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Cas CliniquesDiabète

Une hypoglycémie dont l’origineétait difficile à situer

Rougeurs et atrophie : « allergie » à l’insuline

Ce fascicule a été réalisé avec le soutien institutionnel des laboratoires Lilly

Numéro 6Supplément à Médecine Clinique Endocrinologie et Diabète - Décembre 2014

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La publication de ce contenu est effectuée sous la seule responsabilitéde l’Editeur et du Comité de Rédaction de la Revue. Les Laboratoires LILLY FRANCE ne sont pas intervenus dans le choix et la rédaction des articles.

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Une hypoglycémie dont l’origine était difficile à situerLaurence Duchesne, Pauline Corbonnois, Bruno GuerciService de Diabétologie, Nutrition et Maladies MétaboliquesHôpital Brabois et Centre d’Investigation Cliniques ILCVCHU de Nancy, 54511 [email protected]

Il s’agit d’une patiente de 30 ans, aide soignante en maisonde retraite, aux antécédents personnels d’eczéma dans l’en-fance et de chirurgie de kyste ovarien bilatéral. Elle est adres-sée dans le service fin 2012 pour suspicion d’hypoglycémies.Elle présente depuis plusieurs mois des épisodes de pares-thésies péri labiales avec sensations ébrieuses, des lipothy-mies en fin de matinée ou d’après-midi ou en tout début derepas. Elle n’a pas d’antécédent familial particulier et elleest mère d’une fille de 14 mois. Elle prend une contraceptionorale par Varnoline et du paracétamol si besoin. Le tabagismeest sevré depuis l’âge de 18 ans.Cliniquement, le poids est de 51 kg (avec un poids maximald’environ 54 kg en 2007, avant la grossesse), la pressionartérielle est à 120/70 mmHg sans signe évident d’endocri-nopathie ou de dysautonomie. Sur le plan psychologique et comportemental, on retrouveun état de stress important mais en voie d’amélioration, unappétit conservé sans trouble des conduites alimentaires.L’évaluation calorique retrouve une prise quotidienne de2300 kcal environ avec 82 g de sucres simples pour 260 gde glucides au total. Le bilan biologique standard est normal, sans signes de dénu-trition ni d’insuffisance hépato-cellulaire ou rénale. LaTSH est à 1,66 mUI/l.

La patiente avait néanmoins bénéficié d’un bilan biologiqueà jeun réalisé par son médecin traitant mettant en évidenceune glycémie veineuse à jeun à 0,41 g/l avec une insulinémieà 2,7 mUI/l et un peptide C à 1,39 ng/up/l témoignant d’uneadaptation imparfaite de la sécrétion d’insuline. Les explo-rations sont complétées par une HGPO montrant une glycé-mie à T0 : 0,55 g/l et T + 3h45 : 0,48 g/l ; avec une insuliné-mie en regard respectivement à 3,5 et 4 mUI/l. Au vu des ces résultats peu concluants, une hospitalisationest décidée pour réaliser les explorations suivantes : cycledu cortisol 8h – 12h – 16h – 20h et minuit avec des valeursrespectivement à 106, 85, 78, 42, 21 �g/l et une ACTH enregard à 12, 12, 8, 7 et 7 pg/ml, témoignant d’une bonnedécroissance sur le nycthémère mais avec une cortisolémieà 8h un peu basse. L’IGF1 est légèrement augmenté à 395ng/ml pour une valeur normale à l’âge de la patiente entre107 et 246 ng/ml (légère augmentation possiblement favo-risée par des hypoglycémies répétées récentes).Un bilan auto-immun a été réalisé dans le cadre du diagnosticdifférentiel : les anticorps anti-lupiques et anti-nucléaires, lefacteur rhumatoïde et les anticorps anti- insuline sont négatifs.Le dosage des sulfamides hypoglycémiants est négatif. Uneépreuve de jeûne de Conn, avec un régime hypoglucidiqueest alors débutée.

Jour Horaire Glycémie Glycémie Insulinémie Pro-insulinémie Peptide Ccapillaire (g/l) veineuse (g/l) (mU/l) (pmol/l) (ng/ml)

J112H 0,78 0,63 62,4 2,9216H 1,16 1,00 17,5 76,6 3,4520H 0,81 0,89 9,4 76,3 2,82

J20H 1,28 1,12 11,1 3,384H 0,41 0,78 7,4 2,738H 0,75 0,59 6,0 2,58

Fin du jeûne 12H 0,26 0,35 6,0 60,3 2,19Arrêt du jeûne – mise en place de mesures thérapeutiques

