NRP Hors Série lettre lycée novembre 2019Guillaume Apollinaire, 1880-1918 « Voilà la jeune rue...

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Sommaire Éditeur : Nathan, 25 av. P. de Coubertin 75013 Paris – Directrice de la rédaction : Catherine Gaschignard – Rédactrice en chef : Claire Beilin-Bourgeois – Directrice de la publication : Catherine Lucet – Directrice déléguée : Delphine Dourlet – Fabrication : Isabelle Guerrier – Édition : Charlotte Dordor – Édition Web : Alexandra Gui- dal – Iconographie : Clémence Grillon – Marketing/Diffusion : Anne-Sophie Arlette, Laure Millet – Impression : Imprimerie de Champagne ZI les Franchises 52200 Langres – Création de la couverture : Christophe Billoret – Création des pages intérieures : Élise Launay – Réalisation maquette : Thomas Winock – Réalisation couverture : Alinéa, 40, rue des Bas-Bourgs 28000 Chartres – Publicité et partenariats : Comdhabitude publicité, Directrice de la publicité : Clotilde Poitevin, 7 rue Émile Lacoste 19100 Brive. Tél. : 05 55 24 14 03 – Code article : 116726 – N° d’édition : 10256 540 – Dépôt légal : novembre 2019 – Commission paritaire : 0418T83012 Crédits photographiques : Couverture : Robert Delaunay, Hommage à Louis Blériot, 1913-1914, musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. BIS/Ph. Leonard de Selva. 1 : Éditions Nathan ; 4 : BIS/Coll Archives Nathan ; 5 : BIS/Coll. Archives Larbor © Adagp, Paris 2019 ; 6 : akg-images ; 7 ht : BIS/Coll. Archives Larbor ; 8 : Leemage/Photo Josse ; 11 : The British Museum, Londres-distr. RMN-Grand Palais/The Trustees of the British Museum ; 12 : Photo12/Alamy ; 15 : Leemage/De Agostini © Adagp, Paris 2019 ; 16 : RMN-Grand Palais/Thierry Le Mage © Succession Picasso Paris 2019 ; 18 et 19 : BIS/Coll. Archives Larbor ; 20 : BIS/Ph. Leonard de Selva ; 23 : BIS/Ph. Luc Joubert/Coll. Archives Bordas © ADAGP, Paris 2019 ; 25 : Leemage/Electa ; 26 : Leemage/Bridgeman Images/Christie’s Images ; 31 : Roger-Viollet/Albert Harlingue ; 35 : BIS/Ph. Archives Nathan ; 38 hg : Rue des Archives/Tallandier ; 38 bg : RMN-Grand Palais/image Centre-Pompidou, MNAM-CCI © Man Ray 2015 Trust/Adagp, Paris 2019 ; 38 d : © Man Ray 2015 Trust/ADAGP, Paris 2019-image : Telimage, Paris. Étapes Séances Fiches ALCOOLS ET L’IMPORTANCE DES HÉRITAGES POÉTIQUES 1 Guillaume Apollinaire, 1880-1918 Repères biographiques 3 2 Alcools et la poésie médiévale Repères littéraires 4 3 Contes, légendes et mythes Étude transversale 6 4 Alcools et le lyrisme poétique Repères littéraires 9 5 « Mai » / Explication linéaire 10 UNE POÉSIE MODERNE POUR UN MONDE MODERNE 6 La tour Eiffel, objet poétique Vers l’essai 12 7 La poésie de la ville / Étude transversale 14 8 Le renouveau de l’écriture poétique Repères littéraires 16 9 « Zone » / Explication linéaire 19 10 Apollinaire parmi les peintres Contexte culturel et analyse iconographique 22 1 Vers l’écriture de l’essai Filières technologiques 40 2 Vers la dissertation littéraire sur une œuvre au programme Filières générales 41 L’IVRESSE DE TOUT DIRE, DU PARTICULIER À L’UNIVERSEL 11 L’ivresse apollinienne / Étude transversale 24 12 Le vol et l’envol / Étude transversale 26 13 Du « je » autobiographique au « je » universel Vers la dissertation 28 14 « La Chanson du Mal-Aimé » Explication linéaire 30 3 Vers l’explication linéaire à l’oral Toutes filières 42 PARCOURS ASSOCIÉ : L’ÉCRITURE DU RÊVE ET LA MODERNITÉ POÉTIQUE 15 Rêver de la femme aimée : rêve et symbolisme Entraînement au commentaire 33 16 Du rêve au cauchemar : vers le poème en prose Explication linéaire 35 17 La poésie surréaliste : écrire et dessiner Histoire des arts 38 Corrigés des fiches 43 2 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ALCOOLS, DE GUILLAUME APOLLINAIRE NOVEMBRE 2019 Conformément aux dispositions sur le droit d'auteur (Code de la Propriété Intellectuelle), la reproduction et la représentation de tout ou partie de ce numéro de la NRP notamment sur les sites web contributifs, les blogs, sont strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles.

