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carte blanche Laurent Alexandre Chirurgien urologue, président de DNAVision [email protected] (PHOTO : MARC CHAUMEIL) Climat : la déglaciation remise à l’endroit Les climato-sceptiques pointaient une anomalie : dans le passé, la hausse des températures semblait avoir précédé celle du CO 2 . Une étude internationale montre que cela n’a pas été le cas. PAGE3 L e désir de l’enfant parfait habite la plupart des parents et la société encourage la minimisation des risques obstétricaux. La « techno-maternité » s’impose progressivement : l’accouchement à domicile sans sécurité et sans péridurale, qui est découragé aujourd’hui par les pouvoirs publics, était la norme il y a moins d’un siècle ; trier les embryons, éliminer les fœtus non conformes deviennent des étapes classi- ques de toute grossesse « raisonnable ». Nous sommes déjà sur un toboggan eugéniste sans nous en être rendu compte. La trisomie 21 est en train de disparaître sous nos yeux : 97 % des trisomiques « bénéficient » d’une interruption médicale de grosses- se. Bien peu de parents résistent à la pression sociale pour « éradiquer » ce handicap mental. Or, jusqu’à pré- sent, les techniques génétiques ne repéraient qu’une poignée de pathologies. Mais le séquençage intégral de l’ADN du futur bébé – c’est-à-dire des 3 milliards de pai- res de bases chimiques qui constituent son identité génétique – va changer radicalement la donne. Il est possible de réaliser, dès à présent, un diagnostic géno- mique complet du fœtus à partir d’une simple prise de sang chez la future maman : plus besoin de prélever de liquide amniotique par amniocentèse. L’un des derniers freins à la généralisation du diagnos- tic prénatal – la peur d’une fausse couche, qui survient dans 0,5 à 1 % des cas après une amniocentèse – dispa- raît ! Un puissant algorithme, mis au point par l’équipe du professeur Dennis Lo (université de Hongkong), spé- cialiste du dépistage génétique, permet de différencier les séquences ADN du futur bébé et celles de la mère. Grâce à l’effondrement du coût du séquençage ADN, divisé par 3 millions en neuf ans, cette technique va se généraliser avant 2020. Des milliers de maladies pour- ront être dépistées systématiquement pendant la gros- sesse sans faire courir de risque à l’enfant. Nous avons quasiment éradiqué la trisomie 21 en trente ans, bien que les trisomiques soient doux, aient une espérance de vie normale et ne souffrent pas. Pour- quoi ferions-nous demain autrement avec les autres pathologies ? Politiquement, comment empêche- ra-t-on les parents de préférer de « beaux enfants plu- tôt doués » alors que l’avortement pour convenance personnelle est libre, quelle que soit la constitution de l’embryon, et que l’avortement pour handicap intellec- tuel (trisomie 21 en tête) est légal, socialement accepté et encouragé par les pouvoirs publics ? Et nous irons probablement plus loin : de la préven- tion du pire à la sélection de l’enfant, il n’y a qu’un pas qui sera allègrement franchi. On offrira bientôt aux parents le rêve d’un enfant configuré à la carte. Si le dia- gnostic prénatal permet l’« élimination du pire » – on supprime le fœtus présentant des malformations –, le diagnostic préimplantatoire, lui, représente la « sélec- tion des meilleurs » – on trie les embryons obtenus par fécondation in vitro. L’acceptabilité par les parents sera forte dès que les derniers effets secondaires de la fécon- dation in vitro seront contrôlés, et il sera moralement moins dérangeant de supprimer des embryons en éprouvette qu’un fœtus dans le ventre. Le retour de l’eugénisme est une bombe éthique et politique passée complètement inaperçue. D’ailleurs, ni M. Hollande ni M. Sarkozy n’ont jamais parlé du séquençage ADN ! p Crabes et crevettes des grands fonds à Océanopolis A Brest, le centre de découverte des océans propose d’observer, dans le cadre de l’exposi- tion « Abysses », des animaux pêchés au sud des Açores et maintenus depuis dans deux aquariums pressurisés. PAGE 7 Eugénisme 2.0 Le vote, une expérience démocratique Le mode de scrutin conditionne pour partie le résultat des élections. Condorcet avait dénoncé les paradoxes de la méthode uninominale. Des chercheurs suggèrent des alternatives. La présidentielle 2012 leur permettra de les tester. Tour d’horizon des options proposées. PAGES 4-5 Cloud Privé Microsoft Demain, vous aurez besoin d’un centre de données qui soit aussi un centre de proÀt. Dès aujourd’hui, choisissez une solution de Cloud Privé qui ne facture pas au nombre de machines virtuelles. En savoir plus sur Microsoft.fr/readynow Deux pays pour un seul télescope L’Afrique du Sud et l’Australie se dispu- tent l’installation du plus grand radioté- lescope du monde. Le SKA comprendra environ 3 000 antennes paraboliques disposées en spirales, certaines distan- tes de 3 000 km de son centre. PAGE 2 ILLUSTRATION : ADRIA FRUITOS Cahier du « Monde » N˚ 20906 daté Samedi 7 avril 2012 - Ne peut être vendu séparément

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c a r t e b l an ch e

LaurentAlexandreChirurgien urologue,

président de [email protected]

(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Climat: la déglaciationremise à l’endroitLes climato-sceptiques pointaientune anomalie : dans le passé, la haussedes températures semblait avoir précédécelle duCO2. Une étude internationalemontre que cela n’a pas été le cas. PAGE 3

L edésir de l’enfant parfait habite la plupart desparents et la société encourage laminimisationdes risques obstétricaux. La «techno-maternité»

s’imposeprogressivement: l’accouchementà domicilesans sécurité et sans péridurale, qui est découragéaujourd’huipar les pouvoirspublics, était la norme il yamoinsd’un siècle; trier les embryons, éliminer lesfœtusnon conformesdeviennentdes étapes classi-quesde toute grossesse «raisonnable».

Nous sommesdéjà surun tobogganeugéniste sansnousen être rendu compte. La trisomie 21 est en traindedisparaître sousnos yeux: 97%des trisomiques«bénéficient» d’une interruptionmédicale de grosses-se. Bien peudeparents résistent à la pression socialepour«éradiquer» ce handicapmental. Or, jusqu’à pré-sent, les techniquesgénétiquesne repéraient qu’unepoignéedepathologies.Mais le séquençage intégral del’ADNdu futur bébé – c’est-à-diredes 3milliardsdepai-res de bases chimiquesqui constituent son identitégénétique– va changer radicalement la donne. Il estpossiblede réaliser, dès à présent, undiagnostic géno-

mique complet du fœtus àpartir d’une simpleprise desang chez la futuremaman: plus besoindepréleverdeliquideamniotiquepar amniocentèse.

L’undesderniers freinsà lagénéralisationdudiagnos-ticprénatal – lapeurd’une fausse couche,qui survientdans0,5 à 1%des cas aprèsuneamniocentèse–dispa-raît!Unpuissant algorithme,mis aupointpar l’équipeduprofesseurDennis Lo (universitédeHongkong), spé-cialistedudépistagegénétique,permetdedifférencierles séquencesADNdufuturbébéet cellesde lamère.Grâceà l’effondrementdu coûtdu séquençageADN,divisépar3millions enneufans, cette techniquevasegénéraliseravant 2020.Desmilliersdemaladiespour-rontêtredépistées systématiquementpendant lagros-sesse sans faire courirde risqueà l’enfant.

Nous avonsquasiment éradiqué la trisomie 21 entrente ans, bienque les trisomiques soient doux, aientuneespérancedevie normale et ne souffrentpas. Pour-quoi ferions-nousdemain autrement avec les autrespathologies? Politiquement, commentempêche-ra-t-on les parentsdepréférer de «beauxenfantsplu-

tôt doués» alors que l’avortementpour convenancepersonnelle est libre, quelle que soit la constitutiondel’embryon, et que l’avortementpourhandicap intellec-tuel (trisomie 21 en tête) est légal, socialementacceptéet encouragépar les pouvoirspublics?

Et nous ironsprobablementplus loin: de la préven-tiondupire à la sélectionde l’enfant, il n’y a qu’unpasqui sera allègrement franchi.Onoffrira bientôt auxparents le rêved’un enfant configuré à la carte. Si le dia-gnosticprénatal permet l’«éliminationdupire» – onsupprime le fœtusprésentantdesmalformations–, lediagnosticpréimplantatoire, lui, représente la «sélec-tiondesmeilleurs» – on trie les embryonsobtenusparfécondation invitro. L’acceptabilitépar les parents serafortedès que les derniers effets secondairesde la fécon-dation invitro seront contrôlés, et il seramoralementmoinsdérangeantde supprimerdes embryonsenéprouvettequ’un fœtusdans le ventre. Le retourdel’eugénismeest unebombeéthiqueet politiquepasséecomplètement inaperçue.D’ailleurs, niM.HollandeniM. Sarkozyn’ont jamaisparlé du séquençageADN!p

Crabes et crevettes des grands fondsàOcéanopolisABrest, le centre de découverte des océansproposed’observer, dans le cadre de l’exposi-tion «Abysses», des animauxpêchés au suddesAçores etmaintenus depuis dansdeuxaquariumspressurisés. PAGE 7

Eugénisme2.0

Levote,uneexpériencedémocratique

Lemodede scrutin conditionnepourpartie le résultat

desélections.Condorcetavaitdénoncé lesparadoxesde laméthodeuninominale.Des chercheurs suggèrent

des alternatives.La présidentielle 2012

leur permettra de les tester.Tourd’horizondesoptions

proposées.PAGES 4-5

CloudPrivéMicrosoft

Demain, vous aurez besoin d’un centre de données qui soit aussi un centre de proÀt.

Dès aujourd’hui, choisissez une solution de Cloud Privé qui ne facture pas au nombre de machines virtuelles.

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Deuxpays pour un seul télescopeL’Afrique du Sudet l’Australie se dispu-tent l’installationduplus grand radioté-lescopedumonde. Le SKA comprendraenviron 3000 antennes paraboliquesdisposées en spirales, certaines distan-tes de 3000kmde son centre. PAGE 2

ILLUSTRATION : ADRIA FRUITOS

Cahier du «Monde »N˚ 20906daté Samedi 7 avril 2012 - Nepeut être vendu séparément

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SébastienHervieu

Carnarvon (Afrique du Sud),envoyé spécial

Il pianote sur son clavier d’or-dinateur, puis se lève et jetteunœilparlafenêtredupréfa-briqué. Ça y est. Perchées surdes pylônes à 15 mètres dehauteur, les sept paraboles

blanchescomposéesde fibredeverreet larges de 12 mètres de diamètre selancent dans un ballet synchroniséd’à peine une minute pour pointerdans lamêmedirection.

«Imaginez la taille et la précisionde la carte du ciel que nous obtien-drons lorsqu’il y aura non pas sept,mais 3000 antennes paraboliques!»Tony Foley a les yeux qui brillent àl’évocation de l’éventuelle construc-tion enAfrique du Sudduplus grandradiotélescope du monde – entre 50et100foispluspuissantquelesappa-reils actuels. Ici, à 450 kilomètres aunord-est de la ville du Cap, dans ce

semi-désertduKaroooùlaligned’ho-rizon n’est parsemée que de rocaille,debuissons et demoutons.

En poste depuis 2010, cet astrono-meanglaiscomptebiensurces«gran-desoreilles»àl’écoutedessignauxderadiofréquences émises par les corpscélestes(à ladifférencedestélescopesoptiques)pourpercer, après 2024, lesplus grands secrets de l’univers :«Nous allons pouvoir fouiller encoreplus loindans lepasséetmieuxrépon-dreàcesquestions:comments’estpas-sé leBigBang (il ya 13,7milliardsd’an-nées)?Commentlestrousnoirssesont-ils formés? Sommes-nous seuls dansl’Univers?Quelle théoriede lagravita-tion inventer après celle d’Einstein?»

L’Afrique du Sud devra toutefoisencore patienter pour savoir si elleaccueillera le SquareKilometreArray(SKA), dont la surface cumulée fera1kilomètre carré. Le comité interna-tional de sélection devait initiale-mentdépartager,le4avril, lacandida-turedupaysd’Afriqueaustraleet cel-ledel’AustralieassociéeàlaNouvelle-Zélande. Mais fin mars on apprenaitque la date ne serait finalement que«le point de départ d’un processus dediscussion et de négociation entre les

membres du comité» qui pourraitdurer plusieurs semaines, voire plu-sieursmois.