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Les valeurs d’insulinémie et de peptide C restent élevéesmalgré la présence d’une hypoglycémie veineuse sévère(0,35 g/l) et le dosage de pro-insuline montre des taux san-guins, anormalement élevés.L’éventuelle injection d’insuline factice est également éli-minée par un taux de peptide C non effondré.Le test est interrompu après un peu plus de 24h devant laconfirmation des glycémies veineuses basses et après authen-tification d’une sécrétion inappropriée d’insuline, et cecimalgré une parfaite tolérance clinique de la patiente. Il existedonc un hyperinsulinisme endogène évident mis en évi-dence par des glycémies veineuses inférieures à 0,40 g/l asso-ciées à des insulinémies supérieures à 3 mUI/l. Des mesurescorrectrices de maintien de la glycémie à des valeurs nor-males sont également mises en place (perfusion de glucosé10 %).Un test de provocation insulinique a été réalisé le lendemainen raison de l’existence d’une cortisolémie à 8h lors du cycledu cortisol à 106 �g/l (ne permettant pas de conclure de façondéfinitive à l’absence d’insuffisance surrénalienne), afind’éliminer le diagnostic d’insuffisance surrénalienne associée.A l’occasion de ce test, la cortisolémie de 8h est nettementplus élevée à 146 µg/l. Au cours de l’hypoglycémie provo-quée, le taux de cortisol ne double pas mais s’approche de170 �g/L : nous avons conclu en l’absence d’une insuffisancesurrénalienne périphérique devant ces résultats et en l’absencede signe clinique évocateur. Par ailleurs, le peptide C mesurépendant ce test ne retrouve pas de diminution du taux de base

de peptide C de plus de 65 %, ce qui confirme l’existenced’un hyperinsulinisme endogène.Sur le plan topographique et morphologique, la patiente abénéficié d’une échographie abdominale en externe, sansparticularité. Elle bénéficie d’une première écho-endoscopiequi est négative. Elle bénéficie dans un second temps d’unscanner abdominal en coupes fines puis d’un octréoscan,tous deux également négatifs. C’est une seconde écho-endo-scopie, réalisée en centre spécialisé qui permettra de localiserl’insulinome à type de lésion ovalaire, mesurant 10 x 5 mmet localisé au niveau de la partie juxta-isthmique (mais résul-tat rendu sous réserve compte tenu de la difficulté de visua-lisation de la tumeur). Une IRM pancréatique, s’intégrantdans le cadre du bilan pré-opératoire, identifie égalementune lésion mal délimitée.

La patiente bénéficie alors d’une laparotomie médianesus ombilicale pour énucléation de la lésion et non d’unelaparoscopie compte tenu des réserves sur sa localisation; l’analyse anatomopathologique retrouve une tumeurneuro endocrine de grade 1 de type insulinome aveclimites d’exérèse en zone tumorale classée pT1. Les suitesopératoires sont dominées par des douleurs médianes àJ7 post-opératoire, en rapport avec un épanchement péri-tonéal post chirurgical, rapidement résolutif en unesemaine. Enfin, une recherche génétique de mutation de la Ménineest effectuée afin d’éliminer une NEM1 et s’avère négative.

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Echoendoscopie IRM pancréatique

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Explorations biologiquesLe test de jeûne est l’exploration de référence dans le cadredes hypoglycémies chez les sujets non diabétiques et il està réaliser en première intention.Un test de 72h permet d’augmenter la sensibilité avec unecapacité de détection pouvant aller jusque 99 % des insuli-nomes [1]. Le protocole de surveillance comporte une gly-cémie capillaire toutes les 2 h, une glycémie veineuse toutesles 6h jusqu’à ce que la glycémie passe en dessous de 0,60g/l puis toutes les 2 h ; on réalise également une insulinémieet un peptide C pour toutes valeurs inférieures à 0,45 g/l,ainsi qu’une pro insuline et un beta hydroxybutyrate pourdes glycémies entre 0,45 g/l et 0,60 g/l et une recherche deprise cachée de sulfamides ou de glinides.La majorité des patients ayant un insulinome présentent unehypoglycémie dès les premières heures de jeûne [2]. Les seuilsd’arrêt du test sont établies à 0,40 g/l chez les patients asymp-tomatiques et 0,45 g/l en cas de symptômes mais de récentesrecommandations ont déterminé d’autres seuils : triade deWhipple, glycémie veineuse inférieure à 0,55 g/l, �OH butyratessupérieurs à 2,7 mmol/l, et signes cliniques sévères [3].Il est à noter qu’une insulinémie normale n’exclut pas lamaladie, car elle n’est pas élevée chez tous les patients avecun insulinome, en partie parce que la proportion de la pro-insuline sécrétée par les cellules d’insulinome est générale-ment supérieure à celle sécrétée par les cellules � physiolo-giques : des concentrations élevées de la pro-insuline ont étésuggérées comme étant un élément pertinent de diagnosticde l’insulinome.Des données récentes permettent de préciser l’intérêt dudosage de la pro-insuline. La valeur de ce dosage réside danssa capacité unique à distinguer les cas des contrôles puisqu’ilest reconnu qu’entre 0,45g/l et 0,60g/l, sa capacité à poserle diagnostic d’insulinome est meilleure que celle de l’insu-line et du peptide C [4].Selon Guettier et al [5], une concentration de pro-insuline≥ 22 pmol/L permet de discriminer au mieux les cas descontrôles. Le recours à un seuil de 5 pmol/L comme décritpar Vezzosi et al en 2007 [2] n’augmente pas la sensibilité,mais réduit ( ? ou améliore ?) considérablement la spécificitédu test. Ainsi, en cas d’hypoglycémie ≤ 0,45 g/l avec uneinsulinémie < 3 mUI/l et un peptide C < 0,6 ng/ml, l’exis-tence une pro-insuline > 5 pmol/l est fortement évocatriced’insulinome. Pour des glycémies comprises entre 0,45 et0,60 g/l, le seuil de pro-insuline de > 22 pmol/L est retenu.

