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Cas cliniques d’endocrinologie pédiatrique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique Médecine Clinique MédecineClinique MédecineClinique Méde ISSN : 1639-6685 Cas cliniques d’endocrinologie pédiatrique - n° 4 Médecine Clinique endocrinologie & diabète & n°6 Médecine Clinique endocrinologie diabète Un diabète néonatal Cécile Petit-Bibal

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Médecine Cliniqueendocrinologiediabète

Un diabète néonatal Cécile Petit-Bibal

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L'endocrinologie pédiatrique réclame une démarche diagnostique méthodique et rigoureuse acquise au cours des stages d'internat et d'un clinicat spécialisé. Procéder par raisonnement expérimenté, demander les bons examens complémentaires reste la clé des diagnostics difficiles.

Grâce au soutien des laboratoires Sandoz, notre revue Médecine CliniqueEndocrinologie et Diabète (MCED) propose à ses abonnés des « Cas cliniques »difficiles à résoudre venant s'ajouter aux numéros réguliers de la revue.

A partir de 2010, si vous avez à résoudre des dossiers difficiles, nous serons heureux de les éditer. N'hésitez pas à nous les adresser : ([email protected]).

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Léna est née à terme (41 SA) après une gros-sesse normale d’une mère sans antécédentmédical, avec un poids de 2420 g pour une taillede 48 cm.

Nourrie au lait 1er âge, Léna est bien tonique etboit bien ses biberons. Elle n’a reçu aucun médi-cament et n’a pas été perfusée. Au 3ème jour devie, la glycémie capillaire systématique est à1,30 g/l, elle oscille les jours suivants entre 1,30et 2,86 g/l.

A son arrivée dans notre service, Léna pèse2675 g soit une prise de poids supérieure à20 g/j. Elle a cependant un aspect dénutri avecune hypotrophie musculaire. Le contact et letonus sont très bons. Sa glycémie est à 1,86 g/l.

Ce nouveau-né à terme hypotrophe a donc undiabète néonatal. L’insuline est indispensableet doit être débutée très rapidement. Léna estmise sous pompe à infusion sous-cutanée déli-vrant 3 U d’insuline par jour avec un débitcontinu et constant. Les glycémies mesurées4 fois par jour s’établissent entre 0,54 et 1,51 g/l.La pompe cède la place à une injection de 3 puis2 U d’insuline glargine par jour.

Quels diagnostics évoquer ?

1. Un diabète de type 1 auto-immun de débutnéonatal

2. Un diabète lié à une anomalie du récepteurà l’insuline : Leprechaunisme

3. Un nouveau-né de mère avec un diabètegestationnel méconnu

4. Une hyperglycémie transitoire de nouveau-né hypotrophe

5. Un diabète néonatal transitoire6. Un diabète lié au défaut d’un gène de la

cellule β7. Un syndrome IPEX

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Un diabète néonatalCécile Petit-Bibal

Service d’Endocrinologie pédiatriqueHôpital Saint-Vincent de Paul82, avenue Denfert-Rochereau75014 Paris

n°6

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1. Un diabète auto-immun néonatal n’a jamais étéobservé à notre connaissance. Il supposerait uneattaque du pancréas par des lymphocytes Tfœtaux auto-réactifs.

2. Le Leprechaunisme est dû à une anomalie durécepteur à l’insuline : récepteur plus court ouanormal dans son domaine extra-membranaire.La liaison avec l’insuline est inférieure à 10 % dela normale. Les patients sont insulino-résistantset hyperglycémiques malgré un hyperinsulinisme.Ce diagnostic est improbable car le retard decroissance intra-utérin est en général plus sévère(poids de naissance inférieur à 2000 g à terme).

3. Un diabète gestationnel entraîne des hypogly-cémies néonatales, pas d’hyperglycémie.

4. Les retards de croissance intra-utérins entraî-nent une hypoglycémie néonatale prolongéelorsque le poids de naissance est inférieur à 2000g. En revanche, un petit poids de naissance avecune glycémie élevée comme ici révèle un défautprofond de sécrétion d’insuline pendant la vieintra-utérine

5. Un diabète néonatal transitoire est l’un des dia-gnostics les plus probables. Environ 50 % desdiabètes néonataux sont transitoires.