Quelques jours auparavant, deuxjournaux australiens, suivis par larevue scientifique Nature, rappor-taient que le dossier technique sud-africain avait la préférence desexperts et allait être recommandéau comité. Son concurrent auraitalors déposé plusieurs réclama-tions concernant le processus dedésignation.

«Si ces fuites non sourcées sontvraies, l’Australie n’a plus rien à per-dre», juge Sarah Wild, auteure d’unlivreà paraître sur le SKA. Peud’habi-tants, peu de vent, peu de précipita-tions,unciel souventclair, lesite sud-africain de 14000 hectares est «phé-noménal pour faire de l’astronomie»,d’aprèslajournalistescientifiquesud-africaine. Autre avantage : il existedéjà. Les sept antennes paraboliquesdu prototype KAT-7, installées fin2010, seront bientôt au nombre de64.Construitesàpartirdecetteannéeetsurplace,ellesserontopérationnel-les en 2016. Les créneaux d’observa-tion de ce qui formera alors le Meer-KAT, le plus puissant radiotélescopede l’hémisphère Sud, sont déjà réser-véspour cinq ans.

A l’entrée du site, un panneauannonceque la zoneaétédécrétéeen2007 par le gouvernement «réserveradioastronomique». Comprendre:la chasse aux interférences deradiofréquences pouvant parasiterl’observation est menée. Lesemployés utilisent des téléphonessatellitaires, ainsi que des voituresqui roulent au diesel. Autour despoteaux électriques, des protectionsélectromagnétiques ont été instal-léespour atténuer les émissions.

Les faiblesses du dossier sud-afri-cain ? Le coût et la vitesse de sonréseauInternet,mêmesi le continentest en train d’être relié au très hautdébit. Ainsi que le manque d’ingé-nieurs hautement qualifiés à caused’un système scolaire local défaillantlié à l’héritagede l’apartheid.

Depuis 2005, un programme debourses lancé par le gouvernement aattiré400jeuneschercheurs.Aupiedd’une des antennes, Jonathan Zwart,qui a quitté l’Angleterre pour troisans, liste ses avantages : «Un salairede 30000euros par an, des exemp-tions fiscales, le remboursement demes frais professionnels.» Il ajoute :«Au-delà de l’argent, ce pays est pourmoi une rampe de lancement au vudes opportunités offertes en radioas-tronomie.»

«Le SKA est crucial pour l’avenir dela science sur ce continent car il attire-radescapitauxetdelamatièregrise»,insiste Bernie Fanaroff, responsablede la candidature sud-africaine. La

moitié des 3000 antennes paraboli-ques,disposéesen formedevirevent,seront installées dans huit autrespays africains voisins. Les dirigeantssud-africains ont mal pris la récentedéclaration d’un ministre australienjugeant la compétition biaisée à cau-sede la«compassion»desEuropéensà l’égardde l’Afrique.

Certains observateurs préfèrentremarquer que le choix de l’Afriquedu Sud, dont la main-d’œuvre estmoinschère, limiteraitlecoûtdupro-jet (évalué à 2milliards d’euros) aumomentoùlesbailleursdefondsocci-

dentauxsontvictimesde la crise éco-nomique. Le choix parfois évoquéd’unpartageduprojet entre les deuxcandidatures serait, à l’inverse, pluscoûteux.

Dans sa ferme de 9000 hectaressituée à une trentaine de kilomètresdu cœur du site, Thinus van Schalk-wyk, éleveur de 2000 moutons, nesaitpasencoresiuneantenneparabo-lique sera installée de l’autre côté desa clôture et s’il devra être équipéd’un téléphone satellitaire. «Mais jevais déjà bientôt profiter de la fibreoptique pour Internet et du goudron-

nage de la route devant chez moi»,sourit-il.

Chargé des relations avec les com-munautés avoisinantes, Pieter Sny-man explique que «pour obtenir lesoutien de la population, nous avonsconstruituncentreinformatique,réha-bilitéuneclinique,offertdesbourses».De peur de décevoir, il préfère ne passeprononcersurlenombred’emploiscréés dans la région pour la construc-tion du SKA, prévue pour durer dixans. Le radiotélescope seraopération-nelcinquanteansetemploieraunmil-lierdepermanents.p

SCIENCE&TECHNO a c t u a l i t é

Sandrine CabutetHervéMorin

Lesenfantsissusd’unefécon-dation in vitro (FIV) oud’une autre technique deprocréation assistée ont-ils

unrisqueaccrudemaladiescardio-vasculaires ? Depuis quelquesjours, la question fait couler beau-coup d’encre dans lesmédias suis-ses. Ce sont les résultats d’une étu-de conduite pendant quatre anspardesmédecinshelvètes,filméeàses différentes étapes par les jour-nalistes de la RTS (Radio télévisionsuisse), qui ontmis le feu auxpou-dres.Lereportageaétédiffusémer-credisoirsurlachaîneromande,aucours d’une émission spéciale autitre alarmiste : «Fécondation invitro:menacesdansl’éprouvette.»

Les auteurs de l’étude suisse,publiéeenlignedanslarevueCircu-

lation le 20mars, et les spécialistesde l’assistance médicale à la pro-création (AMP) restent toutefoisprudents quant à l’interprétationde ces données, inédites et obte-nuessuruneffectifmodeste.

Le professeur Urs Scherrer (car-diologue, hôpital universitaire deBerne) et ses collègues se sontpen-chés sur le cas de 65enfants d’unedouzained’annéesenbonnesanté,issus d’une AMP. Comparées à cel-les de 57enfants contrôle (conçusnaturellement), leurs artères sontplus rigides etmoins réactives à ladilatation et la paroi interne deleurs carotidesestplusépaisse. Parailleurs, à 3500mètres d’altitude,la pression dans leurs artères pul-monairesest30%plusélevée.Pourles auteurs, ce dérèglement de laréactivité des artères ne serait pasliéàdes facteursparentaux,maisàlaprocédured’AMPelle-même.

Les enfants conçus en éprouvet-

te n’ont, pour les plus âgés, qu’unetrentaine d’années. Sont-ils plussujets aux infarctus et autres acci-dents cardio-vasculaires précoces,ainsi qu’aux complications lorsd’unséjourenaltitude?

ADN et environnement«C’est uneétude importante car

ellemetenexerguepour lapremiè-re fois des marqueurs de maladiespotentielles cardio-vasculairesdans cettepopulation,mais cedoitêtre un appel à la recherche, pas àla panique, tempère le professeurMarcGermond(Centredeprocréa-tionmédicalementassistéedeLau-sanne), l’un des signatairesde l’ar-ticle. Pour l’instant, on ne peut pasdire que ces enfants sont maladesnimême qu’ils vont le devenir.» Etd’insister:«Dans lemonde, depuis1978, 4millions d’individus ont étéconçusparcestechniques,sanspro-blème de santé particulier jus-

qu’ici.»Un avis partagé par le pro-fesseur René Frydman (hôpitalAntoine-Béclère, Clamart) : «Defaçonrécurrente,onvoitsurgirunepublication pointant tel ou telexcès de risque chez des enfantsconçus par AMP, puis ce n’est pasconfirmé, dit-il. La grande difficul-té de ces études est de réussir àconstituer une population témoinvraiment comparable.»

Une revue de la littérature,parue en juin2011 dans le Bulletinépidémiologique hebdomadaire(BEH), était globalement rassuran-te quant à la santé de ces enfants,etnesignalaitpasderisquespécifi-que cardio-vasculaire. CatherinePatrat, coauteur de l’article duBEH, note toutefois qu’une étudehollandaise a trouvé des chiffresde tension artérielle plus élevéschez les enfants nés par AMP quedans la population témoin.

Dans un travail publié fin 2011,

le biologiste Jean-Pierre Ozil(INRA), spécialiste de la féconda-tion invitro chez la souris, a obser-véquedesmodificationsponctuel-les du milieu de culture de l’em-bryon pouvaient déterminer lamasse de l’animal à l’âge adulte(LeMonde du 31décembre 2011).Lui-même n’a pasmesuré la pres-sion sanguine chez la souris issuedeFIV,maisilaconstatéquelesani-mauxlesplusgrosavaientparado-xalementuncœurplus petit.

«L’hypertension a été étudiéepar l’équipe de Tom Fleming[Southampton], qui a montré quedes souris issues de fécondation invitroprésentaientunepressionsys-tolique supérieure à celle de sourisconçues de façon naturelle», rap-pelle-t-il.Lamêmeéquipeaconsta-tédeseffets similaires induitsnonpar une FIV, mais par une restric-tiondansl’alimentationmaternel-le en protéines au moment de la

conception. «L’observation d’ef-fets à long terme sur des enfantsnés par FIV ne me surprend doncpas», indique Jean-PierreOzil, quiinsiste sur la nécessité d’étudierl’influence du milieu de culturesur l’expression du génome. C’estledomaineenpleineexplosiondel’épigénétique– les rapports entreADNet environnement.

David Celemajer (Sydney), quisigne un éditorial dans Circula-tion, est sur lamême ligne: il fautexaminer les effets desmanipula-tions des gamètes et de l’embryonsur la physiologie cellulaire, leschangements épigénétiques etleurs conséquences et mener desétudes cliniques pour surveiller ledevenirde ces enfants.

Toutefois,relève-t-il, lesanoma-lies vasculaires observées par lesmédecins suisses ne justifient paspour l’instantunsuivietuntraite-mentparticuliers.p

Fécondation invitro:uneétudepointeunrisquecardiaqueUneéquipesuisseadétectédesanomaliesartérielleschezdesenfantsissusdeFIV.Desrésultatsàconfirmer

Rivalitéterreàterrepouruntélescopea s t r o n o m i e | L’AfriqueduSudetl’Australiesontencompétitionpouraccueillir

leplusgrandradiotélescopedumonde.LeSKAserade50à100foispluspuissantquesesprédécesseurs

Le choix, parfoisévoqué, d’unpartageduprojet entre lesdeux candidaturesserait plus coûteux

Desyeuxpourvoir l’énergienoire

Vued’artiste du projet du futur radiotélescope SquareKilometreArray (SKA) qui comprendra environ3000antennes paraboliques disposées en spirale, certaines distantes de 3000kmde son centre.

SPDO/TDP/DRAO

E nattendantque les oreilles du SKA sedéploient,les yeuxd’autres télescopes sontbienouverts. Ain-si, le SloanDigital Sky Survey (SDSS), installé au

Nouveau-Mexique,vient de rendrepublic un énormecatalogued’environ264000galaxies indiquantnonseulement leurpositiondans le cielmais aussi leur dis-tance. Pour la première fois sur un aussi grandnombred’objets, les astronomes remontentàune étape-clé dansl’histoirede l’Univers: lemoment où celui-ci a «changédemoteur», il y a environsixmilliards d’années.

C’est en effet l’époqueoù l’Univers semet à gonflersous l’effet d’unemystérieuse énergie, sombre ounoire,qui était jusqu’alors supplantéepar l’effondrementgra-vitationnelde lamatière. Cette accélérationde l’expan-sionmodifie la fréquencede la lumièrenousparvenantdepuis les différentes sources cosmiques, en la décalantvers le rouge. La fréquencede cette lumière, capturéepar des fibres optiquesderrière lemiroir du télescope,

est convertie endistance, ce qui permetd’avoir une car-tographie complète couvrantprès de 20%du ciel.

Grâce à ces données sur desmilliersd’amasdegalaxies situés à quelque 5 à 7milliardsd’années-lumiè-re denous, la collaborationessentiellementaméricaineduSDSSa déterminé la valeurde certainsparamètrescosmologiques-cléspour comprendre l’évolutiondel’Univers, comme justement la quantité d’énergienoireprésenteou la formede l’espace-temps. Les résultatsconfirment ceuxobtenuspar d’autres types d’expérien-ce et resserrent l’étau sur cettemystérieuseénergie som-brequi comptepour 71%de l’énergie totale de l’Univers.Elle se comporterait comme l’avait prévuAlbert Eins-tein, à lamanièred’une constante ajoutée auxéqua-tionsde la relativité –mais sa nature exacte reste incon-nue.Dans deuxans, les chercheurs affineront encoreleursmodèles en augmentant la taille de leur catalogue,pour atteindre 1,5millionde galaxies.pD.L.