Commentaire du cas clinique : Dans notre cas, le dosagede l’insulinémie n’était pas indispensable. En effet, l’exis-tence d’une glycémie veineuse associée à une insulinémie

supérieure à 3 mUI/L et un peptide C > 0,6 ng/ml (en datedu 27/01) signe un hyperinsulinisme endogène. Néanmoinsnos dosages sont conformes à ceux de la littérature avec unrapport d’environ 1/5 entre insulinémie et pro-insuline [6]. Concernant la recherche d’une NEM1, la patiente ne pré-sentait aucun signe clinique et/ou biologique évocateur d’at-teinte multiglandulaire (même si à l’interrogatoire, on retrou-vait chez sa sœur la notion d’adénome hypophysaire).Néanmoins, la fréquence de la NEM1 étant environ de 5-10 % chez les patients avec insulinome, le dépistage de muta-tions germinales du gène NEM1 chez des patients jeunes (< 30 ans) avec insulinome doit être considéré.

Anatomo-pathologieMacroscopiquement, l’insulinome se présente comme unelésion rose ou brune, dure aux contours bien délimités,entouré par une capsule dont l’absence signe la malignité.L’insulinome est en général une tumeur neuro-endocrinebien différenciée avec une morphologie hautement typique :aspect prolifératif monomorphe, stroma hypervascularisé etcaractéristiques cellulaires. Pour les tumeurs neuro-endo-crines pancréatiques, les recommandations européennesrecommandent le dosage de la chromogranine A et la synap-tophysine [7].Certains signes histologiques sont très évocateurs d’insuli-nome, comme le stroma amyloïde, confirmé par la colorationrouge Congo mais ils ne sont ni sensibles ni spécifiques ; pourconfirmer le diagnostic d’insulinome, l’expression de l’in-suline au sein des cellules peut être étudiée en immunohis-tochimie en utilisant les anticorps anti-insuline. L’expressioninsulinique est habituellement retrouvée au sein de la plupartvoire toutes les cellules ; cependant il peut y avoir des faux-négatifs même si le diagnostic clinique est certain [8].Les insulinomes malins sont rares mais les signes objectifsde malignité doivent être recherchés : extension au tissu péri-pancréatique, atteinte ganglionnaire ou d’organe. Les signesprédictifs sont l’invasion péri-nerveuse et les emboles vas-culaires, un index mitotique et un Ki67 élevés qui doiventalarmer et inciter à un suivi plus rapproché.

Commentaire du cas clinique : Dans notre cas, l’examenanatomopathologique retrouve une tumeur neuro endocrinede grade 1 de type insulinome avec limites d’exérèse en zonetumorale classée pT1 selon la classification UICC de 2010et ENETS 2006 : les cellules tumorales expriment fortementles antigènes synaptophysine, CGA et faiblement l’insuline.Il n’est pas mis en évidence d’expression cytoplasmiqueavec les anticorps antigastrine, glucagon et somatostatine.L’index de prolifération est estimé à moins de 2 %.