6. L’hypothèse d’un diabète néonatal définitif pardéfaut d’un gène de la cellule β essentiel à safonction est plausible. Une dizaine de gènes sontactuellement connus. Les phénotypes peuventêtre différents selon le gène impliqué.

7. Quant au syndrome IPEX, c’est un tableau rareassociant une destruction auto-immune descellules β dans les premières semaines ou moisde vie à d’autres atteintes auto-immunes : diar-rhée par entéropathie, dermatite atopique, ané-mie, thrombopénie, neutropénie…Un défaut dugène FOXP3 a été identifié dans un certainnombre de cas. Mais il peut être éliminé de notreliste car sa transmission est liée à l’X et Léna n’estpas un garçon.

Les diagnostics à envisager demeurent donc undiabète néonatal transitoire ou un diabète lié à uneanomalie de la cellule β.

Quels signes associés rechercherafin d’orienter le diagnostic ?

1. une hyperglycémie maternelle ?2. une hyperglycémie paternelle ?3. des convulsions ?4. des anomalies des épiphyses ?5. une hypothyroïdie ?6. un acanthosis nigricans ?7. un omphalocèle ?8. une agénésie radiale ?9. des kystes rénaux ?10. un situs inversus ?11. un hypospade ?12. un glaucome ?13. une macroglossie ?14. une atrophie/agénésie pancréatique ?14. une acidose lactique ?

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En pratique, devant un diabète découvert durantles premières semaines de vie, il faut systémati-quement rechercher :

1. une hyperglycémie à jeun chez les 2 parents2. une dysplasie des épiphyses3. une hypothyroïdie4. des kystes rénaux5. un glaucome6. une macroglossie7. une agénésie pancréatique

La présence d’un de ces signes oriente vers unedes anomalies connues de la cellule β et permet decibler les recherches génétiques (voir page sui-vante).

Les autres signes sont sans rapport avec des étio-logies de diabète néonatal : ils ont été cités pourtenter d’égarer le lecteur.

Léna n’a aucun signe associé. Son examen cliniqueest normal, les radiographies des membres sontnormales. La TSH est à 2,8 µUI/ml. L’échographieabdomino-pelvienne voit un pancréas de taille etde structure normales. Les reins ne présentent pasde kystes.

Le dosage du peptide C avant un biberon permetd’évaluer l’insulino-sécrétion ; Chez notre petite fille, le dosage du peptide C esteffondré à 0,05 nmol/l. Il s’agit d’un diabète insulino-prive. Le diagnostic de Leprechaunisme ou d’un syn-drome d’insulino-résistance est définitivementexclu.

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En cas d’anomalie d’un gène de la cellule β, le dia-bète peut être isolé ou associé à d’autres atteintes.Les signes cliniques permettent de faire un tri parmiles anomalies pouvant affecter :

1. La glucokinase (GK) : cette enzyme phospho-ryle le glucose en glucose-6-phosphate qui sti-mule la sécrétion d’insuline ensuite métaboliséeen ATP via la mitochondrie. Les mutations inacti-vatrices homozygotes ou hétérozygotes compo-site du gène de la GK donnent à un diabète insu-linoprive dans les premières semaines de vie. Lesdeux parents sont dans ce cas exceptionnel por-teurs d’une mutation hétérozygote de la GK etsont hyperglycémiques à jeun (MODY 2).

2. L’ADN mitochondrial : diabète hérité de lamère, à début plus tardif (en dehors de l’âgepédiatrique) et associé à une surdité (MIDD) et/ouà une myopathie, une acidose lactique, une encé-phalopathie avec convulsions (MELAS).

3. La sous-unité Kir6.2 du canal potassiqueATP-dépendant exprimé à la membrane descellules β est essentiel à la sécrétion d’insuline :les mutations activatrices hétérozygotes du gèneKCNJ11 codant pour Kir6.2 sont responsablesde diabètes néonataux transitoires ou définitifs. Le diabète est parfois associé à un retard desacquisitions avec ou non une épilepsie.

4. La sous-unité SUR1 du même canal potas-sique : des mutations activatrices hétérozygotesdu gène ABCC8 codant pour SUR1 sont décritesdans des diabètes néonataux transitoires sur-tout mais parfois définitifs.