2 0123Samedi 7 avril 2012

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Grippe aviaire

Les«supervirus»H5N1mutantspas simeurtriersDeuxvirus aviairesgrippauxH5N1mutantsétudiéspardeuxéquipes auxPays-Baset auxEtats-Unisne seraientfinalementpas aussidangereuxqu’annoncé, selondenouvellesexplications fourniespar les responsablesde ces expériences,RonFouchier (centreErasmusdeRotterdam)et YoshihiroKawaoka (universitéduWisconsin). Endécembre2011, le comité américaindebiosécurité (NSABB) avait recommandéde restreindre lapublicationd’articlesprésentantces recherches, aumotifqu’ellespourraient êtredétournées àdesfinsdebioterrorisme. LeNSABBvientdechangerd’avis, et les revues ScienceetNatureont annoncé laprochainepublicationdes résultats.Mardi 3avril,lorsd’une réunionà la Royal SocietydeLondres,MM.Kawaokaet Fouchierontpréciséqu’undes deuxvirusmodifiésétait bien transmissible entre furets,maisn’était pasmortel, facilement combattuavecduTamifluet que l’autre étaitmortelmaisuniquement lorsqu’il était dispersédirectementdans les bronchesdes furets.

PhysiqueLes neutrinosmoins rapides quela lumière font tomber des têtesAntonioEreditatoetDarioAutiero,porte-paroleet coordinateurd’Opera,ontdémissionné, finmars, de leursresponsabilitésà la têtedecetteexpériencedephysiquedesparticules. Finseptembre2011, ils avaient annoncéavoirmesurédesneutrinos,desparticulespresquesansmasse, voyageantàunevitessesupérieureà cellede la lumière.Cetteannonceavait suscité l’émoi, car ellecontredisaitundespiliersde laphysique,à savoirque riennepeut surpasser lavitessedesphotons.Desexplicationsthéoriquesavaient étééchafaudées,maisbeaucoupsuspectaientuneerreurdemesure.En février, la collaborationavait annoncéqu’uncâbledéfectueuxetunemauvaisesynchronisationGPSpouvaientêtreencause.Desvérificationsont, depuis, validéceshypothèses. Les responsablesd’Operaavaientété critiquéspouravoirpris àtémoin l’opinionmondialeavantd’avoireffectué toutes lesvérifications. Ils ontdémissionnéaprèsunvotededéfiancedes représentantsdes institutionsscientifiquesassociéesàOpera.

MédecineLa banque de cellules souchesdentaires interdite en FranceEntre juinetoctobre2011, l’InstitutClinidentBioPharmaauraété lapremièrebanqueprivéeenFrancepermettantdeconserverdes cellules souchesdentaires,envued’unusageautologue (poursoi-même)ultérieur. Sesdirigeantsvontdevoirdélocaliser leurs activitésdansunautrepays.Dansun jugement rendu le13mars, le tribunaladministratifdeClermont-Ferrandaeneffet confirmélalégalitéd’unedécisionde l’Agencefrançaisedesécurité sanitairedesproduitsdesanté (Afssaps), qui a retirél’autorisationd’activitéà cet institutenoctobre2011, quatremoisaprès l’avoirdélivrée (LeMondedu28janvier).«Le jugesuit lanouvelledoctrinede l’Afssaps selonlaquelle seules lesbanquesdisposantd’uneindicationthérapeutiqueavéréepeuventêtreautoriséesenFrance», noteThomasRoche, avocatde la sociétéClinident.

Unnanovecteur contre le cancerLa société américaineBINDBiosciencesprésentedes résultats encourageantsd’essaisd’unnanovecteurpermettantdeconcentrerun anticancéreuxdansdestumeurs solides. BIND-O14 est unenanoparticule capablede transporterunantitumoral, leDocetaxel, et des’accrocher aux cellules ciblescancéreuses. Elle a permis demultiplierpar dix la concentrationdumédicamentdans la tumeur et a été bien toléréedansunessai de phase1.> Hrkachet al., in «ScienceTranslatio-nalMedicine»du4avril.

Unepiste vaccinalecontre l’asthmeDes chercheurs français ont testé avecsuccès, chezdes souris asthmatiques,unprototypede vaccin contre des acariens.Deux injections intramusculairesde cevaccinoriginal, à basede séquencesd’ADNde l’allergène, ont permis deréduire l’hypersensibilitéde ces animauxauxacariens, et leur réactioninflammatoire.Une approcheprometteuseà confirmer.> Beilvert Fannyet al., «HumanGeneTherapy»,mars.

t é l e s c o p e

Stéphane Foucart

Danslesfilms-catas-trophes, lesconjonctionsastra-lesetautresaligne-ments de planètessont signes de

grands bouleversements. De longuedate, lesscientifiquessaventquecet-te idée n’est pas complètementabsurde: ce genre de choses arriverégulièrement. De fait, les pichenet-tesgravitationnellesdesgrandespla-nètes du système solaire suffisent àmodifier périodiquement l’inclinai-son de la Terre. C’est ainsi que, tousles quelque 100000ans, la planètebleue oscille entre ères glaciaires etpériodeschaudes.

La dernière transition entre cesdeux régimes – qui a commencé il y

a 21000ans et en a duré 10000 –posedenombreusesquestions. Cer-taines viennent de trouver de sur-prenantes réponses avec la publica-tion, jeudi 5avril dansNature, d’uneétude reconstituant le film des évé-nementsquiontmarquécepassagedu froidvers le chaud.

Pourcefaire, JeremyShakun(Har-vard University) et ses coauteursontutilisélesdonnéesde80enregis-trements climatiques conservésdans les glaces du Groenland et del’Antarctique, ou dans des sédi-mentsmarins et terrestres prélevésà toutes les latitudes. Ils les ontensuitecombinéspourreconstruirel’évolution de la températuremoyenne globale de la Terre aucours de ce long réchauffement,entre – 21000ans et – 10000ans.«C’est une avancée majeure», esti-

me Eric Wolff, chercheur au BritishAntarctic Survey, dansun commen-taire publié par Nature. Les auteursmontrent notamment que lemoteur de ce réchauffement, pour-tant initié par une conjonctiond’as-tres, est bel et bien l’augmentationdes gaz à effet de serre.

Comment? D’abord, la subtileinclinaisondelaTerresursonaxederotation, il y a 21500 ans, augmentel’insolation de l’hémisphère Nord.Les enregistrements montrent eneffet qu’aux plus hautes latitudesnord, la température grimpe entre–21500ans et – 19000ans. Ailleurs,aux latitudes moyennes du mêmehémisphère et dans l’hémisphèreaustral, c’est encore le calme plat :les températures ne montent pas.Les teneurs en dioxyde de carbone(CO2) sont également stables.

Puis, vers – 19000ans, quelquechose se produit. Les températuresde l’ensemblede l’hémisphèreNord

chutent brusquement alors qu’aucontraire l’hémisphère Sud seréchauffe. Que s’est-il passé? «Il estvraisemblable que le début deréchauffement de l’hémisphèreNord a fait fondre beaucoup de gla-ces continentales dans l’Atlantiquenord, expliqueEdouardBard,profes-seur au Collège de France et coau-teur de ces travaux.D’où une baissede sa salinité et l’affaiblissement dela circulation océanique qui apportede la chaleur du sud vers le nord. Ladiminution de ce flux de chaleur afait baisser les températures dansl’Atlantique nord et, par effet debalancier,a faitmontercellesde l’hé-misphèreaustral.»

Ainsi, dans l’hémisphère Nord,les températures chutent pendant1500 ans. «Les Magdaléniens, quivivaient alors en Europe, ont doncfait l’expérience d’un refroidisse-ment, alors que celui-ci s’inscrivaitpourtant dans un réchauffement de

long termecommencéplusieursmil-lénairesauparavant», ditM.Bard.

Ensuite, ce n’est que vers – 17500ans que les teneurs en CO2commen-cent à grimper. Cette augmentationtient à une réponse de l’océan pro-fond,conduisantàunrelargagemas-sifdeCO2quiyétaitdissous.C’estseu-lementàpartir de cemomentque laTerre se réchauffe réellement,c’est-à-direaunord,ausudetàl’équa-teur.«Danslescarottesdeglacepréle-vées en Antarctique, on constate quelestempératurescommencentàmon-teravantque la concentrationdeCO2

n’augmente: ce fait est instrumenta-lisé par les climato-sceptiques pourfaire croire que ce seraient les tempé-ratures qui feraient monter le CO2etnon l’inverse, dit M.Bard. Mais nostravauxmontrent que ce qui est vrailocalement ne l’est pas au niveaumondial. A cette échelle, c’est bien leCO2qui précède et domine le réchauf-fement.Non l’inverse.» p

a c t u a l i t é SCIENCE&TECHNO

Untyranàplumes

David Larousserie

Il ne sert presque à rien de taper fortdansunballonde footballpourespé-rer le dégager de plus en plus loin.Des physiciens de l’Ecole supérieure

de physique et de chimie industrielles delavilledeParis etde l’Ecolepolytechniqueviennent de démontrer qu’il existe com-me un mur aérodynamique limitant laportée du dégagement du gardien à envi-ron 60mètres de distance. Cela contredita priori les connaissances classiques surles trajectoires en forme de parabole quisont d’autant plus longues que la vitesseinitiale est grande.

La contradiction disparaît en prenanten compte l’aérodynamiquedu ballon de

foot,devolleyoude laballedegolf.En l’airdeux forces agissent sur le projectile : lagravitation, constante, mais aussi la traî-née, une force de frottement opposée à lavitesse.Cetteforceestproportionnelleà lavitesse au carré et à la surfacede l’objet.

«Tartaglia»Si au départ la vitesse est supérieure à

un certain seuil, fonction du projectile, latraînée domine et la trajectoire est prati-quement droite. Puis la vitesse diminue,jusqu’àceque lagravité l’emporteet forceleprojectileà tomberquasiverticalement–commeleballondebaudruchequis’arrê-te brutalement. La trajectoire ne ressem-ble donc pas à une parabole mais à une«Tartaglia» comme l’ont nommée leschercheursenhommageàunmathémati-

cienitalienduXVIesièclequiavaitobservéces courbes en balistique. Au football, lavitesse de seuil est d’environ 30 mètresparseconde,cequelesgardiensdépassentsystématiquement. Pour une boule depétanque, le seuil est à 100mètres parseconde, bien plus difficile à réaliser : lestrajectoiressontparaboliques.Cettevites-se limite correspond en fait à la vitessed’unventverticalquisoulèverait l’objetetle garderait en équilibre.

Les chercheurs prédisent aussi la por-tée du lancer en fonction de la masse del’objet, de sa taille, et des coefficients defrottement. «Lors de la Coupe du mondede Mexico, les ballons allaient plus loin àcause aussi d’une moindre densité de l’airenaltitude», complèteChristopheClanet,l’un des auteurs de l’étude, présentée à la

conférence «Physique du sport» organi-sée à l’Ecole polytechniquedu 3 au6avril.

Lemodèlea aussi trouvéune toutautreapplication… dans les jets d’eau. L’équipea en effet contacté l’entreprise françaisePOK, fabricant de matériel de luttescontre les incendies. Ses ingénieursavaient bien constaté que les lances ontune portée limitée mais sans pouvoir laprédire.Ceque lesphysiciensontpu faire.