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ImagerieLe scanner en coupes fines (0,6 mm) est le principal examend’imagerie à réaliser pour rechercher la localisation d’uninsulinome, en raison de son excellente résolution spatialeet temporelle. Typiquement, la lésion se présente comme unnodule spontanément hypodense, devenant hyperdense enphase artérielle et isodense par rapport au parenchyme pan-créatique en phase portale. Lorsque la lésion mesure plus de3 cm ou présente un aspect inhabituel (nécrose, hémorragie,calcification ou kyste), une séquence en temps tardif peutêtre effectuée à 5 min afin de détecter un composant fibreuxprenant le contraste. Les séquences en phase artérielle sontplus sensibles qu’au temps portal, avec respectivement 83 à88 % et de 11 à 76 % de sensibilité, mais les deux phasessont complémentaires. Certaines tumeurs, plus difficiles àdiagnostiquer, peuvent avoir une imprégnation hétérogène,rester hypo - ou iso-denses, ou se trouver en contact avecune structure vasculaire ou l’intestin grêle, ou être pédiculées.Dans de tels cas, la reconstruction multiplanaire est essen-tielle, pour les séparer des autres structures digestives. Lorsque le scanner révèle une lésion d’aspect hétérogènepeu suspect de malignité, ou se révèle négatif malgré deshypoglycémies endogènes avérées, l’IRM peut être effectuée.L’IRM est aussi sensible que le TDM pour détecter lestumeurs endocrines pancréatiques. Le pancréas normal appa-raît en hypersignal sur les séquences pondérées T1. Lestumeurs endocrines apparaissent relativement hypointenses,rondes ou ovales, bien limitées en séquences pondérées enT1 avec et sans saturation de graisse et en hypersignal surles séquences pondérées en T2. Les études d’IRM récentesont rapporté des résultats favorables, avec 85 % de détectiondes tumeurs endocrines pancréatiques à 1,5T [9].L’intérêt de l’écho-endoscopie (EE) dans l’exploration desinsulinomes a été reconnu depuis le début des années 1990.C’est une technique d’ultrasons en haute résolution qui per-met un contact entre la sonde d’échographie et la paroi diges-

tive afin d’examiner celle-ci et les organes de voisinage, avecune profondeur de 2 à 4 cm et une précision de quelques mil-limètres. Le pancréas peut ainsi être entièrement exploré enbougeant la sonde le long du duodénum. Ainsi, une tumeurpancréatique peut être définie par ses caractéristiques ultra-sonographiques, sa localisation au sein de la glande pancréa-tique, son rapport avec le canal de Wirsung, sa vascularisationet ses éventuelles extensions ganglionnaires dans le cadrede pathologies cancéreuses.La petite taille des insulinomes et leur localisation quasi-exclu-sivement intra pancréatique font de l’écho-endoscopie l’examende choix. La sensibilité de l’EE dans le diagnostic des tumeursdigestives et des tumeurs endocrines pancréatiques, serait supé-rieure aux autres techniques [10]. Selon certaines études, l’in-sulinome serait plus difficile à identifier lorsqu’il est localisédans la queue du pancréas plutôt qu’au niveau du corps ou dela tête, avec un gradient de sensibilité diagnostic [11].

Figure 1. Tumeur endocrine encapsulée, bien différenciée,entourée de parenchyme pancréatique (HES, x 20)

Figure 2. Les cellules tumorales expriment l'antigèneneuroendocrine synaptophysine (IHC x 20)

Figure 3. Les cellules tumorales expriment l'antigène insuline (IHC x 40)

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La faible sensibilité de l’écho-endoscopie dans l’explorationdu pancréas gauche semble liée à l’expérience de l’opérateur.Selon une étude récente, la sensibilité est plus faible avec lejeune âge du patient, le sexe féminin et un faible indice demasse corporelle [12].Avec les avancées récentes en terme de résolution spatiale desTDM et IRM, combinés avec des agents de contraste intra-vasculaires, la sensibilité respective des différentes techniquess’avère proche. Ishikawa et al. ont rapporté un gain de sensi-bilité de 15 % par rapport au scanner multi barrettes grâce àl’échographie de contraste dans une série de 41 patients [13].L’EE ayant la meilleure résolution spatiale, pourrait être leseul examen nécessaire et souvent suffisant en première inten-tion selon certains auteurs [14, 15].L’EE reste probablement plus performante dans la détectiondes tumeurs d’environ 5 mm ou moins et dans la caractéri-sation de leurs rapports avec le canal de Wirsung, ce qui esttrès important pour le geste chirurgical (énucléation) dansles localisations céphalique ou isthmique. Finalement, com-biner EE et TDM semble suffisant dans la majorité des cas.La nécessité pour la localisation préopératoire des insuli-nomes et les méthodes utilisées demeurent litigieuses. Dansle passé, la confirmation de la présence de la triade de Whip-ple suffisait pour qu’un patient soit conduit directement à lachirurgie [16]. La palpation manuelle per-opératoire du pan-créas par un chirurgien expérimenté et l’échographie per-opé-ratoire étaient considérées comme deux méthodes sensiblessuffisantes pour localiser l’insulinome, soutenant l’argumentde certains chirurgiens de ne pas effectuer une localisation destumeurs en période préopératoire [17]. Cependant, à l’heure actuelle, la plupart des auteurs convien-nent que la connaissance du site de la tumeur avant la chirurgieest utile puisqu’il permet de déterminer non seulement sil’énucléation de la tumeur ou la résection du pancréas est sus-ceptible d’être requise, mais aussi si la tumeur est résécableou non par une approche laparoscopique. La localisation préo-pératoire permet de minimiser le temps opératoire, réduisantainsi la morbidité et la mortalité associées. Ainsi la résectionchirurgicale aveugle d’un insulinome ne devrait plus être réa-lisée chez un patient souffrant d’épisodes d’hypoglycémique.