Les mutations de KCNJ11 et de ABCC8 peuventêtre transmises ou survenir de novo.

5. La transcription dans le noyau du gènede l’insuline ou d’autres gènes de déve-loppement de la cellule β :• ZAC : code pour une « zinc finger protein » qui

régule l’apoptose. Responsable de diabètenéonatal transitoire.

• IPF1 (MODY 4) : code pour l’insulin promoterfactor 1 est un régulateur du développement

pancréatique. Des mutations homozygotes ouhétérozygotes composite ont été trouvées dansquelques cas de diabètes néonataux avec agé-nésie pancréatique.

• PTF1α : code pour promoter transcription fac-tor 1 est impliqué dans le développement dupancréas et du cervelet. Diabète précoce.

• HNF1β (MODY 5) : « hepatocyte nuclear fac-tor 1β », diabète néonatal ou plus tardif dansla vie par atrophie pancréatique. Association àdes anomalies rénales (kystes, atrophie).

• HNF1α (MODY 3) : diabète du grand enfant,de l’adolescent ou de l’adulte jeune.

• HNF4α (MODY 1) : diabète de l’adolescent oude l’adulte jeune

• GLIS3 : code pour une « zinc finger protein »qui est un facteur de transcription exprimé pré-cocement du cours du développement pan-créatique. Une hypothyroïdie congénitale estprésente, parfois un glaucome congénital, unefibrose hépatique, des reins polykystiques

6. Le reticulum endoplasmique• HYMAI : ARN messager non transcrit, de fonc-

tion inconnue. Diabète néonatal transitoire• EIF2AK3 (syndrome de Wolcott-Rallison) code

pour « l’eukaryotic translation initiation fac-tor 2-alpha kinase 3 ». Des mutations homo-zygotes induisent un diabète néonatal ou trèsprécoce, une dysplasie épiphysaire, un retardde développement et des atteintes rénales ethépatiques.

• WSF1 : code pour la Wolframine qui intervientdans l’apoptose de la cellule β. Diabète dansl’enfance, associé à une atrophie optique, unesurdité, un diabète insipide, une ataxie.

7. Le Gène de l’Insuline : des mutations hétéro-zygotes sont décrites comme causes de diabètenéonatal. Ces mutations empêchent le clivage dela pro-insuline qui s’accumule dans le réticulumendoplasmique et conduit à l’apoptose de la cel-lule β. Le diabète est le plus souvent néonatal.

Les mutations de HNF1α, HNF4α et WSF1 sont àexclure chez Léna car elle ne donnent pas de dia-bète néonatal, de même que les mutations de l’ADNmitochondrial.

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La normalité du premier bilan de « débrouillage »supprime a priori de notre liste plusieurs diagnos-tics : • un syndrome de Wolcott-Rallison car les épi-

physes sont normales• un MODY 5 car il n’y a pas d’anomalies rénales• un MODY 4, une mutation de PTF1· car le pan-

créas est de taille normale • une mutation de GLIS3 car l’hypothyroïdie est

absente

Les glycémies à jeun de la mère et du père de Lénasont respectivement 4,4 et 4,7 mmol/l.L’hypothèse d’une mutation homozygote du gènede la glucokinase n’est donc pas retenue.

A ce stade, ne demeurent donc plausibles queles mutations de ZAC ou de HYMAI, les ano-malies du canal potassique et les mutationsdu gène de l’insuline.

Tableau 1. Causes génétiques de diabète néonatal. Signes cliniques.

Gène Protéine Signes néonataux Signes tardifs

GK Glucokinase diabète

KCNJ11 Kir6.2 diabète permanent 90 % retard mental léger à sévère 20 %diabète transitoire 10 % hypotonie musculaire 6 à 10 %

épilepsie 6 %

ABCC8 SUR1 diabète transitoire récidive du diabètediabète permanent

ZAC/HYMAI Zinc finger prot./ ? diabète transitoiremacroglossie 25 %

IPF1 Insulin promoter factor diabète

PTF1α Promoter transcription factor diabète insuffisance pancréatique hypertonie des membres exocrine, retard psychomoteur