Enoutre, il vautmieuxdiminuer le dia-mètre des buses plutôt qu’augmenter lapression afin d’améliorer la distance d’ar-rosage.«Cetexemplemontrequelarecher-cheprocèdeparricochets.Désireuxdecom-prendre ce phénomène de mur aérodyna-mique dans le sport, nous avons appliquénotremodèleàundomaineaprioritrèsdif-férent»,préciseChristopheClanet. p

Lefilmdeladéglaciationreconstituéc l i m a t o l o g i e | Deschercheursontreconstruitlesvariationsdetempératuredelatransition

verslapériodechaudeactuelle.Sonmoteurétaitbienledioxydedecarbone

LaprovincedeLiaoning, enChine,est célèbrepouravoir livré touteunecollectiondepetitsdinosauresàplumes.Sa renomméevaencore croîtreavec ladécouverte sur sonsol detrois spécimensd’unenouvelleespèceapparentéeàTyrannosaurus rex,maisdotésd’unplumageduveteux.Yutyrannushuali, le «beau tyranàplumes», selon sadénominationsino-latine, vivait il y a environ125millionsd’années.XingXuetses collèguesde l’Académiedessciences chinoisesprésentent les

trois fossilesdans la revueNaturedu5avril. Leplusgros spécimendevaitpeser 1400kgetmesurerneufmètresde long (contreplusde six tonneset 12mpourT.rex).Les filamentsqui les recouvraientaumoinspartiellementpouvaientavoirune fonctionornementaleet/oudeprotectionthermique: en cettepériodeducrétacé, la températuremoyennedans la régionétait de 10˚C, contre18˚C juste avant ladisparitiondesdinosaures, il y a65millionsd’années,quandT.rex régnait.p(BRIAN CHOO/NATURE)

Tous les quelque100000ans,

laplanète bleueoscille entre ères

glaciaireset périodes chaudes

LegardiendebutaupieddumuraérodynamiqueL’étudedestrajectoiresdesballonsdefootball trouveuneapplicationdansleslancesàincendie

AKunlun, la première station chinoise à l’intérieurde l’Antarctique, on projette de forer jusqu’à uneprofondeurde plus de 3000mètres. Les carottes extraites sont utilisées pour reconstituer l’histoire du climat.

BLACK SHEEP PRESS/KCS PRESSE

30123Samedi 7 avril 2012

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SCIENCE&TECHNO é v é n e m e n t

David Larousserie

Résultat électoral faussé »,«points de vue condamnés àêtre tus », « scrutin empê-chant les électeurs de s’expri-mer librement», « résultathautement manipulable»…

Nul doute que ces reproches sur des élec-tions s’adressent à des pays fort peu démo-cratiques. Et pourtant ils s’appliquent enparticulier à la France et à son systèmede vote dit uninominal à deux tours,quiconsiste à choisir un président ou undéputé ennemettant qu’un seul nomdansuneurne.

Ces critiques assez dures sont le reflet dedizaines d’articles scientifiques rédigés pardes économistes (spécialisés dans ce qu’onappelle le choix social), des chercheurs ensciencespolitiquesouencoredesmathéma-ticiens.EnFrance,ellessesontmêmeretrou-vées dans des rapports très sérieux commeceux du Centre d’analyse stratégique (CAS)– rattaché au premier ministre –, en 2007,ou de la fondation Terra Nova (un cercle deréflexion proche du Parti socialiste), en2011.

Contrairementà ce que lepoidsdeshabi-tudes et des rituels électoraux peut fairepenser, il n’y a pas qu’une seulemanière dechoisir ses représentants. «Il y en a mêmeune kyrielle. Je reçois régulièrement de nou-velles idées,parfoisunpeufolles», témoigneJean-François Laslier, mathématicien audépartement d’économie de l’Ecole poly-technique. Parmi les mille façons de voter,on peut élire à un ou deux tours, choisir unseul nom ou plusieurs, classer tout ou unepartiedescandidats, jugerparunenotecha-cundes impétrants…Et l’onneparlepas, ici,de la multitude des formes de scrutin pro-portionnel. Toutes ont des défauts et desqualités, avec aussi pour conséquence lapossibilité que le vainqueur élu par uneméthodene le soit pas par une autre!

L’art des mathématiciens et des écono-mistes consiste justement à étudier et àanalyser les propriétés de tous ces modesdescrutin.C’estde l’analyselogique,consis-tantàposerdeshypothèseset, d’étape logi-que en étape logique, à voir où cela mène.C’est aussi un terrain d’expériencesurlequel leschercheurstestent leursthéo-ries etmesurent surtout les degrés d’adhé-sion des électeurs à telle ou telle méthodede vote.

Cette discipline remonte en fait auxmathématiciensfrançaisNicolasdeCondor-cet et Jean-Charles de Borda au XVIIIesiècle.Ils avaient indépendamment commencé àanalyser les effets des scrutins uninomi-naux et surtout proposé des méthodes devote censées en éviter les défauts. Cettescienceamêmesesthéorèmes,qu’ilestpos-sible de démontrer. Le plus connu étantsans doute celui dû à l’Américain KennethArrow, Prix Nobel d’économie en 1972, quiprécise qu’aucune méthode de vote n’estparfaite… Mais ces spécialistes sont for-

mels: àdéfautde systèmeidéal,nousavonssans doute choisi le pire (peut-être derrièrelesBritanniques,quiélisentenuntourceluiqui recueille le plus de suffrages).

Un premier défaut de notre scrutin uni-nominala justementétépointéparCondor-cet. Par ces votes, il est possible d’éliminerun candidat qui, en duel, l’aurait emportédevanttous lesautres.UnemajoritépréfèreA à B et B à C, mais c’est C qui est élu ! Plusconcrètement, en 2007, le centriste Fran-çois Bayrou pouvait être considéré commeun vainqueur de Condorcet (battant tousles autres en duel) et il n’a finalementmêmepas été au second tour.

En 2002, la procédure a aussi conduit àdevoir choisir entre la droite, JacquesChirac, et l’extrême droite, Jean-Marie LePen, alors que ce dernier était majoritaire-ment rejeté par les électeurs. « Si nousvivons encore un traumatisme de ce genre,alors les citoyens réaliseront qu’il faut chan-ger de système», prévient Michel Balinski,mathématicien, également au départe-ment d’économie de l’Ecole polytechniqueet défenseur d’uneméthodeoriginale.

Le corollairede ceproblèmeest aussi quele scrutin uninominal tend à introduire lanotiondevoteutile ou stratégiqueaudétri-ment du «vote sincère». L’électeur votenon selon ses préférencesmais en fonction

de ce qu’il pense être le mieux pour lesecondtour.«Il fautque levoteducœur soitutile, aimeàdireMichelBalinski. Il estpréfé-rabled’avoirdesexpressionsd’opinionshon-nêtes et non stratégiques.»

Un autre défaut, pointé par exempledans le rapport du CAS, est que le scrutinuninominal crée de la frustration pourl’électeur car il n’a qu’un seul choix possi-ble. Les méthodes alternatives, en propo-santde noter, de classer oude juger, offrentpar définitionplus de variété.

Les spécialistes peuvent donc aussi dres-ser lesavantagesdevoterdifféremment.Enintroduisant plusieurs choix, non seule-ment on ne frustre pas l’électeur, mais enplus on devrait ravir les analystes politi-quesenapportantunsurcroîtdirectd’infor-mations. Il sera enfin possible de savoirquel est le degré d’adhésion des Français à

l’écologie par exemple. Ou, au contraire, leniveauderejetduFrontnational.Oubien lapart des anticapitalistes. On pourra enfinsavoir comment se situent les électeurs ducentre vis-à-vis des partis dominants… Letout sans sondages.

Du côté du paradoxe de Condorcet, lasituation est en généralmeilleure que celledu scrutin uninominal même si, en touterigueur, ces méthodes peuvent éliminer levainqueurdeCondorcet.

Autre avantage souvent commun auxméthodes alternatives: la meilleure résis-tance au vote stratégique. Il a été démontréquecelui-cinedisparaîtpas,maisquel’élec-teur est moins enclin à tomber dans l’em-barras actuel puisqu’il peut s’exprimeravec plus de choix. En outre, elles rendentcaduques les discussions sur la prise encompte des votes blancs dans les suffragesexprimés, vu que par définition plusieursexpressionssontpossibles. Et, enétant àuntour, elles coûtentmoinscher.«Nousavonsaussi l’intuition que ces méthodes peuventréduire l’abstention», explique HerradeIgersheim, de l’université de Strasbourg,quiaexpérimentéplusieursalternativesen2007.

Pour confirmer ces théories, ou intui-tions, laprésidentiellede2012seradoncaus-siunterraind’expériencedansdesbureauxdevote, dansdes laboratoiresousur leWeb.ASaint-Etienne,StrasbourgouCaen, on tes-tera le vote par note et par approbation. AIvry-sur-Seine (Val-de-Marne), ce sera lejugement majoritaire. Sur le Web, dans unprogrammederechercheeuropéenetcana-dien, Jean-François Laslier propose au visi-teur de tester quatre méthodes sur le siteVoteaupluriel.org.

Toujours sur le Web, mais dans un butpédagogique,www.votedevaleur.orgpropo-sedevoteraveclesnotes–2,–1,0, 1,2.Al’uni-versitéde Lille, après avoir testé le vote pré-férentiel transférable en 2007, on essaierade mieux comprendre comment se

construisent les préférences des électeursen invitant des volontaires à se prononcersur des «profils» de candidats. «Nous cher-chons à savoir comment l’électeur arbitreentre la stratégie, les compétences, la proxi-mitépersonnelleavecuncandidat…»,expli-que Hubert Jayet, l’un des responsables àl’université Lille-I.

Bien entendu, comme en 2007, il n’estpas impossible que les résultats diffèrentdu scrutin officiel. A l’époque, le rapport duCASfaisaitd’ailleursremarquerqu’ilnefau-dra pas extrapoler ces résultats. Lesbureaux ne sont en effet pas forcémentsignificatifs. Surtout, les modes de scrutinnechangentpasquele résultat, ilschangentaussi la stratégie de campagne, les discoursdemain tendueou de rejets…Difficile doncd’affirmerqueleschoixalternatifsauraientétélesmêmesàlasuited’unecampagnedif-férente(avec,parexemple,unmoindresou-cide«draguer»lesélecteursd’extrêmedroi-te, ouunnombredifférent de candidats…).

Mais le véritable changementne serapaspourdemain.«Nousavonsconstatéunefor-te réticence de certains élus, qui ont refusénos expériences», note Herrade Igersheim.«Nous n’arrivons guère à faire passer nosidées auprès des hommes politiques. Ils pen-sent savoirmieux que les chercheurs quellessont les bonnes méthodes. Ce sont souventcellesqui lesontélus !»,regretteMauriceSal-les, cofondateur de la revue Social ChoiceandWelfare et économiste à l’université deCaen.

Iln’estpascertainnonplusquecesdiscus-sions passionnent tant que cela l’électeur.Danssonlivre,LeVote (LaDécouverte,2011),Patrick Lehingue, de l’université de Picar-die, rappelle que le fameux rituel électoralest central pour les hommes politiques, lesjournalistes et quelques chercheurs, maispas forcément pour le citoyen. Il avait ainsiconstaté que seulement 37% des électeursinterrogés se souvenaient de leur voteprécédent…p

Unpremier défaut denotre scrutinuninominal a été pointé

parCondorcet. Par ces votes, il estpossible d’éliminerun candidatqui, enduel, l’aurait emporté

devant tous les autres.Unemajorité préfèreAàBetB àC,

mais c’est C qui est élu!

Lescrutin,science

démocratique

Ilyamilleetunefaçonsdevoter.DepuisCondorcet, leschercheurstentent

dedéterminerlaplusjuste.Laprésidentielleleurdonneraunenouvelleoccasiondetesterdesalternativesavec l’aide des électeurs

m a t h é m a t i q u e s

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é v é n e m e n t SCIENCE&TECHNO

Donnez une note

à chaque candidat

2 1 0

Nathalie Arthaud

François Bayrou

Jacques Cheminade

Nicolas Dupont-Aignan

François Hollande

Eva Joly

Marine Le Pen

Jean-Luc Mélenchon

Philippe Poutou

Nicolas Sarkozy

Classez dans l’ordre

de vos préférences

les candidats

de votre choix

Nathalie Arthaud

François Bayrou

Jacques Cheminade

Nicolas Dupont-Aignan

François Hollande

Eva Joly

Marine Le Pen

Jean-Luc Mélenchon

Philippe Poutou

Jean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon

Philippe PoutouPhilippe PoutouPhilippe PoutouPhilippe Po

Levoteparapprobation

Levotealternatif

Levoteparnote

L e vote par note est aussi appelévote de valeur. Comme son noml’indique, il s’agit demettre une

note devant chaque candidat, le vain-queur étant celui qui a reçu lameilleu-re. Mais tout le débat porte sur l’échel-le de notes. Les propositions neman-quent pas. Aux expériences de tran-cher.