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2 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ALCOOLS, DE GUILLAUME APOLLINAIRE NOVEMBRE 2019

Sommaire

Éditeur : Nathan, 25 av. P. de Coubertin 75013 Paris – Directrice de la rédaction : Catherine Gaschignard – Rédactrice en chef : Claire Beilin-Bourgeois – Directrice de la publication : Catherine Lucet – Directrice déléguée : Delphine Dourlet – Fabrication : Isabelle Guerrier – Édition : Charlotte Dordor – Édition Web : Alexandra Gui-dal – Iconographie : Clémence Grillon – Marketing/Diffusion : Anne-Sophie Arlette, Laure Millet – Impression : Imprimerie de Champagne ZI les Franchises 52200 Langres – Création de la couverture : Christophe Billoret – Création des pages intérieures : Élise Launay – Réalisation maquette : Thomas Winock – Réalisation couverture : Alinéa, 40, rue des Bas-Bourgs 28000 Chartres – Publicité et partenariats : Comdhabitude publicité, Directrice de la publicité : Clotilde Poitevin, 7 rue Émile Lacoste 19100 Brive. Tél. : 05 55 24 14 03 – Code article : 116726 – N° d’édition : 10256 540 – Dépôt légal : novembre 2019 – Commission paritaire : 0418T83012

Crédits photographiques :

Couverture : Robert Delaunay, Hommage à Louis Blériot, 1913-1914, musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. BIS/Ph. Leonard de Selva. 1 : Éditions Nathan ; 4 : BIS/Coll Archives Nathan ; 5 : BIS/Coll. Archives Larbor © Adagp, Paris 2019 ; 6 : akg-images ; 7 ht : BIS/Coll. Archives Larbor ; 8 : Leemage/Photo Josse ; 11 : The British Museum, Londres-distr. RMN-Grand Palais/The Trustees of the British Museum ; 12 : Photo12/Alamy ; 15 : Leemage/De Agostini © Adagp, Paris 2019 ; 16 : RMN-Grand Palais/Thierry Le Mage © Succession Picasso Paris 2019 ; 18 et 19 : BIS/Coll. Archives Larbor ; 20 : BIS/Ph. Leonard de Selva ; 23 : BIS/Ph. Luc Joubert/Coll. Archives Bordas © ADAGP, Paris 2019 ; 25 : Leemage/Electa ; 26 : Leemage/Bridgeman Images/Christie’s Images ; 31 : Roger-Viollet/Albert Harlingue ; 35 : BIS/Ph. Archives Nathan ; 38 hg : Rue des Archives/Tallandier ; 38 bg : RMN-Grand Palais/image Centre-Pompidou, MNAM-CCI © Man Ray 2015 Trust/Adagp, Paris 2019 ; 38 d : © Man Ray 2015 Trust/ADAGP, Paris 2019-image : Telimage, Paris.