HNF1β Hepatocyte nuclear factor diabète diabètekystes rénaux, insuffisance rénale progressiveinsuffisance rénale élévation des enzymes

hépatiques

GLIS3 GLI similar protein 3 diabète fibrose hépatiquehypothyroïdieglaucome

EIF2AK3 Eukaryotic translation diabète retard mental léger à sévèreinitiation factor2-αkinase 3 dysplasie épiphysaire hépatite aigue, insuffisance

rénale aigue, ostéopénieneutropénie

INS Insuline diabète

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Un diabète néonatal

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Figure 1. Cellule β du pancréas. Gènes impliqués dans les diabètes monogéniques.D’après Slingerland, Rev Endocr Metab Disord 2006 [1].

T LymphocyteFoxP3

Noyau

GKglycolyseglucose

GUT2

ZACIPF1

HNF4αHNF1αHNF1βPTF1α

IN5

MIDDMELAS

RE

InsulineExocytose

Ouverture

Dépolarisation

HYMAIEIF2AX3

WSF1

[ATP][ADP]

ABCC8

KCNJM

[Ca2+]

Ca2+

Fermeture

M

M = MitochondrieRE : Reticulum endoplasmique

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... La suite de l’histoire

Léna est revue régulièrement, elle va très bien, sacroissance staturo-pondérale est parfaite sur +1DS pour le poids et la taille, son développementpsychomoteur est normal. Son hémoglobine gly-quée est à 5,5 % à l’âge de 4 mois. La dose de glar-gine n’a pas été modifiée.

A l’âge de 6 mois, on tente un sevrage de l’insuline.Léna est alors traitée avec 0,3 U/kg/j d’insuline etson HbA1c est à 6,5 %. Après 3 jours d’arrêt de l’in-suline glargine, toutes les glycémies sont entre 2 et3 g/l.Il s’agit donc d’un diabète néonatal définitif.

On peut dès lors exclure les anomalies de la régionsoumise à empreinte 6q24 donnant exclusivementdes diabètes néonataux transitoires : unidisomieparentale d’origine paternelle du chromosome 6,anomalie de méthylation de la région 6q24, dupli-cation d’origine paternelle de cette même région.Dans cette région, se situent les gènes ZAC etHYMAI : ZAC code pour un facteur de transcriptionde la cellule béta, HYMAI serait impliqué dans lepackaging de l’insuline sous forme de granules dans

l’appareil de Golgi. Ces anomalies de 6q24 sontresponsables de la moitié des diabètes néonatauxtransitoires.

Les diagnostics les plus probables chez Léna sontdonc une mutation du gène KCNJ11, du gène del’insuline ou du gène ABCC8.Des mutations de ces 3 gènes expliquent en effet70 % des diabètes néonataux définitifs.

A l’âge de 9 mois, Léna est toujours traitée avec 2unités par jour d’insuline glargine alors qu’elle pèsemaintenant plus de 8 kg. Ces faibles besoins eninsuline nous décident à tester l’efficacité des sul-famides hypoglycémiants à la dose de 2 mg/j soit0,25 mg/kg/j de glibenclamide (Daonil faible) en 2prises. L’insuline est d’abord diminuée de moitié,les glycémies restent normales. Après 48 heures,l’insuline est arrêtée. Les glycémies restent nor-males. Dans des mains un peu habituées, ce switchthérapeutique est très facile.Cette sensibilité aux sulfamides écarte l’hypothèsed’une mutation du gène de l’insuline.

Ne restent plus en lice que les mutations des gènesKCNJ11 (Kir6.2) et ABCC8 (SUR1).

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Un diabète néonatal

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Chez Léna, le séquençage du gène KCNJ11trouve une substitution d’acide aminé G>Aentraînant la substitution GLU en LYS en posi-tion 322, à l’état hétérozygote. C’est la mutationE322K déjà connue.

Le canal K+ dépendant de l’ATP de la cellule bétaest composé de 2 sous-unités : un récepteur auxsulfamides SUR1 et le canal potassique proprementdit Kir6.2.Ces 2 sous-unités forment un octamère (Figure 2).