En 2007, pour celles des universitésde Caen et Strasbourg, les chercheursavaient testé l’échelle 0, 1 et 2. En 2012,lesmêmes récidivent avec une échelleplus grande, graduée de 0à 20. Ainsiqu’avec une autre à trois notes, – 1, 0 et1. Ces chercheurs ont aussi été contac-tés par un groupe indépendant quiveut tester cetteméthode sur le Web.

Cette année, le site Votedevaleur.orgproposera de voter avec les notes – 2, –1, 0, 1, 2. «Nous trouvions que deuxnotes étaient insuffisantes et que plusde cinq, c’était trop. Nous aimions bienaussi le côté symétrique de cette échel-le», expliqueDavid Game, à l’originede cette initiative, pour justifier sonchoix.

«L’important est de faire connaîtreces alternatives et que les électeurs seforment leur propre idée. En plus, touten restant anonymes, nous pourronsfaire un lien entre les bulletins uninomi-

naux classiques et les bulletins à notes.Nous espérons que cela pourra aider leschercheurs», précise David Game, quia déjà «recruté» plus de 1600 inscrits.

En 2007, les chercheurs n’ont pasconstaté de rejet du vote par note. Il amême été légèrement préféré au votepar approbation. Il semble que«noter» soit une activitéappréciée des Français, ou entout cas bien assimilée.

Hiérarchie chambouléeDeux tiers des notes utili-

sées étaient des «zéros». Lerésultat final confirme celuitiré du vote par approbationdans le chamboulement de lahiérarchie. Les «petits candi-dats» montent un peu plusencore dans le classement, alorsque le candidat du Front natio-nal, Jean-Marie Le Pen, descend àla dixième place (sur douze).

Michel Balinski (Polytechni-que) est assez critique car il douteque les électeurs utilisent lamême échelle pour exprimer leurpréférence. L’écart d’une unitéentre 2 et 1 ou entre 0 et 1 pourraitne pas avoir la même significa-tion. Calculer une notemoyenne

n’aurait alors pas grand sens. «C’estvrai, supposer que les électeurs ont uneéchelle universelle dans la tête est unehypothèse forte», reconnaît HerradeIgersheim, de l’université de Stras-bourg.p

D.L.

Le jugementmajoritaire

E lle est laméthode la plus récente,inventéeparMichel Balinski etRida Laraki, deux chercheurs

CNRSde l’Ecole polytechnique, en 2007.Commedans les autres alternatives, lejugementmajoritaire est plurinominalet à un seul tour. Les électeurs sont invi-tés à donnerunementionà chaque can-didat, d’«excellent» à «à rejeter», enpassantpar «bien», «assez bien»… Lenuancier comporte sept choix.

Le bulletin est un tableauà sept colon-nes, avec autant de lignes que de candi-dats. Cela ressemble àuneméthodeparnotes, sauf dans lamanièrededésignerle vainqueur. Le dépouillement consisteàdéterminerquelle est lamentionmajo-ritaire de chaque candidat, c’est-à-dire lamentionsoutenueparunemajoritécontre toute autremention. Il s’agitd’établir samédiane, c’est-à-dire lamen-tionqui permetdepartager l’ensembledes votants endeuxgroupes équiva-lents: ceuxqui lui ontdonné aumoinscettementionmajoritaire et ceuxqui aucontraire lui ont attribuéauplus cettemention. Ce qui peut être très différentd’unéventuel calcul de la «moyenne»desmentions, si celles-ci étaient tradui-tes ennotes. Par exempleun candidatsera jugé «bien» si la sommedes pour-centagesd’«excellent», «très bien» et«bien» est supérieure à 50% tandis quecelle des «bien», «assez bien», «passa-ble», «insuffisant», et «à rejeter» estaussi supérieure à 50%.

Pour terminer le classementde tousles candidats, on regarde la part des élec-teursdepart et d’autrede lamention

majoritaire afind’attribuerun«+» si lenombredementionsau-dessus est supé-rieur à celui de celles endessous (et un«–»dans le cas contraire). Le gagnantest celui qui a lamention la plus haute.

DéfavorableauxextrêmesCetteméthode a été inventéepour

aiderunœnologue à trouverunmodede classementdes vins lors de dégusta-tions. Elle est utiliséedans quelquesconcoursou commissionspour classerdes candidats. Elle a surtout été expéri-mentéepour la présidentielle, en 2007 àOrsay, sur 2360personnesvotant réelle-ment (dont 1752ont rempli unbulletin«jugementmajoritaire»), puis testéepar sondage avec991 personnes, enavril2011, sur douze candidats poten-tiels par le cercle de réflexionprochedu

Parti socialiste, Terranova. Enfin, RidaLaraki conduira avecdes étudiantsdel’Ecolepolytechniqueunenouvelleexpériencedansdesbureauxd’Ivry-sur-Seine (Hauts-de-Seine) et sansdoute deFresnes (Val-de-Marne).

Lespremiers enseignementsmon-trentque, commepour les autresmétho-des, les électeursnesontpasperdusetsemblentmêmesatisfaitsde l’expérien-ce. En2007 le «vainqueur»était FrançoisBayrou (avecunemention«assezbien+»)devantSégolèneRoyalpuisNico-lasSarkozy, alors que, danscesbureauxdevote, le tiercédupremier tourétait«Royal-Sarkozy-Bayrou». Les inventeursdecetteméthodeontdémontréque cescrutin favorisemoins le «centre»qued’autresméthodesalternatives. Il est aus-si défavorableauxextrêmes.p D.L.

C etteméthodeduvote alternatifs’appelle aussi vote préférentieltransférable. Elle se fonde sur des

classements, et c’est la seule à êtreutili-séepour élire des représentantspoliti-ques, notamment en Irlandeet enAus-tralie. L’électeur est invité à classer toutoupartie des candidats par ordre depré-férence. La difficulté commenceen réali-té lors dudépouillement car il y a plu-sieursmanières de faire.

Evidemment, si un candidat est classépremierpar unemajoritéd’électeurs, ilest élu. Sinon, onpasse à une secondeétape consistant à éliminer le candidat«ayant le plusmauvais résultat»,mais àreporter les voixobtenues sur le candi-dat indiqué endeuxièmechoix desbul-letins concernés. Et ainsi de suite jus-qu’à ce qu’un candidat recueille lamajo-rité des suffrages.

Mais il y a plusieurs façonsde définirle «plusmauvais candidat». C’est soitcelui qui a reçu le pluspetit nombredepremiers choix (méthodedeHare), soitcelui qui comptabilise le plus grandnombrede bulletins dans lesquels il n’apas été classéou a été classé dernier(méthodedeCoombs).

Cette dernièreméthoden’est utiliséeen fait nulle partmais a été testée, pourla comparer à celle deHare, en 2007, par

l’équiped’Hubert Jayet, de l’universitéde Lille, dans deuxbureaux totalisant960votants.

Aprèsdix itérationsduprocessusselon laméthodedeHare, il ne restaitque les trois candidatsprincipaux, etfinalement la droite, représen-téeparNicolas Sarkozy, l’aemporté sur la socialiste Ségo-lèneRoyal avecdes scorespro-chesde ceuxdusecond tour réel.En revanche, par laméthodededépouillementde Coombs, c’estle centriste FrançoisBayrouquil’emportedevantNicolas Sarkozy.SelonHubert Jayet, la raison estque cette technique retient les can-didats lesmoins«rejetés»par lesélecteurs.Du coup, elle permetd’échapperauparadoxedeCondor-cet, contrairementà sa concurrente.

ComplexitéapparenteLes arguments contre le vote pré-

férentiel transférable sont en géné-ral sa complexité apparente, ce quel’équipe d’Hubert Jayet n’a finale-ment pas constaté dans son expé-rience. «Jeme souviens avoir vu desspécialistes irlandaism’expliquerqu’ils trouvaient difficile le scrutinuni-nominal à deux tours. Comme quoi il

faut relativiser…», rappelle Jean-Fran-çois Laslier, qui, pour son expériencesur leWebVoteaupluriel.org, proposeaussi de tester cette façon de voter.p

D.L.

Pour présider la France, ayant pris tous les éléments en compte,

je juge en conscience que ce candidat serait :

Excellent Très bien Assez bien Passable Insuffisant A rejeterBien

Nathalie Arthaud

François Bayrou

Jacques Cheminade

Nicolas Dupont-Aignan

François Hollande

Eva Joly

Marine Le Pen

Jean-Luc MélenchonJean-L MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonJean-Luc MélenchonL e votepar approbation remonte, pour

Jean-FrançoisLaslier, auteur, en 2010,d’unHandbookonApprovalVoting

(Springer, 2010, non traduit), aux prémicesde la démocratie enGrèce, à Sparte, lorsqueles candidats étaient désignésà l’applaudi-mètrepar des jugesplacés derrièreunrideaupour estimer les réactionsde la fou-le. Laméthode, remise augoût du jour dansles années 1970, consiste simplement à direpour chaque candidat si on l’approuveounon. En fait l’électeur classe les candidats endeuxgroupes, ceuxqu’il soutient et ceuxqu’il ne soutientpas, en les entourantparexemple. Le candidat recueillant le plusd’approbationsest élu.

Aucunpaysne l’utilisepour élire sesreprésentants,mais des sociétés savantesy

ont recours. D’une certainemanière, il s’ap-parenteaussi à la règle dupanachagedes lis-tes lors des scrutins communauxdans lespetites villes : les électeurspeuvent bifferdesnoms sur les listes présentées et en ajou-ter. Le votepar approbationaégalement ser-vi lors d’un séminairede la LondonSchoolof Economicspour «élire», en juillet2010,lameilleureméthodede vote, qui fut cellepar…approbation (sur un échantillonde22spécialistes). La plusmauvaise étant lescrutinuninominal à un tour (utilisé auRoyaume-Uniou auMexique).

Multiplicationdes candidaturesEn2007, pour la présidentielle, une expé-

rimentationa été conduitepar lesuniversi-tés de Caen et Strasbourgdans six bureauxdevote de ces régions et pourplus de5500inscrits. Pour le votepar approbation,les chercheurs ont constaté qu’enmoyenneles électeurs approuvent entre deux et troiscandidats. Plusd’unquart n’accordent leursoutienqu’à un seul nom.

Le centriste FrançoisBayroua recueilli leplusd’approbations, suivi par le candidatdedroite,Nicolas Sarkozy, et la socialiste Ségo-lèneRoyal, alors quedans ces bureaux, parle voteuninominal,Nicolas Sarkozydevan-çait SégolèneRoyal et FrançoisBayrou. L’éco-logisteDominiqueVoynetou le candidatd’extrêmegaucheOlivier Besancenotétaientplus approuvésque l’extrêmedroi-te, représentéepar Jean-Marie Le Pen, nette-mentdevant euxpar laméthode classique.

Apriori cetteméthode favorise les candi-dats consensuels audétrimentdes extrê-mes (qui reçoivent en général beaucoupde«désapprobations»). Elle tendaussi àmulti-plier les candidatures, chaqueparti ayantintérêt à profiter de l’électionpour «secompter».p

D.L.

ILLUSTRATION : ADRIA FRUITOS

Indiquez, parmi les 10 candidats,

quels sont ceux que vous soutenez

Nathalie Arthaud

François Bayrou

Jacques Cheminade

Nicolas Dupont-Aignan

François Hollande

Eva Joly

Marine Le Pen

Jean-Luc Mélenchon

Philippe Poutou

Nicolas Sarkozy

50123Samedi 7 avril 2012

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b a n d e p a s s a n t e

Laréservedusavoir

En2011, lemondede la physique acélébré les cent ansde la découver-te de la supraconductivité, cettepropriété étonnantequ’ont cer-

tainsmatériauxde conduire le courantélectrique sans aucune résistance. Le phé-nomène, qui laisse espérerque l’on trans-porteun jour de l’électricité sans pertes, estd’un intérêt industriel évident,mais lasupraconductiviténe fonctionnequ’à des

températures très basses, et denom-breux laboratoiresdans lemonde cher-chentdesmatériaux facilitant le procédé.Une équipe japonaise, sans doute pourarroser ce centenaire, a exploré une voieinattendue en voulant déterminer si lefait d’imbiber des alliages dans des bois-sons alcoolisées pouvait «doper» l’appa-rition de leur supraconductivité. Paru enmars2011 dans la revue SuperconductorScience and Technology, l’article qui rela-te leurs expériencesne précisemalheu-reusementpas le nombre de bouteillesque l’équipe a éclusées avant demettreau point cet improbable projet de recher-che.