Commentaire du cas clinique : Dans notre cas, nous avonsmultiplié les examens d’imagerie en raison d’une grandedifficulté de localisation de la tumeur malgré une biologieévidente.

Prise en charge thérapeutique

L’attitude chirurgicale doit tenir compte des caractéristiquesdes tumeurs, multifocales et dépendent de leurs localisationset de leur taille. Dans les NEM1, la tumeur est retrouvée dansla tête ou la queue du pancréas. La procédure la plus efficaceconsiste en l’énucléation des lésions céphaliques, associéeà une pancréatectomie caudale [18].Les caractéristiques macroscopiques de l’insulinome fontde l’énucléation l’option thérapeutique de choix lorsqu’elleest possible : si la résection est complète le taux de succèsest supérieur à 90 % [19]. La qualité de la résection est véri-fiée par l’examen extemporané et le dosage de la glycémieet de l’insulinémie veineuses, si possible sous stimulation.Les indications de l’énucléation sont les petites tumeurs < à 2 ou 3 cm, superficielles, bien localisées en pré et peropératoire situées à moins de 2 à 3 mm du canal de Wirsunget montrant une bénignité en extemporané [20] ; la morbiditépost-opératoire varie de 30 à 50 % dominée par les compli-cations à type de fistulisations pancréatiques, avec un risqueaugmenté d’hémorragie, de sepsis sévère et de complicationspleuro-parenchymateuses plus sévères chez les sujets avecIMC important [21].

Les autres alternatives sont :• La pancréatectomie gauche avec résection du corps et dela queue du pancréas dans les cas d’insulinome de la queuedu pancréas touchant le Wirsung ou les vaisseaux spléniquesou si l’on suspecte une malignité en pré et per-opératoireavec pour principale complication la fistule pancréatique,dont les facteurs de risque sont l’IMC supérieur ou égal à 27kg/m2, une résection extensive du pancréas supérieure ouégale à 8 cm et une hémorragie supérieure à 150 ml.• La duodénopancréatectomie est réservée aux insulinomesde la tête du pancréas, non accessible à une énucléation du

Sensitivity of endoscopic ultrasound(identification and location)

Glover et al., 1992 79 %Palazzo et al., 1992 77 %Rösch et al., 1992 81 %Zimmer et al., 1994 87 %Schumacher et al., 1996 57 % (head 83 %, tail 37 %)Pitre et al., 1996 91 %Zimmer et al., 1998 93 %Proye et al.,1998 79 %Anderson et al., 2000 93 %Sotoudehmanesh et al., 2007 89,5 % (head 92,6 %, body 78,9 %, tail 40 %)

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fait d’une proximité avec le canal pancréatique principalet d’une localisation profonde ; c’est l’intervention la pluslourde avec une mortalité de 3 à 4 % et une morbidité de30 à 40 %, dominée par les fistules pancréatiques, les infec-tions et les hémorragies; il s’agit d’une option débattue,l’énucléation ou la pancréatectomie centrale sont à préférersi possible.• Pancréatectomie médiale : pour les tumeurs de l’isthmeou du corps avec un risque de fistule identique à celle dela pancréatectomie gauche ; le parenchyme fonctionnel estconservé, limitant l’impact endocrinien de la pancréatec-tomie.• La cœlioscopie : il n’existe pas d’études comparants lapa-roscopie et laparotomie ; les meilleures indications semblentêtre les lésions bénignes ou faiblement malignes, requérantune résection pancréatique sans reconstruction ; les insu-linomes sporadiques, bénins, de moins de 2 cm sont par-faitement adaptés à ce type de chirurgie ; les avantages decette technique sont la faible durée d’hospitalisation, lesavantages esthétiques, et la moindre fréquence de compli-cations non spécifiques. Les inconvénients sont les diffi-cultés de localisation de la lésion et les difficultés tech-niques surtout dans le cas d’une tumeur de la tête dupancréas.Ainsi, plusieurs techniques chirurgicales sont décrites, maiscelles d’épargne du pancréas sont préférables ; cela dépendavant tout de la localisation de la tumeur en règle générale.