Il existe des canaux K+ ATP dépendant identiquesdans le cerveau. Dans le myocarde et les musclessquelettiques, ces canaux sont des octamères for-més de 4 sous-unités Kir6.2 et de 4 sous-unitésSUR2A.Dans la cellule β, la dégradation du glucose aug-mente le rapport [ATP/ADP], la sous-unité Kir6.2 selie à l’ATP provoquant la fermeture du canal et la

dépolarisation de la membrane cellulaire. La dépo-larisation ouvre les canaux calciques voltage-dépen-dant puis l’afflux intra-cellulaire de calcium entraînela translocation des granules d’insuline et leur exo-cytose.

S’agissant du gène KCNJ11 codant pour Kir6.2, ilest situé sur le chromosome 11p15.1.Ce gène a un seul exon.21 mutations différentes ont été décrites en asso-ciation avec un diabète néonatal.

Les mutations activatrices diminuent la sensibilitéà l’ATP du canal : • directement en diminuant l’affinité de la zone deliaison pour l’ATP• indirectement en augmentant la stabilité à l’étatouvert du canal• indirectement aussi en augmentant l’affinité pourle MgADP ou des phospholipides dont la fixationouvre le canal.

Les sulfamides se fixent sur le récepteur SUR ducanal K+ et provoquent sa fermeture permettant ladépolarisation de la membrane et la libération del’insuline. Ils sont particulièrement efficaces lorsquela mutation diminue l’affinité du canal pour l’ATP.Dans quelques cas, il n’a pas été possible de sevrerles patients en insuline [7].

Le phénotype est différent selon la mutation, lesrecherches de corrélations phénotype-génotype sonten cours mais seules certaines paraissent probantes.

Pore

SUR1

KIR6.2

F35VF35LC42R (4)

R50PQ52RG53RG53SG53NV59M (12)V59G

C166FK170RK170NI182V

I296L E322KY330C (3)F331

R201H (17)R201C (6)R201L

TM1 TM2N C

Figure 2. Canal K+ ATP-dépendant de la cellule ‚(vue de haut). D’après Koster, Diabetes 2005 [3].

Figure 4. Séquence linéaire de Kir6.2. TM1 :domaine transmembranaire 1. TM2 : domaine trans-membranaire 2. Les mutations dans un cadre enpointillé sont les plus fréquentes. D’après Hattersley, Diabetes 2005 [4]

Extérieur

Membrane

Intérieur

TM2

TM1

C

TM1 : domaine transmembranaire 1TM2 : domaine transmembranaire 2

N

Figure 3. Situation de Kir6.2 dans la membrane dela cellule β. D’après Koster, Diabetes 2005 [3].

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Avec le soutien institutionnel du Laboratoire Sandoz

Les mutations F35, C42R, G53, I182 sont respon-sables de diabète néonatal transitoire. La récidivedu diabète est fréquente à l’adolescence ou à l’âgeadulte. La mutation C42R a aussi été identifiée dansquelques cas de diabète type MODY. Ces muta-tions sont situées soit au niveau du site de fixationà l’ATP soit à l’interface entre 2 sous-unités Kir6.2,soit à l’interface entre Kir6.2 et SUR1.Notons également qu’environ 6% des patientsprésentent un syndrome appelé DEND : Deve-lopmental delay, Epilepsy, Neonatal Diabetes. Hat-tersley en rapporte 4 cas avec une épilepsiesévère se révélant avant l’âge d’un an et un retardmajeur des acquisitions (marche non acquise,hypotonie, absence de langage). Deux de cesenfants sont nés avec une arthrogrypose témoi-gnant du caractère anténatal de l’atteinte neuro-logique.

20 % des enfants ont un tableau moins sévère qua-lifié d’ « intermediate DEND ».Les mutations le plus souvent retrouvées dans cestableaux (V59M, V59G, Q52R, I296V) se situent àdistance du site de liaison à l’ATP en un domaineimpliqué dans l’ouverture-fermeture du canal. Invitro, la sensibilité du canal à l’ATP est moindre avecces mutations qu’avec celles retrouvées dans desphénotypes moins sévères.Enfin, le variant E23K de Kir 6.2 paraît impliqué danscertains diabètes de type 2.

Conclusion

Le diabète néonatal résultait d’une mutation acti-vatrice de Kir6.2. Celle qu’on a retrouvée cheznotre patiente Léna ( E322K) n’est pas la plusfréquente.

Références

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