Voici le détail de sonprotocole expéri-mental: après avoir fabriquédes granu-lés à base de fer, de telluriumetde soufre,elle les a trempéspendant 24heures dansplusieurs boissons alcooliséesdu com-merceportées à la températurede70˚C.Les pastilles ont ainsi fait le tourdubar – visiblementbien fourni – du labora-toire, «goûtant» à la bière, au vinblanc,auvin rouge, auwhisky, au saké et au sho-chu, une eau-de-vie japonaisedistillée àpartir de divers ingrédients comme le riz,l’orgeou lapatate douce. Les chercheursont aussi soumis leurs granulés à de l’eauet à de l’éthanolpur, ainsi qu’à différentsmélangesdes deux, afin de savoir si ledegréd’alcool jouait un rôle éventuel.

Le résultat de ces diverses dégustations

a été stupéfiant, comme l’expliquent lesauteursde l’étude: «Nousavons trouvéque les boissonsalcoolisées du commerce,chauffées, étaient efficacespour induire lasupraconductivité, comparées à de l’eaupure, à de l’éthanol et à desmélanges eau-éthanol.» La concentrationen alcool n’estpour rien dans l’affaire puisque, dans ceconcoursde bibine, c’est le vin rougequil’a emportéhaut lamain, tandis que leshochua fini à la traîne bienque titrant35˚.Mais nos chercheursnipponsnepou-vaient se contenter de ce simple constat.Il leur fallait savoir ce qui, dans le vin rou-ge, favorise la supraconductivité.

D’oùune seconde expérience: patron,une autre tournéegénérale! Cette fois-ci,l’équipe s’est concentrée sur le bongrosbleuqui tache: six vins constitués à par-tir de différents cépages (quatre vins fran-çais, un italien et un japonais…)ont ainsiété testés, comme le rapporte l’étudequivientd’êtremise en ligne sur le site deprépublicationsscientifiques arXiv.

Lemystérieuxcomposé qui aide à lasupraconductivitéest l’acide tartrique, etlamédaille d’or de l’expérienceest reve-nue au…beaujolais!Même si on est loinde tremper les lignes électriquesdans lejaja, voilà qui ouvre des perspectivesinsoupçonnéesà la viticulture française.Si la science improbable continuede s’enmêler, entreboire et supraconduire, il fau-dra bientôt choisir. p

Une semaine chargée et conflic-tuelle. Il est temps de plongerdans la bibliothèque: c’est tou-jours unmoment de bonheur.

Cela permet de s’extraire du tête-à-têteavec l’ordinateur,mais surtout de dialo-guer avec le savoir accumulé par lesanciens. Ces jours-ci, j’essaye de com-prendre comment focaliser certaines par-ticules chargées pour obtenir unmeilleur faisceau de neutrinos: l’objectifest un faisceau dirigé depuis le Centreeuropéen de recherche nucléaire, leCERN, vers la Finlande.

Je commence en lisant un article derevue, je parcours la bibliographie et j’ar-rive à la référence recherchée : c’est unarticle publié par des chercheurs soviéti-ques dans les années 1970. Quand il a étéécrit, j’étais littéralement en culotte cour-te. Pas de version en ligne, il faut allerdans la «réserve», la pièce que je préfèredu laboratoire.

C’est une grande salle sans fenêtres,commeune crypte, lesmurs tapissés devieilles revues poussiéreuses jusqu’auplafond. Ici, on stocke celles qui ont tren-te ans d’âge ou plus. Un grand silence yrègne, elle est toujours déserte. Caché endeuxième rangée, je trouve le volume,qui n’a pas été ouvert depuis des années.Quelque part, ilm’attendait. L’article estun petit trésor : tout ce que je cherchais àcomprendre y est calculé.

Les articles que nous écrivons ontdeux faces : d’une part, ils annoncent lesrésultats obtenus pour la communautédes chercheurs actuels, de l’autre ils sontécrits pour ceux à venir. Ainsi, dans laréserve, la plupart des auteurs ont dispa-ru, leur laboratoire etmêmes parfoisleur pays n’existent plus.Mais leurcontribution aux connaissances reste.Quandnous les lisons, une petite étincel-le de leur esprit rejaillit et se reflète dansle nôtre. Si les résultats principaux seretrouvent dans lesmanuels, les articlesfourmillent de techniques etméthodesqui pourront toujours resurgir.

Le sort de l’article que j’étais chargépar la collaboration de rédiger est diffé-rent. Le texte a fait l’objet de discussions

animées à l’intérieur de la collaboration.Ensuite est venue la question épineuse:à quelle revue le soumettre, européenneou américaine? Nos collègues améri-cains font toujours pression pour leurPhysical Review Letters, une des plus pres-tigieuses. Toutefois les critères de publi-cations, notamment l’impact scientifi-que du résultat, sont des plus stricts. Etlà, justement, notre article, qui ne présen-te pas lamesure la plus précise aumon-de, est refusé. Une petite douche froide.Je le soumets alors à une deuxièmerevue etme prépare à passer par lamême longue procédure avec les refer-rees, des chercheurs qui jugent de la qua-lité de l’article. Bonne nouvelle, l’articleest accepté en quelques jours ! Il estpublié, pour l’instant seulement dansl’édition en ligne.

Après jeme reprends: pourquoi ce«seulement»? Désormais l’édition enligne est tout ce qui compte. De toutefaçon, l’article était déjà disponible sur leserveur arXiv. Personne ne le lira dansl’édition papier, et il n’arrivera jamaisdans la réserve, ou alors dans une réser-ve qui restera virtuelle. Cette transforma-tion du rôle des revues scientifiquesn’est pas sans tension. Dans les blogs cir-culemêmeun appel au boycott d’un édi-teur, critiqué parce qu’il exploite le tra-vail des chercheurs qui désormais font laquasi-totalité du travail d’édition.

J’en parlerais peut-être prochaine-ment. En attendant, si je ne suis pasdansmon bureau, cherchez-moi à labibliothèque!p

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IMPROBAB LO LOG I E

PierreBarthélémyJournaliste et blogueur

(Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Lebeaujolais,championdelasupraconductivité

L E S COU L I S S E SD E L A PA I L L A S S E

MarcoZitoPhysicien des particules,

Commissariatàl’énergieatomiqueetauxénergiesalternatives

(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Catherine Vincent

Le premier test de diagnostic del’autisme va être lancé»: pour Ber-trand Jordan, c’est ce titre d’un arti-cleparudansLeMonde, en2005,qui

a tout déclenché. Généticien, il sait qu’iln’existe aucunmarqueur biologique fiablede l’autisme, et cette annonce, émanant dela société françaisede biotechnologies Inte-graGen, lui semble pour lemoins prématu-rée.Etde fait : elledonnera lieuaufildesansà diverses péripéties scientifiques,médiati-queset judiciaires–sansquelemoindretestgénétique soit pour autant commercialisé.

Entre science et business, ce sont lesméandres de cette aventure que l’auteur,directeur de recherches émérite au CNRS, achoisi de mettre en scène, en alternanceavec des chapitres faisant le point sur cequ’on sait aujourd’hui de l’autisme et de sapriseencharge. Le résultat illustreavecbriolesespoirsetlesdéconvenuesdela«médeci-negénomique»:unedisciplinedont l’objetest de trouver le (ou les) gène(s) impliqué(s)danstelleoutellemaladiequi,danslecasdel’autismecommedetantd’autres, seheurteaumurde la complexité.

Nonpasqu’iln’yaitaucungèneimpliquédans l’autisme. Bien au contraire : il y en atrop!Lapartdel’héréditéétantdepuislong-temps confirmée par la concordance trèsélevée de lamaladie observée dans les cou-ples de vrais jumeaux (de 60 % à 90%), demultiples équipes ont tenté d’identifier lesmarqueurs moléculaires qui lui étaientassociés. Les outils toujours plus pointusd’exploration du génome humain ont dis-tingué une pléthore de «gènes candidats»susceptibles de jouer un rôle dans cetteaffectionetdonnélieuàplusdemillepubli-cationsentre2005et2011–troisdanslaseu-le revueNature cette semaine! Tous ces tra-vaux, résume Bertrand Jordan, «montrentsurtout la complexité des corrélats généti-ques de l’autisme». «Le» gène de l’autisme,et même les gènes «majeurs», dont la ver-siondéfectueuse aurait un effet significatifsurl’incidencedelamaladie,restentintrou-vables. Et pour cause: ils n’existentpas.

Avancéemédicale illusoirePourquoi alors continuer dans cette voie

de recherche? Parce que mieux connaîtreles gènes impliqués,même s’ils sontmulti-ples, éclairera l’étiologie de cette affectionneurobiologique.Parcequecesconnaissan-ces pourraient, à terme, aider à concevoirdesmédicaments spécifiques. Et parce quel’autismeest unmarché.

Sansmarqueurs biologiques, le diagnos-tic de l’autisme ne peut être posé de façoncertaineavantl’âgedetroisans.Ortoutindi-que que la prise en charge est d’autant plusefficace qu’elle est menée précocement.D’où l’espoir que suscite, chez les parentscomme chez les neuropédiatres, lamise aupoint d’un test génétique. Et d’où la tenta-tion, pour les entreprises de biotechnolo-gies, de travailler à sa commercialisation.Même si elles savent que ses performancesresteront limitées.

Problème: faut-ilmettre un tel test sur lemarché? En prenant l’exemple de la sociétéIntegraGen– laplusavancéedans cedomai-ne –, dont il a longuement rencontré les res-ponsables scientifiques et commerciaux,Bertrand Jordan montre comment la logi-qued’une petite start-up enbiotech, alliée àla demande des parents et des médecins,peut déboucher sur une avancée médicaleillusoire, ou du moins relative. Comment,s’interroge-t-il,«fairecomprendrequele testproposé n’apporte qu’une petite contribu-tion à l’identification d’enfants un peu plusvulnérables que d’autres?» Comment éva-luerleseffetsnégatifsqu’entraîneral’annon-ce de ce risque légèrementplus élevé que lamoyenne sur les parents, et donc sur leursenfants?Lagénétiquenepeutpastout.C’estundesmérites de ce livre, écrit par unhom-mede l’art, quede le rappeler.p

Autisme, le gène introuvable, de BertrandJordan (Seuil, 224p., 18¤).

SCIENCE&TECHNO r e n d e z - v o u s

L’autisme,solubledanslagénétique?

Tout lemonde l’espère,mais le testdediagnosticdece troublecomplexen’estpaspourdemain

Chaque semaine, desmembres de l’Ouvroir de bande dessinée potentielle (Oubapo) se relaient, inspirés par la science.

C’est, enmilliond’années, la data-tiond’ossementset de végétauxcal-cinés retrouvésdans la grottedeWonderwerkenAfriqueduSud. Ilstémoigneraientde la plus ancienneutilisationattestéedu feuparunhominidé– en l’occurrenceprobable-mentHomoerectus –pour cuiredesaliments. La datede la domestica-tiondu feu fait débat: on a trouvédes traces de foyers surplusieurssites archéologiques, allant jusqu’à1,5milliond’années,mais onnepeutexclurequ’ils aient euuneoriginenaturelle.AWonderwerk, les restescalcinésn’ont puêtre apportésdansla grottepar le ventou le ruisselle-ment, concluent FrancescoBerna(universitédeBoston) et ses collè-guesdans la revuePNASdu 2avril.Selon les chercheurs, cela repoussede 300000ans la premièreutilisa-tion connuedu feu –unmoment-clédans l’évolutionhumaine.