Commentaire du cas clinique : Dans notre cas, aux vuesdes difficultés diagnostiques et de la possibilité de ne pastrouver la tumeur en cœlioscopie, il est décidé d'une laporo-tomie, comme évoqué en consultation pré-opératoire. Fina-lement l’exploration a permis une mise en évidence et unerésection assez facile de la lésion.

Conclusion

Nous avons rapporté le cas d’un insulinome sporadique, bénin,de localisation juxta-isthmique, dont le diagnostic morpho-logique s’est avéré difficile malgré des valeurs biologiquesne permettant pas le doute sur son existence. Les dosages depro-insuline ont été effectués de principe mais l’analyse rétros-pective des données biologiques nous informe de la pertinencedes valeurs d’insulinémie prises isolément pour confirmer lediagnostic. En accord avec les données de la littérature, lesperformances de l’écho-endoscopie demeurent « opérateurdépendant » puisque dans ce cas précis, seul le deuxième exa-men a permis de retrouver la lésion ; cette technique est l’exa-men de choix en cas de difficultés diagnostiques.

Rappel de connaissances

L’insulinome est une tumeur endocrine du pancréas respon-sable d’une sécrétion excessive et inadaptée d’insuline entraî-

nant des accidents hypoglycémiques. Il s’agit d’une tumeurrare mais elle constitue la cause la plus fréquente des hypo-glycémies organiques. L’incidence de l’insulinome est esti-mée entre 1 et 4 cas par million d’habitants et par an dansles pays occidentaux ; les insulinomes représentent 1 % à2 % de toutes les tumeurs pancréatiques [22]. Il peut survenirà tout âge (de 8 à 80 ans) mais avec seulement 20 % des casdiagnostiqués avant l’âge de 40 ans et une fréquence maxi-male entre 40 et 60 ans (40 % des cas). Il existe une légèreprédominance féminine (60 %) dans toutes les tranchesd’âge. Jusqu’à 90 % des insulinomes sont bénins, 90 % sontuniques, plus de 90% surviennent dans les sites intra-pan-créatiques et 90 % sont inférieurs à 2 cm de diamètre [11].Les insulinomes sont répartis uniformément sur l’ensembledu pancréas. Les insulinomes extra-pancréatiques provoquantdes hypoglycémies sont extrêmement rares (incidence < 2 %)et sont le plus souvent observés dans la paroi duodénale [23].L’étiologie et la pathogenèse de l’insulinome ne sont pasconnues.Le diagnostic est évoqué devant une symptomatologie plusou moins caractéristique mais non spécifique, nécessitant uninterrogatoire attentif. La nature épisodique de l’attaque hypo-glycémique est due à la sécrétion intermittente de l’insulinepar la tumeur : les symptômes autonomes communs d’uninsulinome comprennent une diaphorèse, des tremblements,des palpitations et des symptômes neuro-glucopéniques telsla confusion, des troubles du comportement, des troublesvisuels, des convulsions pouvant aller jusqu’au coma [24].Le diagnostic de l’insulinome peut être difficile. Bien qu’ilait été considéré que les symptômes ne se manifestaient quedurant le jeûne ou suivant un exercice physique, il est main-tenant connu que les patients avec un insulinome peuventégalement présenter des symptômes post-prandiaux [8].Le diagnostic classique de l’insulinome se pose sur la triadede Whipple, qui reste la pierre angulaire du processus dudiagnostic : hypoglycémie (glycémie plasmatique < 50mg/dL), symptômes neuroglycopéniques et résolution rapidede symptômes après l’administration de glucose [25]. Lesretards dans le diagnostic de l’insulinome sont fréquents carles symptômes sont parfois attribués à des troubles psychia-triques, cardiaques ou neurologiques.Dans un petit nombre de cas (7 à 8 %), l’insulinome peutsurvenir au sein d’un syndrome de prédisposition héréditaireaux tumeurs pancréatiques ; ceci concerne principalementles NEM (Néoplasie Endocrinienne Multiple) de type 1puisque les tumeurs pancréatiques associées au VHL (vonHippel-Lindau) ou à la sclérose tubéreuse de Bournevillesont en général non fonctionnelles ; les insulinomes d’originegénétique présentent des particularités cliniques et d’évolu-tivités différentes comparativement aux insulinomes spora-diques : elles doivent être prises en compte dans la stratégiethérapeutique même si l’option chirurgicale demeure la seuleoption de traitement. La prévalence des insulinomes dansles NEM1 est de 10 à 20% et seulement 5% des insulinomes