Étapes Séances Fiches

ALCOOLS ET L’IMPORTANCE DES HÉRITAGES POÉTIQUES

1 Guillaume Apollinaire, 1880-1918 Repères biographiques 3

2 Alcools et la poésie médiévale Repères littéraires 4

3 Contes, légendes et mythes Étude transversale 6

4 Alcools et le lyrisme poétique Repères littéraires 9

5 « Mai » / Explication linéaire 10

UNE POÉSIE MODERNE POUR UN MONDE MODERNE

6 La tour Eiffel, objet poétique Vers l’essai 12

7 La poésie de la ville / Étude transversale 14

8 Le renouveau de l’écriture poétique Repères littéraires 16

9 « Zone » / Explication linéaire 19

10 Apollinaire parmi les peintres Contexte culturel et analyse iconographique 22

1 Vers l’écriture de l’essai Filières technologiques 40

2 Vers la dissertation littéraire sur une œuvre au programme Filières générales 41

L’IVRESSE DE TOUT DIRE, DU PARTICULIER À L’UNIVERSEL

11 L’ivresse apollinienne / Étude transversale 24

12 Le vol et l’envol / Étude transversale 26

13 Du « je » autobiographique au « je » universel Vers la dissertation 28

14 « La Chanson du Mal-Aimé »

Explication linéaire 30

3 Vers l’explication linéaire à l’oral Toutes filières 42

PARCOURS ASSOCIÉ : L’ÉCRITURE DU RÊVE ET LA MODERNITÉ POÉTIQUE

15 Rêver de la femme aimée : rêve et symbolisme Entraînement au commentaire 33

16 Du rêve au cauchemar : vers le poème en prose Explication linéaire 35

17 La poésie surréaliste : écrire et dessiner Histoire des arts 38

Corrigés des fiches 43

2 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ALCOOLS, DE GUILLAUME APOLLINAIRE NOVEMBRE 2019

Conformément aux dispositions sur le droit d'auteur (Code de la Propriété Intellectuelle),la reproduction et la représentation de tout ou partie de ce numéro de la NRP notamment sur

les sites web contributifs, les blogs, sont strictement interdites et passibles de sanctions pénales et civiles.

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NOVEMBRE 2019 ALCOOLS, DE GUILLAUME APOLLINAIRE HORS-SÉRIE NRP LYCÉE 3

ALCOOLS ET L’IMPORTANCE DES HÉRITAGES POÉTIQUES Repères biographiques

Séance 1

Objectifs`` Connaître les éléments biographiques nécessaires pour

comprendre les références des poèmes d’Alcools ;`` Découvrir le milieu culturel et artistique d’Apollinaire.

Durée : 1 heure.

Guillaume Apollinaire, 1880-1918

« Voilà la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant » (« Zone »)

Cette petite enfance, Apollinaire la vit en Italie auprès de sa mère. Il n’arrive en France qu’à l’âge de six ans, à Nice. Cette demi-mondaine d’origine polonaise (le nom de naissance d’Apollinaire est Guillaume Wladimir Alexandre Apollinaire de Kostrowitzky) lui raconte que son père est un officier italien, haut gradé, dont il faut taire le nom. Nul ne sait, aujourd’hui encore, si ce récit est véritable, et Apollinaire ne connaîtra jamais son père, qu’il dessine cependant à ses heures per-dues. Il est rapidement envoyé, avec son frère Albert, au pensionnat, où il rencontre René Dalize, dont il restera proche jusqu’à sa mort. Comme il le dit dans « Zone » (« Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette / Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège », v. 28-29), ils sont tous deux « très pieux » (v. 27). Mais en 1896, une crise de foi le pousse à remettre cette croyance en question. Il accompagne sa mère à Chatou, dans la banlieue pari-sienne, en 1904. C’est le début de la vie d’artiste, puisqu’il décide trois ans plus tard de partir seul à Paris vivre de sa plume.