Neurosciences«Les filles ont-elles uncerveau fait pour lesmaths?»Halte auxvieux clichés selon lesquelsles garçons auraient des aptitudesinnéespour les disciplinesscientifiques et l’abstraction,contrairementaux filles. Statistiqueset études récentes à l’appui, laneurobiologisteCatherineVidaldémontre au contraire que, dans lesdeuxsexes, les performancesmathématiques sont étroitementliées à l’environnementculturel,social et économique.A l’heureoù lesrecherches enneurosciencesontrévélé les spectaculaires capacités deplasticité du cerveau, qui se façonneen fonctiondes expériences et desapprentissages, l’argumentbiologiqued’unepseudo-supérioritédu sexemasculin enmathsne tientdoncplus.Qu’on se le dise: «Plus lecontextepolitique est favorable àl’égalité hommes-femmes,plus lesfilles obtiennentde bons scores.»> CatherineVidal (Le Pommier,«Lespetitespommesdusavoir»,64p., 4,99¤).

Informatique«Cryptographie: vos secretssont-ils bien gardés?»La revue informatiqueMISC(Multi-system&Internet SecurityCookbook), spécialiséedans la sécuritéinformatiqueet disponible enkiosques, proposeunnuméro spécialconsacréà la cryptographie. Bienqu’assez techniques, les articlespermettentde se faire une idéedel’état de l’art de la cryptographie, surlaquelle reposent les paiementsparcarte ou en ligne, l’authentificationdes fichiers, l’identificationdestéléphonesportables…Onyapprendraainsi comment«casser»certains codes (en théorie), oucomment«écouter» les pucesélectroniquespour les obliger à livrerleurs secrets,mais aussi quel systèmede chiffrementutiliser ou surquellesbasesmathématiques travaillent lescryptographesde demain. Pourpassionnés tout demême.> Hors-sériede la revue «MISC»,avril-mai, 80p., 9¤.

l e l i v r e

Livraisons

6 0123Samedi 7 avril 2012

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I l ne sera pas question dans cettechronique d’évoquer les vertus sup-posées deMozart sur la bonnemine

des tomates ou la pousse des yuccas. Nide laisser entendre que lesmûriers ontdes oreilles. Mais de raconter commentla pollution sonore peut toucher lesplantes, par des voies détournées.

C’est une équipe américaine, condui-te par Clinton Francis (National Evolutio-nary Synthesis Center, Durham, Caroli-ne duNord), qui en apporte la démons-tration, dans l’édition du 21mars des Pro-ceedings of the Royal SocietyB. Avec sescollègues,M.Francis s’est rendu à denombreuses reprises, entre2007 et2010, dans la réserve naturelle de Ratt-lesnake Canyon, auNouveau-Mexique.

Une réserve naturelle d’un genre par-ticulier, puisqu’elle est parsemée demil-liers de puits d’extraction de gaz natu-rel, dont beaucoup sont couplés à debruyants compresseurs qui extraientcette ressource et la propulsent dans les

pipelines. Le vacarme est ininterrompu.C’était pour les chercheurs lemilieuidéal pour tester différentes hypothè-ses. Ils ont tout d’abord disposé des plan-tes artificielles dans divers points dudécor, dont certaines étaient saupou-drées de pollen tout aussi artificiel.

Ce dispositif était destiné à estimerprécisément le nombre de visitesd’oiseaux pollinisateurs. Ils ont consta-té que les fleurs disposées dans leszones les plus bruyantes recevaient cinqfois plus de visites d’un oiseau-mouche(Archilochus alexandri). « Ils pourraientpréférer ces sites bruyants parce qu’unautre oiseau, qui attaque volontiers sesnichées, évite lui-même ces endroits»,avance Clinton Francis. Le bruit pour-rait ainsi indirectement profiter à lapetite plante pollinisée par l’oiseau-mouche.

Conséquencessur le long termeLes chercheurs sont allés plus loin : ils

ont voulu voir comment le bruit agis-sait sur les animaux susceptibles de dis-perser les graines du pin à pignons(Pinus edulis). Ils ont pointé des camérassous 120 pins plus oumoins éloignésdes compresseurs, saupoudré depignons le sol sous ces arbres, et atten-du patiemment.

Le résultat ne s’est pas fait attendre.Les arbres exposés au tintamarren’étaient pas visités par le geai buisson-nier (Aphelocoma californica), qui a

pour habitude de cacher des centainesde ces graines dans le sol pour plus tard–ce qui laisse la chance à certaines d’en-tre elles de germer. Au contraire, leschercheurs ont vu affluer les souris, quise sont régalées des pignons sans leur

laisser une chance de se transformer enarbre. Dans les zones calmes, les jeunespousses de pin étaient quatre fois plusnombreuses.

Pour Clinton Francis et ses collègues,la conclusion est limpide : le bruit pour-

rait avoir des conséquences sur le longterme. «Moins de pousses dans leszones bruyantes pourrait signifiermoins d’arbresmatures en définitive,mais dans la mesure où ces pins ont unecroissance lente ce changement pour-rait passer inaperçu pendant desannées.»Or, souligne-t-il, cet habitatest d’une importance critique pour descentaines d’espèces.

«Ingénierie écologique»Denis Couvet, du laboratoire Conser-

vation des espèces, restauration et suivides populations auMuséumnationald’histoire naturelle de Paris, juge cesrésultats «nouveaux et intéressants».Des effets du bruit sur le comportementdes oiseaux étaient déjà connus, rappel-le-t-il, notamment le changement de latonalité du chant chez lesmâles selon lebruit. L’originalité de l’étude américaineétait de considérer « les conséquencessur les fonctionnalités des écosystèmes, àtravers le rôle qu’y jouent les oiseaux».

L’« ingénierie écologique», encoreémergente en France, pourrait bénéfi-cier d’une telle approche, qui prend encompte les «services écosystémiques»rendus par les différentes espèces, esti-me le chercheur français : «On pourraitpar exemple déterminer les espècesmoins sensibles au bruit qu’il convien-drait de favoriser dans de tels écosystè-mes, afin de ne pas perdre, ou de restau-rer, telle ou telle fonctionnalité.»p

MATHIEU VIDARD14h - La tête au carréavec chaque vendredi la chronique de la rédactiondu cahier Science&techno

franceinter.fr

VincentDurupt

Brest, correspondant

C ’estunepremièreà l’inten-tiondugrandpublic. Apar-tirdu7avril, àBrest, le cen-

trededécouvertedesocéansOcéa-nopolispropose, dans le cadred’uneexpositionconsacréeauxabysses,deuxaquariumspressuri-sésde600kgd’inoxchacun,avecunhublotqui résisteraitaupoidsde troisAirbusA320…

L’unaccueillerades petits cra-bes (Segonzaciamesatlantica),l’autredes crevettes (Mirocaris for-tunata). Jusqu’en juillet2011, tousvivaientpar 1700mètresde fond,au suddesAçores, aumilieudel’Atlantique. Ils ont étépêchés lorsd’unemission scientifique impli-quant le Pourquoi-Pas?, lenavireocéanographique leplus impor-tantde l’Institut françaisde recher-chepour l’exploitationde lamer(Ifremer), ainsi que son robot sous-marinVictor,apte àdescendre jus-qu’à6000mètresdeprofondeuret équipéd’unaspirateurà faune.

Leprélèvementaété effectuésurunchampde sourceshydro-thermalesbaptiséLuckyStrike,nomqui illustre la chancedesa

découverteen 1993et liépeut-êtreaussiauxsulfuresdemétauxlourdsetd’éléments radioactifslâchéspar les cheminéeshydro-thermales, àune températurede300˚C.Danscesabysses, il faitnoir, lapressionest 170 fois supé-rieureàcellede l’atmosphère.Lavie s’ydéveloppepar chimiosyn-thèse,unsujetde recherche trèsprisédepuis ladécouvertedespre-mières sources, en 1977.

Des caissonsà vocationscienti-fique existaient déjà. Ifremer etOcéanopolis ont travaillé avecl’équipedeBruceShillito (univer-sité Pierre-et-Marie-Curie), quiavait développé Ipocamp (Incuba-teurspressuriséspour l’observa-tion et la cultured’animauxmarinsprofonds). L’enjeu, cettefois, était de développerunvérita-ble aquarium,visible dupublic.

Chaqueprototype,appeléAbyss-Box,a une contenancede seizelitres. C’est peu comparé aux3,7millionsde litres des bassinsd’Océanopolis.Mais, pourvoirplus grand, les contraintes et lescoûts auraient été exponentiels.«Chacun coûte déjà100000euros», expliqueDomini-queBarthélémy, chargédupro-grammeàOcéanopolis.

Unsoinparticulier aété apportéauhublotde 15cmdediamètre (ledoubleà l’intérieur) et d’uneépais-seurde8cm. L’eauestmaintenuesouspressionparunepompeutili-séedans l’industriepourpousserdu fromageà tartiner! Pournour-rir les animaux,unsasde 1cmdediamètrea été imaginé.Despeti-tesbilles àbasede farinedepois-sonsont introduitesdans l’eau.

Micro-hublotset caméraPour le nettoyage, un filtre est

installé enpartie basse. La tempé-rature estmaintenueentre 5˚C et8˚C avec, au centre, un anneaudans lequel l’eau circule àunetempératurede 30˚C à 35˚C. Cettesimulationde source chaudeatti-re crabes et crevettes. Quatremicro-hublotspermettentd’intro-duire de la lumièrebleutéeparfibres optiques, ainsi qu’unecaméradont les images serontvisibles sur écran.

L’AbyssBox, d’unencombre-mentde 1m2, estmontée sur rou-lettes. Tous les appareillages sontvisibles à l’extérieur, ce qui per-metdemesurer la technicitédel’opération.

Les crevettes et les crabes, à ladifférencedes poissons, peuvent

connaîtredécompressionet com-pression. Ils sont résistants –maispas immortels – dansunmilieupas immortels – dansunmilieuquin’est pas celui de départ. Desquin’est pas celui de départ. Des300 crevettes ramenées en300crevettes ramenées enaoût2011, il en reste 43.Les onze crabes, préda-teurs entre eux, nesontplus que trois,heureusementde lamême taille. Ilsmontrentunmêmetaille. Ilsmontrentunmeilleur appétit qu’auparavant etmeilleur appétit qu’auparavant etles crevettes ont elles-mêmesunles crevettes ont elles-mêmesuncomportement très vif.

UnenouvellemissionduUnenouvellemissionduPourquoi-Pas?, cet été, permet-, cet été, permet-traunnouvel approvisionne-traunnouvel approvisionne-ment.«Onest audébut de quel-«On est audébut de quel-que chose, commenteDomini-commenteDomini-queBarthélémy.Mais il y aMais il y avingtans on en était auxbalbu-vingtans on en était auxbalbu-tiementspour les coraux.Aujour-tiementspour les coraux.Aujour-d’hui, on sait les reproduire.»d’hui, on sait les reproduire.»Demain, qui sait, les crevettes desDemain, qui sait, les crevettes desgrands fondspourraientprospé-grands fondspourraientprospé-rer àOcéanopolis. Jozée Sar-rer àOcéanopolis. Jozée Sar-razin, chercheuseen écolo-razin, chercheuseen écolo-gie benthiqueà Ifremer, segie benthiqueà Ifremer, seprendà imaginer depou-prendà imaginer depou-voirmontrerun jour lesgrandsvers géants emblé-grandsvers géants emblé-matiquesdes sourceshydrothermales.«Mais ce sera«Mais ce seraencoreunautre défi !»p

Desplantestouchées(parricochet)par lapollutionsonore

Exposition«Lesmystères de lamétéorite de Toulouse»Le 10avril 1812, vers 20heures, unemétéorite embrase le ciel de larégion toulousaine. Les témoinseffarés assistent à la chutedeplusieurspierres.Des fragmentssont recueillis par les paysansdanslesheures et jours qui suivent. Trèsvite, cephénomèneexceptionnelsuscite le vif intérêt des notables etdeshommesde sciences.Deuxcents ansplus tard, lemuséumdeToulouse amené l’enquête sur lephénomèneet livre le fruit de sesinvestigations.Un concoursdenouvelles est lancé.> Du10avril au 2septembre,35,allée Jules-Guesde,Toulouse.>www.museum.toulouse.fr

Colloque«Mediapolis»Ledépartement sciences, arts,culture, innovations,multimédiade l’université deVersailles -Saint-Quentin-en-Yvelinesorganiseun colloqueauPalais de ladécouverte centré sur les nouveauxmédias.Auprogramme: enquoi lesréseaux sociaux favorisent ladiffusionde la culture; quand levirtuel s’immiscedans la culture;vers unehumanité «augmentée»;lesmédias du futur.> Jeudi12 et vendredi 13avril, de9heures à 17heures, Palaisde ladécouverte,GrandPalais, Paris8e.>www.nouveauxmedias.uvsq.fr

bo t an i q u e

HervéMorinJournaliste au «Monde»

r e n d e z - v o u s SCIENCE&TECHNO

a f f a i r e d e l o g i q u e

Agendae x p o s i t i o n

Crevettes et crabesdesabyssesàOcéanopolis

Le geai buissonnier («Aphelocoma californica»), qui a pourhabitude de cacherses graines dans le sol pour plus tard, n’aimepas être exposé au tintamarre.