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sont associés à une NEM 1. Ils sont alors généralement mul-tiples, de petite taille, rendant le diagnostic difficile ; ils peu-vent s’associer à d’autres tumeurs duodéno-pancréatiques,fonctionnelles ou non.Nous rapportons ici le cas d’une patiente âgée d’une trentained’années dont le diagnostic topographique difficile amenantà une prise en charge chirurgicale n’a pu être obtenu qu’unan et demi après les premiers symptômes rapportés par lapatiente.

Les auteurs de cet article déclarent n'avoir aucun lien d'in-térêt actuel ou passé avec l'industrie pharmaceutique dansle domaine de la diabétologie ou tout autre domaine qui soitsusceptible d'influencer l'écriture de ce cas clinique, et sonorientation diagnostique ou thérapeutique.

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Rougeurs et atrophie : « allergie » à l’insulineCécile Bibal, Françoise RaynaudService d’Endocrinologie PédiatriqueHôpitaux Paris Sud – Hôpital Bicê[email protected]

Le diabète de type I de Cassandre a été diagnostiqué à l’âgede 8 ans. Sa mère a un diabète de type I, diagnostiqué en1994 à l’âge de 28 ans. Cassandre a tout d’abord été traitéepar deux préparations d’insuline, un analogue, insulineasparte et insuline lente.

Au bout d’un an cette insuline administrée par voie sous-cutanée a entraîné des rougeurs très marquées de la peau ausite d’injection, rougeurs qui mettaient plusieurs jours à s’es-tomper. L’hémoglobine glyquée dépassait 8,5 %. Cassandrea été hospitalisée et le traitement par voie intra-veineuse étaitefficace, mais toujours pas par voie sous-cutanée. Elle estressortie de l’hôpital avec un traitement par insuline glulisinepar pompe. Le cathéter sous-cutané posé au niveau descuisses ou des fesses a été changé tous les trois jours. L’équi-libre glycémique est redevenu satisfaisant avec une hémo-globine glyquée au dessous de 7,5 %.

Un an et demi plus tard, d’importantes zones de lipoatrophiesymétriques et bilatérales sont apparues au niveau des fesses,des faces latérales des cuisses (moitié supérieure) et de l’ab-domen (zone où il n’y a jamais eu d’injection). Rétrospec-

tivement, des lipoatrophies étaient présentes depuis plusieursmois au niveau du ventre.

Dans un premier temps, un traitement par application de clobetasol 0,5% matin et soir au niveau des zones de lipoa-trophies du côté droit a été mis en place, en gardant l’injectiond’insuline glulisine du côté gauche mais injection d’insulinelispro du côté droit.

Au bout d’un mois, l’insuline glulisine a été arrêtée pourcontinuer uniquement avec l’insuline lispro. Au mois de jan-vier 2014, Cassandre se plaignant de douleurs superficielles(brûlures) au niveau des zones où le clobetasol était appliqué,il a été décidé de n’appliquer ce traitement qu’une semainesur deux.

Début mars 2014, il a été décidé d’arrêter le traitement parclobetasol, compte tenu des effets secondaires observés etpotentiels (insuffisance surrénalienne) et de l’absence notabled’efficacité (à noter cependant que les zones de lipoatrophieont cessé d’évoluer). Le traitement par insuline lispro acontinué.

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Discussion

Les lipoatrophies avec perte de graisse autour des sites d’in-jection d’insuline existaient chez beaucoup de patients traitéspar l’insuline bovine ou porcine. Avant le début des années1980, la lipoatrophie était commune ; une enquête en 1957effectuée sur 1096 patients de tous âges sous insuline depuisun an ou plus, a trouvé 24 % de lipoatrophies. Chez 342patients de moins de 20 ans, la prévalence était de 44 %, pourseulement 15 % chez les patients plus âgés [1]. Les pre-mières considérations étiologiques ont tenu compte des cré-sols utilisés comme agent de conservation pour l’insuline,de l’alcool utilisé pour la stérilisation des seringues et desaiguilles jetables à usage unique les jours précédents, de lablessure des cellules graisseuses, des ferments de la glyco-lyse, et d’une lésion possible du nerf [2]. Les lipoatrophies ont pratiquement disparu avec les insulinesrecombinantes et les analogues. Des études ont suggéré queles lipoatrophies induites par l’insuline résultent de la for-mation locale de complexes immuns, de fixation du com-plément, et de la libération de médiateurs inflammatoires del’infiltrat cellulaire. Dans une étude de 14 patients atteintsde lipoatrophie, Reeves et al. [3] ont démontré que les lésionslipoatrophique ont eu lieu chez les individus ayant desniveaux élevés d’anticorps anti-insuline circulants. Les bordsde ces lésions sont caractérisés par le dépôt de protéinesimmunologiques dans les vaisseaux du derme, le plus souventIgM et C3 ou de la fibrine.