« J’aime l’art d’aujourd’hui parce que j’aime avant tout la lumière et tous les hommes aiment avant tout la lumière, ils ont inventé le feu. »1

Dès son arrivée à Chatou, Apollinaire rencontre Derain et Vlaminck. En 1905, il fait la rencontre de Picasso, jeune artiste encore inconnu, qu’il fréquente souvent par la suite au Bateau-Lavoir, cité de Montmartre où se réunissent tous les artistes des années 1910. Avant d’être poète, Apollinaire est donc, plus encore qu’un critique d’art, un véritable découvreur qui met en relation les peintres entre eux et tente d’attirer les regards du public sur ces œuvres nouvelles. Il va ainsi découvrir Braque, De Chirico, Delaunay, artistes devenus aujourd’hui célèbres. Les cafés et les cabarets de l’époque, à l’image des salons des siècles précédents, permettent également de mettre en rapport poètes et artistes : Au Lapin Agile, La Closerie des Lilas, le Café de Flore, sont de véritables creusets artistiques. Il y rencontre Max Jacob, Pierre Reverdy, Louis Aragon, Joan Miró, et élabore à leur contact une conception de

la poésie qui fait la part belle à l’inspiration picturale. À l’image du cubisme, la poésie s’intéresse aux notions de décomposition du réel, à l’usage symbolique de la couleur, en refusant progressivement que l’art soit imitation exacte de la nature : « Les grands poètes et les grands artistes ont pour fonction sociale de renouveler sans cesse l’apparence que revêt la nature aux yeux des hommes ».2 Cette période parisienne est également marquée par les aventures amoureuses. Après sa doulou-reuse rupture avec Annie Playden en 1904, Apollinaire vit des amours passionnées et tumultueuses avec la peintre Marie Laurencin, jusqu’en 1912, puis Louise de Coligny-Chatillon, dite Lou, pendant les années de guerre. Il entretient une correspondance avec Jeanne-Yves Blanc, sa « marraine de guerre », et Madeleine Pagès, qu’il demande en mariage. Il ne se marie cependant qu’une seule fois, avec Jacqueline Kolb, la « jolie rousse » des Calligrammes, quelques mois avant sa mort.

« Les vers de Monsieur Apollinaire lui viennent tantôt du cœur et tantôt de l’esprit. »3

En 1910, Guillaume Apollinaire dispose d’un certain nombre de poèmes écrits depuis 1898, dont peu ont été publiés dans des revues littéraires. Il a également un recueil déjà prêt, Vent du Rhin, qui regroupe les poèmes écrits à la suite de son séjour en Allemagne en 1901-1902. Eau-de-vie est donc le recueil qu’il imagine pour regrou-per cette matière poétique, avant d’en changer le titre pour Alcools en octobre 1912, alors qu’il relit les épreuves de son imprimeur. 350 exemplaires en sont vendus la première année, ce qui semble peu au regard de la postérité de ce recueil considéré comme l’avant-garde de la poésie moderne. L’entrée en guerre de la France interrompt momen-tanément l’écriture poétique : Apollinaire demande à être mobilisé et est envoyé au front en avril 1915 comme artilleur. Blessé à la tempe par un éclat d’obus, il rentre pour être soigné en 1916. Les publications reprennent : un recueil de contes, un « drame surréaliste », Les Mamelles de Tirésias, et surtout Calligrammes. Le 9 novembre 1918, Guillaume Apollinaire, affaibli par sa blessure de guerre, succombe à la grippe espagnole. Louis Aragon raconte avoir appris sa mort en recevant une courte note d’André Breton, ainsi rédigée :

« mais GuillaumeApollinairevient demourir. »4

1. Guillaume Apollinaire, Méditations esthétiques. Les peintres cubistes, Eugène Figuière & Cie éditeurs, 1913.2. Idem.3. Pierre Lièvre, « Alcools, par Guillaume Apollinaire », dans la revue Les Marges, août 1913.4. Louis Aragon, Lettres françaises, 1966.

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4 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ALCOOLS, DE GUILLAUME APOLLINAIRE NOVEMBRE 2019

➔➔ Questions1. Faites des recherches sur les principales formes fixes du

Moyen Âge.2. Relisez « Le Pont Mirabeau » et « La Chanson du Mal-Aimé »,

et repérez la présence de refrains. À quelles formes poétiques médiévales ces poèmes ressemblent-ils ?

3. Qu’est-ce que le locus amoenus dans la littérature du Moyen âge ? À quels poèmes d’Alcools ce motif particulier vous fait-il penser ?