ROLF NUSSBAUMER/HEMIS

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Lesmarchés se trouvent auNord,les talents auSud, et la technologiepartout, telle est la formule surlaquelleGlobant.com,une société

argentinede logicielspour entreprises, aétabli sa stratégie. Et çamarche: créée, en2002, avec 5000dollars (3800euros), elleamaintenant2500employés, quatrebureauxauxEtats-Unis,unenGrande-Bre-tagneet vingt enAmérique latine.Dans salongue listede clients, elle compte certai-nesdes sociétés les plusperformantesentermesd’innovation,deGoogle àElectro-nicArts enpassantpar LinkedInet Zynga.

La recette: 90%desa facturationpro-vientduNord, alorsque80%dudévelop-pement technologiqueet artistique se faitauSud.«Lesgrandsmarchésmanquentdetalents, alors qu’il y enabeaucoupdansdes villes relativementpetites, dansdescoins inattendusoùpersonnene se préoc-cupede leurdonneruneopportunité»,expliqueGuibert Englebienne, responsa-blede la technologiede l’entreprise, danssonbureaudeBuenosAires.

Les «talents»qui intéressentM.Engle-biennesontdesignerset développeurs. Ilutilise cet alliage, indispensableàqui sesoucied’innoveraujourd’hui,dansuncontexted’innovationouvertepour évi-terde tomberdans leplus grandpiègeduB2B (business tobusiness, d’entrepriseàentreprise), le fait de s’adresser auxutilisa-teurs captifsde l’entrepriseavec laquelleonaun contrat (les clientsd’unebanquepar exemple), cequipousseà construiredes logicielsmoins robustes.

Séduire lesnouvellesgénérations«Lesnouvelles générations sontplus

autonomes,disposéesàproduireautantqu’à consommer. Ellesappartiennentàdescommunautésglobalesouvertes etdispo-sentde lameilleure technologie chez eux,ditM.Englebienne.Laplupartdes entrepri-ses considèrentqu’elles sontundéfi. Nouspoussonsnos clientsà les séduire.»

«Tousmesemployés veulentparticiperauprocessusde création», indiqueM.Englebienne.Dèsqu’unclient aunnou-

veauproblème, l’entrepriseouvreune lis-te sur laquellepeuvents’inscrire ceuxquisouhaitenty réfléchir. Plusieurs sessionsde«brain storming»ont lieu (toujoursenanglais)pourmieux«écouter l’intelligen-cedistribuéedans toute l’organisation».

«Nous sommesdans le businessdufitness, de lamise en condition,poursuit-il.Nouspermettonsànos clients, ànosemployéset auxpaysdans lesquelsnousopéronsd’être toujoursprêtspourentrerdans la compétitiond’oùémergera lemon-dededemain.» Il penseque lemondeestplusplat (au sensoù il estplusouvert) etque«les besoins sont si grandsqu’onaurarecoursaux innovationsvenantdepar-tout sansqu’externaliser soit signedemau-vaisequalité».

Ledéfi estd’accéderàunnombre suffi-santde talentspouropérer auniveaumondial. EnArgentine, commepartoutailleurs, l’éducationa cinquanteansderetard, aumoins.D’oùuneffort constantsur la formationet sur les «GlobantLabs»,qui fontde la recherche surdespro-

jets futuristes tels que robotique,biotech-nologie, réalité augmentée, jeux,etc.

Globantne s’intéressepas auxmarchésduSud,«90%de la demandemondialedeservicesnumériques sontauxEtats-Unis,enGrande-Bretagneet au Japon.Nousper-drionsnotre tempsailleurs, signaleM.Englebienne.Lesmarchésquinous inté-ressent sont ceuxdans lesquels la corrup-tionadisparu, qui reposent surune stricteméritocratieet dans lesquels la prisededécisionest rapide».Maisquandon luidemandes’il envisagede s’installer àNewYork, il répond: «Pasnécessairement. Lacomposanteculturelle compte énormé-mentdans les entreprisesqui reposent surlespersonnes. Il fautenprendre soin conti-nuellement.Nousnousefforçonsd’être tou-joursprèsdenosemployéset toujoursprèsde l’avion.»Lemondeestplat, dit-il,mais sapratique indi-quequ’il n’estpashomogène.p

TOUR DU MOND ED E L ’ I NNOVAT I ON

FrancisPisaniJournaliste et blogueur

(winch5.blog.lemonde.fr)(PHOTO : MARC CHAUMEIL)

L’ArgentinepartàlaconquêtedesEtats-Unis(etdelaGrande-Bretagne)

SCIENCE&TECHNO t e c h n o l o g i e

HervéMorin

Le navigateur Yves Parlier est aussiingénieur. Depuis quelques mois,il s’estembarquédansunenouvel-le aventure : remplacer les voiles

par des cerfs-volants, pour tracter lesbateaux – de course, de pêche ou de fret.«Il y a une motivation environnementaleet économique: les énergies fossiles s’épui-sentetellesvontdevenirdeplusenplusoné-reuses, dit-il. Les économiser peut permet-tre de gagner du temps, car la société tellequ’elle est organisée aujourd’hui ne sau-rait pas faire sans pétrole.»

Il propose donc de révolutionner lamarine grâce à des ailes volantes. L’idéen’estpasnouvelle,elleestdéjàmiseenpra-tique par une société allemande, Skysails,qui propose depuis plusieurs années descerfs-volants allant jusqu’à 320m2de sur-face, pour soulager les moteurs de porte-conteneurs ou de bateaux de pêche. Lasociété hambourgeoise amis au point unprocédédepilotaged’ailes à caissons,pro-ches de la structure des parapentes, grâce

à une nacelle qui actionne des suspentes,le tout étant relié au navire par un câbleunique. Le déploiement de ce cerf-volantnécessite l’ajout d’une grue sur le pont. Laforcedetractionmaximaleestobtenueenfaisant parcourir à la voile des «huit»

dans le ciel – onparle de vol dynamique.Pour Yves Parlier, cette solution n’est

pas optimale. «La combinaison du ventvitessedûaudéplacementdubateauet duvent météo réel donne fréquemment unvent apparent arrivant sur l’avant du

bateau, explique-t-il.Dans ces conditions,le vol dynamique exerce une partie dutemps une force qui ne concourt pas à latraction du navire. Il doit être réservé auportant, avec un vent soutenu.» De sonpoint de vue, il serait préférable de s’ap-puyersurdesailesplusgrandes,volantdefaçon statique – avec un angle constantpar rapport auvent apparent. L’enjeuserade démultiplier la surface. Yves Parlierimagineun «train» de cerfs-volants, avecunmodede lancement inédit.

Il a formé un consortium, Beyond theSea, espère lever 15millions d’eurosauprèsdel’Ademeetfaitplancherdeséco-les d’ingénieurs sur le projet. Au labora-toire d’hydrodynamique de Polytechni-que,ChristopheClanetaétéséduit:«Nousavonslancéunethèse,surdeuxvolets:quelest le dessin de l’aile optimal? Commentdéplier et replier ces structures?»

L’idée de départ est donc de mettre aupointun«mille-feuille»volantpouraddi-tionner la portance. Il faudra déterminerlameilleuredistance à respecter entre cesailes pour minimiser les turbulences. Deplus, la rigiditéde l’ensemble sera assurée

par des boudins gonflables, comme pourleskitesurfsdeloisir.«Nousvoulonsvoiràpartir de quel moment des plis se formentsur ces structures en boudin», dit Christo-pheClanet. La formedéfinitive est encoreloin d’être établie. Il réfléchitmême à desboxwings,desailesmultiplanssansextré-mité, qui auraient lemérite de retarder laformation de tourbillons. «Du point devue aéronautique, ce sujet-là est vraimentmerveilleux», s’enthousiasme-t-il.

Stephan Wrage, le fondateur de Sky-sails, se réjouit de voir un «navigateur detalent»commeYvesParlierplaider la cau-sedes cerfs-volants. Il n’est cependantpasconvaincu par l’option choisie, qu’il avaitexplorée avant de l’abandonner. «C’estvraiquelevolstatiqueprésentedesavanta-ges,note-t-il.Maismultiplierlesvoilescom-pliquera leur lancement et leur rapatrie-ment. Cela risque d’être coûteux par rap-port à la performance obtenue. » Pourl’heure,unobstacledetaillebouchel’hori-zon: la crise, qui amis le transportmariti-meàgenoux.Sasociétéabaissé lavoilure,de 80 à 40salariés, et il n’envisage pasd’embellie avantdouze àdix-huitmois.p

Argentine

LenavigateurYvesParlierparie sur lecerf-volantDenouveauxsystèmesd’ailesdetractionpourraientréduirelaconsommationencarburantdutransportmaritime

Œsophage

Estomac

Intestingrêle

Côlon

Rectum

Anus

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Des vidéocapsules pour explorer le tube digestif

SOURCES : MAYO CLINIC, GIVEN IMAGING

INFOGRAPHIE LE MONDE

Tous les étages ou presque de l’appareil digestifpeuvent désormais être explorés grâce à desvidéocapsules à usage unique, avalées commeun médicament. Les PillCam destinées à étudierl’intestin grêle sont utilisées depuisune dizaine d’années. Conçus également parla firme israélienne Given Imaging, les modèlespour visualiser le côlon sont plus récents.Ceux de deuxième génération sont équipés dedeux caméras, avec un angle de vision plus largeque les premiers prototypes. Autre innovationtechnique, le rythme de captation des imagesvarie de 4 images/seconde – quand la capsuleest immobile – à 35 images/s quand elle esten mouvement.En France, la technique est déjà proposéedans une quarantaine de centres publics ouprivés, où elle est évaluée en continu parun observatoire national. « Les vidéocapsulescoliques détectent 85 % des lésions de plusde six millimètres, précise le professeurRobert Benamouzig, chef du servicede gastro-entérologie de l’hôpital Avicenne,à Bobigny. Et leur spécificité est satisfaisante,c'est-à-dire que l’examen reste négatifen l’absence de lésion. » Mais il ne s’agitpas d’une technique de première intention.« Elle est proposée quand la coloscopie estcontre-indiquée ou a été incomplète, ou qu’elleest refusée catégoriquement par le patient »,poursuit Robert Benamouzig.La préparation (qui consiste à ingérerun liquide qui nettoie le côlon) doit être aussisoigneuse que pour une coloscopie.Des vidéocapsules œsophagiennes sontà l’étude, principalement pour surveillerl’apparition de varices digestives chezdes patients ayant une cirrhose du foie.

11 Dôme optique

22 Source lumineuse interne(diodes)

33 LentilleLes vidéocapsules de deuxièmegénération sont équipéesde deux systèmes optiques,un à chaque extrémité.Grossissement : 1,8.

44 CapteursChaque caméra a un anglede vision de 172 degrés.

66 AntenneLes images sont transmisespar un émetteur radioau récepteur, un boîtierporté à la ceinture.

77 CapsuleSa taille est équivalenteà une grosse gélule, de 31 mmsur 11 mm. Poids total : 2,89 g.

55 BatterieSon autonomie est d'unequinzaine d'heures, ce qui estsuffisant dans la majorité descas car la capsule est expulséeen huit à dix heures.

Parcours digestif

Vue interne

Yves Parlier a commencédes tests de tractionpar cerf-volant sur un «cata-kite».BEYOND THE SEA