette tâche ?

plus le temps d’y réfléchir...

toute généralisation est un pas vers le fanatisme

une pensée qui n’est pas poussée à outrance est une pensée outrancière

toute généralisation est un pas vers le fanatisme.

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Jour hiver

nuit la plus longueérection du sapin de noëlil est temps...ramasser des branches mortes.puis les planter dans un seau de peinture désaffectépour faire guirlandes découper en bande fine les centaines de pages manuscritesexemplaire unique de mon œuvrepour faire les boulesse couper les c...c’est presque rondet ça devient rouge

An 2011... une planète est habitée par 7 milliards de graines de peur à deux pattes

toute ressemblance avec une planète existante serait le fruit du plus grand des hasards

Dieu hait le hasard

Dieu est hasard

haïr Dieu est hasardeux...

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La phrase sacrée

...celle qui va resterelle a surgi au creux de la nuitdepuis je la répète en bouclecomme pour en jouir tout seulavant de la coucher sur du papierà la disposition de la postérité

comment est-ce arrivé ?soudaine envie d’aller pisser ?au retour plus rienla phrase a disparu...toute ma viej’ai couru aprèspeut-être ai-je ainsi évitéqu’elle soit salie par les regards médiocrespeut-être personne ne l’aurait comprise

un jour...quand le monde sera prêtje m’en souviendrai !

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Don Quichotte carmélite

écrire ne m’a mené nulle partnulle part un endroit parfait pour les regrets

obstinément me tailler un destin grêledans le roc granitique de mots grisun destin insignifiantun destin de Sisyphe manchot...un destin de Don Quichotte carméliteobstinément

écrire sur le sable du désert...le vent se chargeant des corrections

l’homme seul finit par être au moins deux.

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Hier

une fée brouillard a avalé le décor d’un air dédaigneuxsoir... toute la sainte journéece matin les choses vont mieux...soleil bleu vent glacéhierla fille aime la musique de pizzeriaelle a du sexe dans les yeuxça ne me dérange passi le bonheur est à ce prix...je jure d’écouter de la musique de pizzeriauniquement de la musique de pizzeriajusqu’au jour de mon enterrementoù l’orchestre jouera de la musique de pizzeria

avec le soleil elle est partieil fait beau et froidc’est ça ou...pluie et douxicile choix s’arrête là... gris mouillé ou soleil froiddu vent dans tous les cas

pour rester oisif dans ce paysil faut boire beaucoup...

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Dog’s God

Dieu est l’Inconscient...il vit là terréimpuissantil voit toutentend toutcomprend toutne peut plus rienou seulement pendant nos rêvesil nous envoiemessagesconseilsavertissementsagir sur le monde réelcombattre les salauds les tyrans...pour luiça serait comme manger dans l’assiette du chien...

Dieu est le plus grand des empires rêvés.

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Science et inconscience sont dans un bateau...

une science n’est qu’humainement exacteouexactement humaine

la pensée occidentale souffre du même handicap que sa musique :l’absence de quart de tontoutes deux y pallient par l’abus de force ou de mélancolie

la névrose comme une distraction une diversion de la mélancolie

Être humain : rester envie

“L’harmonie naît au souffle du Vide-médian.” ☯

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Sortie de Pub

plus par habitude qu’en pensant à mal...marcher à l’envers des goutteset puis ne plus lutter...m’allonger sur la routela nuit déferle sur terre par vague fumigènele ciel déverse sur ce corps rompudes brocs d’eau de vie brutediluant tout le doute qui me sert de sangalors le corps se relèveet revient sur ses pasDieu existe bien...Négociant en alcool pourfendeur de mémoiresur la devanture de son échoppeil a écrit :“Spiritueux en gros”spirituel en diable : Dieu ne fait pas dans le détail !

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Et si écrire n’était qu’un vaste manque d’humilité...une manière un peu hautaine de passer le temps.

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Mais...

...ma possibilité d’être père est morte avec la mort de la petite fille

elle a créé en moi un vide d’une densité inviolablepour éviter l’expansion de cette planète melancholiaj’écris tout autour de cette bouledes mots courbesdes mots peauxentre le trop plein de ce videet le trop vain du mondedes mots clandestins dont le seul sens est d’être là

Je m’appelle Paul O’Moore, écrivain clandestin.

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Pessoa

❄ Chant des gardes suisses

✺ Thomas De Quincey

✿ Billie Holyday

✱ Blanchot ❧Emily Dickinson

G.B. Shaw

☯ Lao-tseu

Achevé d’imprimer en décembre 2011à l’imprimerie Stipa (Montreuil)

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Paul O’Moore oscille entre aphorismes et poésie,entre poser des mots sur des questionset ôter des mots aux réponses...entre sacrifier l’écriture pour échapper à l’artificeet sacrifier le silence pour ne pas disparaître.Poésie comme “sacrifice où les mots sont victimes” (G. Bataille), aphorismes comme degré zéro de la philosophie : une pensée dépensée. Vincent Vedovelli

9 782953 581119