Séance 2

Alcools et la poésie médiévale

Objectifs `` Découvrir quelques spécificités et quelques motifs

traditionnels de la poésie médiévale ;`` Comprendre la manière dont Apollinaire joue avec

ces traditions du Moyen Âge, en s’en inspirant et en les renouvelant.

Support : Alcools dans son ensemble.

Durée : 1 heure.

Repères littéraires

4. Relisez « Palais ». Où voyez-vous des réminiscences de ce motif ? Est-il cependant traité de manière sérieuse ?

➔➔ Éléments de réponseLa jeunesse d’Apollinaire est marquée par ses études. Élève très

studieux, il est rapidement fasciné par la littérature, et notamment par les œuvres du Moyen Âge – celles de François Villon en tête. À son arrivée à Paris, en 1904, il approfondit sa connaissance de la littérature médiévale en consultant pendant de longues heures les manuscrits de la bibliothèque Mazarine. Ses toutes premières publications témoignent d’ailleurs de cette passion. L’Enchanteur pourrissant, publié en 1909, se fonde sur le personnage de Merlin, tiré de la légende arthurienne du Moyen Âge. En 1911 paraît Le Bes-tiaire, livre qui mêle aux poèmes d’Apollinaire les dessins de Raoul Dufy, sans doute inspirés des premières « gravures d’animaux » de Pablo Picasso. On retrouve dans ce livre d’art la forme des bestiaires médiévaux, elle-même héritée d’ouvrages latins plus anciens.

Alcools, le souvenir des formes médiévales

Les formes poétiques médiévales sont toutes fondées sur la chanson : la poésie ne s’entend pas, en effet, en dehors d’un accom-pagnement musical. Vers la fin du Moyen Âge, de très nombreuses formes fixes apparaissent, et elles s’éloignent progressivement des formes poétiques chantées pour n’être plus que lues. Elles conservent, pour la plupart, des formes liées à la chanson, comme la présence d’un refrain, le retour de vers identiques ou l’envoi final. « Le Pont Mirabeau » est le meilleur exemple de cette inspiration médiévale dans Alcools, avec sa structure extrêmement régulière qui fait alterner des quatrains de vers hétérométriques et le retour d’un distique en guise de refrain.

Le rondeau, ainsi que sa variante rondel, comportent, comme la ballade, trois strophes au schéma de rimes complexe. Si aucun rondeau ne figure dans Alcools, on notera tout de même que plu-sieurs poèmes sont construits, à la manière de ces triolets, sur des ensembles de trois strophes. C’est par exemple le cas de « Aubade chantée à Laetare », « Les colchiques », ou encore « Clotilde », qui justement reprend le goût du Moyen Âge pour les vers courts, puisqu’il est constitué d’heptasyllabes. Le « lai » lyrique est évoqué dans « La Chanson du Mal-Aimé » (« Moi qui sais des lais pour les reines »), qui en adopte certaines caractéristiques. Cette forme au départ assez libre est constituée d’octosyllabes, vers privilégiés de ce poème qui en reprend la longueur caractéristique et la matière, puisque, comme dans les premiers lais, Apollinaire fait le récit de plusieurs contes et légendes. On retrouve enfin un refrain, dans la litanie des formes fixes de la poésie et de la chanson.

Ce sont pour finir certains jeux poétiques des textes d’Alcools qui évoquent ceux du Moyen Âge. En premier lieu, le goût médiéval des strophes à rimes identiques, que l’on retrouve dans « La blanche neige ». Les deux premières strophes jouent en effet sur des asso-nances en [iel] et [ier], et la répétition du mot « ciel » à la première

ALCOOLS ET L’IMPORTANCE DES HÉRITAGES POÉTIQUES

Manuscrit des Rondeaux de Guillaume de Machaut, xive siècle, Bibliothèque nationale de France, Paris.