Différents traitements ont été proposés. Parfois la réactionallergique locale peut disparaître avec un traitement anti-histaminique, mais dans certains cas une désensibilisationprogressive par l’insuline peut être utile [3-11]. Le traitementdes vraies lipoatrophies est plus difficile. L’insuline recom-binante humaine lispro a été rapportée comme étant moinsassociée à la lipoatrophie par rapport à l'insuline humaine [6]et le passage à cette insuline a donc été suggéré. Mais descas de lipoatrophie avec la lispro ont également été rapportés

[12] et son remplacement par d’autres insulines suggéré encas d’allergie [13]. Bien que l’apparition de lipoatrophieslocalisées soit possible dans le traitement par pompe à insu-line [14, 15], celle-ci a été utilisée avec succès dans certainscas graves de lipoatrophie. Certaines lipoatrophies sous-cutanées sont un défi majeur pour le traitement.

Il y a des rapports épars concernant la lipoatrophie avec desinsulines humaines [16, 17]. Une étude allemande chez desenfants et des adolescents atteints de diabète de type 1 etrecevant des insulines modernes, en a trouvé 4 sur 112 quiavaient une lipoatrophie [18]. Dans notre propre expérience,sur 680 patients atteints de diabète de type 1, dont environ20% sont traités par CSII, seuls deux cas de lipoatrophie ontété constatés au cours des dix dernières années, qui se sontrésolus spontanément. Les observations de divers corres-pondants suggèrent que les analogues peuvent être suffisam-ment « étrangers » pour induire une petite réémergence decas [12, 14].

Un courriel posté d’Angleterre au mailing de l’ISPAD en avril2013 a demandé si d’autres correspondants avaient vu récem-ment davantage de lipoatrophies. L’auteur avait vu 4 patientsle mois précédent avec de sévères lipoatrophies, toutes avecdes analogues d’insuline à action rapide. Plusieurs médecinsanglais ont rapporté des expériences similaires, principalementchez les patients recevant une perfusion continue d’insulinesous-cutanée, de même que les diabétologues de Suède, desPays-Bas, d’Ouganda, d’Italie et des États-Unis. En Grèce,beaucoup de lipoatrophies avaient été vues avec des analogueset des pompes à insuline ; l’observation de l’Autriche étaitsimilaire surtout chez des patients avec pompes à insuline enperfusion continue. La correspondance ISPAD a abouti à lacirculation d’un formulaire d’enquête pour recueillir plus d’in-formations sur ce problème et nous pouvons nous attendre àde nouvelles informations sur sa fréquence, ses formes d’in-suline administrée les plus fréquemment impliquées, et lesméthodes de traitement les plus réussies.

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Les insulines associées au problème comprennent l’aspart,la lispro, la NPH, la glargine et l’insuline rapide. A notreconnaissance, seuls quatre cas pédiatriques ont été décrits[5, 19-21], dont trois ont été désensibilisés par CSII. Diffé-rents traitements de l‘allergie à l’insuline ont été tentés: lesmédicaments anti-histaminiques; l’addition de glucocorti-coïde à l’insuline [4, 22, 23]; le cromoglycate de sodiumtopique [3] ; les corticostéroïdes généraux; l’utilisation desanalogues humains à la place de l’insuline animale ; l’induc-tion de la tolérance à des doses croissantes d’insuline (dé -sensibilisation ultra-rush) [24, 25], ou des doses croissantesd’insuline glargine [5, 20, 21], la perfusion d’insuline parvoie intraveineuse, le recours à une pompe utilisant les ana-logues humains [4, 11, 20, 23]. La récurrence des réactions allergiques locales après dé -sensibilisation a été décrite [5, 20], la plupart d’entre ellesfacilement gérables par le patient.

Les auteurs de cet article déclarent n'avoir aucun lien d'in-térêt actuel ou passé avec l'industrie pharmaceutique dansle domaine de la diabétologie ou tout autre domaine qui soitsusceptible d'influencer l'écriture de ce cas clinique, et sonorientation diagnostique ou thérapeutique.

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