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40 HORS-SÉRIE NRP LYCÉE ALCOOLS, DE GUILLAUME APOLLINAIRE NOVEMBRE 2019

Vers l’écriture de l’essai Filières technologiquesFICHE ÉLÈVE 1

La tour Eiffel, objet de controverse

Vous avez travaillé sur la façon dont la tour Eiffel est deve-nue un véritable objet poétique et artistique au début du xxe siècle. Mais on oublie souvent à quel point sa construction a été l’objet d’une controverse farouche qui a opposé pendant de nombreuses années ses partisans et ses opposants. Les extraits suivants vous permettront de déterminer les arguments des détracteurs de la tour Eiffel.

4. Relevez les antithèses dans les adjectifs employés par Maupassant pour décrire le monument. Quelle impression cela donne-t-il sur la tour Eiffel ?

5. Par quelles métaphores désigne-t-il la tour Eiffel ? Pour-quoi sont-elles péjoratives ?

6. Quel est l’argument employé par Huysmans pour dénigrer la tour Eiffel dans la première phrase ? À quels termes employés par Maupassant pouvez-vous le relier ?

7. Par quels procédés l’auteur montre-t-il son profond senti-ment de dégoût face à ce monument ?

Vers l’essai

Sujet Journaliste pour Le Temps, vous écrivez, en 1890, un

article qui défend la tour Eiffel. Vous vous inspirerez des documents étudiés dans cette fiche et au cours de la séance 6 pour construire vos arguments et les assortir d’exemples.

Objectifs`` Travailler l’argumentation à partir de courts textes

théoriques :`` Réinvestir les éléments de la séance 6 dans un texte

argumentatif personnel.

L’âme de la France, créatrice de chefs-d’œuvre, res-plendit parmi cette floraison auguste de pierre. L’Italie, l’Allemagne, les Flandres, si fières à juste titre de leur héritage artistique, ne possèdent rien qui soit compa-rable au nôtre, et de tous les coins de l’univers Paris attire les curiosités et les admirations. Allons-nous donc laisser profaner tout cela ? La ville de Paris va-t-elle donc s’associer plus longtemps aux baroques, aux mer-cantiles imaginations d’un constructeur de machines, pour s’enlaidir irréparablement et se déshonorer ? Car la tour Eiffel, dont la commerciale Amérique elle-même ne voudrait pas, c’est, n’en doutez point, le déshonneur de Paris. Chacun sent, chacun le dit, chacun s’en afflige profondément, et nous ne sommes qu’un faible écho de l’opinion universelle, si légitimement alarmée. Enfin lorsque les étrangers viendront visiter notre Exposition, ils s’écrieront, étonnés : « Quoi ? C’est cette horreur que les Français ont trouvée pour nous donner une idée de leur goût si fort vanté ? » Et ils auront raison de se moquer de nous […].

Pétition dans le journal Le Temps, 14 février 1887.

Mais je me demande ce qu’on conclura de notre génération si quelque prochaine émeute ne débou-lonne pas cette haute et maigre pyramide d’échelles de fer, squelette disgracieux et géant, dont la base semble faite pour porter un formidable monument de Cyclopes et qui avorte en un ridicule et mince profil de cheminée d’usine.

Guy de Maupassant, La Vie errante, 1890.

Cette allure d’échafaudage, cette attitude inter-rompue, assignées à un édifice maintenant complet révèlent un insens1 absolu de l’art. Que penser d’ailleurs du ferronnier qui fit badigeonner son œuvre avec du bronze Barbedienne, qui la fit comme tremper dans du jus refroidi, de viande ? — C’est en effet la couleur du veau « en Bellevue » des restaurants ; c’est la gelée sous laquelle apparaît, ainsi qu’au premier étage de la tour, la dégoûtante teinte de la graisse jaune.

Huysmans Certains, 1889.

1. Incompréhension (néologisme).

1. Pourquoi les auteurs de ce texte commencent-ils leur argumentation par un éloge de la ville de Paris ? Sur quoi cet éloge se fonde-t-il ?

2. L’aspect « mercantile » de la tour Eiffel dérange. Comment comprenez-vous l’usage de ce terme, et la comparaison de la France à la « commerciale Amérique » ?

3. Pourquoi la mention des touristes horrifiés est-elle aujourd’hui amusante ?

Texte 1

Texte 2

Texte 3

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